067t 1831 ■ 11 ■ H slai \ï.v?y tirv Tîff moi—^Bwaa BMNSHy KB3S «Y OF MEDICINE NATIONAL l I B « A * Y OF MEDICINE NATIONAL LIBRARY OF MEDICINE NATI \â a rven ivnoiivn aNOtaaw jo a. » v a g m ivnoiivn inidkhw jo aiviiii ivnoiivn inid E ■ Y OF MEDICINE NATIONAL LIBRARY OF MEDICINE NATIONAL LIBRARV OF MEDICINE NATK «Y OF MEDICINE NATIONAL l I B * A B Y OF MEDICINE NATIONAL LIBBABY OF MEDICINE NATI raan ivnoiivn iNmoiw jo A««agn ivnoiivn inoiosw to xavaaii ivnoiivn îniji raan ivnoiivn indiqiw io akyiiii ivnoiivn !noio;w jo aiviih ÎVNOIIVK 3NI3 y \ ^w l : v« lï OF MEDICINE NATIONAL LIBRARY OF MEDICINE NATIONAL LIBRARY OF MEDICINE NATI V ^s M no Z yuan ivnoiivn înidiojw do tavim ivnoiivn inijioîw do A»v»an ivnoiivn 3no k«Y OF MEDICINE NATIONAL LIBRARY OF MEDICINE NATIONAL LIBRARY OF MEDICINE NATI Z °^i SA! VBII1 IVNOIIVN iNDIflilt dO A»V»an IVNOIIVN 3NI3I03W dO A 11V » 8 I 1 IVNOIIVN 3NI3 ARY OF MEDICINE NATIONAL LIBRARY OF MEDICINE NATIONAL LIBRARY OF MEDICINE NAT RYOF MEDICINE NATIONAL LIBRARY OF MEDICINE NATIONAL LIBRARY OF MEDICINE NATI TRAITÉ DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. / f « 1 J I. I IMPRIMERIE DE FELIX LOCQUIIV, RUE NOTRE-DAME-DES-VICTOIRES , N* l6. TRAITÉ DES EXHUMATIONS JURIDIQUES, ET CONSIDERATIONS SUR LES CHANGEMENS PHYSIQUES QUE LES CADAVRES EPROUVENT EN SE POURRISSANT DANS LA TERRE, DANS L'EAU , DANS LES FOSSES d'AISANCE ET DANS LE FUMIER j PAR M. ORFILA, Professeur à la Faculté de Médecine de Paris, Membre de plusieurs Socie'te's savantes nationales et étrangères ; ET PAR SI. O. LESUEUR, Docteur en Me'decine, agrège' près la Faculté de Médecine de Paris, etc. OUVRAGE ORNÉ DE CINQ PLANCHES, DONT QUATRE COLORIÉES. BÉCHET JEUNE, LIBRAIRE DE LA FACULTE Djj MEDECINE, place de l'école de médecine, n° l\. BRUXELLES, AU DEPOT DE LA LIBRAIRIE MEDICALE FRANÇAISE, AND LONDON, A". ALEXANDRE, IMPORTER i>F FRENCH MEDICAL SCIENT1F1C AND LITERARY WORKS , 37, Great Russell street, Bloomsbury. 1831. w Sou Oeit 183» t-2 .4, ,.:'. - ; . .ac-i.i , • ' t .' ' TRAITÉ DÈS EXHUMATIONS JURIDIQUES. r ; CHAPITRE IL De la putréfaction des cadavres dans l'èau. Ici, comme pour la terre, nous ferons connaître en détail un certain nombre d'ouvertures de cadavres qui étaient restés plus ou moins de temps dans l'eau ; la des- cription de ces nécropsies sera précédée de quelques expériences qui nous ont paru proprés à éclairer la question. r** OBSERVATION I . Le 12 mars i83o, on plongea dans un grand baquet à moitié plein d'eau de Seine le cadavre d'un enfant houveau-né, âgé de sept jours, mort depuis cinquante a. i 2 TEAITÉ heures : la coloration générale était naturelle, excepté que les paupières, l'oreille droite, la partie postérieure et supérieure des cuisses, et le scrotum étaient rouges; le dos était légèrement violet; le ventre commençait à verdir,, ejt les. ongles étaient bleuâtres.; du reste, le corps offrait te volume , le poids et la» longueur ordinaires. i3 mars. La peau est d'un blanc mat; les paupières sont décollées et de couleur rosée; l'oreille droite et les autres parties que nous avons dit être rouges avant l'immersion, sont aussi beaucoup moins colorées. L'épiderme est d'un blanc mat aux membres, surtout aux mains et aux pieds, où il est déjà ridé, mais non détaché. Il existe à la partie antérieure du tronc des petites écailles épidermiques, comme on en voit chez les nouveau-nés chez lesquels la ehute du premier épi- derme n'a pas encore eu lieu. 20 mars. Le cadavre est toujours au fond de l'eau et beaucoup plus pâle; toutefois, on voit à la région épi- gastrique une plaque violette d'environ deux pouces; l'abdomen est légèrement verdâtçe; les taches des fesses et des testicules sont d'un violet plus clair qu'aupara- vant. L'épiderme de la paume des mains commence à se détacher. 24 mars. La partie supérieure de la face ? les parties latérales du col, le haut du thorax et les épaules se colorent en gris très-légèrement verdâtre, quoique le cadavre soit toujours resté au fond de l'eau ; le scrotum n'est plus que d'un blanc rosé très-clair. 26 mars. La fçsse gauche offre une coloration verdâjre. Z.J mars. Cette couleur est plus intense et. s'étend plus bas sur le côté externe de, la cuissç. La joue droite DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 3 est légèrement colorée en rose; le front et les paupières sont d'un gris verdâtre ; le9 parties latérales et infé* pieures du col sont violacées; le cadavre est toujours dans l'eau. 28 mars. L'abdomen est d'un bleu ardoisé, excepté un peu au-dessus de l'ombilic, où il est livide. Il n'y a hors de l'eau qu'une partie de la fesse gauche, et elle est d'un vert clair; cette couleur s'étend même à la cuisse correspondante ; la fesse droite qui est sous l'eau est rosée; l'épiderme se détache facilement par- tout. 3o mars. Le côté gauche de l'abdomen, la cuisse et la jambe correspondantes, sont hors de l'eau et co- lorés en vert; le côté droit et l'autre membre inférieur restent dans l'eau et ne sont point colorés ; la couleur de la partie antérieure du ventre est plus foncée. L'épi- derme se sépare partout au plus léger effort; celui des pieds ne tient pas moins que celui des autres parties. 31 mars. De larges lambeaux d'épiderme se sont déta- chés des parties latérales du ventre et du col ; l'abdo- men paraît moins coloré. 3 avril. L'épiderme flotte dans l'eau sous forme de larges plaques translucides et incolores; toutefois, les parties qui recouvraient les portions que nous avons dit être colorées en bleu, en vert, etc., offrent une teinte olivâtre. Là peau, dépouil- lée de sa cuticule, est déjà décolorée, et d'un blanc mat dans plusieurs des parties qui étaient fortement colorées avant la chute de l'épiderme; toutefois, elle est d'un bleu ardoisé et noirâtre à la partie antérieure de l'ab- domen, d'un rouge vineux sale à la tête, et d'un rouge vineux très-pâle au menton et entre les sourcils. 5 avril. Les parties qui avaient perdu leur épiderme le 3 avril, 4 TRAITE et qui étaient encore colorées, sont d'un blanc <1 ivoire. Le tissu cellulaire commence à être distendu par des gaz. 6 avriL Le col qui avait été complètement décoloré, redevient bleu, violet clair, et même rouge ; mais le cadavre est beaucoup plus ballonné, et par conséquent plus près de la surface du liquide. Le bras gauche est hors de l'eau. 8 avril. Une plus grande partie du corps est en contact avec l'air ; le tissu cellulaire sous-cutané est très emphysémateux ; la peau des membres est sou- levée, comme si elle eût été soufflée; lorsqu'on la presse on ne sent pas la crépitation ordinaire du tissu cellulaire emphysémateux. On voit sur différentes par- ties du corps des plaques jaunes là où le derme n'est pas coloré, et verdâtres dansles parties qui offrent cette teinte ; ces plaques sont de grandeur et de forme va- riables; les plus petites ressemblent à des lentilles; le plus grand diamètre des autres est à peu près d'un pouce ; elles sont entourées d'un cercle de petits points blanchâtres, durs, comme si c'était un dépôt calcaire. La couleur générale du cadavre est blanchâtre; la por- tion de l'abdomen qui était assez fortement colorée, se décolore sensiblement, quoiqu'elle soit en contact avec l'air. 9 avril. Les plaques deviennent de plus en plus nombreuses; le cadavre est plus emphysémateux; les membres abdominaux présentent encore une cer- taine résistance, tandis que dans les membres supé- rieurs il ne reste plus que quelques traces de muscles , et les os semblent à nu dans le sac formé par la peau qui les enveloppe. Dans plusieurs endroits, cette peau est corrodée, et,lorsqu'on presse dans les environs de DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 5 ces corrosions, il s'écoule une sanie d'un blanc rosé sale, qui est un reste de tissu cellulaire détruit par la putréfaction. 11 avril. De nouvelles corrosions se sont formées, et celles qui existaient sont beaucoup plus larges ; une d'elles située au niveau du bord supérieur de l'os coxal droit, est très-considérable, et donne issue à des gaz et même à des portions de viscères abdominaux ; la peau environnante est fortement plissée* En général, ces corrosions se remarquent là où il y avait des plaques, et la déchirure de la peau semble correspondre à l'au- réole calcaire que nous y avons indiquée. i3 avril. Presque tous les viscères s'échappent, sous forme de bouillie, par les déchirures que nous signalons. OBSERVATION 2e. Le 12 mars i83o, on a mis dans un grand baquet presque plein d'eau de Seine le cadavre d'un enfant nouveau-né, âgé de huit jours, et mort depuis trente- six heures; sa couleur était naturelle, excepté la partie postérieure du tronc qui était légèrement violette, l'oreille droite qui était rouge, et les ongles qui étaient bleuâtres; il y avait tout autour de l'ongle de l'indica- teur gauche une ulcération; du reste, le poids, le vo- lume et la longueur de cet enfant n'offraient rien d'extraordinaire. i3 mars. Le corps est d'un blanc mat ; les paupières et les oreilles ne sont que légèrement rosées; le dos offre à peine des traces de la couleur violette dont nous avons fait mention; l'épiderme des membres, d'un 6* TRAITS blanc mat, commence à se rider, surtout aux mains et aux pieds, mais il ne se détache pas. On remarque à la partie antérieure du tronc des petites lames blan- châtres, véritables écailles provenant du premier épi- derme qui n'est pas encore tombé. i4 mars. Le genou droit est la seule partie qui soit hors de l'eau; il offre une couleur rosée. 17 mars. Cette couleur est légèrement jaunâtre ; le ventre est un peu ballonné ; l'épiderme ne se détache qu'autour de l'ongle ulcéré. 20 mars. Le cadavre est près de la sur- face de l'eau ; il est en général de couleur blanche ti- rant sur le violet très-clair; les deux genoux font sail- lie hors de l'eau, et sont colorés en rose légèrement jaunâtre, moins intense que les jours précédens; l'épi- derme est soulevé aux mains. 24 mars. La majeure partie de l'abdomen est verdâtre et hors de l'eau depuis deux jours ; l'épiderme de la paume des mains et de la plante des pieds se déchire plus facilement. a5 mars. Les genoux, qui étaient devenus rouges par leur expo^ sition à l'air, sont complètement décolorés; la cuisse gauche est rosée; l'abdomen et même la partie infé- rieure du thorax sont verts. 26 mars. Le col et le haut du thorax offrent une teinte violette ; les paupières, le nez et les lèvres sont d'un rose jaunâtre ; lefi membres inférieurs sont également rosés, excepté à la partie an- térieure des jambes. 27 mars. Le cadavre est toujours près de la surface de l'eau, excepté l'abdomen, une partie du thorax elles genoux, qui sont à l'air. 28 npars. Le ventre, généralement vert, présente une tache ar- doiséed'environ six lignes dans son plus grand diamètre; DES EXHUMATIONS JUBIOIQUES. i le col et le thorax deviennent plus violets ; les ïnerfrbres supérieurs offrent déjà cette même teinte, mais claire. 3o mars. Le poignet gauche est hors dëlkeaù et ver^ dâtre ; on observe la même couleur au-dessus du genou droit, immédiatement à côté de la portion qui est eh contact avec l'air, et qui par conséquent est à peine couverte par le liquide ; la fece antérieure des jambes est déjà rosée. Ier avriL Lés genoux sont jaunes, pres- que desséchés ; ils ne sont jamais devenus Verts, quoi>- qu'ils aient été presque constamment à l'air. 3 avril. Le ventre et le thorax sont toujours hors de l'eau et colo- rés en Vert» Le Coi est d'un rouge violet, la face d'un ro.uge cuivré ; on voit au côté gauche de la tête une tu- meur sou6<-épïdèrmiqué produite par des gaz; les mem- bres abdominaux sont rouges, excepté les genoux ; ces diverses colorations ne dépendent pas de l'épiderme, car on peut enlever celui-ci par larges lambeaux et s'as- surer qu'il est incolore; il existe comme aux pieds tet aux mains, maïs il se détache par le moindre frottement. 4 affîîL Toutes les portiohs dépouillées d epidèrme, qui étaient rouges hier et qui sont restées dans l'éau, sont presque incolores. 5 avril. Ces portions sont d'un blanc d'ivoire; le tissu cellulaire sous-Cutané est déjà no- tablement distendu par des gaz. 8 avril. Le Vèntrè^ qui est en contact avec l'air, est plus ballonné et beaucoup moins coloré^ quoiqu'il soit encore couvert d epidèrme; la portion qui est hors de l'eàù est entourée de petits mamelons jaunâtres , mous, comme mùciîâginèux , qu'on enlève fatalement; les parties dépouillées d épi- derme, qui sont dans l'eau, continuent à être incolores; 8 TRAITÉ le bras gauche et la partie postérieure des membres ab- dominaux sont le siège de petites plaques semblables à celles que l'on a remarquées le 8 avril chez l'enfant qui fait le sujet de l'observation précédente: 9 avril. Toute la portion thoraco-abdominale qui est en contact avec l'air, est desséchée ; l'épiderme adhère encore for- tement; celui des pieds n'est pas détaché, mais il s'en- lève par,la moindre traction; les petites plaques indi- quées hier sont plus marquées ; le tissu cellulaire est moins emphysémateux que chez l'autre enfant ( V. page 4)j les membres conservent toutes leurs par- ties, en sorte que lorsqu'on les touche à travers la peau, les chairs offrent encore une résistance sen- sible. 11 avril. On remarque une corrosion au bras gauche, précisément à l'endroit où nous avons dit exister une plaque. 15 avril. Le cadavre est entier et un peu plus fyors de l'eau; toutes les parties qui jus- qu'à ce jour étaient restées dans le liquide et qui étaient blanches, se sont colorées en jaune sale légèrement ocracé, depuis qu'elles sont en contact avec l'air. La tête et les bras sont le siège d'autres corrosions, par lesquelles s'écoule une sérosité sanguinolente ; ces pertes de substance s'observent dans les endroits où il y avait eu des plaques. L'abdomen est sec, recouvert d'épiderme, coloré comme auparavant et toujours hors de l'eau ; la partie antérieure du col est hors de l'eau depuis deux jours ; aussi est-elle emphysémateuse, et de blanche qu'elle était, est-elle devenue rouge sale tirant sur le rosé. Les pieds sont encore recouverts d'épiderme qui y tient à peine. 17 avril. Les corrosions DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. Q sont beaucoup plus grandes; on en voit une très-large au côté droit du thorax, par laquelle s'échappent des débris des muscles, des côtes dénudées et une partie du pou- mon. Le lendemain, des portions des viscères du bas- ventre sortent, sous forme d'une sanie, par d'autres corrosions qui existent à l'abdomen. OBSERVATION 3C^ Le 23 mars i83o, on a mis dans de l'eau contenue dans une.grande baignoire, le cadavre d'un homme âgé de cinquante ans, mort trente heures auparavant. L'abdomen était légèrement verdâtre, le col, les par- ties latérales de la tête et le dos, offraient plusieurs plaques rougeâtres et d'un violet assez foheé. Le 25 mars, l'épiderme des mains commence à se rider, sur- tout aux doigts et à la face dorsale; il est d'un blanc bleuâtre mat à la paume des mains et à la plante des pieds, où il est couvert d'une couche d'une matière blanche, facile à enlever, et semblable à la mie de pain bouillie dans du lait. Le thorax et le bras, qui n'étaient pas colorés au moment de l'immersion du cadavre dans le liquide, commencent à prendre une teinte légèrement verdâtre. 26 mars. L'enduit détaché hier de la paume des mains et de la plante des pieds ne s'est pas reformé. 27 mars. Toutes les parties colo- rées en rouge avant de mettre le cadavre dans l'eau , sont actuellement d'un violet, clair. 28 mars. L'abdo- men est moins vert ; l'épiderme est très - légèrement soulevé aux mains et aux pieds, et ne s'enlève qu'avec IO TRAITS peine. 3o mars. Celui de la paume des mains et de la pilante des pieds, toujours d'un blanc mât, est beau- coup plus plissé et soulevé, surtout Vers les extrémités plantaires des orteils et palmaires des doigts ; celui qui recouvre lés autres parties du corps ne se soulève pas. Les ongles sont d'un gris verdâtre. On remarque à la face dorsale des mains quelques sillons verdâtres qui répondent aux veines. 31 mars. L'abdomen est à peine coloré. Ier avril. Les diverses teintes vertes et violacées sont encore moins foncées. 3 avril. Lépi- derme est plus soulevé , et s'enlève, à l'aide d'une lé- gère-pression dans les environs des articulations, à toute là /partie supérieure de la face, au crâne, aux mains et aux pieds. Il existe des taches verdâtres et violacées dans la région des sterno-cléido-mastoïdiehs et au-devant du sternum. 4 avril. Toutes les parties qui ont été dépouillées d'épiderme hier, et qui étaient colo* rées, sont d'un blanc mat. Les bras sont encore couverts d'épiderme et présentent une teinte rosée. 5 avriL L'épiderme s'enlève par lambeaux énormes aux fesses, et par plus petites portions à la partie postérieure du tronc : on voit, près de la fosse iliaque gauche, une vésicule alongée remplie d'eati, qui a pénétré entre l'épiderme et le denae, par un point où le premier de ces tissus était déchiré. L'abdomen s'est coloré de nou- veau, et il est aussi vert qu'au commencement de l'ex- périence; cependant le cadavre est toujours resté au fond de Teau. 6 avril. L'épiderme s'enlève plus facile- ment ; toutefois, il n'est pas encore détaché de la plante des pieds ni de la paume des mains, quoiqu'il soit ex- DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. I I cessivement soulevé ; plusieurs lambeaux, au contraire, sont déjà séparés de la région dorsale des mains. La jambe gauche1 est légèrement verdâtre et couverte d'é- piderme. On remarque à la partie interne des deux bras des taches d'un rouge vif, en général petites et de forme différente ; dans quelques-unes de ces taches, l'épiderme est soulevé par un fluide rougeâtre qui les colore , et que l'on peut déplacer par k phis légère pression ; vient-on à presser plus fort, l'épiderme se sépare et le liquide s'écoule ; dans quelques autres de ces taches, l'épiderme a déjà été détaché, et alors la couleur rouge sous-jacente a disparu; le derme est blanc , mais il reste souvent tout autour de ce derme blanchi une ligne circulaire, si la tache avait cette for- me rugueuse, adhérente, qui circonscrit en quelque sorte la tache qui existait auparavant. 9 avril. Le tho- rax et l'abdomen sont en grande partie dépouillés d'é- piderme, et on peut dire que partout où le derme est à nu, la couleur est d'un blanc mat ; tandis qu'aupa- ravant , lorsque l'épiderme existait, ces parties étaient colorées en violet ou en vert; toutes les portions du corps couvertes encore d'épiderme conservent au contraire une coloration manifeste. Les ongles exis- tent et sont Solidement attachés. 10 am'/.L'épidermeèst en partie séparé à la jambe gauche, qui s'est déjà déco- lorée dans toutes les parties dépouillées de cuticule. On voit quelques petites taches'd'un bleu indigo à la par- tie latérale gauche du thorax et près du téton du même côté, ainsi qu'à la partie droite du col. Le cadavre com- mence à avoir une tendance marquée à venir à la sur- \ 12 TRAITÉ face. 11 avril. Le moignon de l'épaule gauche et une petite portion du même côté du thorax font saillie hors de l'eau, et déjà l'action de l'air se fait sentir, Car ces parties sont colorées en vert-de-gris , si ce n'est le sommet de l'épaule qui est jaunâtre; tout ce qui est sous l'eau est décoloré, excepté les taches rouges et bleues dont nous avons parlé. i5 avril. Onirénou- velle l'eau de la baignoire, et pendant cette opéra- tion , d'énormes lambeaux d'épiderme qui tenaient à peine au corps, sont détachés; le derme mis à nu est d'un blanc mat, même à l'abdomen ; toutefois, la cuisse;droite et la jambe gauche sont d'un bleu clair; on remarque en outre çà et là quelques petites plaques, couleur de café au lait clair, sans dureté ni élevure. Le cadavre est un peu plus hors de l'eau, et les par- ties qui ont le contact de l'air sont plus colorées et no- tablement emphysémateuses. 17 avril. Le tissu cellu- laire sous-cutané est infiltré de gaz dans plusieurs endroits; le ventre est ballonné, et le corps tend de plus en plus à surnager; déjà la presque totalité du côté gauche du thorax et de l'abdomen sont hors du li- quide; les plaques jaunes sont plus rares. 19 avril. Le ballonnement est augmentera portion de la partie an- térieure du thorax qui a surnagé la première, est de- venue d'un gris verdâtre, et à peu près semblable, par sa consistance, à du parchemin mouillé. 21 avril. Les parties qui sont hors de l'eau sont jaunâtres, aurores ou d'un vert plus ou moins foncé ; partout où des gaz ont soulevé la peau qui est en contact avec l'air, celle- ci est desséchée. 24 avril. Le menton , le çol, le tho- DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. l3 rax , la plus grande partie de l'abdomen, .et; la partie antérieure de la cuisse gauche, sont hors de l'eau; cette cuisse est d'un bleu'très-clair; le genou est aurore, tandis que les autres partie* qui sont à l'air et qui sont desséchées, sont colorées en rouge, en brun, en noir* en vert clair ou foncé et par plaques. Toutes les por- tions du cadavre qui sont sous l'eau sont d'un blanc mat, excepté là où nous avons dit exister des taches bleues ou roussâtres. En pressant la peau des bras, des pieds et des jambes, l'empreinte des doigts reste. On voit au pli de l'aine droite une coloration violette, comme pointillée, de forme triangulaire, et large d'en- viron deux pouces vers sa base; le derme qui la forme est très-aininci, comme soulevé, et semble prêt à se dé- chirer; dans cet endroit, Ja peau commence évidem- ment à se corroder. 25 avril. La coloration des par- ties qui sOnt hors de l'eau est plus intense; l'aine droite est le siège d'une grande quantité de petites corrosions qui répondent aux divers points violets indiqués hier; quand on presse dans les environs de ces points, on fait sortir un liquide sanguinolent, et l'ouverture de la peau paraît régulière, comme si elle eût été faite avec un emporte-pièce. Les petites plaques bordées d'un cercle rougeâtre qui existaient au bras et aux épaules, n'offrent plus de traces de rougeur ; elles sont d'un jaune sale. 26 avril. Les petites corro- sions de l'aine sont réunies et forment une large ou- verture , très-régulière, dont les bords ne sont nulle- ment frangés, et au milieu de laquelle on aperçoit le tissu cellulaire qui est infiltré de sérosité sanguino- l4 TRAITÉ lente. La peau environnante est extrêmement amincie. On remarqua également à la région sacrée, près de l'épaule gauche et au bras du même côté, plusieurs excoriations d'un autre aspect que les précédentes, qui ressemblent assez aux cicatrices des ulcérations va- rioleuses, et qui ne s'étendent pas à toute l'épaisseur du derme; celoi-ei n'est ni soulevé ni coloré ; elles sont arrondies ou ovalaires, et les plus largqs ont trois ou quatre lignes de diamètre* $?< avril. Les parues qui sont hors de l'eau brunissent déplus en plus; Jes autres sont comme les joui», préoédèns, si ce n'est que la euisse droite est le siège d'une multitude de petites taches pointillées de violet, et qui sous peu vont deve- nir des corrosions semblables à celles du pli de l'aine droite. Il existe à la partie gauche du col une large corrosion intéressant déjà tout le corps de la peau, et qui a commencé comme celles de l'aine ; on voit, aussi sept ou huit petites taches violettes de même nature , en avant de l'épaule droite, au milieu de la peau qui recouvre le grand pectoral. 28 avril. Les taches poin- tillées de la cuisse et de l'épaule droite forment au- jourd'hui de larges corrosions, offrant les mêmes ca- ractères que celles de Faine. Les autres que nous avons dit exister* au sacrum, etc., sont plus larges et plus profondes ; aussi voit-on à leur centre le tissu cellu- laire sous-cutané qui est jaunâtre, infiltré, et recouvert par les bords irréguliers et frangés de l'ouverture. DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. l5 OBSERVATION '4?. Quatre cadavres de noyés qui n'étaient restés dans l'eau qu'nne, deux ou trois heures, noffraient aucune altération à l'extérieur, même dix heures après la mort; la conteur de la peau était naturelle ; l'épiderme n'était ni déiaehé ni soulevé; les paupières étaient fermées, fa boucha béante; la langue n'avançait pas jusqu'au bord des lèvres; les doigts des mains étaient assez fortement contractés; on ne iroyait qu'une petite quantité'de vase entre les ongles des: mains et des pieds et la peau qu'ils recouvrent; if n'y avait aucun indice de putré- faction ni de tuméfaction. ( La température était à 17* ib, cenfcigr. )... '■ - Observation 5e* iA) <.|iJ< Trois cadavres de noyés qui étaient restés cinq à six jours dans l'eau furent examinés deux heures après avoir été retirés de la rivière; ils étaient à peine tumé- fiés ; la peau était de couleur naturelle partout, excepté près des genoux, où l'on voyait deux ecchymoses li- vides; les paupières, la bouche, la langue, les doigts étaient comme dans les observations précédentes ; tou- tefois, les ongles des pieds contenaient une beaucoup phisgrande quantité de vase ; l'odeur était peu désagréa- ble et différente de celle qu'exhalent les cadavres qui se décomposent à l'air. Le lendemain à midi, la face était déjà tuméfiée d'une manière sensible; les paupières su*- t6 TRAITÉ " tout étaient gonflées et d'un rouge-brun ; les lèvres offraient une couleur verdâtre; les joues étaient bru- nâtres ; la poitrine et l'abdomen étaient d'un vert sale ; les membres in étaient pas colorés. Le jour sui- vant, la tête était énormément tuméfiée;«'et verte ; le gonflement de la face surtout était remarquable ; les yeux sortaient presque entièrement des -orbites ; le corps , extrêmement ballonné, était marbré de jaune et de vert, et le système veineux superficiel se dessinait à travers ces marbrures ; les genoux étaient d'un* brun noirâtre ; la paume des mains et la plante des pieds conservaient leur couleur blanche, tandis que la face dorsale de ces parties était verdâtre ; la cou- leur du dos, sur lequel le cadavre avait été couché, était à peine altérée ; l'épiderme se détachait facilement dans plusieurs endroits, et il était séparé dans beau- coup d'autres ; l'odeur était infecté. ( La température avait varié de i6° à i8° , th. centigr., depuis que le ca- davre était exposé à l'air. ) OBSERVATION 6e. N....,âgé de quarante-cinq ans, tomba dans la Seine le ip décembre 1829 à midi; il fut retiré le lendemain à huit heures du matin, et soumis à notre examen le même jour à deux heures. Il était roide. La face était à peine gonflée, d'un rouge violet dans toute son éten- due, mais surtout aux.lèvres (i),,Xes paupières étaient (1) Nous apprîmes par les personnes qui avaient retiré le cadavre de l'eau , que ïa fade était pâle au moment où on le sortit de Teau. DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. IJ fermées avec force, l'œil plein et brillant. La bouche était entr'ouverte, et laissait sortir une assez grande quantité d'eau. La langue de couleur naturelle ne sortait pas de la bouche. La peau des autres parties du corps était blanche et dans l'état naturel. Il est bon d'obser- ver que le cadavre ne fut déshabillé qu'à deux heures, et par conséquent que l'air extérieur n'avait agi que sur la face depuis la sortie du corps de l'eau. Le 22 décem- bre, même état de coloration et de roideur. Ouverture du cadavre le 23 a midi. La roideur est à peine sensible ; le corps n'exhale point de mauvaise odeur (la température était depuis trois jours de o° à 4 4"O0); la coloration de la peau n'a pas changé; on ne trouve point de vase dans l'interstice des ongles; à la vérité ceux-ci sont très-courts. Le cerveau est dans l'état naturel, sans injection notable; il en est de même du cervelet et des méninges. Les poumons offrent une teinte violacée , surtout à leur partie postérieure : ils sont très-crépi tans, et contiennent peu de sang; lors- qu'on les comprime, il en sort un liquide rougeâtre écu- meux; les ramifications bronchiques, jusqu'à une très- grande profondeur, renferment beaucoup d'écume aqueuse mêlée de vase, de débris de végétaux, de pe- tits morceaux de bois et autres ordures; la trachée- artère contient aussi beaucoup d'écume semblable ; la membrane muqueuse présente çà et là quelques points rouges. Le cœur est très-volumineux; le ventricule droit est rempli de sang fluide, noir. Les veines caves et jugulaires contiennent aussi beaucoup de sang noir fluide. Le diaphragme est refoulé en haut. L'estomac 2. a l8 TRAITÉ renferme environ huit onces d'un liquide aqueux , jau- nâtre, trouble ; les intestins en contiennent à peine : du reste, ces organes paraissent dans l'état natUrel, si ce n'est que l'intérieur des intestins offre çà et là quelques points rougeâtres. Le foie et la rate sont un peu gor- gés de sang. Les reins sont dans l'état naturel. La ves- sie, peu distendue, renferme à peu près deux cuille- rées à bouche d'urine presque limpide. OBSERVATION 7e. Le Ier janvier 1827, â dix heures du matin, on retira du canal Saint-Martin le cadavre d'un homme âgé de soixarite-dix ans, qui s'était noyé la nuit précédente. Examen du corps le même jour à midi. La peau est de couleur naturelle; les paupières ainsi que la bouche sont entrouvertes ; la langue, de couleur naturelle , ne dépasse pas les dents. On voit dans l'interstice des ongles des mains une certaine quantité de vase. Ou- verture du cadavre le 5 janvier à une heure. Le corps n'exhale point de mauvaise odeur; la fade n'est point tuméfiée ; la peau n'est point colorée ; on remarque seu- lement au dos quelques lividités cadavériques. (La tem- pérature avait varié dans les cinq jours précédens de o°à 5°—o°.) Les veines de la dure-mère sont injectées de sang noir. Le sinus longitudinal supérieur est gorgé de sang noir fluide. Les vaisseaux de la pie-mère sont presque dans l'état naturel. Le cerveau, de consis- tance et de couleur ordinaires, présente, lorsqu'on le coupe, plusieurs points rougeâtres dont on fait sortir DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. IO un peu de sang par une légère compression. Les ven- tricules sont vides, excepté le latéral droit, dans lequel existe une petite quantité de sérosité limpide. Le cer- velet est dans l'état naturel. Le larynx est rempli de glaçons incolores assez vo- lumineux ; on voit au commencement de la trachée-ar- tère une petite quantité de mucus rougeâtre, mêlé de quelques grains sablonneux; du reste, il n'y a aucune trace d'écume. Les poumons sont d'un brun noirâtre dans toute leur étendue; ils sont crépitans et gorgés de sang, surtout à leur partie postérieure; on ne dé_ couvre dans leur substance ni vase, ni aucune matière terreuse. Le cœur contient, surtout dans le ventricule droit et dans l'oreillette du même côté, une certaine quantité de sang noir fluide. L'aorte et la veine cave des- cendante renferment aussi du sang noir fluide en assez grande proportion. Le diaphragme est refoulé en haut. On trouve dans l'estomac une livre environ d'une bouillie claire, livide, évidemment composée d'eau, de vin et d'alimens à demi digérés; sa tunique péritonéale est marbrée de rouge ; sa membrane muqueuse est rouge et ulcérée dans beaucoup de points. Les intestins, d'un * rouge violacé à l'extérieur, contiennent des matières fécales molles. La rate est dans l'état naturel. Le foie et les reins, de couleur foncée, renferment plus de sang qu'à l'ordinaue. La vessie est distendue par environ huit onces d'urine aqueuse, d'un blanc légèrement jaunâtre. 2. 20 TRAITÉ OBSERVATION 8C. Le 18 janvier 1827, à 4 heures de l'après-midi, on a retiré des eaux du canal Saint-Martin le ca- davre d'un homme inconnu, âgé d'environ soixante- cinq ans, d'une forte constitution ; tout semblait annoncer que la submersion avait eu lieu peu de temps avant. Le corps n'offrait aucune trace de lésion extérieure ; la couleur de la peau était naturelle, les paupières étaient entrouvertes, la face n'était point tuméfiée, la bouche était légèrement béante ; la langue, de couleur et de volume ordinaires, dépassait un peu les dents, et était un peu serrée par les incisives moyennes supérieures et inférieures ; on voyait un peu de vase dans l'interstice des ongles des mains et des pieds. Ou- verture du cadavre le 22 jnnvier. Le cadavre n'exhale point de mauvaise odeur ; la peau n'est ni colorée ni tuméfiée ; on remarque seulement quelques lividités cadavériques au dos et aux fesses. (La température a varié depuis le 18 janvier de o° à 3°— o°.) Les veines de la dure-mère et celles qui rampent à la surface externe du cerveau sont légèrement injectées de sang noir liquide. Le cerveau et le cervelet sont de couleur et de consistance naturelles; les ventricules ne sont le siège d aucun épanchement; on ne remarque point d'injection des vaisseaux qui se distribuent dans l'in- térieur du cerveau. La trachée-artère et les bronches contiennent une quantité notable d'un liquide aqueux jaunâtre, mêlé de grumeaux blanchâtres, peu consis- DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 21 tans, semblables à des alimens gras mal digérés ; du reste , on ne voit aucune trace d'écume ; la membrane muqueuse de ces organes paraît dans l'état naturel. Les poumons, fortement adhérens à la plèvre costale, n'étaient point gorgés de sang ; ils étaient crépitans, de couleur naturelle, et n'offraient aucune trace de vase, ni de la matière grumeleuse qui existait dans la trachée-artère et dans les bronches. Le cœur, très- volumineux, contenait une quantité notable de sang noir, fluide, dans toutes ses cavités. Le diaphragme n était pas refoulé en bas. L'estomac renfermait quel- ques morceaux de viande, une matière chymeuse et une assez grande quantité d'un liquide jaunâtre gru- meleux , semblable à celui que l'on avait déjà trouvé dans la trachée-artère et dans les bronches. Les in- testins grêles étaient distendus par de l'eau mêlée d'excrémens liquides jaunâtres; la membrane séreuse du canal intestinal était rougeâtre, comme injectée, tandis que la membrane muqueuse était saine. L'es- tomac, la rate, les reins et la vessie étaient sains ; ce dernier organe contenait une cuillerée à bouche d'il* rine jaunâtre et trouble. Il y avait du sang fluide et noir dans les gros troncs veineux et artériels, mais surtout dans les premiers. OBSERVATION 9e. N***, âgé de 24 ans, est tombé dans l'eau de la Seine, le 23 janvier 1827, à une heure de l'après-midi, et en a été retiré vingt minutes après. Ouverture du cadavre 22 TRAITÉ faite le surlendemain à midi. ( La température de l'at- mosphère avait varié pendant ces trois jours de o° à 4°__0°. ) La face est pâle, les paupières sont rappro- chées, les yeux sont pleins, l'humeur aqueuse est légèrement opaque ; les lèvres sont écartées l'une de l'autre; leur bord libre est d'un rouge assez vif; les ar- cades dentaires, rapprochées postérieurement, ne sont séparées à leur partie antérieure que par la langue qu'elles serrent assez fortement, et qui dépasse les dents de quelques lignes ; du reste, cet organe est dans l'état naturel. La peau et la partie postérieure du tronc et des membres, surtout celle des membres abdominaux, est d'un rouge violet ; on remarque sur les parties la- térales du tronc des plaques larges comme la paume de la main, de couleur violacée; enfin la partie anté- rieure du thorax est le siège d'un assez grand nombre de taches de la largeur d'une pièce de vingt sous, d'un rouge violet ; les intervalles qui les séparent sont pâles et de couleur naturelle ; on trouve aussi quelques taches semblables à l'abdomen. Les vaisseaux de la dure-mère sont gorgés de sang noir fluide ; les sinus longitudinal et latéraux renferment une assez grande quantité du même liquide; les veines arachnoïdiennes en contiennent à peine. La couleur et la consistance du cerveau et du cervelet n'offrent rien d'extraordi- naire; les ventricules sont vides ; mais lorsqu'on coupe le cerveau par tranches horizontales, on voit un très- grand nombre de petits points rougeâtres dans la substance blanche, et par la compression, on en fait sortir du sang noir fluide. DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 23 Le cœur, peu volumineux, renferme du sang noir dans les deux ventricules. Le larynx noffre rien de remarquable, si ce n'est que sa membrane muqueuse est d'un rouge violet; cette couleur s'étend à toute la membrane interne de la trachée-artère ; on voit au commencement de ce conduit aérien deux morceaux de chou; près de la division des bronches on ren- contre une assez grande quantité d'un liquide aqueux qui ne devient écumeux que lorsqu'on comprime le poumon. La bronche droite renferme un assez grand nombre de fragmens d'alimens ( choux, pain ), et de l'eau qui ne devient écumeuse aussi qu'en compri- mant le poumon ; la membrane muqueuse qui la revêt est d'un rouge violet; la bronche gauche contient aussi de l'eau et des matières alimentaires, mais en quantité moins notable. Les poumons sont un peu adhérens à la plèvre costale ; quand on veut détacher ces adhé- rences , il sort un peu d'écume par la bouche ; ils sont moins crépitans et d'une couleur plus foncée que dans l'état naturel : lorsqu'on les incise et qu'on les com- prime, il s'en écoule un peu de sang noir fluide, et il se forme aussi une écume rosée. Le diaphragme est lé- gèrement refoulé en haut. L'estomac, très-dilaté, renferme une grande quan- tité de liquide mêlé à des alimens non digérés (choux et pain). Les intestins contiennent des matières molles. Le foie est gorgé de sang noir fluide, qui s'écoule en grande quantité lorsqu'on incise cet organe. La rate et les reins.sont à peu près dans l'état naturel. La vessie, tomme rétractée, renferme environ une cuillerée et, 24 TRAITÉ demie à bouche d'urine opaline trouble. La veine cave contient une grande quantité de sang noir fluide: l'aorte abdominale et les iliaques en renferment égale- ment, mais en moindre quantité (i). OBSERVATION IOe. Le 20 juillet 1770, on trouva sur la route de Cour- celles à Dijon le cadavre d'un homme inconnu; il était couché de son long, aplat, sur la face antérieure du corps, ayant la tête tournée du côté de la ville, les mains élevées vers les côtés de la tête, appuyées par les paumes sur le terrain, et le visage, jusque près les oreilles, plongé dans une large et profonde ornière remplie d'eau bourbeuse et blanchâtre. Tout portait à croire que la mort du sujet datait au plus de vingt- quatre heures. La face était légèrement tuméfiée et livide. Cette couleur était bornée à l'épaisseur de la peau. Les yeux étaient saillans, les pupilles resserrées; il sortait par les narines, surtout en comprimant la paroi antérieure de (1) La présence des alimens dans la trachée-artère des in- dividus qui font le sujet de celte observation et de celle qui précède, ne tiendrait-elle pas aux efforts de vomissement dé- terminés par l'impression de l'eau très-froide sur l'épigastre, au moment où la digestion stomacale était à peine commen- cée? Il serait impossible d'admettre ici l'explication de ce phénomène, donnée par l'un de nous à la page 240 du tome 2e de la Médecine légale^* édition ), puisque les cadavres n'of- fraient aucun indice de putréfaction. DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 25 la poitrine, une mucosité écumeuse et sanguinolente. On voyait sur la portion saillante de la joue droite une légère excoriation ou éraillement circulaire de deux centimètres de large, entièrement borné à la peau. La partie externe de la peau de toute la face antérieure du corps qui appuyait sur le sol, était d'une couleur livide violacée. Les organes contenus dans le crâne étaient dans l'état naturel ; seulement les vais- seaux sanguins du cerveau étaient gorgés de sang. Les poumons étaient gonflés, de couleur brune, plus foncés sur leur face antérieure que dans leurs autres parties ; la trachée-artère et les bronches contenaient un fluide muqueux, écumeux, dont on augmentait la quantité en comprimant les poumons. Le cœur était gros et mou ; le sang contenu dans ses cavités droites, ainsi que dans les grandes veines, était noir et entiè- rement fluide. Les cavités nasales et l'arrière-bouche étaient remplies de mucosités écumeuses, sanguino: lentes, mêlées à quelques molécules terreuses blan- châtres , de la même nature que l'eau bourbeuse de l'ornière dans laquelle la face était plongée. Tous les organes de l'abdomen affectaient la disposition qui leur est propre (i) ; seulement l'estomac était très-dis- tendu par une grande quantité de fluide rougeâtre, d'une odeur a.cescente, fortement vineuse > et par di- verses substances alimentaires encore reconnaissables ; la membrane muqueuse de ce viscère était dans l'état f i) Ce qui tend à faire croire que le diaphragme n'était pas refoulé en bas. ag TRAITÉ naturel. — Il ne fut pas difficile de conclure que cet homme était tombé dans l'ornière, étant dans un état d'ivresse, et que n'ayant pu se relever, il avait péri suffoqué par défaut de respiration. ( Ghaussier.) OBSERVATION II6. Une femme âgée de trente ans, noyée le lundi 21 mai 1821, fut retirée de l'eau le surlendemain, et ou- verte le 26 du même mois. Examen du cadavre. On remarque quelques bles- sures assez légères sur le front, et quelques ecchy- moses au-dessus des sourcils; l'œil est parfaitement fermé; la pupille dans un état de dilatation ordinaire ; la face est encore incolore; la langue ne sort pas de la bouche ; il n'y a pas d'écorchures aux mains ni aux doigts; on trouve du sable et de la vase dans le creux de la main et entre les ongles et la peau dés doigts. Ouverture du crâne. A l'ouverture du crâne, le sang qui s'est écoulé était assez fluide ; le corps calleux a paru dans son état naturel. Les vaisseaux veineux de la dure-mère et de l'arachnoïde étaient injectés. Les ventricules latéraux renfermaient environ une petite cuillerée de sérosité sanguinolente; les plexus cho- roïdes étaient injectés ; les veines de Galien étaient gor- gées de sang ; les substances corticale et médullaire étaient à peu près dans l'état naturel ; leurs petits vais- seaux étaient plus injectés. Ouverture du thorax. Les poumons étaient volumi- neux et crépitans (plus livides à leur partie posté- DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 2J rieure ) ; le sang des veines pulmonaires et des autres veines était noir et fluide. On a trouvé un mucus rou- geâtre, et une petite quantité d'écume dans la tra- chée-artère ; la bronche droite contenait une plus grande quantité d'écume ; le mucus rougeâtre com- muniquait sa couleur à la membrane muqueuse de la trachée-artère; aussi, en enlevant ce mucus, la mem- brane paraissait avec sa couleur naturelle : par la pres- sion, on faisait sortir de l'air du poumon. La trachée- artère et les bronches ne renfermaient ni eau ni vase. Le cœur contenait du sang noir fluide ; il y en avait beaucoup plus dans le ventricule droit que dans le gauche, qui en renfermait à peine. Le sang aortique était très-fluide et noir. Ouverture de Vabdomen. L'estomac contenait une quantité peu considérable de liquide ( cinq ou six onces environ ); les intestins renfermaient une grande quan- tité du même liquide. OBSERVATION 12*. Le mardi 17 avril 1827, on a retiré de la Seine le cadavre d'un commissionnaire âgé de quarante-cinq ans, qui y était depuis la veille. Le 20, à huit heures du matin, il présentait l'état suivant ( la température avait varié pendant ces trois jours de 11° à i4° + o° ): il n'exhalait aucune odeur désagréable ; la peau était de couleur naturelle, excepté à la région frontale droite, au nez, à la commissure droite des lèvres, à la partie gauche et inférieure de la poitrine, près du genou 28 TRAITÉ gauche, et au niveaudu bord antérieur du tibia du même côté, où l'on voyait des plaques colorées, d'une largeur variable, mais qui ne dépassaient pas celle d'un écu de six francs. Parmi ces plaques, les trois premières et la dernière étaient de véritables contusions , ou des plaies contuses avec épanchement de sang dans le tissu cel- lulaire sous-cutané correspondant; la plus remarquable était celle qui occupait le bord antérieur du nez, où il y avait dénudation des os et de la partie supérieure du cartilage. Les deux autres plaques, de couleur jaune et brunâtre, étaient le résultat de la dessiccation de la peau qui avait été dépouillée d'épiderme. Quoique la peau du col et de la région massétérienne droite ne présentât aucune coloration insolite, si ce n'est une légère tache brune à droite, un peu au-dessus de l'angle de l'os maxillaire inférieur, tache qui était aussi le ré- sultat de la dessiccation de la peau, on a trouvé des ecchymoses profondes et considérables derrière la cla- vicule droite, au niveau du corps thyroïde, mais sur- tout dans l'épaisseur du muscle masséter droit, qui était en quelque sorte le siège d'une tumeur sanguine (i). (i) Tous les renseignemens recueillis sur cet individu por- tent à croire qu'il s'est suicidé, et que les contusions et les ecchymoses dont nous venons de parler, peuvent bien être le résultat d'une ou de plusieurs chutes qu'il aura faites avant de tomber dans la rivière; la quantité de vin trouvée dans l'es- tomac semble annoncer en effet que cet homme pouvait être dans un état d'ivresse lorsqu'il est entré dans l'eau ; mais il faut l'avouer, ces lésions stmt assez graves, et de nature telle qu'il ne serait pas impossible qu'elles eussent été produites pa r des coups reçus dans une rixe. DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 2Q Les paupières et la bouche étaient fermées; la langue ne dépassait pas les lèvres , quoiqu'elle fût légèrement serrée par les dents. La face n'était pas tuméfiée. Le ca- davre n'offrait plus de traces de roideur. Ouverture. La peau du crâne, le périoste et la dure- mère étaient dans l'état naturel. Les veines de la pie- mère étaient presque vides. Le cerveau, de couleur et de consistance ordinaires, présentait à la partie qui correspondait à la contusion de la région frontale, une légère teinte rosée ; une coloration semblable se remar- quait à la partie postérieure du même côté. Il y avait dans les ventricules latéraux et dans le canal rachidien une quantité assez notable de sérosité. Le cervelet était dans l'état naturel. Le diaphragme était refoulé en haut jusqu'au niveau de la sixième côte sternale. Le larynx, la trachée-artère et les bronches, dans l'état normal, n'offraient point d'écume; la trachée-artère renfermait une matière pul- peuse, grisâtre, mêlée de points rouges, sans gravier, et une petite quantité de liquide aqueux. Les poumons, d'une couleur ardoisée naturelle, libres d'adhérence, étaient très-crépitans et ne s'affaissaient point par l'ac- tion de l'air ; ils contenaient du sang fluide, sans en être gorgés; lorsqu'on les pressait il en sortait du sang écumeux. On voyait dans chacune des cavités des plè- vres environ trois onces de sérosité sanguinolente. Le péricarde et le cœur étaient dans l'état naturel ; il n'y avait qu'une petite quantité de sang liquide dans l'oreillette et le ventricule droits. L'aorte était vide et de couleur naturelle. La veine cave inférieure con- 3o TRAITÉ tenait un peu de sang fluide; ses parois n'étaient pas rouges. Le foie, la rate, le pancréas, les reins, les uretères et la vessie étaient dans l'état normal; il y avait dans ce dernier organe environ trois onces d'urine. La vési- cule du fiel renfermait de la bile rougeâtre. L'estomac, de couleur naturelle à l'extérieur, non distendu, con- tenait une quantité ordinaire d'une matière grisâtre, pulpeuse, comme chymeuse, semblable à celle qui exis- tait dans la trachée; cette matière nageait dans un li- quide vineux rougeâtre ; la membrane muqueuse de ce viscère était rosée dans toute son étendue, ce qui pa- raissait tenir à ce que l'individu était mort pendant la digestion. Le pharynx renfermait aussi une grande quan- tité de matière pulpeuse, grisâtre, semblable à la pré- cédente. Le duodénum et le jéjunum paraissaient sains ; le dernier de ces intestins contenait beaucoup de li- quide blanchâtre épais. L'iléon et les gros intestins étaientle siège d'une inflammation évidente.; leur mem- brane interne était d'un rouge vif; on voyait dans une partie de leur étendue un liquide gluant, rougeâtre , ayant l'aspect de gelée de groseilles ; la partie inférieure du rectum était distendue par une matière fluide bour- beuse. OBSERVATION l3e. I Le n avril 1827, dans la matinée, on a retiré de la Seine le cadavre d'un homme athlétique, âgé de vingt- cinq ans, qui s'y était jeté huit jours auparavant. Exa- DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 3l miné deux heures après, il était de couleur naturelle et nullement gonflé, excepté la face, qui était légè- rement tuméfiée et d'un rouge foncé. Le i3,à onze heures du matin, la peau du crâne est d'un brun ver- dâtre; la face est très-tuméfiée, d'un vert foncé et d'un rouge ocracé foncé par parties; les lèvres déformées sont très-tuméfiées, et laissent entre elles un espace de quelques lignes ; la langue dépasse les dents de trois à quatre lignes ; le nez est d'un vert foncé; les paupières sont fermées et très-tuméfiées; en les séparant, on voit les yeux pleins, humides et peu saillans. La peau du col est d'un vert bouteille, excepté à sa partie antérieure et moyenne, qui est d'un rouge assez intense, et qui est dépourvue d'épiderme. Le tho- rax est d'un vert un peu moins foncé que le col ; on y voit des lignes violacées qui suivent la direction des vaisseaux sous-cutanés; cette teinte verte est d'autant moins marquée, qu'on s'approche davantage de la ré- gion hypogastrique, dont la peau n'offre guère qu'une couleur blanche verdâtre ; on remarque sur les flancs et sur les parties latérales du thorax des plaques d'un rouge brun peu intense. Toutle tronc est emphyséma- teux. Les membres thoraciques, d'un blanc verdâtre, sont également emphysémateux et sillonnés de lignes vertes qui suivent la direction des veines sous-cuta- nées; quelques-unes de leurs parties sont dépouillées d'épiderme. Les cuisses ont à peu près la couleur natu- relle; la droite, privée d'épiderme dans son tiers infé- rieur et antérieur, offre une couleur jaune d'ocre sale, résultat de la dessiccation de la peau ; l'épiderme de la 32 TRAITÉ cuisse gauche est enlevé dans toute sa face interne. Les jambes, de couleur à peu près naturelle, offrent çà et là des taches verdâtres et rougeâtres remarquables, surtout à la partie supérieure et antérieure et à la mal- léole interne. Les pieds sont pourvus d'épiderme. Le scrotum est excessivement distendu par des gaz. ( La température avait varié depuis le x i, de 10 à 200 -f- o° th. centigr. ) Ouverture. Le tissu cellulaire du crâne est infiltré d'un liquide rouge assez clair,beaucoup plus abondant à la partie postérieure , où il est d'un rouge foncé et fétide; lorsqu'on le sépare des parties voisines, il s'en dégage des gaz fétides. Le périoste ne se détache pas facilement Les muscles temporaux sont assez résistans, d'un rouge violacé peu foncé et infiltrés de liquide, mais non macérés. En enlevant les os du crâne, on dé- chire le sinus longitudinal supérieur, et il s'en écoule une assez grande quantité de sang fluide noir. La dure- mère offre une teinte à peine violacée, si ce n'est le long du sinus longitudinal, où elle est plus pronon- cée; du reste, elle n'est pas soulevée par des gaz. L'arach- noïde et la pie-mère ne sont pas colorées; on remarque seulement des stries rouges qui correspondent aux vaisseaux ; plusieurs ramifications de ces vaisseaux con- tiennent du sang noir foncé. L'extérieur du cerveau est d'un gris légèrement verdâtre ; il en est de même de toute l'épaisseur de la substance corticale; la partie mé- dullaire est blanche à peu près comme dans l'état na- turel , et n'est le siège d'aucune injection vasculaire ; il n'y a point de sérosité dans les ventricules cérébraux; DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 33 la consistance de cet organe est à peu près comme dans l'état normal. Le cervelet, beaucoup moins consistant que le cerveau , offre aussi moins de blancheur dans sa partie médullaire. En coupant les sinus latéraux, il s'écoule une assez grande quantité de sang noir fluide mêlé de quelques caillots peu consistans et de beaucoup de gaz. La cavité des plèvres contient de l'un et l'autre côté, mais surtout à gauche , quelques onces d'un liquide rouge foncé. Les poumons sont adhérens sur plusieurs points à la plèvre costale droite ; ils sont libres à gau- che; leur couleur est rouge, marbrée de brun, comme dans l'état naturel ; leur volume est ordinaire ; ils sont très-crépitans , et beaucoup moins mous que ceux des cadavres qui sont restés long-temps dans l'eau ; lors* qnon les comprime , il s'en écoule des gaz et un liquide sanguinolent : on ne voit sur aucun point de leur sur- face que la plèvre soit soulevée par des gaz; leurs vais- seaux contiennent du sang noir assez épais. Le larynx, la trachée-artère et les bronches ne renferment ni vase, ni écume, ni aucune autre matière ; leur membrane in- terne est d'un rouge violacé. Le péricarde, distendu par des gaz, contient environ une once d'un liquide sanguinolent. Le cœur, dont la consistance est normale, n'offre point de sang dans ses cavités gauches, tandis qu'il y a. un caillot peu consistant dans le ventricule droit ; la face interne de ce ventricule est de couleur lie de vin très-clair; la couleur de la surface interne du ventricule gauche est naturelle. Le diaphragme est refoulé en haut. 34 TRAITÉ Le tissu cellulaire des parois de l'abdomen est d'un jaune verdâtre. Les muscles sont rouges. La cavité du péritoine renferme beaucoup de gaz et fort peu.d'un liquide rouge peu foncé. L'estomac est distendu par des gaz; sa membrane séreuse , généralement peu co- lorée , offre cependant çà et là quelques plaques jau- nâtres, rougeâtres et violettes : il est légèrement emphy- sémateux dans toute l'étendue de sa face antérieure ; il ne renferme qu'une petite quantité d'un liquide vineux mêlé de quelques portions d'alimens; sa membrane muqueuse, diversement colorée , est jaune, rosée , rouge et violette par plaques; il y a un emphysème sous-muqueux considérable. Les intestins sont affaissés; les grêles, de couleur naturelle, offrent dans certains points des ramifications vasculaires injectées, et dans d'autres un emphysème sous-péritonéal assez mar- qué ; le colon est verdâtre, le rectum de couleur ordinaire. La tunique interne du canal intestinal est dans l'état normal; on trouve des matières fécales molles, verdâtres, dans le colon et dans le rectum. L'ëpiploon ne présenté rien de remarquable, hejoie contient une assez grande quantité de sang fluide mêlé de gaz; il offre la couleur et la consistance ordinaires; on distingue dans beaucoup d'endroits la substance jaune qui entre dans sa composition. La vésicule bi- liaire, d'un jaune orangé foncé, renferme de la bile de même couleur. Le pancréas est un peu plus rou- geâtre que dans l'état naturel. La rate, d'un vert foncé à l'extérieur, lie de vin foncée à l'intérieur, est très- emphysémateuse, se déchire assez facilement, et cou- DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 35 tient une assez grande quantité de liquide d'un violet foncé. Les reins sont à peu près dans l'état naturel; toutefois, leur couleur tire un peu plus sur le violet, et lorsqu'on les presse il en sort un liquide semblable à l'huile. Les uretères sont d'un violet clair. La vessie, non contractée sur elle-même, est vide et dans l'état naturel. Les vaisseaux veineux contiennent en général une assez grande quantité de sang, moitié fluide, moitié coagulé; mais les caillots sont peu consistans : on voit à la surface de ce sang des gouttelettes d'huile. L'aorte abdominale et thoracique renferme aussi du sang, mais en (fuantité moindre; leurs parois sont rougeâtres. OBSERVATION léf- Wolf, âgé de vingt-six ans, se jeta à l'eau le premier décembre 1826; il en fut retiré le 20 du même mois dans la matinée. Examen du corps ce même jour à midi. La face est légèrement gonflée, décolorée, ex • cepté à la partie moyenne du front depuis la racine du nez jusqu'à l'implantation des cheveux, où elle pré- sente, dans une étendue de deux pouces et demi en- viron , une teinte d'un rouge ocracé ; la partie interne de chaque paupière supérieure et la partie postérieure du bord libre des lèvres offrent aussi une teinte ana- logue. Le menton et la lèvre supérieure sont les seules parties de la face recouvertes d'épiderme, et encore est-il très-ramolli et comme retenu par la barbe. Les paupières sont fermées et sans gonflement. La bouche est entrouverte; la langue est dans la bouche; elle 3. 36 TRAITÉ est de couleur naturelle et peu gonflée; les gencives sont livides ; la peau du col, dépouillée d'épiderme, est de couleur naturelle, à l'exception de quelques lé- gères marbrures rosées; celle qui recouvre les deux grands pectoraux est livide, si ce n'est près du ster- num, où elle offre une couleur rouge cerise. La partie antérieure des bras, des épaules, des cuisses, est d'un blanc tirant légèrement sur le violacé ; cette teinte est encore moins sensible dans la peau de la partie posté- rieure du corps. Les mains et les pieds sont en partie dénudés d'épiderme, qui est blanchâtre, gonflé et ra- molli; il y a de la vase entre les ongles et les doigts; le pénis et le scrotum sont dans l'état naturel; la peau est encore consistante dans les endroits où elle est à nu, car elle résiste assez lorsqu'on cherche à l'arracher avec des pinces. Le cadavre est flasque. Le 21 décembre, à onze heures (1), la peau correspondante au pectoral et au bras droit est presque entièrement décolorée; on remarque près de la clavicule gauche une plaque verdâtre ; la face et les autres parties du corps sont à peu près dans le même état. Le 23 décembre, la face est un peu plus rouge; on n'observe aucun autre chan- gement notable. Ouverture du cadavre. Le cadavre exhale à peine une odeur fétide : on voit une infiltration séro-san- guinolente considérable au-dessous des tégumens du crâne, et notamment à la partie supérieure et latérale (1) Depuis deux ou trois jours, la température variail de o° à 4° -}- o°. DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 37 gauche. \ol dure-mère est imbibée de sang, surtout dan* le trajet des vaisseaux, qui sont vides et parfaite- ment dessinés en noir par la matière colorante du sang qui y est restée attachée. Les veines de la pie-mère cérébrale sont légèrement injectées par un sang très- noir, un peu poisseux; leurs parois sont affaissées. Le cerveau ne paraît pas putréfié; sa substance grise est pulpeuse ; la substance médullaire est plus molle que dans l'état naturel, et d'un blanc tirant un peu sur le jaunâtre. Il n'y a point de sérosité dans les ventricules. On ne découvre point d'épanchement sanguin. L'arach- noïde et la pie-mère qui recouvrent la base du cer- velet sont rouges, effet de Fimbibition sanguine. Les poumons sont crépitans, non livides, et sans aucune trace d'écume ni de liquide écumeux ; celui du côté droit est adhérent à la plèvre costale ; l'autre est libre : aussi trouve-t-on dans le côté gauche de la poitrine environ une demi-livre de sérosité sanguinolente, tandis qu'il n'y en a pas à droite. Il n'y a point,d'écume dans la trachée-artère ni dans les bronches; les dernières ramifications bronchiques contiennent un peu de liquide non spumeux, rougeâtre : la membrane muqueuse de la trachée-artère et des bronches est d'un rouge brun, couleur qui tient évidemment à une imbibition sanguine postérieure à la mort. Le cœur est mou ; sa cavité droite, ainsi que les gros troncs vasculaires, sont remplis d'un sang noir peu liquide. Le diaphragme est refoulé en haut. L'abdomen contient environ dix.onces de sérosité rougeâtre. L'estomac et les intestins sont d'un rouge de vin à l'extérieur, ce qui est encore l'effet d'une im- 38 TRAITÉ bibition cadavérique. Les membranes muqueuse ei musculeuse de ces organes sont de couleur blanchâtre. L'estomac renferme environ huit onces de liquide. Le foie, de couleur et de consistance ordinaires, est assez gorgé de sang. La rate et les reins sont dans l'état naturel. La vessie contient environ trois cuillerées à bouche d'urine teinte en rouge, offrant la même cou- leur que la sérosité abdominale dont nous avons parlé. OBSERVATION iS®. N**, âgé de trente ans, d'une forte constitution, a été retiré de la Seine le 9 avril 1827 au soir : tout porte à croire qu'il était dans l'eau depuis trois semaines environ. On l'a examiné le lendemain à deux heures de l'après-midi. La face est tuméfiée, et d'un rouge d'ocre assez foncé dans presque toute son étendue; la couleur du nez est encore plus foncée ; la peau qui recouvre la mâchoire inférieure est décolorée, si ce n'est qu'oh y Voit çà et là des vergetures verdâtres. La bouche est entrouverte ; la langue, de couleur natu- relle , est serrée entre les dents ; les lèvres sont d'un vert peu foncé; les paupières, très-rapprochées l'une de l'autre, paraissent être pressées en avant par le globe de l'œil; les yeux sont pleins; la peau du «crâne est d'un rouge d'ocre. Les membres sont à peu près dans l'état naturel; seulement ils présentent quelques lignes rou- geâtres qui suivent le trajet des vaisseaux sous-cutanés. Leool, gonflé, verdâtre, offre çà et là en avant des taches d'un violet assez foncé, non circonscrites. Au Liis EXHUMATIONS JURIDiQUES. 3q milieu de la face antérieure du thorax il y a une plaque d'un rouge ocracé qui s'étend depuis la fourchette du sternum jusqu'à quatre pouces et demi au - dessous, large dé quatre pouces en haut et de deux en bas, ce qui lui donne une forme d'un triangle tronqué; à l'un des angles de ce triangle, la partie rouge est privée d'épiderme ; sur d'autres parties du thorax, on remarque des taches verdâtres qui sont d'autant plus foncées et d'autant plus larges, qu'elles sont situées plus près du col : toutes ces parties sont couvertes d'épiderme. L'ab- domen , quoique tendu, est peu volumineux; il est à peine coloré, si ce n'est vers les parties latérales, où l'on aperçoit quelques taches vertes peu considérables. Le scrotum est tuméfié ; la verge est dans un état d'érec- tion molle. L'épiderme des pieds et des mains est adhé- rent; il avait été enlevé sur différentes parties du corps, lorsque celui-ci avait été nettoyé par les garçons de la morgue. Le 12 avril, à dix heures du matin, le cadavre était bien plus tuméfié ; la face, d'un volume considé- rable , est d'un vert brun foncé dans presque toute son étendue ; il en est de même de la peau du crâne et du col. L'œil droit est très-saillant entre les paupières ; le gauche est toujours fermé. Le thorax est d'un vert plus foncé que le vert-pré ; il y a des portions de peau desséchée au niveau des muscles pectoraux. L'abdomen présente une teinte moins uniformément verte que le thorax ; les flancs sont d'une couleur plus foncée. Les membres thoraciques sont d'un vert clair dans les par- ties qui ne sont pas desséchées ; celles-ci sont d'un jaune plus ou moins foncé; on observe aussi quelques lignes 4o TRAITÉ d'un bleu foncé qui suii'ent la direction des vaisseaux. Les membres inférieurs offrent çà et là des plaques vertes ; il y a plus de parties jaunes desséchées qu'aux membres thoraciques; on remarque aussi à la partie supérieure des cuisses, et à la partie interne et infé- rieure du pied droit, des taches d'un rouge ocracé. La peau du creux des aisselles et de la portion du col sur laquelle la tête appuyait, n'est pas colorée. Le tissu cellulaire de la partie antérieure de la tête ne présente rien de remarquable ; celui de la partie pos- térieure est gorgé de sang fluide très-noir et très-fétide. Le périoste se détache avec facilité; il est d'un rouge violet postérieurement, et dans, cette partie il recouvre une certaine quantité de sang semblable au précédent. En ouvrant le crâne, il s'exhale une odeur infecte, due probablement à des gaz qui étaient situés entre la dure- mère et les os : en effet, on trouve cette membrane assez éloignée de la voûte crânienne. La dure-mère est d'un violet foncé; elle est soulevée en forme de vessie par des gaz qui se trouvent en assez grande quantité entre elle et le cerveau dans la région frontale. La surface externe du cerveau est d'un rouge brun, tandis que la couleur de la substance corticale est verte-grisâtre et celle du tissu médullaire hlanche-verdàtre ; la consis- tance de ce viscère est assez diminuée, puisqu'il coule comme une bouillie épaisse et très-fétide lorsqu'on l'abandonne à lui-même après en avoir coupé quelques lambeaux. Le cervelet, d'un vert plus foncé que le cer- veau, est encore plus mou. Le tissu cellulaire des parties antérieure et latérale DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 41 du thorax est infiltré de gaz; il en est de même.de ce- lui qui sépare les muscles de cette région. Le diaphragme est refoulé en haut jusqu'à la cinquième vraie-cote. On trouve dans la cavité des plèvres, plus à droite qu'à gauche, une certaine quantité d'un liquide rouge foncé, fétide. Le médiaslin ne présente pas l'aspect humide qui lui est propre. Les poumons, libres de toute>adh,ép rence, sont d'un rouge peu foncé à la partie posté- rieure, et verdâtres en avant; leur surface externe, surtout à la base, offre une multitude de vésicules, vé- ritables bulles formées par des gaz développés entre le tissu du poumon et la plèvre, qu'ils ont soulevée ; ils sont crépitans; lorsqu'on les presse, il en sort à peine un liquide sanguinolent, mais il se dégage assez de gaz. Le larynx, la trachée - artère et les bronches, d'un rouge violet à l'intérieur, ne contiennent aucune trace d'écume : on n'y trouve qu'une petite quantité d'un li- quide rouge semblable à celui qui existe dans la cavité des plèvres, du péritoine et dans l'estomac. Le péri- carde ne contient ni gaz ni liquide. Le cœur, flasque, n'est point desséché ; ses ventricules sont vides ; le droit est d'un rouge brun dans presque toute son épais- seur ; le gauche est d'un rouge moins foncé, et la rou- geur s'étend à peine à un quart de ligne dans le tissu charnu. La cavité du péritoine est distendue par une grande quantité de gaz fétides, ce qui augmente le volume de l'abdomen ; elle contient aussi trois ou quatre onces d'un liquide rouge, sanguinolent, d'une odeur insup- portable. La surface externe de l'estomac est d'un brun 42 TRAIiÉ violet à sa partie antérieure, et d'un rouge moins foncé en arrière; sa membrane muqueuse, d'un rouge vio* lacé, offre çà et là des plaques assez larges d'un vert noirâtre, que l'on n'enlève pas en frottant avec le scal- pel; on voit près du cardia un emphysème sous-mu- queux de peu d'étendue:ce viscère ne contient guère que trois à quatre onces d'un liquide rouge foncé, sem- blable à Celui qui existait dans la trachée-artère et dans la cavité des plèvres. Les intestins sont distendus par des gaz; ils sont d'une couleur rosée à l'extérieur, excepté le colon gauche, qui est verdâtre ; leurs tuni- ques sont emphysémateuses; lorsqu'on les incise, il en sort des gaz très-fétides ; leur membrane interne est d?un rouge violet, résultat probable de l'imbibition cadavérique. L'épiploon est légèrement verdâtre. La rate est volumineuse, distendue par des gaz, d'un vert gris foncé à l'extérieur et noirâtre à l'intérieur, facile à déchirer ; par la pression, on en fait sortir un liquide qui a la couleur du bistre lorsqu'il est étendu en cou- ches minces. Le foie offre une couleur verte plusfoncée encore que celle de la rate, surtout à l'intérieur; il est assez consistant: on ne distingue plus la substance jaune. La vésicule biliaire est emphysémateuse, et renferme de la bile assez fluide, de couleur safran foncé. La couleur des reins est un peu plus foncée que dans l'état naturel ; les diverses substances qui les composent sont assez dis- tinctes ; ils se déchirent assez facilement. Les uretères sont violets. La vessie n'est pas contractée sur elle- même et ne renferme point d'urine; sa membrane in terne est incolore et soulevée çà et là par des gaz , ce DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. ^'à qui lui donne une apparence yésiculeuse;ses vaisseaux sont pour la plupart injectés en rouge clair. Aucun des organes abdominaux n'est desséché. L'aorte est vide. La veine cave inférieure contient un peu de sang fluide; les parois de ses vaisseaux sont d'un rouge foncé. ( Du 9 au 12 avril; la température avait varié de i'4 à 20°-f- o9 th. centigr. ) OBSERVATION lÔ". X***, militaire, âgé de vingt-six ans, s'est jeté à l'eau lei*r mars 1827, et en a été retiré le 3o du même mois. Au sortir de la Seine, le cadavre, quoique légè- rement tuméfié, était pâle ; mais ayant été exposé à la morgue pendant trois jours, il n'a pas tardé à se colorer et à se gonfler. Le 2 avril, à trois heures, il offrait l'état suivant (1) : Face tuméfiée et d'un rouge brun, beaucoup plus foncé et presque noir auprès des lèvres, au nez et aux paupières; celles-ci sont fermées du côté gauche, tan- dis qu'à droite elles sont écartées par la saillie que forme le globe oculaire qui est repoussé au dehors. La langue, fortement serrée entre les dents, sort delà bouche d'en- viron deux lignes; la portion qui n'est pas en contact avec l'air conserve sa couleur naturelle, tandis que la partie qui fait saillie est brune. La peau des parties an- térieure et latérale du cou et de la poitrine est d'un (1) Pendant ces trois jours la température de l'atmosphère a varié de 7" à 160 = 0° th. centigr. 44 TRAITÉ vert foncé ; celle de l'abdomen et des membres est d'un vert plus clair ; mais, il est à remarquer que les parties postérieures du corps, qui reposent sur la pierre, les portions internes des cuisses qui sont appliquées l'une coptre l'autre, et la partie interne des bras qui touche le tronc, sont presque incolores, ce qui tient évidemr ment à ce que l'air n'a pas agi immédiatement sur ces parties. Le scrotum est tuméfié, emphysémateux et in- colore. Presque toute la surface du corps est dépouillée d'épiderme, non pas qu'il en fût ainsi quand le cadavre a été retiré de l'eau : alors l'épiderme: couvrait une grande partie de la peau ; mais il était tellement ramolli et soulevé, qu'il a été facilement détaché par les lotions quiontété faites pour nettoyer le corps. Partout où l'épi- derme manque ,les veines sous-cutanées sont parfaite- ment dessinées par la transsudation du sang au travers de leurs parois. La consistance de la peau est à peu de chose près la même que dans l'état naturel. Le tissu cellulaire sous-cutané est généralement emphysémar teux. Le tissu cellulaire des tégumens du crâne est infiltré de sérosité sanguinolente. Le périoste se détache avec la plus grande facilité, et sa face inférieure est égale- ment soulevée et colorée par de la sérosité rouge. La dure-mère du côté gauche est d'un rouge brun dans toute son étendue, tandis que de l'autre côté on n'ob- serve qu'une injection très-prononcée de l'artère mé- ningée moyenne. Le sinus longitudinal supérieur et les veines qui s'y rendent sont distendus par des gaz. On voit au-dessous de la pie-mère cérébrale du côté gauche DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 4^ une infiltration considérable de sang noir sanieux. Le cerveau est verdâtre, très-ramolli, et prêta se déchirer lorsqu'on ne le soutient pas; les deux substances qui le constituent sont très-distinctes; la blanche offre plus particulièrement l'aspect verdâtre dont nous avons parlé. Le cervelet est encore plus mou que le cerveau, dont il partage la couleur. Les muscles des parois thoraciques sont mous et se déchirent facilement; il existe des gaz entre les pou- mons et ses parois. Les cavités des plèvres renferment chacune environ six ou huit onces d'un liquide rou- geâtre , sanguinolent et fétide. Les poumons sont d'un rouge brun, peu crépitans et emphysémateux, au point que la plèvre qui les recouvre est soulevée çà et là par des gaz, et forme des vésicules de la grosseur de petites noisettes; ils contiennent peu de sang; toutefois, lors- qu'on les presse , on fait refluer un liquide rougeâtre , écumeux, et il sort d'une des bronches gros comme une petite lentille d'une matière blanche, jaunâtre, s'écrasant facilement, et ressemblant à une portion de haricot cuit. La face interne du larynx, de la trachée- artère et du commencement des bronches, est violette, parfaitement lisse, sans la moindre trace d'écume. On voit à la partie supérieure du larynx quelques par- celles de cette matière molle d'un blanc jaunâtre, que nous avons déjà signalée en petite quantité dans une des bronches. Le cœur est très-volumineux et flasque; il ne renferme point de sang ; il est d'un violet foncé à l'intérieur : cette couleur teint les parois charnues de l'organe dans l'épaisseur d'une ligne environ. L'aorte 46 TRAITÉ contient un peu de sang fluide; il y en a encore moins dans la veine cave : la membrane interne de tous les vaisseaux sanguins est d'Un rouge violet. L'abdomen est distendu par des gaz. Le diaphragme est refoulé vers la poitrine, surtout à droite, où l'on remarque entre lui et le foie une quantité notable de gaz. La rate est volumineuse, molle, remplie d'une sa- nie brunâtre liquide. Les reins, de couleur ordinaire, ont perdu un peu de leur consistance. Le foie est à peu près dans l'état naturel, si ce n'est qu'il est verdâtre à sa surface. La vésicule du fiel est blanchâtre, emphy- sémateuse , et renferme de la bile rougeâtre. L'estomac, très-ample, est distendu par des gaz ; il contient envi- ron douze onces d'une bouillie claire , au milieu de laquelle nagent des débris de haricots semblables à ceux que contenait le larynx et une des bronches ; sa membrane interne est injectée en violet. Le canal intes- tinal est rougeâtre à l'extérieur et peu injecté; il con- tient aussi des matières molles grisâtres. La vessie n'est pas affaissée sur elle-même; elle ne renferme guère qu'une cuillerée à café d'urine d'un jaune citrin;^sa membrane muqueuse est dans l'état naturel. OBSERVATION 17e. N...., âgé de cinquante ans, a été retiré de l'eau le 8 avril à huit heures du matin, trente-deux jours après s'être jeté à la rivière. On l'a examiné le lendemain à trois heures de l'après-midi (la température de l'atmosphère avait été de 11 à 18° o° th. centigr. pendant ces deux DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. fa jours ). La surface du corps était presque entièrement dépouillée d'épiderme; là où il en restait encore , on pouvait le détacher très-facilement avec la pointe d'un scalpel ou avec l'ongle. Il y avait de la vase dans l'in- terstice des ongles des mains. La face était tuméfiée; diversement colorée par plaques vertes, rouges, bru- nes; la peau du crâne était d'un rouge brun ; les veines sous^cutanées de la tête étaient distendues par des gaz et par une sanie fétide. Les paupières de l'œil droit étaient entr'ouvertes ; celles de l'autre œil étaient rap- prochées. La langue ne dépassait pas les dents et n'était pas serrée par elles. La peau du thorax et de la partie supérieure de l'abdomen était d'un vert jaunâtre; celle du bras gauche offrait çà et là des plaques d'un vert foncé et des lignes d'un brun foncé qui suivaient le tra* jet des veines sous-cutanées. Les membres inférieurs étaient moins colorés. Le scrotum était dans l'état natu- rel. Il est à remarquer que la portion de la peau du cou sur laquelle appuyait le menton, et qui n'avait pas eu le contact de l'air, n'était pas colorée; il en était de même de la peau du creux de l'aisselle. Le derme n'of- frait aucune trace de corrosion. Le tronc, mais surtout la poitrine et le cou, étaient le siège d'un emphysème considérable. Les muscles temporo-maxillaires étaient ramollis et comme imbibés.d'une sanie rougeâtre mêlée de gaz; le tissu cellulaire de la région mastoïdienne droite était également infiltré d'un liquide sanguinolent, ce qui lui donnait au premier abord un aspect gélatineux. La dure-mère de la région frontale était séparée de la por- 48 TRAITE tion correspondante du cerveau par une quantité con- sidérable de gaz, en sorte qu'il semblait y avoir là une vessie gonflée d'air, et divisée en deux parties par la faux du cerveau. Lorsqu'on incisait la méninge dans cet endroit, il en sortait une grande quantité de gaz d'une fétidité insupportable : du reste, cette membrane offrait une couleur rougeâtre. Le cerveau présentait la même nuance à l'extérieur, effet de l'imbibition ca- davérique; il était vert à l'intérieur, où l'on remarquait plusieurs petites cavités remplies de gaz; il était ra- molli; cependant les deux substances médullaire et corticale étaient bien distinctes. Le cervelet était beau- coup plus mou et de la même couleur; toutes les par- ties de l'encéphale situées à la base du crâne étaient diffluentes. Le diaphragme était refoulé en haut. Le cœur est flasque, d'un violet foncé à l'intérieur ; cette couleur teint les parois charnues de l'organe dans l'épaisseur d'une demi-ligne environ, surtout dans les cavités droites; le ventricule pulmonaire renferme une petite quantité de sang noir liquide. On voitçà et là dans le larynx et dans la trachée-artère des corpuscules blan- châtres , ressemblant au premier abord à des grains de sable, mais qu'on écrase facilement, comme si c'étaient des haricots cuits ou du fromage ramolli. On n'aperçoit aucune trace d'écume ni de liquide. La membrane in- terne qui tapisse ces organes ainsi que celle des bron- ches, est d'un rouge violet uniforme. Les poumons sont très adherens ; aussi ne trouve-t-on pas de liquide épanché à leur surface; ils offrent une couleur brune DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 49 verdâtre foncée, et sont gorgés d'un liquide sanguino- lent; lorsqu'on les presse, il en sort une assez grande quantité de sang liquide, d'un brun foncé mêlé de gaz. On ne remarque aucune vésicule gazeuse entrelaplèvre et le poumon. L'aorte, l'artère pulmonaire, les veines caves et pulmonaires, sont d'un rouge violet : on, y trouve à peine du sang fluide noir, mais il est mêlé, de beaucoup de gaz. La cavité du péritoine est considérablement diste».- due par des gaz, La face externe de l'estomac est d'un rouge cerise ; les veines coronaires sont également distendues par des gaz ; la membrane séreuse des: intes- tins offre une couleur légèrement rosée; le colon est notablement distendu par des gaz. L'estomac renferme environ six onces d'un chyme liquide,!dans lequel ort voit nager des flocons blanchâtres analogues ai ceux que contenaient le larynx et la trachée; sa membrane muqueuse est légèrement violacée, tandis que la tu- nique interne des intestins est dans l'état naturel. Le foie est d'un rouge brun uniforme; on ne peut plus distinguer la substance jaune de la brune; sa consis- tance est ordinaire. La rate est verte à l'extérieur et brune à l'intérieur ; elle ne se déchire pas plus facile- ment que dan* les cas où la mort est récente. Les reins sont d'un violet foncé; du reste, leur consistance est ordinaire, et on y distingue bien encore les diverses substances qui les forment. La vessie est distendue r et renferme environ quatre onces d'urine citrine ; sa mem - brane muqueuse est de couleur naturelle. 4 s« IRAIT». OBSERVATION l8'. P**¥, âgé de soixante ans, s'est jeté à l'eau le Ier jan- vier 1827, et en a été retiré le & avril. Il a été examiné six heures après, lors de son arrivée à la morgue. La peau était entièrement dépouillée d'épiderme; elle of- frait une teinte d'un blanc rosé au tronc, aux bras et aux cuisses, et était parsemée çà et là de plaques larges comme la main, d'un rouge assez vif; les jambes étaient colorées en bleu dyindigo dans toute leur étendue. La face, légèrement tuméfiée, était d'un blanc grisâtre, rugueuse, consistante, ayant l'aspect du gras des ca- davres, surtout au bord libre des lèvres et au menton. On ne saurait mieux comparer la couleur grise de la peau de la face et du crâne, qu'à celle de la face des cadavres qui sont restés pendant quelque temps dans une dissolution de sublimé corrosif. Les yeux étaient saillans, les paupières très-écartées et comme recro- quevillées. Le scrotum est distendu par des gaz. Il n'y a plus d'ongles. On remarque à la partie postérieure des fesses et des cuisses un assez grand nombre de corrosions de quatre à huit lignes de longueur, de deux à trois lignes de large; dans plusieurs de ces corrosions, semblables du reste à celles qui ont déjà été décrites en parlant de la putréfaction dans l'eau stagnante ( voy. page ï3 ), le derme est entièrement détruit, tandis que dans d'autres la destruction est moins avancée; la partie antérieure des cuisses est également le siège de sem- blables corrosions; mais elles sont plus petites, circu- DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 5f laires et moins nombreuses. Lorsqu'on cherche à arra- cher la peau avec des pinces dans toute autre partie que là où elle est corrodée, on s'aperçoit qu'elle ne se dé- chire pas facilement.....Le 9 avril, la face est dans le même état, si ce n'est qu'elle est un peu plus tuméfiée; la couleur bleue des jambes a presque entièrement dis- paru, et est remplacée par une nuance d'un vert sale qui existe déjà d'une manière irrégulière sur toute la surface du corps, excepté à la face, et qui alterne avec des plaques rouges. Le cadavre exhale une odeur bien plus fétide que la veille. Le 10 avril, la couleur verte est beaucoup plus foncée ; toute la surface du corps est luisante et couverte d'une matière huileuse. Le ventre est ballonné. Une sanie rougeâtre sort de la bouche. La face, quoique tuméfiée, conserve à peu près l'aspect qu'elle avait le premier jour, si ce n'est qu'elle a légè- rement bruni. Il est difficile d'imaginer une odeur plus insupportable que celle qu'exhale le corps (1). Ouverture du cadavre. Le périoste est déjà entière- ment décollé; il existe entre lui et la peau un liquide sanguinolent qui infiltre le tissu cellulaire et lui donne l'aspect d'une gelée rouge. Il n'y a point de sang entre la dure-mère et le crâne. La méninge, d'une couleur violette claire dans toute son étendue, est notablement soulevée par des gaz à la région frontale; ceux-ci se dégagent en répandant une odeur excessivement fé- tide lorsqu'on incise la membrane. La surface du cer- (i) Du 8 au 10 avril, la température a varié de 11 à i8°-+-o° th. centigrade, 4- j2 TRAITÉ veau offre une teinte rougeâtre, surtout en avant, la où les gaz étaient accumulés; la couleur, beaucoup moins foncée en arrière, laisse apercevoir la teinte grise verdâtre de la Substance cérébrale. Quoi qu'il en soit, la surface de l'encéphale n'est pas desséchée, comme cela a lieu pour d'autres organes. En coupant le cer^ veau, on le trouve très-ramolli, mais on peut distinguer les deux substances : la médullaire est d'un gris verdâ- tre , la corticale est un peu plus foncée. Le ramollisse- ment des parties inférieures de cet organe est encore plus considérable. Le cervelet est diffluent, pultacé et sous forme d'une sanie d'un gris rougeâtre. La poitrine, le col et l'abdomen sont le siège d'un emphysème considérable. Les deux cavités des plèvres renferment une quantité notable de gaz très-fétides et quelques cuillerées d'un liquide brunâtre sanguinolent, qui est un peu plus abondant à gauche; Les poumons, nullement adherens, sont peu dilatés et comme revenus sur eux-mêmes, d'un vert foncé à la surface, bruns entre les lobes, crépitans ; leur tissu ressemble à celui d'une rate ramollie; lorsqu'on les comprime, ils four- nissent des gaz et un liquide d'un rouge brun fétide. Le larynx, la trachée-artère et les bronches contiennent une assez grande quantité de corpuscules d'un blanc grisâtre, faciles à écraser, et semblables à de la ptilpe de haricots cuits. On n'y aperçoit aucune trace d'écume ni de liquide. La membrane interne qui les tapisse est d'un rouge violet uniforme. La portion du médiastin qui correspond au péricarde, le bord antérieur des poumons et une partie de la face supérieure du dia- DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 53 phrngme, n'offrent pas l'aspect humide qu'ils présentent ordinairement; ils paraissent comme desséchés. Où re- marque un état de dessiccation semblable à la surface interne du péricarde et à la surface externe du cœur, qui semblent collées : du reste, ce dernier organe est mou, facile à déchirer, d'un brun très - foncé à l'inté- rieur du ventricule droit, un peu moins coloré dans le ventricule gauche. On remarque une petite quantité de sang noir collée aux parois internes de ces ventri- cules. Le diaphragme est refoulé en haut, surtout à droite, où il est séparé du foie par des gaz fétides. Les parois abdominales sont très-épaisses, et con- tiennent beaucoup de graisse, dont les globules sont séparés par des gaz. La face interne du péritoine est desséchée et collée au grand épiploon ; il existe aussi beaucoup de gaz dans la cavité péritonéale. L'estomac est d'un rouge violet à l'extérieur ; ses parois sont em- physémateuses. La surface externe des intestins grêles est d'un rouge brun, tandis que cette couleur est moins foncée à l'extérieur des gros intestins. L'épiploori est desséchédans plusieurs points, qui offrent une couleur brune. On trouve dans l'intérieur de l'estomac trois ou quatre cuillerées seulement d'une matière pultacee gri- sâtre, dans laquelle nagent des flocons semblables à ceux que Fon a retirés du larynx, de la trachéë-ârtère et des bronches; sa membrane muqueuse est moins rouge que la séreuse, tandis que la tunique interne des intestins offre à peu près la même couleur que l'externe. Le foie est d'un rouge brun uniforme; on ne peut plus distinguer la substance jaune de la brune; il se déchire 54 TRAITÉ facilement; sa face supérieure est desséchée dans une assez grande étendue. La rate, couleur de lie de vin, est aussi très-desséchée; aussitôt qu'on cherche à la sé- parer, elle se déchire et se réduit en une sanie rougeâ- tre. Les reins sont d'un violet foncé, très-mous : on a de la peine à distinguer les diverses substances qui les composent. La vessie, non contractée sur elle-même, ne renferme qu'environ une demi-cuillerée à café d'u- rine rougeâtre; sa membrane interne, légèrement rosée, est soulevée sur plusieurs points par des gaz, ce qui constitue des vésicules de la grosseur d'une noisette. L'aorte contient à peine un atome d'un liquide rou- geâtre peu foncé. La veine cave inférieure est vide ; les parois de ces vaisseaux sont d'un brun foncé. OBSERVATION 19e. L...., noyé le 15 décembre 1826, fut retiré de la Seine le 20 avril 1827, dans la matinée, et examiné le même jour à deux heures. La peau du crâne et le périoste étaient détachés de manière à laisser voir à nu tout le coronal et la moitié des muscles temporaux qui étaient d'un blanc grisâtre ; cette peau était assez résistante; la face interne qui recouvre le périoste était d'un rouge violacé. Les parties osseuses, dépouillées, étaient d'un rouge lie de vin peu foncé, excepté aux bosses fron- tales, dont la couleur était à peu près naturelle. On re- marquait sur les portions de peau non détachée des plaques d'un rouge ocracé, et un assez grand nombre de corrosions. Les paupières existaient encore; elles DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 5S étaient écartées et comme mâchées. Les yeux étaient vides; presque toutes les parties molles du nez étaient détruites ; il en était de même de la lèvre supérieure , de sorte que l'on voyait tout le bord alvéolaire supé- rieur. La Jèvre inférieure, renversée en dehors, était amincie, comme desséchée et mâchée. La peau du menton présentait plusieurs lambeaux ; celle des joues était détruite dans rétendue d'un pouce environ, à partir de la commissure des lèvres. L'oreille gauche était en lambeaux ; on ne voyait qu'une partie du car- tilage de l'oreille droite-: en général, la pçau de la faCC était le siège de corrosions nombreuses, et offrait ça et là une nuance grise, noire et rougeâtre. Le thorax et l'abdomen étaient très-distendus par des gaz; leur cou- leur était d un vert foncé, excepté çà et là, où Fon re- marquait des taches d'un rouge brun ou d'un.{jaune verdâtre. Les membres thoraciques avaient une couleur moins foncée ; on y voyait/quelques lignes vasculaires bleuâtres. La main droite, presque blanche', était'le siège de corrosions, surtout aux environs du poignet La main gauche , grisâtre dans certaines parties , d'un rouge brun peu foncé dans d'autres, offrait à sa face dorsale une corrosion large et profonde, qui mettait à nu les tendons des extenseurs. La couleur des cuisses était jaune verdâtre; leurs parties supérieures toutefois étaient d'un vert plus intense. On remarquait sur la cuisse droite un grand nombre de corrosions en gériez rai fort larges. Les faces antérieure et externe des ge- noux étaient aussi le siège de corrosions profondes.;.la moitié externe de la rotule gauche était mise à nu. Les. 56* TRAITÉ jairçbçs étaient d'un jaune verdâtre en dehors, ôt d'un yeiîî peu foncé en dedans;la gauche présentait supérieu- rement une marque circulaire de trois lignes de large, d'un rouge>d'ocrë, où Fon voyait plusieurs corrosions; la droite offrait une cormdom dela grandeur d'un éou de. trois livres, .qui laissait voir le tibia à nu ; plus en dedans et au même niveau, il y en avait une autre moins large, mais qui occupait toute 1 épaisseur i de la peau. tifiS) pieds avaient la couleur ocracée (dont nous avons dgjà parlé; le gauche était entièrement dépouillé d epi- derme,c0t la.peau était comme desséchée : le droit con* sjçryaifi encore des ongles et une grande partie de son ^piderme; il$ n'étaient le siégé d'aucune corrosion. ,,Le lendemain à deux heures,,la face et Je «tronc é|aient dans le smêrae état ; la couleur verte des cuisses, ainsi que les diverses taches rouges, étaient plus fou- Ouverture ,du cadavre, A l'ouverture de la tête, il réchappa une grande quantité oie gaz fétides, qui étaiejit Jogésentre la dure-mère entièrement décollés, et la face interne des os qui ferment la voûte du crâne. La méninge représente une espèce de poche d'un vert foncé à;$a partie antérieure, violette en arrière, rete- nant la substance cérébraleà demiJiquéfiee, dont elle reçoit un mouvement de fluctuation quand on agite la tête du cadavre. Le cerveau ^.malgré sa diffluence, laisse encore .apercevoir une différence dans la «ak>- (1) La température avait varié pendant ces clëùx jours de io à *8° -}- o° fli. cenf. DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 5r ration de ses deux substances -.h;-corticale.est d'une couleur rouge violette à l'extérieur et ardoisée à l'inté- rieur; la médullaire est grisâtre. L'une et l'autre exha- lent une odeur insupportable*. Toutes les parties molles de la région antérieure du thorax sont imbibées d'un liquide rougeâtre mélangé avec des gaz d'une fétidité repoussante. Les muscles de cette région sont encore rouges, mais très-rambllis, (?l\ en est de même de ceux des autres parties du cofps.):J)es,3gaz se dégagent au moment où l'onouvre la.thorax et lie péricarde ;itouteSiles parties qui étaient en contact avec ces gaz paraissent avoir perdu leur hu- midité. Leco?arest mpu , flasque, d'une couleur vio- lette ; ses parois offrent la même teinte violette dans toute leur épaisseur; ses cavités sont vides, ainsi que celles des gros .vaisseaux dé la poitrine ^ dans lesquelles la couleur violette est très-marquée. ■•• ' Il n'y a pas de liquide dans àe&p&ures. Les poumons sont emphysémateux ; on'voità leur surface de grosses huilés de gaz retenues-par la,plèvre. Ces organes sont nefowlés en-haut ou en arrière filsine sont pas jgôrgés? de sang; lewr eciuleur est brune.. La trachée-artère est d'nne mollesse;extrême, ce>qni.Vient1 de ce queles«eT- qeaux cartilagineux ont entïèrernént perdu leur.élasti- cité. L'intérieur .de 'ceicondint'et;-celui du;larynx ofe frent une couleur brune t»è*ibneée■; ces parties ne renr ferment pas d écume :i deux petits graviers noirâtres ont été rencontrés dans la trachée. L'incision des parois de l'abdomen donne lieu à la sortie de gaz qui occupaient la cavité du péritoine. 58 TBAITK Celui-ci paraît, dans les points où il était en contact avec ces gaz, un peu moins humide que dans ceux où les organessont contigus les uns avec les autres. Les épiploons sont noirâtres. La portion de péritoine qui re- vêt la face supérieure de l'estomac est soulevée par des gaz, au point de présenter une bulle de la grosseur d'un œuf. Les veines coronaires sont aussi distendues par des gaz. La cavité de l'estomac ne contient qu'une petite quantité de liquide de couleur lie de vin , épais et très-fétide ; la membrane muqueuse est générale- ment noire; sa portion splénique seule offre une cou- leur rouge violette*; raclée avec un scalpel, elle con- serve sa couleur. Les intestins gros et grêles sont dis- tendus par des gaz : les premiers sont verdâtres à l'in- térieur; les seconds sont d'un rouge violacé peu foncé, surtout dans les parties qui n'étaient pas en contact avec les gaz du péritoine. La face supérieure du foie est desséchée, et présente une plaque blanchâtre semblable à de la moisissure ; ses deux faces sont recouvertes de granulations blanchâtres, opaques; on voit aussi de semblablesigranulations à la face interne des veines du foie. Lé tissu de cet organe est mou, flasqwe et se dé- chire comme, celui delaratef il est d une couleur olive sale, moins foncée à l'extérieur qu'à l'intérieur ; on n'y distingue plus l'une de l'autre les deux substances qui le forment. La rate,.verte à l'extérieur, de couleur lie de vin à l'intérieur, est réduite en bouillie. Les reins sontbruns tant à l'extérieur qu'à l'intérieur, où les deux substances ne sont plus distinctes l'une de l'autre. La vessie est entièrement vide; sa face interne V DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. ÔO, est violette dans quelques points, rosée dans d'autres ; la membrane muqueuse est soulevée par des gaz. La veine cave inférieure est vide et peu colorée ; il en est de même de la portion abdominale de l'aorte. OBSERVATION 20C. S***, femme âgée d'environ 3o ans, retirée de l'eau le 12 avril à huit heures, est examinée le même jour à deux heures; elle s'était jetée dans la Seine cinq mois huit jours auparavant. Le crâne est dépouillé dans les deux tiers antérieurs et latéraux ; la peau n'est plus adhérente dans le tiers postérieur ; cette peau est dure; d'un blanc jaunâtre, semblable au gras des cadavres ; on y remarque quelques plaques rougeâtres. La peau de la face présente la même couleur et des plaques semblables, mais d'un rouge plus clair. Les yeux sont largement ouverts; les paupières semblent ne plus exister; mais en examinant avec attention , on voit que leur largeur seule a diminué : l'œil gauche est entière- ment vide; le droit est plein et peu saillant. Les par- ties molles du nez sont détruites ; la lèvre supérieure l'est également; de sorte que l'on voit à découvert toute la partie antérieure du bord alvéolaire supérieur, et les ouvertures antérieures des fosses nasales qui sont séparées par leur cloison osseuse et par le carti- lage qui est presque desséché. La peau de la mâchoire inférieure est en partie détruite ; celle qui reste, et qui est suffisante pour que l'on reconnaisse la forme du menton, est séparée de l'os, et présente dans toute son 60 tu ait*': épaisseur l'aspect du gras des cadavres. Le bord libre de la lèvre inférieure est détruit. Les oreilles sont d'un blanc mat, minces, et comme mâchées. Le col et la partie supérieure et moyenne du thorax jusqu'aux mamelles, d'un rouge ocracé, sont le siège de corrosions nombreuses, dont le fond a la même cou- leur. La partie supérieure des mamelles est d'un vert bleuâtre ; celles-ci sont distendues par des gaz. Le reste du tronc en avant est d'une couleur blanchâtre, et présente çà et là des plaques verdâtres de peu d'éten- due ; le ventre , ballonné , offre à sa partie inférieure d«s éraillures semblables à celles qui existent chez les femmes qui ont eu des enfans. Entre l'ombilic et le pubis, on observe un grand nombre de corrosions, dont quelques-unes sont très-larges et laissent voir la graisse sous-cutanée à nu. La moitié supérieure du dos est d'un blanc rosé; "au-dessous de cette portion, la peau est blanche dans l'étendue de 6 pouces environ. Les lombes elles fesses sont aussi le siège de corrosions nombreuses, qui occupent presque toute l'épaisseur de la peau, et dont le fond présente Une matière roussâtre et fluide. Les membres thoraciques sont d'Un blanc verdâtre supérieurement ; la partie antérieure des avant-bras jusque auprès du poignet offre une couleur bleue in- digoclair|la peau du poignet est détruite, et l'on voit les tendons' à nu : on trouve encore des corrosions nombreuses sur le dos et dans la paume de la main. Les cuisses; d'un blanc sale, présentent aussi beau- coup de corrosions; il en est de même de la jambe DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 6t gauche qui est d'un bleu d'indigo ; la jambe droite est en partie dépouillée; le tibia est dénudé dans presque toute son étendue; il en est de même de la face supé- rieure du pied jusque près des orteils, en sorte que Fon voit les tendons des extenseurs à nu. Les portions de peau qui restent sur ce membre sont également colo- rées en bleu, et cette couleur ne cesse des deux côtés qu'à 6 lignes de la première phalange dés orteils. Les muscles des cuisses sont un peu moins rouges que dans l'état naturel, mais ils se déchirent facilement ; ceux des jambes sont verts à la surface et d'un rouge vermeil à l'intérieur, excepté dans les endroits où les corrosions sont très-fortes, car là leurs parties pro- fondes sont d'un rouge pâle : on les déchire avec facilité. Les parties génitales externes sont comme mâ- chées. Il n'y a d'épiderme nulle part ; la peau du tronc et des membres thoraciques est assez résistante ; celle de la face, du crâne et du col, s'enlève par morceaux lors- qu'on la tire avec des pinces ; on trouve à la surface de la peau une matière jaune liquide semblable à l'huile d'olives. Crâne. Le périoste se détache avec la plus grande facilité. La dure-mère, d'un violet très-clair, est sépa- rée antérieurement du cerveau par des gaz, qui for- ment une vessie de la grosseur d'un œuf de poule, et qui se dégagent en exhalant une odeur fétide lorsqu'on incise la méninge. L'arachnoïde, la pie-mère et la sur- face du cerveau offrent une couleur he de vin* claire. L'intérieur de l'encéphale est d'un gris verdâtre; on 6*2 TRAITE peut encore distinguer les deux substances : la corti- cale est d'une couleur beaucoup plus foncée que la médullaire ; la consistance du cerveau est singulière- ment diminuée; il coule lorsqu'on l'abandonne à lui- même ; sa fétidité surpasse tout ce que l'on peut ima- giner. Le cervelet est encore plus ramolli que le cer- veau. Thorax. Le tissu cellulaire sous-cutané et inter- musculaire est emphysémateux; l'odeur qui se dégage lorsqu'on incise les parois de la poitrine est des plus t insupportables. Les muscles pectoraux, dentelés, ster- nocléido-mastoïdiens, sterno-hyoïdiens , etc. , sont d'un beau rouge et assez consistans. La cavité des plè- vres renferme une grande quantité de gaz fétides, qui s'échappent avec bruit (sorte de souffle) lorsqu'on ouvre la poitrine ; on y trouve aussi environ cinq onces de chaque côté d'un liquide rouge foncé, d'une odeur infecte ; la plèvre pulmonaire est soulevée çà et là par des gaz ; en sorte qu'il y a plusieurs vésicules à la surface des poumons ; ces organes adhèrent par places à la plèvre costale ; ils offrent une couleur rouge brune comme dans l'état naturel ; ils sont peu volu- mineux, crepitans, se déchirent facilement ; pressés fortement entre les mains, après avoir été coupés en morceaux, il n'en sort que des gaz et une petite quan- tité d'un liquide rougeâtre. Le larynx, la trachée- artère et les bronches sont vides ; on n'aperçoit aucune trace d'écume ni de liquide; leur membrane muqueuse, d'un violet foncé dans toute son étendue, est cepen- dant marbrée de taches d'un vert sale au larynx et à DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 63 la partie supérieure de la trachée. Le péricarde n'offre dans sa cavité ni gaz ni liquides. Le cœur est flasque ; le ventricule gauche, vide, est presque de couleur naturelle ; le droit contient un peu de sang fluide, d'un brun foncé; sa face interne présente la même couleur, qui ne s'étend qu'à une ligne environ dan6 l'épaisseur des parois de ce ventricule. Aucun des organes contenus dans le thorax ne paraît avoir été desséché. Le diaphragme est refoulé en haut. La cavité de l'abdomen renferme des gaz excessive- ment fétides ; plusieurs portions de la face interne du péritoine sont desséchées; d'autres sont soulevées par des gaz, ce qui leur donne une apparence vésiculeuse. Les muscles sterno-pubiens (droits) sont d'un vert foncé, et se déchirent avec la plus grande facilité. L'es- tomac, distendu par des gaz, est d'un rouge violet assez foncé à l'extérieur et en avant ; la partie postérieure offre la même couleur vers le grand cul-de-sac, tandis qu'elle est de couleur naturelle à la région pylorique ; on remarque dans cet endroit plusieurs bulles gazeuses entre les tuniques péritonéale et muqueuse. On n'a- perçoit aucune trace de dessiccation. La membrane muqueuse de ce viscère est comme granulée, jaune d'ocre dans plusieurs points, d'un rouge violet vers le cardia, et recouverte d'un enduit olivâtre assez épais. On ne trouve à l'intérieur de ce viscère que des gaz très-fétides. Les intestins sont également distendus par des gaz d'une odeur insupportable ; le duodénum, le jéjunum et l'iléum sont d'un rouge clair à l'extérieur dans une certaine étendue, et de couleur naturelle sur 64 TRAITÉ d'autres points ; les gros intestins sont verdâtres : on voit çà et là dans la longueur du canal intestinal des plaques œdémateuses ; la membrane muqueuse est rôuge dans les parties qui correspondent aux portions extérieures colorées, et pâle sur les autres points. L'é- piplooh gastro-colique, d'un jaune verdâtre, est moins humide que dans l'état naturel ; il se déchire assez fa- cilement. Le pancréas est violet, peu consistant, et ne présente plus de granulations distinctes. Le foie, couleur de chocolat à l'eau , est le siège d'une altéra- tion remarquable : on voit à sa face supérieure, çà et là et sous forme de bandes, une matière granulée, comme desséchée, d'un blanc assez éclatant ou d'un blanc jaunâtre, ayant l'aspect du gras des cadavres : Cette matière existe aussi, mais moins abondamment, dans le tissu de l'organe : du reste, la consistance de ce viscère est très-molle ; on le déchire avec beaucoup de facilité, et il n'est plus permis de reconnaître la sub- stance jaUne ; la membrane péritonéale qui le recouvre est soulevée par des gaz et forme des ampoules très- volumineuSes, surtout en haut. La vésicule du fiel, d'un blanc sale à l'extérieur, est vide et très-emphyséma- teuse ; sa surface interne est recouverte d'un enduit épais d'un vert d'oseille cuite. La rate, de couleur verte foncée à l'extérieur, est lie de vin à l'intérieur ; elle contient beaucoup de gaz, et se déchire très-facile- ment : lorsqu'on la comprimé, on la tfanSforme-eri une sanie épaisse et livide. Les" reins sont d'un violet foncé ; ils se déchirent facilement, et ce n'est qu'avec peine que l'on peut distinguer les diverses substances qui en- DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 65 trent dans leur composition. Les uretères sont d'un brun violet. La vessie n'est pas contractée, elle est vide; sa membrane interne, d'une couleur violette, est soulevée dans plusieurs points par des gaz qui for- ment des vésicules. La matrice est assez consistante, d'une couleur violette dans toute son épaisseur. OBSERVATION 21e. Madame X*** n'a été retirée de la rivière qu'environ un an après s'être noyée. Il n'existait plus de cuir che- velu; toute la calotte osseuse était dénudée ; les orbites étaient remplis par une masse dure, solide, presque en- tièrement composée de gras des cadavres, figurant assez bien un cône dont la base, placée en avant, paraissait offrir les débris d'une cavité, et dont le sommet, dirigé en arrière, était formé par le nerf optique. Le centre de cette masse semblait formé par le paquet de tissu cellulaire qui remplit la partie postérieure de la cavité orbitaire. Sur le pourtour de la masse, on apercevait la trace des nerfs qui se distribuent aux parties acces- soires de l'œil, ainsi que les débris des muscles qui l'en- vironnent. La peau du nez, de la lèvre supérieure, et celle de la partie inférieure de la face, étaient détruites; les mâchoires étaient dépourvues de dents, en partie désarticulées; il n'y avait aucune trace de langue; la bouche était remplie par de la vase. Les parties molles qui unissent le col à la poitrine étaient entièrement désorganisées par l'eau ; les cavités des plèvres commu- niquaient à l'extérieur par de larges ouvertures; le 2. 5 66 TRAITÉ sternum et une partie des cartilages des côtes étaient tout-à-fait à nu. Le tronc était séparé en deux por- tions , à la hauteur de la ceinture, probablement par la pression exercée sur les parties molles par les liens des vêtemens que cette femme avait portés. Les deux jambes et les pieds ne consistaient plus que dans les os qui en forment la partie solide; les mains et les avant- bras ayant été entraînés par l'eau, les membres supé- rieurs formaient deux moignons, à la partie inférieure desquels l'humérus venait faire saillie. La peau présentait une disposition bien remarquable : dans toute la région antérieure du corps, elle avait acquis une dureté considérable, plus prononcée aux joues, aux mamelles, à l'abdomen et à la partie anté- rieure des cuisses. Elle donnait un son très-clair quand on la percutait avec un corps dur, tel qu'une clef ou un scalpel. En arrière, elle était encore molle, lisse, ne présentant aucun tubercule , fortement comprimée, et donnant la preuve la plus évidente que le cadavre était resté couché sur le dos. Toute la surface de la peau était hérissée de mamelons ou petits tubercules, dont les uns, placés sur l'abdomen, avaient le volume et la forme de petits tuyaux de plume couchés les uns sur les autres, et se superposant en partie ; ceux des cuisses étaient arrondis, moins saillans; sur les épaules et à la partie supérieure du dos, ils étaient beaucoup plus petits, pyramidaux, et très-pointus à leur sommet. Cette disposition tuberculeuse ne se remarque jamais que sur les parties de la peau et du tissu cellulaire sapo- DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 67 nifiées, et paraît dépendre de la décomposition du gras des cadavres ammoniacal (stéarate, oléate et margarate d'ammoniaque), par le carbonate et le sulfate de chaux qui sont dissous dans FeaU; il se formerait alors, par suite de doubles décompositions, du sulfate ou du car- bonate d'ammoniaque solubles, et du stéarate, de l'oléate et du margarate de chaux insolubles, et qui se dépose- raient sous forme de mamelons ou de tubercules : c'est du moins ce que tendent à prouver les recherches de M. Barruel, qui, ayant analysé ces sortes d'incrusta- tions , a trouvé qu'elles constituaient effectivement un savon calcaire. Néanmoins, pour former la couche calcaire qui recouvre la surface de ces mamelons, il est probable qu'une portion des sels de la rivière s'y dépose, ou au moins qu'une grande quantité de chaux fait partie de la couche superficielle du savon. Il résul- terait de là que plus une rivière serait chargée de sels, plus l'incnustation calcaire serait facile. Le tissu cellulaire graisseux était saponifié dans toute son étendue ; seulement il offrait quelques diffé- rences dans ses propriétés physiques. Celui de la région antérieure du corps était dur, solide, très-léger, ne paraissant contenir que très-peu de liquide, remplis- sant toutes les cellules du tissu cellulaire , et dessinant parfaitement ces cellules. Celui de la partie postérieure du tronc était au contraire mou, jaunâtre, pesant, imprégné de liquide, offrant l'aspect du lard, recou- vert par la peau dont l'épaisseur était plus considérable que dans l'état habituel; on n'y distinguait aucune 5. 68 TRAITÉ cellule; c'était un tout homogène qui paraissait résulter d'une pression exercée pendant long-temps sur ces parties. En général, tous les muscles superficiels qui ne sont pas recouverts par des aponévroses denses, et dont la trame celluleuse a beaucoup de communications avec le tissu cellulaire sous-cutané, étaient convertis en gras des cadavres, et confondus avec le tissu cellulaire graisseux. Tous ceux au contraire qui étaient enve- loppés d'aponévroses denses, ou qui étaient séparés par des membranes séreuses, avaient conservé leur état musculeux. Dans un très-grand nombre de points, les muscles avaient acquis une couleur rose vive, très-prononcée, en même temps qu'ils étaient imbibés de beaucoup de liquides, amincis, et leur tissu plus dense. Parmi les vaisseaux, les artères offraient une ten- dance à la saponification , quand les veines étaient denses, d'un tissu serré, résistant, se laissant difficile- ment déchirer ; elles paraissaient avoir acquis plus de solidité. Le ventricule droit du cœur offrait à peine des traces de saponification, tandis que le ventricule gau- che presque entier avait éprouvé ce genre d'altération. Toutes les membranes séreuses avaient résisté à la putréfaction, et paraissaient encore avoir acquis plus de solidité par leur contact avec l'eau. Le cerveau, réduit àun volume bien inférieur à celui qu'il a ordinai- rement , était totalement converti en gras des cadavres; la forme de toutes ses parties était conservée; seule- ment, à sa surface, existait une matière pultacée d'une DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 69 odeur infecte. Les os du crâne étaient extrêmement cassans. Les poumons étaient réduits au dixième environ de leur volume, du reste parfaitement conservés. En les insufflant, on leur donnait un volume six ou sept fois plus grand. La trachée consistait dans une série de cerceaux encore en place, quoique totalement dépour- vus en avant des membranes qui les unissent. L'estomac et toute la couche superficielle des intestins étaient dé- truits ; il ne restait que des cavités peu distinctes les unes des autres. Les intestins profonds étaient conser- vés; ils contenaient encore des matières fécales. Il est important de noter que les deux cavités de la poitrine communiquaient avec l'eau par deux ouver- tures très-larges existant au sommet de la poitrine, et résultant de la destruction des parties molles de la ré- gion inférieure du col; la cavité abdominale commu- niquait aussi avec le liquide, par une destruction ana- logue placée sur le tronc à la hauteur de la ceinture. ( Alph. Devergie. Annales d'hygiène et de médecine légale, page 180. Octobre 1829.) (1) (i) Il est à regretter que, dans .cette observation, il n'ait point été fait mention de Téta t des épiploons, du foie , de la rate, du pancréas , de la vessie, des organes génitaux, ni des lissus cartilagineux, tendineux et nerveux. 70 TRAITE Résumé des changemens physiques qu'éprouvent les tissus qui se pourrissent dans l'eau. Peau. Les changemens qu'éprouve la peau peuvent être rapportés à sa coloration, à sa consistance et à sa saponification. A. Coloration. La couleur de la peau des cadavres qui sont restés plus ou moins long-temps dans Feau, pouvant ne pas être la même au moment où l'on retire les corps, que lorsque déjà ils ont été exposés pendant un ou deux jours à l'air, il importe de distinguer ces deux cas. Coloration de la peau des cadavres au moment oit ils sortent de Peau. On conçoit combien il est difficile, pour ne pas dire impossible, de décrire ces change- mens de couleur, d'après des observations faites sur les cadavres des noyés que l'on retire de l'eau ; il faudrait pour cela s'être trouvé plusieurs fois, et aux heures convenables, sur les points des fleuves où l'on pêche ces corps : aussi cette description , que nous sachions, n'a encore été donnée par personne. Nous avons pensé pouvoir résoudre le problème, en plaçant dans de grandes baignoires des cadavres nus d'enfans nouveau- nés et d'adultes. ( Voyez les Observations ire, 2e et 3e, page ire de ce vol. etsuiv.) Il résulte évidemment de ces observations, i° que les parties colorées en verdâtre ou en violet au moment de l'immersion dans Feau, se décolorent graduellement par leur séjour dans ce DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 71 liquide ; 2° que peu de temps après que cette décolo- ration a eu lieu, il se manifeste sur certaines parties une teinte rosée, rougeâtre, bleue et même verte, dont l'intensité va en augmentant de plus en plus, quoique ces parties restent constamment sous l'eau ; 3° qu'aussi- tôt que l'épiderme des parties ainsi colorées se détache, le derme mis à nu présente la même couleur, mais qu'il suffît ordinairement de vingt-quatre heures pour qu'il soit complètement décoloré; 4° que, dans cet état, il ne se colore plus facilement tant qu'il reste sous l'eau, si l'on en excepte toutefois certaines petites taches bleues et d'autres blanches, bordées d'un cercle rougeâtre, dont il est souvent le siège; 5° qu'au contraire, il se colore constamment, avec promptitude et avec des teintes différentes, si, après avoir été dépouillé d'épi- derme, il est en contact avec l'air (i). Coloration de la peau des cadavres des noyés quelque temps après leur exposition à Vair. Il faudrait encore distinguer ici les cadavres garantis par leurs vëtemens, de ceux qui étaient tout nus; on conçoit facilement en effet que l'air atmosphérique doit exercer une ac- tion différente, surtout si le cadavre n'est déshabillé que long-temps après avoir été retiré de l'eau. Quoi qu'il en soit, nous nous bornerons à parler des corps (i) D'après le docteur Gùntz (ouvrage cité), les gaz qui se dégagent pendant la putréfaction des cadavres dans l'eau , sont de l'acide carbonique ( en moindre proportion qu'avec le contact de Fair) , de Fhydrogêhc carboné (en grande quan- tité ), de l'hydrogène sulfuré et de l'hydrogène phosphore. 72 TRAITÉ des noyés garantis par leurs vêtemens, et que l'on déshabille une, deux ou trois heures après leur extrac- tion de l'eau : c'est le cas le plus ordinaire des noyés qui sont apportés à la morgue, où nous avons fait nos observations (i). On n'observe aucun changement de couleur à la peau, si les cadavres ne sont restés que quelques heures dans l'eau, et qu'on les examine au bout de dix ou quinze heures d'exposition à l'air, la température de l'atmosphère variant de 4° à io°-j-o°. Il pourrait en être autrement si le thermomètre marquait de i8° à 26°-f-o°; alors la peau du cadavre pourrait se colorer promptement en rouge, en vert, etc., par places. Après quelques jours d'immersion, chez les adultes, la peau, examinée peu d'heures après la sortie de l'eau, peut n'offrir aucune coloration insolite, comme elle peut être colorée; toutefois, même dans le cas où nous admettons qu'elle ne sera pas colorée, il faudra en excep- ter la face, où elle est d'un blanc plus mat, et l'épi- derme des mains et des pieds qui commence à blanchir; cette coloration s'observe d'abord à la partie interne des doigts et à la paume des mains, puis à la face dor- sale de celles-ci, et, à peu près à la même époque, à la face plantaire des pieds, et plus tard à leur partie dor- (i). La morgue est un établissement où l'on expose les corps des noyés , et de tour les individus inconnus qui ont succombé à quelque genre de mort violente que ce soit : l'exposition dure trois jours, à moins que les cadavres ne soient reconnus plus tôt. DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 73 sale. Les cadavres sont-ils exposés à l'air pendant quinze ou vingt heures, la température de l'atmosphère ne dé- passant pas 6° ou 8°4-o°, il n'y a aucun changement notable, tandis que si la température de l'air a varié de 160 à 250 + o°, la face, la poitrine, l'abdomen sont pla- qués de rouge, de vert, de brun, etc. ( Voyez Obser- vations 5e et i3e). L'action de l'air sur la peau des submergés, comme on le voit, est des plus remarquables; les effets en sont d'autant plus sensibles que la température de l'atmos- phère est plus élevée, et que le séjour des cadavres dans l'eau a été plus prolongé, comme nous nous en sommes assurés par des expériences directes. On peut établir que jusqu'au moment où la peau se saponifie, ces effets de coloration sont d'autant plus marqués que l'extraction des corps s'est faite plus tard. La peau prend une teinte brune, qui ne tarde pas à passer en partie au vert foncé, et il est à noter, comme l'avait déjà signalé l'un de nous (voy. Médecine légale, tome II, page 335, édition de 1828), que cela se manifeste plus rapidement à la poitrine qu'au bas-ventre; ce qui est le contraire de ce qu'on observe sur les cadavres qui n'ont point été submergés: chez ces derniers, la putré- faction commence par l'abdomen, pour gagner la poi- trine, le col, la face et les membres, tandis que chez les noyés la face, le sternum, et la partie inférieure du col, sont les premières parties pourries. Plusieurs por- tions d'épiderme, tant à la face qu'à la poitrine, sont soulevées par un liquide d'un bleu rougeâtre, et for- ment des taches qui contrastent avec d'autres nuances. 74 TRAITÉ En été, la coloration dont nous parlons est déjà très- sensible quelques heures après la sortie des cadavres de l'eau, tandis qu'en hiver elle ne se manifeste pas au bout de plusieurs jours, même lorsque les corps sont restés pendant vingt ou vingt-cinq jours dans la rivière. Du reste, on peut prouver que cette coloration est due à l'action de l'air, parce que les parties de la peau qui sont préservées du contact de cet agent conservent leur pâleur : telles sont les aisselles, la partie interne des bras, lorsque ceux-ci sont appliqués contre la poi- trine , la partie du thorax qui est en rapport avec le bras, le dos, la partie interne des cuisses, si celles-ci sont appliquées l'une contre l'autre. Plus tard, les cadavres que l'on retire de l'eau pré- sentent, au sortir du liquide, des phénomènes de colo- ration de la peau analogues à ceux que nous avons dit être le résultat de Faction de l'air; cela tient, dans quelques cas,à ce que les corps, devenus plus légers, sont venus, du moins en partie, à la surface du liquide, où ils ont été frappés par l'air; mais dans un beaucoup plus grand nombre de cas, la coloration tient à une autre cause, puisque les cadavres ne sont pas venus à la surface du liquide. Déjà, à cette époque, les mem- bres, qui jusqu'alors avaient été incolores, offrent des plaques verdâtres, jaunâtres. Après trois ou quatre mois de séjour dans l'eau, nous avons souvent vu la peau des jambes revêtir une couleur d'indigo très- foncée , nuance qui disparaissait peu à peu quand le corps du noyé était exposé à l'air, et alors la couleur devenait brunâtre. DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. j5 Lorsque la peau se saponifie, ce qui a lieu à une époque très-variable, suivant l'âge, le sexe, etc., elle prend une couleur d'abord jaunâtre, puis d'un blanc mat, et les parties ainsi saponifiées ne se colorent plus sensiblement par F'influence de l'air atmosphérique. Alors, c'est-à-dire entre deux mois et demi et quatre mois pour les adultes, la peau présente des nuances très-variées, les parties savonneuses ayant l'aspect du gras des cadavres, tandis que les autres portions sont colorées en jaune, en rouge, en vert, en brun, et même en bleu. Il arrive enfin, comme dernier phénomène de colo- ration de la peau, qu elle se recouvre d'une croûte blanche calcaire, dont nous avons déjà parlé. ( Voyez Observation 21e.) B. Consistance. Les changemens que la peau éprouve dans sa consistance ne sont pas moins remarquables que ceux qui tiennent à sa coloration. La peau, déjà dépouillée de son épiderme, se ra- mollit de plus en plus, et tend évidemment à se déta- cher par lambeaux ; elle résiste d'abord beaucoup à la pointe des pinces; cette résistance va en diminuant: bientôt on remarque à sa surface une multitude de points très-rapprochés, comme ulcérés, qui ne tardent pas à constituer de véritables corrosions. Ces pertes de substance, indiquées pour la première fois par l'un de nous, sont évidemment de deux sortes : 1° celles qui se forment dans les parties où il y a des plexus yascu- laires très-considérables , et où le tissu cellulaire sous- cutané est très-lâche, comme aux aines, dans la région nQ TRAITÉ sous - clavière, à la partie supérieure et interne des cuisses. Ces corrosions commencent par des taches pointillées, violettes ou d'un rouge brun; il semble qu'un liquide de même couleur soulève la peau ; bientôt après, celle-ci se perfore dans toute son épaisseur, le liquide s'écoule, et alors l'ouverture est régulière, comme si elle avait été faite avec un emporte-pièce, sans que les bords soient frangés. Un ou deux jours après, plusieurs de ces ouvertures qui se touchaient presque, sont réunies et forment une corrosion plus ou moins large, aussi régulière que les points qui lui ont donné naissance; ce n'est que quelque temps après, et par suite de l'action de l'eau sur les bords très- amincis, que ceux-ci sont en partie détruits et d'une manière inégale, ce qui leur donne un aspect à la fois frangé et filamenteux : dans cet état, le tissu cellulaire sous-cutané, mis à nu, est infiltré, comme gélatineux, d'une couleur violacée ou grisâtre; 2°. celles qui se dé- veloppent dans les parties où la peau recouvre un tissu cellulaire dense et serré, et où il n'y a pas de plexus vascuîaires considérables, comme au dos, vers l'omo- plate, etc. Ces corrosions commencent par une des- truction du derme, qui n'a pas été préalablement co- loré ni soulevé, et ressemblent à des ulcérations cica- trisées de petite - vérole ; leur fond est blanc, leurs bords réguliers ou irréguliers ; leur partie centrale est plus corrodée que leur circonférence, ce qui leur donne un aspect légèrement creux : plus tard, la destruction ayant augmenté, la perforation du derme arrive et commence par le centre ; alors on voit le tissu cellu- DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 77 laire sous-cutané qui est jaunâtre, infiltré. humide, et recouvert par les bords irréguliers de l'ouverture; dans cet endroit, les franges de la peau ont une couleur bleuâtre due aux parties sous-jacentes que l'on aperçoit à travers les portions amincies et transparentes du derme qui n'ont pas été détruites. La peau des diverses régions du corps peut être le siège de semblables corrosions; nous les avons vues indistinctement partout, et nous ne saurions partager l'opinion de M. Devergie, qui les place plus particu- lièrement aux yeux, au nez, à la bouche, aux aines, à la partie antérieure de la poitrine, et à la partie in- terne des jambes. L'époque à laquelle paraissent ces corrosions est extrêmement variable; nous les avons observées chez des enfans nouveau-nés, après un séjour de seize jours dans l'eau, par une température qui avait varié de 11° à 170 R., et chez des adultes qui avaient été retirés de l'eau au bout de trois mois (en hiver); tandis que nous n'en avons trouvé aucune trace chez des hommes de trente à cinquante ans, qui étaient restés dans l'eau pendant six ou sept semaines, par une température atmosphérique de 8° à 160 R. Quelquefois on voit à la surface de la peau une matière jaune liquide semblable à l'huile d'olives. Lorsque les cadavres sont restés long-temps dans l'eau, la peau, au lieu de pré- senter dans toute son étendue ce ramollissement qui est le prélude des corrosions dont nous venons de parler, est saponifiée par parties, et ressemble au gras des cadavres, ou bien est dure et extrêmement dense par places. (Voyez Observation 20e.) 78 TRAITÉ Saponification. Indépendamment des changemens de coloration et de consistance, la peau en éprouve d'autres qui se rapportent à la saponification ; elle change de nature et se transforme en gras des cadavres, véritable savon composé d'acides gras qui sont fournis par la décomposition de la graisse, et d'ammoniaque qui provient de l'union de.l'azote et de l'hydrogène de la peau. Cette saponification commence dans les parties de la peau placées sur le tissu cellulaire le plus chargé de graisse ; c'est ce qui fait qu'on l'observe plutôt chez la femme que chez l'homme, le tissu cellulaire de ce dernier contenant, en général, beaucoup moins de graisse. Nous ne l'avons jamais remarquée chez Y homme adulte avant la fin du troisième mois en hiver, et elle avait commencé par la face. ( Voyez Observation 18e.) Du reste, on ne peut rien préciser sur l'époque de son apparition, tant il y a de variétés. Nous ne terminerons pas tout ce qui se rapporte aux altérations de la peau, sans parler des expériences déjà anciennes de Bichat. Mise en macération dans l'eau, à un degré moyen de température, dit ce célèbre anatomiste, la peau humaine se ramollit, ne se gonfle presque point, blanchit sensiblement, reste long-temps sans éprouver aucune autre altération qu'une putré- faction infiniment moindre que celle des tissus muscu- laire, muqueux, glanduleux, etc., soumis à la même expérience. Cette putréfaction enlève l'épiderme et paraît beaucoup plus marquée du côté de cette mem- brane. Au bout de deux mois, la peau n'a encore perdu que très-peu de consistance; elle n'est point pulpeuse, DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 79 comme le sont à cette époque les tendorts et les muscles macérés; elle ne commence à se réduire en pulpe fétide qu'au bout de trois ou quatre mois. Un échantillon, conservé depuis huit mois, offre encore sa forme pri- mitive ; mais il flue sous les doigts dès qu'on le presse un peu. (Anat. générale, tome II, page 682.) Épiderme. Si l'on étudie l'action de l'eau sur l'épi- derme isolé de la peau, on le verra blanchir^ devenir mou, plus opaque, et ne point se rider ni se putréfier; il s'élèvera seulement à la surfaée du liquide une foule de molécules qui, en se réunissant, formeront une pel- licule blanchâtre. Après un séjour de deux ou trois mois dans l'eau, l'épiderme se ramollit, ne se gonfle point, et se déchire avec une extrême facilité; il ne se réduit point en une pulpe analogue à celle des autres organes que l'on a également fait macérer. Après les cheveux et les ongles, l'épiderme est la substance ani- male la plus incorruptible. (Anat. générale, tome II, page 768* ) Quant à l'épiderme qui fait encore partie du cadavre, après avoir blanchi, il se plisse de plus en plus; l'épi- derme des mains et des pieds s'imbibe plus aisément que celui des autres régions du corps ; aussi remarque- t-on les changemens dont nous parlons d'abord dans ces parties où il devient d'un blanc mat, et ressemble à celui qui aurait été pendant long-temps en contact avec des cataplasmes émolliens ; plus tard il se soulevé et finit par se détacher au plus léger effort ; dans les eaux qui ne sont pas stagnantes, le courant suffit pour l'enlever par lambeaux plus ou moins larges : ce sont 80 TRAITÉ les portions qui avoisinent les articulations qui nous ont paru se séparer les premières; toujours est-il que, dans nos expériences, il était déjà détaché dans plu- sieurs parties, quand celui de la paume des mains et de la plante des pieds tenait encore assez fortement. En général, il ne se colore pas lors même qu'il recouvre des parties de derme fortement colorées ; quelquefois cependant nous l'avons vu offrant une teinte oli- vâtre. Ongles. L<>s ongles des mains se détachent les pre- miers, puis ceux des orteils, sans qu'on puisse dire, même d'une manière approximative, l'époque de leur chute. Chez le sujet de l'observation 18e, qui était resté dans l'eau pendant quatre-vingt-dix-huit jours (en hiver), il n'y avait plus d'ongles, tandis qu'on en voyait encore au pied droit d'un individu qui avait été retiré de l'eau cent vingt-cinq jours après y être tombé. ( Voyez Observation 19e.) Cheveux et poils. Ils deviennent de moins en moins adherens, mais ils ne se pourrissent pas. « La macé- ration, dit Bichat, qui rend l'épiderme extrêmement facile à se rompre, quoiqu'elle le ramollisse peu, laisse les cheveux avec leur résistance ordinaire, à moins qu'elle ne soit poussée à un degré que je n'ai point éprouvé. » Imiterons-nous le docteur Alphonse Devergie, qui, dans un mémoire intitulé Recherches sur les noyés (1), (1) Annales d'hygiène et de médecine légale, n° d'octobre 1829. DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 8i a cru pouvoir reconnaître, au moins d'une manière approximative , et principalement d'après les carac- tères que présente la peau , l'époque de la submersion, « Quelques médecins légistes pensent, dit-il, qu'il sera toujours impossible de rien préciser à ce sujet. J'avoue qu'il serait .difficile de. tracer des descriptions rigou- reuses ; mais de ce que l'on prévoit un but difficile à atteindre, est-ce une raison pour ne pas faire quelques efforts pour y parvenir ? J ai la conviction que si les médecins veulent tenir compte des altérations que j'ai notées pour tel ou tel séjour dans l'eau, ils ne commet- tront plus des erreurs aussi choquantes que celles que je viens de signaler. Je dois prévenir que tout ce qui suit se rattache à la putréfaction que subissent les ca- davres des noyés en hiver. Plus tard, je chercherai à établir la marche de la putréfaction en été. »> (P. i63.) Convaincu qu'il est de la possibilité de résoudre jus- qu'à un certain point un pareil problème, M. Devergie reconnaît neuf époques : la première indique si la sub- mersion date de trois à cinq jours; la deuxième, de quatre à huit jours; la troisième, de huit à douze jours; la qua- trième, de quinze jours environ ; la cinquième, d'un mois environ; la sixième, de deux mois environ; la septième, de deux mois et demi; la huitième de trois mois et demi; enfin la neuvième, de quatre mois et demi. Loin de partager l'opinion de ce médecin, nous nous attacherons à la combattre, et par des faits, et par des raisonnemens que nous croyons très-fondés ; il res- sortira évidemment des uns et des autres que l'entre- Sa TRAITÉ prise est au-dessus des forces humaines, et que le ler- teur aurait tort de prendre pour guide des tableaux où l'on semble vouloir resserrer la nature dans des cadres plus ou moins étroits. Et d'abord remarquons d'une manière générale que le travail dont il s'agit présente une lacune capitale; on n'indique nulle part l'époque à laquelle il faut examiner les corps après leur sortie de l'eau, pour constater les phénomènes de colo- ration sur lesquels on ba6e souvent la solution du pro- blème : est-ce immédiatement après l'extraction des cadavres de la rivière, ou plusieurs heures et même plusieurs jours après? Les noyés n'étant apportés à la morgue quelquefois que plusieurs heures et même un ou plusieurs jours après avoir été retirés de l'eau, et le médecin qui veut les observer n'arrivant sou- vent que lorsque déjà les corps sont exposés à l'air depuis plusieurs heures, il en résulte évidemment que les observations de M. Devergie portent à la fois sur des sujets dont les uns peuvent n'avoir été en contact avec l'air que pendant quatre, cinq ou six heures, )tandis que les autres ont dû y rester dix-huit, vingt-quatre, trente ou un plus grand nombre d'heures. Ce fait, nous l'attestons, pour avoir nous-mêmes suivi avec assiduité et pendant long-temps tout ce qui se rapporte aux travaux et aux usages de la morgue. Or, parmi les quarante-sept observations qui ont servi de base au travail de M. Devergie, dix-huit ont été recueil- lies en mars, et vingt-neuf en avril, et nous voyons que pendant ces deux mois la température de l'atmosphère est quelquefois montée jusqu'à 170 et 190; certes, pour DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 83 peu qu'on ait vu quelques cadavres de noyés, on com- prendra facilement qu'une exposition à l'air déjà chaud, dont la durée a été si variable, a dû amener des chan- gemens notables dans la coloration de la peau. C'est, du reste, ce que mettront en évidence les faits suivans : A huit jours, dit M. Devergie, la peau de la face est d'un blanc plus mat que celle du reste du corps. Or, nous avons vu la face d'un rouge fonce et 1© reste de la peau de couleur naturelle chez un individu qui était resté huit jours dans l'eau (pendant le mois d'avril), et dont nous fîmes l'examen deux heures après l'extrac- tion du cadavre. (Observation 10e, page 3oo de la Médecine légale, 2e édition, et i3e de cet ouvrage.) (i) Au quinzième jour, « la partie moyenne du sternum présente une teinte verdâtre. » (Page 167 du Mémoire cité. ) Or, chez un individu qui resta dans Feau depuis le ier décembre jusqu'au 20, et qui fut examiné quatre ou cinq heures après l'extraction du cadavre, la peau qui recouvre les deux grands pectoraux était livide, si ce n'est près du sternum où elle offrait une couleur rouge cerise. (Observation ne de la Médecine légale, et 14e de cet ouvrage.) A un mois. On voit une plaque d'un rouge brun de (i) Les diverses citations que nous allons faire pour com- battre le travail de M. Devergie, sont toutes tirées des obser- vations publiées par l'un de nous en 1828, dans les leçons de Médecine légale, par conséquent un an avant l'impression de son mémoire. Il est assez remarquable que M. Devergie n'ait pas cru devoir en prendre connaissance. 6. 84 TRAITÉ six à huit pouces de diamètre au centre et à la partie supérieure du sternum ; cette plaque est bordée d'une aréole verte ; les bourses sont énormément distendues par des gaz; les paupières et les lèvres sont vertes. (Mém. cité, page 168.) Or, chez un individu âgé de vingt-six ans, noyé le Ier mars, retiré de l'eau le 3o du même mois, et examiné le 2 avril, la peau des parties antérieure et latérale du cou et du thorax était d'un vert foncé; les paupières étaient presque noires, (Voyez Méd. légale, observation i3e et 16e de cet ouvrage.) Chez un autre noyé, qui était resté trente-deux jours dans l'eau , d'où il fut retiré le 8 avril, et que nous exa- minâmes le lendemain, la peau du thorax était d'un vert jaunâtre, et le scrotum dans X état naturel. (Voyez Méd. légale, observation 14e et 17e de cet ouvrage.) A trois mois et demi. Le tissu cellulaire n'offre plus cette teinte rouge des époques précédentes; le foie, ramolli, est d'un brun verdâtre ; la peau des membres présente le même aspect que celle du centre de l'abdo- men, c'est-à-dire qu'elle est opaline; les ongles sont tombés. (Mémoire cité, page 176.) Or, chez un indi- vidu que l'on retira de la Seine le 8 avril, et qui s'y était jeté le ie*janvier, on remarqua, six heures après sa sor- tie de l'eau, que le tissu cellulaire du crâne offrait l'aspect d'une gelée rouge; le foie était d'un rouge brun uniforme; la peau des jambes était colorée en bleu d?in- digo dans toute son étendue, tandis que celle du tronc était blanche rosée, parsemée çà et là de plaques larges comme la main, d'un rouge assez vif; les ongles, il est vrai, étaient tombés. (Voyez Méd. légale, observation DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 85 i5e et 18e de cet ouvrage.) Mais chez le sujet de l'ob- servation suivante, le pied droit conservait encore des ongles, et pourtant le cadavre était resté dans l'eau quatre mois cinq jours. (Voyez observation 19e. ) A quatre mois et demi. Il n'existe plus que quelques débris des paupières ; les lèvres sont désorganisées par la putréfaction; la peau du tronc est d'un vert grisâtre, parsemée de taches noires; la couleur des cuisses est jaunâtre; les jambes présentent des taches d'un bleu foncé; la trachée-artère est d'une teinte verdâtre; les cavités splanchniques paraissent contenir encore plus de liquide d'un rouge brunâtre ; on remarque un com- mencement d'incrustation calcaire sur les cuisses. (Mém. cité, page 177.) Or, chez un individu noyé le 15 décembre 1826, et retiré de l'eau le 20 avril 1827, on voyait, quelques heures après, que les paupières et la lèvre inférieure existaient encore, que la peau du thorax et de l'abdomen était d'un vert foncé, excepté cà et là où il y avait des taches d'un rouge brun ou d'un jaune verdâtre; que la couleur des cuisses était ver- dâtre et d'un vert plus foncé en haut ; que les jambes ne présentaient aucune trace de bleu; que la trachée-artère était d'un brun très-foncé; qu'il n'y avait aucun liquide dans les cavités des plèvres ni de l'abdomen ; enfin qu'il n'existait aucune trace d'incrustation calcaire. ( Méd. légale, observation 16e et 19e de cet ouvrage. ) A cinq mois et demi. Le cadavre d'une femme ouvert à cette époque a fait voir à M. Devergie que les pau- pières étaient détruites, que la peau était dans Y état na- turel, ou présentait des incrustations calcaires ou des 86 TRAITÉ plaques rosées. ( Mém. cité, page 179. ) Tandis que dans l'observation 17° de la Médecine légale, et 20e de cet ouvrage, qui a pour sujet aussi une femme qui était restée cinq mois huit jours dans la Seine, les paupières existaient, leur largeur seule avait diminué, et la peau du corps était colorée en bleu, en vert, en blanc rosé et en blanc sale. On ne voyait aucune incrustation. Maintenant que nous venons de prouver par des faits combien les caractères sur lesquels M. Devergie a voulu baser la solution de son problème sont sujets à varier aux époques qu'il a indiquées, et combien par conséquent on doit y attacher peu de valeur, il ne sera pas inutile de présenter en abrégé l'énumération des ' principales causes qui influent sur la marche de la pu- tréfaction dans Feau ; l'impossibilité de calculer, même d'une manière approximative, la part de chacune de ces influences, nous fit bientôt renoncer à l'idée que nous avions eue de dresser un tableau semblable à celui que nous venons de combattre. Age. Dès qu'il est prouvé que les enfans nouveau- nés sont arrivés, au bout d'un mois de séjour dans l'eau, au terme de désorganisation que les cadavres des adultes n'ont même pas atteint au bout de six ou huit mois, on ne saurait contester l'influence de Y âge sur la marche de la putréfaction des noyés. Constitution de l'individu. On comprendra facile- ment l'influence que doit exercer la constitution des individus sur la putréfaction des cadavres des noyés, en consultant ce que nous avons dit à la page 327 du DES ICXHUMAl'lOXS JURIDIQUES. 87 Ujine Ie', en examinant l'influence de cette même cons- titution sur les cadavres déposés dans la terre. Sexe. Les mêmes causes qui nous ont fait établir ailleurs que les cadavres des femmes se pourrissent en général plus vite dans la terre que ceux des hommes, nous portent à émettre la même assertion à l'occasion des noyés : nous ajouterons en outre que la différence est surtout marquée, dans l'eau, par rapport à l'époque où la saponification commence. État de maigreur ou d'obésité. La putréfaction dans Feau, comme dans tout autre milieu, marche plus rapidement quand les corps sont gras que lorsqu'ils sont maigres; l'influence de l'obésité doit même être plus marquée sur Fa putréfaction des noyés; en effet, plus ceux-ci seront gras, plus ils tendront à quitter le fond du liquide pour se rapprocher de la surface et même pour surnager : or, en été, la température.du liquide devant être souvent plus élevée vers les couches supérieures, surtout lorsque Feau est peu agitée et assez abondante, la putréfaction de ces cadavres sera hâtée; elle le sera surtout s'ils surnagent, et qu'ils soient à la fois sous l'influence de l'air et de la chaleur atmosphé- rique. Par des raisons contraires, la tendance à la super- natation , par suite de l'obésité, fera que les cadavres se pourriront moins vite, surtout s'ils n'arrivent pas tout- à-fait à la surface de l'eau, dans les cas où les couches les plus inférieures du liquide pourront êtce plus chaudes que les supérieures. Ajoutons que, la. saponification arrivant plus promptement chez les sujets gras que chez ceux qui sont maigres,la peau et le tissu cellulaire pré- 88 TRAITÉ senteront cette transformation à des époques fort diffé- rentes , chez des individus qui n'offrent pas le même degré d'obésité, et sur lesquels nous supposerons, pour un instant, les autres influences agir de la même ma- nière. Etat de santé ou de maladie. S'il ne nous est pas permis de démontrer qu'un individu malade depuis quelques jours seulement, et atteint d'une affection aiguë, se pourrit dans un espace de temps différent de celui qu'il emploierait s'il était tombé dans l'eau dans un état de santé parfaite, nous pouvons néanmoins assurer qu'il en est ainsi dans les cas où la maladie durant depuis long-temps, les individus sont parvenus à un état de marasme, et pour ainsi dire de dessèche- ment, qui doit les placer dans des conditions moins propres à parcourir rapidement les diverses phases de la putréfaction. Nous ne prétendons pas que ce soit là le seul genre d'influence que puissent exercer les maladies ; nous le signalons parce qu'il est le plus facile à constater. Etat vivant ou mort de l'individu qui se jette ou que Von jette à Feau. L'époque à laquelle la rigidité cada- vérique se manifeste, et la durée de cette rigidité n'étant pas les mêmes, suivant la température du milieu dans lequel sont plongés les cadavres, et la putréfaction ne se développant que lorsque la rigidité a cessé, il est évident que le moment où les cadavres commenceront à se pourrir variera beaucoup chez les individus qui sont tombés dans l'eau vivans, et chez d'autres qui y ont été jetés après la mort, pendant qu'ils étaient en- DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 89 core roides, et même lorsque déjà ils subissaient un commencement de putréfaction. Température du liquide dans ses différentes couches. Dès qu'il est prouvé qu'en été les couches supérieures pourront être plus chaudes que les inférieures, surtout dans les eaux stagnantes et dans celles dont le courant est à peine sensible, il est évident que la température des couches moyennes différera aussi des précédentes. Dès-lors les cadavres qui, par une cause quelconque, séjourneront plutôt dans telle région du liquide que dans telle autre, se pourriront plus ou moins vite, tout étant égal d'ailleurs. L'influence de la différence de tem- pérature se fera surtout sentir en été, parce qu'alors, à raison du peu de conductibilité des liquides, l'équi- libre tardera beaucoup à s'établir entre l'eau de la sur- face et du fond, notamment lorsque la température de l'atmosphère prendra tout à coup un accroissement subit, et que la rivière ou les lacs seront profonds; en hiver, au contraire, les couches inférieures plus chaudes, en se déplaçant, communiqueront plus faci- lement de la chaleur à celles qui sont situées au-dessus. Température atmosphérique. L'influence de la tem- pérature de l'atmosphère est incontestable, quoique beaucoup moins prompte que sur les cadavres qui se pourrissent à l'air; en effet, la température de l'air n'exerce d'influence que par l'intermède de l'eau, qui se trouve échauffée ou refroidie suivant que la saison est chaude ou froide : or, comme les effets de la cha- leur atmosphérique sur de grandes masses d'eau ne 90 iRAIlÉ sont pas instantanés, il en résuite que ce uest qu'au bout d'un certain temps que l'influence des changr- mens de température atmosphérique peut se faire sentir sur les noyés. Profondeur de la rivière. Tout étantégal d'ailleurs, des cadavres, placés au fond de rivières qui offrent des pro- fondeurs différentes, ne se pourrissent pas avec la même vitesse : plus la rivière est profonde, plus les corps sont pressés, et moins ils sont disposés à se pourrir, plus aussi la couche du liquide qui les entoure est-elle à l'abri des variations de température atmosphérique, c'est-à- dire plus elle tardera à s'échauffer en été : or, nous sa- vons que la chaleur est un des élémens qui favorisent le plus la putréfaction. État renouvelé ou tranquille du liquide. Il résulte des expériences faites par l'un de nous, en i8a3, que les cadavres se décomposent beaucoup plus rapidement dans Feau renouvelée que dans l'eau stagnante. [Méd. lég., p. 211, tom. 2, deuxième édition.) Il est donc évi- dent que de deux noyés, chez lesquels toutes les autres conditions seraient les mêmes, et qui resteraient pen- dant un mois dans l'eau, celui-là se pourrirait plus vite qui aurait été mis dans une eau incessamment agitée par des vents; cet effet serait surtout sensible, si la masse du liquide qui recouvre le corps n'était pas très- considérable. Etat contas ou sain du corps. Il paraîtra sans doute inutile de dire que les individus vivans, qui ont,été cou- tus en tombant dans l'eau, parce qu'ils ont rencontré DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. (Jl des pilotis, de grosses pierres, etc., ou parce qu'ils sont tombés de très-haut, ou enfin parce qu'ils ont été meurtris par des coups, se décomposeront plus vite que ceux qui seront arrivés dans l'eau dans des conditions opposées, le sang épanché dans le tissu cellulaire sous- cutané s'altérant beaucoup plus vite que lorsqu'il est enfermé dans les vaisseaux. Nature du terrain sur lequel reposera le corps. Si le terrain est vaseux, mou, nullement anguleux, le corps s'y enfoncera en quelque sorte, et n'en recevra aucune atteinte; tandis que s'il est anguleux, raboteux, il pourra déchirer la peau, et déterminer des solutions de continuité, qui hâteront la décomposition putride. Poissons, animaux voraces, etc. On conçoit que ceux des cadavres dont la peau sera attaquée, déchirée ou érodée par ces sortes d'animaux, seront pourris beau- coup plus vite, tout étant égal d'ailleurs, que les autres. Epoque ci laquelle le cadavre paraît à la surface du liquide ou près de cette surface. Cette influence, qui est incontestable,rentre dans ce qui a été dit à l'occasion de Y obésité des corps, et de la température des diffé- rentes couches du liquide et de l'air. État nu ou habillé du cadavre. Si les yêtemens ne sont pas serrés, et que l'eau puisse être en contact avec la peau, cette influence est nulle ou presque nulle ; mais elle est très-puissante dans le cas contraire, lors- que des corsets ou des bottes, appliqués d'une manière serrée sur le corps, empêchent, du moins pendant fort long-temps, le contact du liquide; toutes les parties 92 TRAITÉ couvertes et en quelque sorte à l'abri de l'eau, se con- servent presque intactes. Nature du liquide. Il suffit de jeter un coup-d'œil sur les nombreuses expériences rapportées dans l'ouvrage de madame d'Arconville (i), pour être convaincu de la différence que présentent les mêmes matières animales qui se pourrissent dans l'eau distillée ou dans celle qui contient telle ou telle autre espèce de sel, les unes se pourrissant beaucoup plus vite que les autres (2). (1) Essai pour servir à l'histoire de la putréfaction , par madame d'Arconville. Paris, 1766. (2) Le lecteur sera peut-être tenté de nous accuser de pla- giat , lorsqu'il trouvera les plus grandes ressemblances entre les faits qui constituent l'article que nous avens intitulé : Ré- sumé des changemens physiques qiiéprouvent les tissus qui se pourrissent dans Veau, et ceux qui font la base du mé- moire déjà cité du docteur Devergie. Nous devons à cet égard une explication. Notre résumé est basé sur les vingt-six obser- vations qui le précèdent : or, vingt-trois de ces observations étaient publiées en entier dans la Médecine légale dès l'année 1828, c'est-à-dire, vingt mois avant la publication du travail de M. Devergie. A l'exception des incrustations calcaires si- gnalées par ce médecin, et dont nous n'avions pas parlé, parce que nous n'avions jamais ouvert de cadavres qui fussent restés plus de centsoixante jours dans l'eau, il n'est point unseul/ait essentiel du mémoire de ce médecin qui ne se trouve dans nos observations. A la vérité, nous n'avons pas, comme lui, ré- sumé ces faits dans le but de déterminer l'époque de la sub- mersion , parce que nous avons préféré ne rien dire que d'in- duire les experts en erreur ; nous n'avons pas non plus déduit de nos observations les altérations successives qu'éprouvent DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 93 Tissu cellulaire. Les changemens qu'éprouve le tissu cellulaire peuvent, comme ceux de la peau, être rap- portés à sa coloration, à sa distension par des gaz ou par des liquides, à sa consistance et à sa saponification. Dans les premiers temps, la couleur du tissu cellulaire ne change guère ; plus tard, lorsque, par suite de la pu- tréfaction et du développement des gaz, la sérosité rou- les divers tissus dans Feau, parce qu'alors nous ne voulions éclairer que la question médico-légale, relative à la submer- sion pendant la vie ou après la mort. Mais qu'importe? les faits devant servir à tracer ce résumé n'étaient pas moins pu- bliés par nous. Nous nous serions bien gardé de réclamer la priorité pour un objet aussi minime , si M. Devergie, en ci- tant notre travail, n'en eût pas donné au public une idée inexacte : « M. Orfila , est-il dit, a tenté quelques essais dans le but de parvenir à une détermination approximative. » Tel n'a pas été notre but, et nous avons eu soin de le dire à la page 198 de la Médecine légale, deuxième édition ; nous nous proposions seulement de faire connaître les différences pro- duites dans la putréfaction par des milieux diffèrens. Plus loin : « Les expériences faites avec des portions de fœtus ou d'adultes , dans de petites quantités d'un liquide toujours le même ou renouvelé bien rarement, ne nous ont pas, je crois, assez rapproché de la vérité. » Or, nous avons dit, page 211 du même ouvrage, avoir agi sur des fœtus entiers, et avoir renouvelé Y eau four et nuit pendant vingt-deux jours... Plus loin : «M. Orfila a relaté vingt-deux ouvertures de noyés, d'où on peut déduire quelques données propres à éclairer le sujet qui nous occupe. » Il eût été plus exact de dire : «A un très- petit nombre d'exceptions près, les faits contenus dans notre mémoire ont été connus de M. Orfila, qui les a décrits dans les vingt-deux ouvertures de noyés qu'il a publiées; mais il ne 94 TRAITÉ geâtre du sang transsùde à travers les parois des vais- seaux, il se colore, par son mélange avec ce liquide, d'abord en rose, puis en rouge groseille, et même quel- quefois en rouge brun. Nous avons vu aussi le tissu cel- lulaire de l'abdomen d'un jaune verdâtre, tandis que déjà celui de quelques autres parties du corps était les a pas fait servir à la détermination des époques auxquelles la submersion a eu lieu, n Ces inexactitudes ne sont pas les seules qu'ait commises M. Devergie, à l'occasion de notre travail sur les noyés. Il dit, en effet, à la page 5^i du tome 3e du Dictionnaire de médecine et de chirurgie : « M. Marc est un de ceux qui ont le mieux précisé ce que Fon pouvait attendre des signes de la submersion pendanL la vie : depuis cette époque, M. Orfila a fait de nouvelles recherches ; elles ont confirmé ce que M. Marc avait annoncé. On doit cependant de plus à M. Orfila d'avoir éclairé, par des expériences sur les animaux , des faits im- portans. » Or, nous voyons, en comparant quelques-unes des asser- tions de notre savant confrère aux nôtres , qu'il existe entre elles des différences capitales. i°. «La certitude que nous avons acquise , dit le docteur Marc , qu'il ne peut entrer de liquide dans la trachée-artère que du vivant du submergé, qu'il ne peut s'en introduire après la mort, le cadavre eût-il même passé plusieurs jours sous l'eau , doit nous faire considérer, etc.... ( Manuel d'autopsie cadavérique, de Rose, traduit par Marc, page iy5.) Or, nous établissons que les liquides peuvent s'introduire après la mort, non-seulement dans la trachée-artère , mais jusqu'aux dernières ramifications bronchiques. ( Médecine légale, t. 2, page 345. ) M. Devergie répétera-t-il ce qu'il a dit à la page 074. du dictionnaire déjà cité, « que la conclusion dont il s'agi 1 DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 90 rouge et rouge brun. A une époque plus éloignée, à peu près lorsque les corrosions paraissent à la peau, ou quand la saponification commence, le tissu cellulaire, surtout celui qui est sous-cutané, tend à se décolorer et à devenir d'un blanc grisâtre : apparemment que le sang qui l'avait infiltré jusqu'alors se décompose pour n'est pas tout-à-fait rigoureuse , attendu que nous concluons de ce qui arrive chez les chiens , ce qui doit survenir chez l'homme ? » Nous répondrons que plusieurs mois avant la pu- blication de l'article où M. Devergie fait cette remarque, nous axions- înséré dans les Archives générales de médecine une note dans laquelle nous prouvions le même fait par des expé- riences sur des cadavres humains. ( Voyez tome 17e. ) 2°. « Le diaphragme est refoulé dans l'abdomen : ce carac- tère est essentiel, dit le docteur Marc , et manque chez tous ceux qui ont été submergés après leur mort.» (Ouv. cité, page 177.) Nous avons annoncé que le diaphragme n'était jamais refoulé dans l'abdomen lors de la submersion pendant la vie. (Voyez Médecine légale, page35o, tome2.) 3°. « Les cavités droites du cœur sont gorgées de sang, et les ravités gauches vides, ainsi que les vaisseaux correspondans.» (Marc, page 175. ) Nous avons dit avoir toujours vu les cavités du cœur et celles des gros vaisseaux entièrement ou presque entièrement vides à l'autopsie des cadavres d'individus sub- mergés vivans, et qui avaient long-temps séjourné dans l'eau. {Médecine légale, tome 2 , page 34g- ) Il aurait fallu reconnaître ces différences, tout en rendant justice au mémoire important de notre honorable et savant confrère, le docteur Marc, dont nous avons souvent cité ail- leurs les travaux avec éloge. ( Voyez Leçons de médecine lé- gale. ) Orfila. gQ TRAITE fournir l'ammoniaque nécessaire à la formation du gras; nous dirons toutefois que déjà, dans plusieurs parties, ce tissu est arrivé au point de blancheur dont nous parlons, que dans d'autres il est encore très-rouge; c'est particulièrement au crâne que Fon remarque la teinte rouge du tissu cellulaire. La distension de ce tissu par les gaz qui se dévelop- pent pendant la putréfaction dans l'eau, ne présenterait rien d extraordinaire, si elle n'était pas poussée à un degré extrême, surtout]orsc[ue les cadavres ont été ex- posés à l'air après avoir été retirés de l'eau (i). Plus tard, lorsque la saponification est prête à s'opérer, an lieu de continuer à se distendre, le tissu cellulaire s'affaisse. La distension de ce tissu par le liquide rougeâtre qui transsude des vaisseaux, est ordinairement beaucoup moins sensible que la précédente, et n'offre rien de re- marquable. La consistance du tissu cellulaire varie aux différen- tes époques de la submersion ; à l'état normal dans les premiers temps, il est plus mou lorsque déjà les sucs rouges l'abreuvent; quelquefois même, surtout à la tête, (i) Outre les fluides aériformes qui remplissent les inter- stices et le tissu même des muscles, outre ceux qu'on ren- contre dans le canal intestinal, dans les vaisseaux, et princi- palement dans les veines , nous en avons vu distendre la dure- mère comme un ballon , enfler le scrotum, et causer l'érection du pénis, occuper la cavité des membranes séreuses , former au-dessous de ces membranes des bulles arrondies et multi- pliées, donner lieu aussi à un emphysème sous-nviqueux, soit dans le canal intestinal, soit dans la vessie. DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. QJ il présente la mollesse et l'aspect d'une gelée à moitié fluide. Plus tard, il devient plus dense, sec et filan- dreux ; alors il commence à se saponifier. La saponifica- tion change complètement sa nature ; il se transforme en gras des cadavres, et n'offre plus l'aspect celluleux ; il devient quelquefois solide et même dur, tandis que dans d'autres circonstances, il est mou, jaunâtre, et sembla- ble à du lard. Ce n'est guère qu'au bout de trois ou quatre mois, pour les adultes, que ce changement a lieu. S'il est vrai qu'en général les changemens que nous venons de signaler se manifestent d'abord à la face et au scrotum, puis au cou et au thorax, et en dernier lieu aux membres, il est également certain que nous avons quelquefois vu la face et d'autres parties du corps distendues et colorées outre mesure, tandis que le scro- tum était dans l'état naturel. Bichat, après avoir établi que le tissu cellulaire se pourrit moins vite à l'air que les organes glanduleux et musculaires, parle de l'action de l'eau sur ce même tissu. Au bout de trois mois de séjour dans l'eau à la température des caves, le tissu cellulaire extérieur aux artères ne paraissait avoir subi aucune altération. Le sous-cutané, le sous-séreux et 1 intermusculaire se pourrissent plus vite, mais moins à proportion que celui de beaucoup d'autres organes. La résistance op- posée par ce tissu à l'action de l'eau est moindre quand on le fait macérer avec des organes qui se résolvent fa- cilement en putrilage, que lorsqu'on l'y expose seul ou avec des tissus qui ne s'altèrent presque pas par l'eau *■ 2. 7 98 TRAITÉ comme les nerfs, par exemple ; et en effet, après six mois de macération, Bichat a vu le tissu cellulaire qui sépare les faisceaux nerveux aussi ferme et aussi dis- tinct qu'auparavant. (Anat. gén., tom. 1, p. 6g. ) Muscles. Nous trouvons encore dans les muscles des changemens de coloration, de consistance et de nature. La couleur rouge se conserve en général pendant plu- sieurs mois, et devient même plus foncée, puis elle passe au rose, et tend de plus en plus à pâlir, jusqu'à ce qu'elle soit devenue d'un blanc grisâtre, jaunâtre ou rosée, comme le gras des cadavres ; à cette époque, les muscles sont effectivement transformés en savon ; quel- quefois cependant la couleur rose persiste fort long- temps ; certains muscles résistent en quelque sorte à la saponification, tandis que d'autres sont déjà saponifiés et confondus avec le tissu cellulaire sous-cutané ; il est des cas où les muscles sont d'un vert foncé; les sterno- pubiens offraient cette couleur chez une femme qui fut retirée de l'eau cinq mois huit jours après s'être noyée, tandis que les pectoraux étaient rouges, et ceux de la face saponifiés. ( Voy. pag. 328 de la Méd. lég.) Les dif- férences de consistance ne sont pas moins remarquables que celles de coloration et de nature; en effet, les mus- cles se ramollissent d'abord par leur mélange avec la sérosité rougeâtre qui transsude des vaisseaux, et peuvent être déchirés avec assez de facilité : toute- fois, nous avons vu à cet égard des variations extraor- dinaires : chez le sujet qui vient d'être cité, les muscles pectoraux étaient assez consistans, tandis que les sterno-pubiens se déchiraient à la plus légère traction ; et DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 99 chez un noyé qui n'était resté qu'arc mois dans l'eau, c'est-à-dire quatre mois huit jours moins que le précé- dent, les muscles pectoraux se déchiraient avec grande facilité : à la vérité, ce sujet ne put être ouvert qu'après trois jours d'exposition à l'air. Plus tard, lorsque les muscles sont sur le point de se saponifier, ils devien- nent plus minces et beaucoup plus denses. Bicha t,aprèsavoir établi queles muscles sepourrissent beaucoup plus vite que les tissus fibreux, cartilagineux et fibro-cartilagineux, ajoute qu'ils se ramollissent dans l'eau au bout d'un temps assez long, et qu'ils se chan- gent en une espèce de putrilage différent de celui qui se forme à l'air libre. D'autres fois, dit-il, ils se trans- forment en une matière analogue au blanc de baleine; alors leurs fibres sont dures et solides; mais il s'en faut de beaucoup que tous les muscles conservés dans l'eau présentent ce phénomène. Quand il se manifeste, très- souvent une espèce de produit rougeâtre, disséminé d'espace en espace sur la surface du muscle, et qui est un effet évident de la décomposition, annonce et ensuite accompagne cet état, sans lequel il a aussi souvent lieu. [Anat. gén., tom. i, p. 237.) Tissu fibreux. 11 résulte de toutes nos observa- tions, que le tissu fibreux résiste long-temps à la pu- tréfaction. Voici ce que Bichat avait déjà établi à cet égard. Quand on fait macérer ce tissu, il se ramollit, sa densité diminue, mais il ne se boursouffle point comme on l'a dit; ses fibres alors peuvent s'écarter les unes des autres; on voit distinctement entre elles le tissu cellulaire qui les unit. Enfin, au bout d'un temps 7- IOO TRAITÉ très-long, elles finissent par se changer en une pulpe mollasse, blanchâtre, qui paraît homogène. Les tendons sont les premiers à céder à la macération ; viennent en- suite les aponévroses : parmi celles-ci, celles qui sont formées par l'épanouissement d'un tendon, se ramollis- sent plus vite que celles qui sont destinées à envelopper les membres, que \efascia lata par exemple. Les mem- branes fibreuses, les capsules et les gaines de même na- ture sont plus résistantes. Enfin , ce sont les ligamens qui cèdent le plus tard à Faction de Feau, qui tend à les ramollir; cependant, lorsqu'ils viennent primitivement d'un tendon, comme le ligament inférieur de la rotule, ils sont plus prompts à être macérés. {Anat. gén., t. a, pag. i55.) Os. Presque toujours les os ont une tendance mar- quée à passer au rose : nous les avons vus d'un rouge lie de vin peu foncé dans certaines parties, après quatre mois cinq jours {voy. observation i5e); quelquefois ce- pendant ils deviennent verdâtres et même noirâtres. Ces changemens de couleur, qui sont en général plus manifestes dans les os longs que dans les autres, ne s'observent guère que long-temps après la submersion, lorsque déjà les os ont été en contact immédiat avec l'eau. Un séjour prolongé dans ce liquide rend aussi les os beaucoup plus friables. Cartilages. Après le tissu osseux, aucun ne résiste autant à la putréfaction et à la macération ; les cartilages peuvent se conserver fort long-temps dans l'eau sans éprouver d'autre altération qu'une légère coloration en jaune. Bichat dit, avec raison, qu'il faudrait plus d'un DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. IOI an pour les réduire à cette pulpe mollasse, muqueuse, fluente, où la macération amène la plupart des or- ganes. Membranes séreuses. Les membranes séreuses résis- tent long-temps à la putréfaction ; du moins pouvons- nous assurer qu'elles n'étaient pourries dans aucune des observations que nous avons rapportées : on peut même dire qu'elles préservent, jusqu'à un certain point, delà putréfaction, plusieurs des organes qu'elles envelop- pent d'une manière serrée. Dans certaines circonstan- ces , elles se dessèchent. Nous n'avons pas vu sans éton- nement, sur des cadavres qui avaient séjourné de trois à cinq mois dans l'eau, la plèvre, le péricarde et le pé- ritoine, desséchés et endurcis comme du parchemin, sans que nous ayons pu nous rendre raison du phénomène; quelquefois les cavités formées par ces membranes séreuses endurcies contenaient un liquide sanguino- lent; d'autres fois il n'y en avait pas; il n'est donc pas exact de dire que toujours les cavités dont il s'agit offrent une collection de sérosité sanguinolente ; cela a lieu, il est vrai, surtout dans la plupart des cas où, les noyés étant restés long-temps dans l'eau, le sang a pu transsuder abondamment des vaisseaux, à moins cepen* dant que la durée de l'immersion n'ait été assez prolon- gée pour que la peau du cou, de la poitrine ou d'une partie de l'abdomen, ayant été détruite, les liquides épanchés dans les cavités séreuses aient pu s'écouler. Bichat avait déjà vu, en soumettant le tissu séreux à la macération, combien il était difficile de le réduire en pulpe : la plus mince, la plus fine de ces membranes, 102 TRAITÉ dit-il, l'épiploon y a résisté pendant un temps très-long. Les tendons, qui sont si résistans et qui supportent de si grands efforts pendant la vie, étaient déjà pulpeux dans l'eau, que l'épiploon était intact. Élpiploons. Après s'être long-temps conservés, ils finissent probablement par se saponifier. L'épiploon gastro-colique, après un séjour de trois semaines dans l'eau, était verdâtre; après trois mois et huit jours, il était desséché, et brun dans plusieurs points, tandis qu'il était noirâtre après quatre Kiois cinq jours. L'épi- ploon gastro-colique était jaune verdâtre et facile à dé- chirer chez un sujet qui était resté cinq mois huit jours dans l'eau. Membranes muqueuses. Le tissu muqueux est, après le cerveau, celui qui s'altère le plus vite par Faction de Feau, d'après Bichat. Il se réduit alors en une pulpe rougeâtre très-différente de celle qui se forme pendant la putréfaction du même tissu à l'air. Lorsqu'on fait macérer tout l'estomac, déjà cette pulpe s'est détachée, que le tissu musculeux et la membrane séreuse n'ont subi que peu d'altération. Encéphale. La substance corticale du cerveau est la première partie qui se pourrit; elle devient d'un gris verdâtre : nous l'avons vue de cette couleur chez un individu qui n'était resté que huit jours dans l'eau ( voyez observation 10e ) ; la substance médullaire était encore blanche. Quelque temps après, celle-ci acquiert la même couleur; elle était verte chez trois individus, dont l'un n'était resté dans l'eau que trois semaines, et les autres un mois (en hiver), ce qui DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. Io3 prouve l'inexactitude de l'assertion émise par le doc- teur Devergie, savoir, que cet effet n'a guère lieu qu'à trois mois. ( Voyez les obs. 12,13 et i4-) Assez souvent la partie la plus extérieure de cet organe est d'un rouge plus ou moins foncé, effet de la transsudation du sang des vaisseaux et de 1 imbibition cadavérique. Après cinq mois huit jours de séjour dans l'eau, nous avons encore pu distinguer deux nuances manifestes dans les deux substances de l'encéphale. La consistance de cet organe diminue de plus en plus, au point que nous l'avons vu une fois, au bout de trois semaines, couler comme une bouillie épaisse, lorsqu'on l'abandonnait à lui-même après en avoir coupé quelques lambeaux; sa fétidité surpassait tout ce qu'on peut imaginer. Plus tard, il se saponifie : dans l'observation 21e, il était réduit à un volume bien inférieur à celui qu'il a ordinairement, et totalement réduit en gras des cadavres; la forme de toutes ses parties était conservée; seulement à sa sur- face existait une matière pultacée d'une odeur infecte ; chez la femme, qui n'était restée que cinq mois huit jours dans Feau, il n'était pas encore saponifié. Le cer- velet subit les mêmes altérations que le cerveau, et en général d'une manière plus prompte. Les méninges se colorent promptement en rouge, en rouge violet, et même en brun, du moins dans une partie de leur éten- due; assez souvent la dure-mère est séparée du cer- veau par des gaz qui forment une ou plusieurs vessies quelquefois plus grosses qu'un œuf de poule; du reste, le tissu fibreux de cette membrane n'est détruit qu'au bout d'un temps fort long. Nerfs. Ils ne subissent au*- 104 TRAITÉ cune altération sensible, même au bout d'un temps fort long. Voici ce que disait Bichat à l'égard du système nerveux : « La substance cérébrale et celle de la moelle se putréfient avec une extrême facilité quand on les soumet à l'action réunie de l'air et de Yeau; elles pren- nent alors une couleur verdâtre, et cependant acquiè- rent de l'acidité et rougissent le papier bleu. Ce sont même, je crois, parmi les substances animales, celles qui présentent le plus vite ce phénomène. La substance médullaire nerveuse paraît au contraire résister beau- coup plus à la pourriture; les nerfs sont même une des parties del'éconorhie animale les moins putréfiables. Pen- dant la vie, on les trouve souvent intacts dans un membre gangrené, au milieu d'un dépôt, etc. : sur le cadavre qui se pourrit, ils gardent leur blancheur et leur consistance au milieu de la noirceur et du ramollissement général. J'ai observé que l'eau de la macération du système ner- veux donne très-peu d'odeur, tandis que celle du cer- veau est fétide. Ces phénomènes n'auraient pas lieu évidemment, si la substance médullaire du nerf était aussi putréfiable que celle du cerveau. Cependant il est manifeste que c'est spécialement au névrilème que les nerfs doivent cette espèce d'incorruptibilité; car j'ai observé que l'optique ou la substance médullaire pré- domine, que l'olfactif et l'auditif, qui paraissent dé- pourvus de ce névrilème, se pourrissent plusfacilement que les autres. J'ai remarqué aussi constamment que tandis que la substance blanche de la moelle épinière se pourrit, son enveloppe est intacte. »(Anat. gén., t. i, p. i45.) DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. Io5 Organes de la respiration. Quelque temps après que les cadavres sont clans l'eau, il s'opère un dégagement de gaz dans les poumons, et ceux-ci ne tardent pas à se distendre et à remplir la totalité de la cavité de la poi- trine : nous avons vu quelquefois, au bout d'un mois de séjour dans Feau en hiver, les poumons emphysé- mateux, au point que la[plèvre qui les recouvrait était soulevée cà et là par des vésicules grosses comme de petites noisettes. Après avoir été ainsi distendus, les poumons s'affaissent, leur volume se trouve considé- rablement diminué et leur densité augmentée ; du reste, leur couleur, leur aspect ne diffèrent pas de l'état nor- mal. Dans l'observation où le cadavne était resté à peu près un an dans l'eau, ils étaient réduits au dixième environ de leur volume, et bien conservés; on pouvait les insuffler et les dilater six ou sept fois autant. Quel- quefois les poumons contiennent dans leurs dernières ramifications bronchiques une plus ou moins grande quantité d'un liquide semblable à celui dans lequel la submersion a eu lieu : c'est particulièrement lorsque les cadavres ne sont restés que quelques jours dans l'eau; mais encore faut-il presque toujours, pour la découvrir, examiner les poumons peu de temps après la sortie des corps de l'eau ; autrement elle disparaît promptement. Le larynx, la trachéen-artère, les bron- ches et leurs divisions, conservent leur aspect lisse, mais se colorent très-promptement. Leur membrane interne était d'un rouge violacé chez un individu qui n'était resté dans Feau que huit jours pendant le mois d'avril; d'autres fois elle est d'un rouge-brun et même IOÔ TRAITÉ brune; dans certains cas, nous avons trouvé dans ces conduits des parcelles de matières molles, comme grais- seuses, véritables débris de matières alimentaires. Ja- mais nous n'avons vu d'écume ni de liquide écumeux dans les conduits respiratoires, si les cadavres étaient restés dix ou douze jours dans l'eau; nous n'en avons aperçu que lorsque la submersion était fort récente, et que les cadavres étaient examinés peu de temps après leur sortie de l'eau. Du reste, nous croyons avoir suf- fisamment expliqué ces phénomènes ailleurs. ( Voyez Médecine légale, tome II, page 34o.) Plus tard, les cer- ceaux cartilagineux perdent leur élasticité, se défor- ment, et finissent par se réduire aux fibro-cartilages, les tissus membraneux intermédiaires ayant été détruits les premiers par la putréfaction. Organes de la circulation. Le cœur tend de plus en plus à se ramollir ; il finit par être tout-à-fait flasque ; sa couleur se fonce et passe successivement au rouge- violet et au rouge-brun presque noir, surtout dans l'in- térieur des cavités droitss et pendant les temps chauds; quelquefois sa surface, au lieu de rester humide, se dessèche d'une manière remarquable; enfin il se sapo- nifie, notamment dans sa partie gauche. Chez la femme qui fait le sujet de l'observation 21e, et qui était restée environ un an dans l'eau, le ventricule gauche du cœur presque entier était saponifié, tandis que le droit offrait à peine des traces de saponification ; on n'en aperce- vait pas non plus chez le sujet de l'observation 20e, qui était resté cinq mois huit jours dans la rivière. Les artères et les veines, mais surtout ces dernières, DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. lOJ contiennent du sang; elles sont le siège d'un dévelop- pement considérable de gaz (voyez observation 17e) qui ne tardent pas à déterminer la transsudation du sang à travers leurs parois, et à les colorer en rouge, en violet ou en rouge-brun ; d'où il suit que cette co- loration sera plus intense dans les portions des vais- seaux où il y avait plus de sang et où il s'est dégagé plus de gaz. Nous avons vu, chez un individu qui était resté plus de quatre mois dans la rivière, la veine cave et l'aorte abdominale peu colorées, tandis que chez d'autres sujets qui n'étaient restés dans l'eau que deux ou trois semaines, ces vaisseaux étaient fortement co- lorés. Indépendamment de cette coloration, les artères et les veines se ramollissent, deviennent flasques, et leurs parois s'affaissent à la longue ; alors elles ne con- tiennent plus de gaz; plus tard les artères finissent même par se saponifier, tandis que les veines acquiè- rent plus de densité. Chez la femme qui était restée dans Feau pendant un an environ (voyez observ. 21e), les artères offraient une tendance à la saponification, tandis que les veines présentaient un tissu serré, résis- tant, et paraissaient avoir acquis plus de solidité. Bichat, après avoir établi que les artères exposées à l'air se pourrissent presque aussi difficilement que les carti- lages et les fibro-cartilages, dit que l'eau dans laquelle ont macéré des artères exactement isolées de tout tissu voisin, n'est pas fétide; en comparant cette eau à celle qui a servi à la macération des muscles, la différence est tranchante. Une preuve manifeste de la résistance des artères à la putréfaction et à la macération, c'est Iû8 TRAITÉ ce qu'on observe dans les viscères qui ont long-temps macéré ou qui sont pourris, comme'dans le foie, la rate, les reins. Dans l'un et l'autre cas, dans le pre- mier surtout, ces viscères se trouvent réduits à une espèce de putrilage. Eh bien ! leurs artères ont con- servé leurs tissus encore très-durs, dans le ramollisse- ment général. Sur le vivant, ces vaisseaux sont aussi infiniment moins susceptibles de putréfaction que la peau, le tissu cellulaire, etc. Le tissu veineux se pour- rit plus facilement que l'artériel, mais bien moins que d'autres, par exemple, que le musculaire. L'eau où il a macéré isolément est beaucoup moins fétide que celle où une portion égale de tissu musculaire aurait sé- journé. ( Anat. gêner., tome Ier, pag. 286 et 409. ) Sang. La quantité de sang contenue dans le cœur et dans les gros vaisseaux varie beaucoup; toutefois, elle n est pas très-considérable, et nous n'avons jamais pu vérifier cette distension des ventricules du cœur et des vaisseaux par le sang, dont parlent les auteurs : à l'ou- verture des cadavres qui avaient long-temps séjourné dans l'eau, nous avons toujours vu les cavités du cœur et celles des gros vaisseaux entièrement ou presque en- tièrement vides; du reste, le sang est d'un rouge-brun noirâtre, et presque toujours fluide. Cette fluidité en effet manque rarement chez l'homme ; une fois seule- ment, dans nos nombreuses ouvertures de noyés, nous avons trouvé quelques caillots fibrineux dans le sang. Organes de la digestion. Le canal digestif est déco- loré chez les noyés qui ne sont pas restés long-temps DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. IOO dans l'eau ; mais il ne tarde pas à rougir, au point qu'il suffit quelquefois d'un séjour de deux ou trois semaines dans la rivière pour que Y estomac soit d'un rouge vio- lacé ou même d'un brun violet (voyez observ. i5e); cette rougeur, qui s'étend bientôt à toutes les tuniques du viscère, pourrait en imposer d'autant plus pour une phlegmasie, que dans plusieurs de ses points il existe un emphysème sous-muqueux, emphysème que Fon a par conséquent trop exclusivement considéré comme le résultat d'un travail inflammatoire. Nous avons vu, dans un cas, la portion de péritoine qui revêt la face supérieure de l'estomac soulevée par des gaz, au point de présenter une bulle de la grosseur d'un œuf. Les intestins subissent les mêmes altérations que l'estomac; mais en général elles se manifestent plus promptement dans les intestins grêles que dans les autres. Tous ces viscères finissent par se ramollir, deviennent grisâtres et se détruisent. Chez la femme qui était restée un an dans Feau ( voyez obs. 21e), l'estomac et toute la couche superficielle des intestins étaient détruits; il ne restait crue des cavités peu distinctes les unes des autres. Les intestins profonds étaient conservés et contenaient en- core des matières fécales. Organes glanduleux. Avant de parler des organes glanduleux en particulier, il ne sera pas inutile de men- tionner les principaux résultats obtenus par Bichat. Les glandes, dit-il, cèdent diversement à l'action de Feau : le foie y résiste plus que le rein, qui, au bout de deux mois 4 TRAITÉ corps en saisissant avec des pinces les portions de peau éloignées de celles qui n'étaient pas corrodées. Plus tard la consistance du derme a diminué au point de se corroder; nous avons constaté ces destructions de la peau, un mois dix-sept jours après le commence- ment de l'expérience, chez un nouveau-né qui avait été mis dans les excrémens le 9 mars i83o,et déjà l'abdomen offrait une large éventration par laquelle sortaient les intestins ; dans les environs des parties ainsi corrodées, la peau se déchire très-aisément : du reste , les destructions de la peau dont il s'agit ressemblent beaucoup à celles qui ont été décrites en parlant de l'action de l'eau sur les cadavres. Enfin il existe sur quelques parties de la peau, à une époque assez avancée, des granulations dures , isolées ou réunies sous forme de petites plaques blan- ches, que l'on n'enlève pas facilement en les grattant, et qui sont formées de phosphate de chaux. Tissu cellulaire. Il commence par s'infiltrer de gaz et d'un liquide sanguinolent, d'abord rougeâtre, puis d'un rouge plus foncé ; celui de la partie postérieure de la tête et celui de la partie inférieure du dos éprouvent les premiers ce changement qui arrive aussi assez promptement dans celui des parties qui plon- gent dans le liquide : cette infiltration et la coloration augmentent de plus en plus, ce qui donne au tissu cel- lulaire l'aspect d'une gelée rouge ; il ressemble alors à celui des fœtus mort-nés qui sont restés long-temps dam; la matrice après leur mort. A une époque plus éloignée, il commence à se transformer en gras. DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. l55 Tissu musculaire. Les muscles pâlissent et se ramol- lissent d'abord sans s'infiltrer; ceux de l'abdomen, toutefois, sont déjà d'une teinte verdâtre et même noirâtre. Quelque temps après, ils deviennent d'un rouge plus ou moins foncé , et même livides dans beaucoup de parties ; ils sont pour la plupart nota- blement infiltrés et faciles à déchirer ; ceux de l'ab- domen conservent encore leur couleur verte. Plus tard on ne trouve à la place de quelques-uns d'entre eux qu'une bouillie rouge très-liquide, au milieu de laquelle cependant il y a des morceaux de chair très- ramollie, des vaisseaux, etc.; à cette époque même, d'autres muscles sont encore entiers, quoique très-ra- mollis et comme gélatineux. Tendons. Les tendons deviennent quelquefois rosés, perdent une partie de leur brillant, et finissent par se déchirer assez facilement ; mais il faut beaucoup de temps pour que leur résistance soit notablement dimi- nuée. Ligamens. Au bout de trois mois de séjour dans les excrémens, nous n'avons remarqué aucun change- ment notable dans les ligamens des nouveau - nés soumis aux expériences. Cartilages. Ils commencent par jaunir et par se ra- mollir, puis ils deviennent violets, et enfin couleur de lié de vin de plus en plus foncée. Les os n'ont pas éprouvé de changement pendant le temps qu'ont duré nos expériences. Système nerveux. Le cerveau ne tarde pas à se ra- mollir ; il devient rougeâtre à l'extérieur, et d'un blanc l56* TRAITÉ rose intérieurement ; on y distingue encore les circon- volutions , les sillons, et même les deux substances. Quelque temps après, il est sous forme d'une bouillie fluide, très-fétide, rouge, grise, violacée par places, et qui s'écoule pour peu qu'on penche la partie du crâne qui a été ouverte ; il est impossible d'y recon- naître ni sillons, ni circonvolutions, ni les deux sub- stances. Le cervelet suit dans sa décomposition la même marche que le cerveau, seulement elle est plus rapide. Les nerfs se ramollissent de plus en plus et deviennent quelquefois légèrement rosés. La dure-mère se colore d'abord en blanc rosé, puis en violacé ; quelquefois même elle devient lie de vin dans certains points ; du reste, sa consistance n'est pas sensiblement diminuée au bout de trois mois ; il est des cas où elle est sou- levée par des gaz. Organes de la circulation et de la respiration. Le cœur commence par se ramollir, puis devient d'un rouge qui se fonce de plus en plus, et qui finit par passer au violet tirant quelquefois sur le vert; jus- qu'alors il renferme souvent du sang noir en partie li- quide , en partie coagulé, et souvent écumeux. Plus tard le ramollissement et l'altération de cet organe sont portés an point qu'il est impossible de recon- naître ni ses cavités, ni ses colonnes charnues, ni ses valvules, et il ne contient plus ordinairement du sang. Sa couleur violette très-foncée est souvent mélangée alors de bien ardoise. Le péricarde commence par être rosé ou d'un gris verdâtre; plus tard il est violet ou bleu ardoise, et DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 15^ sensiblement ramolli; il renferme assez souvent une petite quantité d'un liquide sanguinolent, dont la cou- leur se fonce de plus en plus avec le temps. Les vaisseaux artériels et veineux se ramollissent, et leur membrane interne se colore en rose, puis en rouge; ils contiennent quelquefois une petite quantité de sang. La membrane interne du larynx et de la trachée-ar- tère acquiert d'abord une couleur olivâtre ou gris ver- dâtre , surtout à la partie supérieure du canal ; car inférieurement elle est rosée sur les cerceaux cartila- gineux , et rougeâtre entre eux. Le tissu sous-jacent est violacé, même sous les portions olivâtres; plus tard ces organes sont sensiblement ramollis et colorés en violet foncé, surtout entre les cerceaux cartilagineux. Il arrive enfin une époque où le ramollissement est porté à un point tel, qu'on ne trouve à la place de ces parties qu'une sorte de membrane couleur de lie de vin, imbibée d'un liquide sanguinolent, et sans la moindre apparence de parties cartilagineuses. Les poumons, ramollis et emphysémateux de très- bonne heure, sont crepitans et nagent sur l'eau, même après avoir été très-fortement pressés. Quelque temps après , ils sont plus emphysémateux, vésiculeux, et prêts à tomber en putrilage ; leur couleur est ver- dâtre, et l'on a déjà quelque peine à reconnaître leur structure. Plus tard, ils sont noirâtres à l'inté- rieur, d'un rouge lie de vin et bleu ardoisé par places à l'extérieur, encore plus emphysémateux et beaucoup plus ramollis. Ils nagent sur l'eau ; mais si on les ex- l58 TRAITÉ prime fortement, on dégage les gaz qui constituaient l'emphysème, et ils se précipitent ; doù il résulte évi- demment que les cellules bronchiques ont été détruites par la putréfaction, et que l'air inspiré en a été chassé ; leur structure est méconnaissable. Le diaphragme commence: par se ramollir et par se colorer en bleuâtre, en violet ou en brun, surtout aux parties qui correspondent au foie et à la rate. Plus tard, le ramollissement a fait des progrès, et la couleur est devenue verte foncée, mêlée de violet, ou tirant sur l'ardoise ; déjà il n'est guère possible de dis- tinguer le centre tendineux. A une époque plus éloi- gnée encore, ce muscle est en partie détruit, et pré- sente quelquefois à sa face supérieure des granulations de phosphate de chaux semblables à celles dont nous avons fait mention en parlant de la peau. ( V. page i54.) Organes de la digestion. Bouche. La membrane mu- queuse buccale, d'un gris rosé pâle ou jaunâtre dans toute son étendue, se ramollit, et présente assez ordi- nairement , dès les premiers jours, vers le milieu de la voûte palatine, une tache couleur d'ardoise, ou d'un vert bleuâtre qui se fonce de plus en plus, et au centre de laquelle il existe quelquefois une excoriation qui laisse les os à nu. La langue acquiert de la mollesse, et au bout de quelque temps devient rosée ou d'un rouge pâle; bientôt après le ramollissement a fait de grands progrès. Le voile du palais, les piliers, la luette et le pltarynx, sont d'abord pâles ou d'un gris rosé pâle; quelque temps après, ils sont très-ramollis et rou- DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 159 geâtres, ou d'un gris verdâtre. Œsophage. Sa mem- brane interne est d'abord grisâtre, pointillée çà et là de petites taches rougeâtres, surtout vers sa partie in- férieure; quelque temps après elle devient verdâtre, et se colore à peu près comme l'estomac. Estomac. A l'ex- térieur et dans toutes les parties qui avoisinent le foie et la rate, ce viscère est d'un rouge plus ou moins foncé; partout ailleurs il est d'un jaune verdâtre; sa membrane muqueuse est verdâtre, jaunâtre et rou- geâtre par places; les portions rouges ne sont le siège d'aucune arborisation vasculaire. Quelque temps après, cette membrane est soulevée par des gaz qui forment de grosses vésicules; elle est déjà amincie, très ramol- lie , et de couleur grise rosée. Quoiqu'elle paraisse ver- dâtre à cause d'une certaine quantité d'un liquide vert dont elle est enduite, et qu'on peut enlever par le la- vage, toutefois on remarque, même après plusieurs lavages, que la teinte verdâtre persiste dans les envi- rons du pylore ; l'extérieur de ce viscère est également verdâtre. Plus tard, l'estomac est d'un bleu ardoisé à l'extérieur, et gris verdâtre à l'intérieur; à la vérité, ces couleurs sont en grande partie dues à un enduit que l'on enlève par le lavage, et alors le viscère de- vient d'un gris blanchâtre quand on l'étend, et d'un bleu beaucoup plus clair lorsqu'il est ramassé. A cette époque, déjà l'amincissement est à son comble, et le plus léger effort suffit pour déchirer les trois tuniques. Intestins. La coloration des tuniques des intestins suit à peu près la même marche que celle de l'estomac, excepté pour ce qui concerne les taches produites l6o TRAITÉ extérieurement par le foie et par la rate; nous pou- vons en dire autant pour l'amincissement et le ramol- lissement de leurs tuniques. En outre, dans nos obser- vations, nous avons vu deux fois une grande partie du canal intestinal détruite, à la suite de la corrosion des parois abdominales. Foie. Cet organe se ramollit assez promptement ; sa couleur est verdâtre, brunâtre ou bleuâtre, et finit par devenir ardoise foncée ; il diminue de plus en plus de volume, acquiert plus de mollesse, et ne présente au- cune apparence de sa structure normale; au bout de quelques semaines, on reconnaît tout au plus en le coupant quelques vaisseaux vides. La vésicule bi- liaire, au contraire, conserve pendant long-temps tous ses caractères, quoiqu'elle se ramollisse, et que sa cou- leur soit un peu plus foncée. La rate, d'abord d'un bleu ardoisé, ne tarde pas à devenir noire ou lie de vin, et alors son ramollissement est déjà tel, que par la plus légère pression, elle se réduit en une bouillie fluide de même couleur, qui s'échappe à travers la membrane extérieure de l'or- gane. Le pancréas se ramollit et devient grisâtre ; il finit par devenir comme pultacé. Organes urinaires et génitaux. Les reins, de couleur verdâtre ou rougeâtre, passent bientôt au violet, et se ramollissent au point qu'au bout de quelques semaines on ne peut plus reconnaître leur structure ; plus tard ils deviennent emphysémateux, et souvent de couleur ardoise ; ils sont aussi beaucoup plus mous. La vessie DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. l6l n'éprouve pas de changement notable d'abord, mais après elle se ramollit et se colore en gris rosé à l'inté- rieur ; quelquefois aussi, lorsqu'il y a éventration, elle est en partie détruite. / L'utérus se ramollit de plus en plus, et acquiert une couleur violacée ou simplement rosée ; quelquefois aussi cette teinte est d'un jaune ocracé. Les parties externes de la génération acquièrent ordinairement une couleur jaunâtre sale, perdent un peu de leur consistance, mais en général n'éprouvent pas de chan- gement notable pendant les deux premiers mois. CHAPITRE IV. De la putréfaction des cadavres dans le fumier. OBSERVATION I Le 21 novembre 1829, on a placé à un pied et demi de profondeur, dans un tas de fumier exposé à l'air, le cadavre d'un enfant femelle âgé de huit jours, et qui avait succombé deux jours auparavant. La peau offrait partout la couleur naturelle, excepté à la partie pos- l62 TRAITÉ térieure du tronc, où il y avait quelques lividités ca- davériques, et à Fabdomen et aux flancs, qui étaient déjà verts. Le 27 novembre, le cadavre est entier et de même couleur, si ce n'est dans plusieurs parties qui présentent une teinte rosée; l'épiderme ne se détache nulle part, mais il commence à se rider aux pieds ; l'odeur est à peine sensible. Le cadavre est promptement remis dans le tas de fumier. Le 4 décembre, même intégrité du cadavre. La peau, encore couverte d épidémie, est généralement rosée; celle de l'abdomen est toujours verdâtre, mais d'une nuance moins foncée qu'au commencement de l'expé- rience. L'épiderme commence à se détacher, quoique assez difficilement, et non pas par lambeaux; lorsqu'on l'enlève, il reste sur le scalpel avec lequel on le gratte, sous forme d'un enduit graisseux : toutefois, on peut en séparer quelques fragmens, à la vérité de peu d'é- tendue. Les pieds et les mains sont les parties aux- quelles cet épidémie tient le moins ; celui des mains est très-ridé. L'œil droit fait une saillie assez considérable au-delà du bord de l'orbite ; les paupières qui le re- couvrent, fortement distendues, sont colorées comme si elles eussent été contuses. Les lividités de la partie postérieure du tronc sont moins rouges et entremêlées de plaques verdâtres. Le cadavre n'est pas resté plus de dix minutes hors du fumier. Le i3 décembre, le cadavre est encore entier; les membres offrent, dans une grande partie de leur éten- due , une couleur jaune d'ocre, du*1 à un enduit de \ DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 163 consistance de pommade , qui est appliqué sur l'épi- derme et qui se détache avec facilité, en même temps que celui-ci. Dans plusieurs points de ces membres, des plaques de moisissure d'un blanc d'albâtre et d'un blanc grisâtre recouvrent cet enduit ; çà et là, on trouve à la place de la matière onguentacée dont nous parlons, une couche humide vert bistre, qui paraît devoir son origine aux liquides qui ont filtré à travers le fumier. L'épiderme étant enlevé, la peau est hu- mide, d'un rose clair, ridée, flasque, sans pourtant avoir perdu notablement de sa consistance : en effet, elle ne se déchire pas lorsqu'on la tire avec des pinces. La partie interne d'un des membres thoraciques, de celui qui était appliqué contre le corps, est dépourvue de toute espèce d'enduit ; l'épiderme y existe encore : il est de couleur blanche tirant légèrement sur le rose, et s'enlève assez facilement, surtout en haut. L'autre bras présente partout l'enduit graisseux, excepté au pli du coude et au poignet, parce que la main étant flécbie sur l'avant-bras, et celui-ci étant fléchi sur le bras, ces parties n'ont pas été en contact immédiat avec le fu- mier. On voit à la partie supérieure et antérieure du tronc ce même enduit et deux plaqués assez larges de moi- sissure blanche; l'épiderme s'enlève moins aisément qu'aux membres, et la,peau sous-jacente est assez ré- sistante et de couleur mélangée de vert et de rose très- pâle. L'épiderme de l'abdomen est ridé dans toute son étendue, d'une couleur verte ardoisée à droite, et 11. l64 TRAITÉ beaucoup plus claire à gauche; il se détache sans ef- fort, et la peau qu'il recouvre est verdâtre. Les traits de la face sont méconnaissables. Cette partie est également couverte d'une couche onguentacée bru- nâtre et jaune d'ocre par places; cet enduit est plus humide que celui des membres ; la portion qui est ap- pliquée sur la région frontale et sur une partie de la région temporale, est sous forme de petits mamelons un peu plus gros qu'une forte tête d'épingle; en cet en- droit, Fépiderme s'enlève avec facilité. Les cheveux tiennent encore au crâne; mais, par une légère trac- tion , on les détache avec l'épiderme, et l'on voit alors que la peau sous-jacente est d'un rose tirant plus sur le rouge que celle des membres; elle offre assez de con- sistance. Les oreilles sont entièrement déformées et re- couvertes d'un enduit jaunâtre peu épais, On voit en- core les paupières ; l'œil droit est très-affaissé, proba- blement parce qu'il s'est vidé. La partie postérieure du tronc est recouverte dans plusieurs endroits d'une couche de fumier que l'on ne peut détacher qu'avec Fépiderme; on trouve vers les épaules le même enduit graisseux déjà décrit; au côté droit et en bas , il existe des taches d'un vert ardoisé qui intéressent à la fois l'épiderme et la peau ; dans d'autres parties, l'épiderme offre une couleur jaunâtre due au fumier; la peau sous-jacente est rosée. On a trouvé quelques vers à la surface du corps ; plusieurs d'entre eux sortaient de la bouche. Le cadavre a été remis dans le tas de fumier au bout d'une demi-heure. DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 165 Le 25 décembre (i), l'aspect général du corps est à ► peu près le même, si ce n'est que les diverses teintes sont plus foncées, et que l'enduit de consistance de pommade et de couleur jaune d'ocre qui recouvre plusieurs parties, est plus mou et même fluide sur certains points, notamment à la partie postérieure de la tête. 7Vte.Elle est généralement d'une couleur brune plus foncée que les autres parties du cadavre ; on voit aux régions pariétale et temporale gauche des petites plaques arrondies de moisissure d'un blanc éclatant. L'épiderme se détache facilement. Les cheveux tiennent encore. Le derme de la tête, d'une couleur rouge assez foncée, offre çà et là des taches assez larges d'un vert clair. Il existe sur le côté droit de la tête, entre les os et la peau, une assez grande quantité de matière sanguinolente, comme gélatineuse, semblable à celle que l'on remarque quelquefois sous la peau du crâne des nouveau-nés. Les yeux sont vides, et tellement rentrés dans les orbites, qu'on les aperçoit difficilement en écartant les paupières; celles-ci sont entières et dé- pourvues de cils. Le nez est écrasé et aplati au point qu'au premier abord on pourrait croire qu'il n'existe pas. La bouche est ouverte. Les oreilles , particulière- ment la gauche, sont encore plus déformées que lors du dernier examen. (i) Depuis le i3 décembre, la température de l'atmosphère a toujours «té de plusieurs degrés au-dessous de zéro. l66 TRAITÉ Cot. L'épiderme du col se détache facilement; il est d'un vert ardoisé très-clair; le derme sous-jacent est d'un vert bouteille très-foncé dans certains endroits, tandis que dans d'autres il est d'un rose livide. Les muscles sont ramollis , livides, et imprégnés d'une sanie couleur de lie de vin. Thorax. L'épiderme et l'aspect extérieur du thorax sont à peu près comme lors du dernier examen ; les muscles seraient dans l'état naturel, s'ils n'offraient pas une teinte violette, et s'ils n'étaient pas légèrement in- filtrés. Abdomen. L'épiderme qui recouvre le côté droit de l'abdomen est d'un vert ardoisé très-clair à sa face ex- terne ; il est d'un vert noirâtre à l'intérieur; on l'enlève très-facilement; le derme qu'il recouvre est marbré de plaques d'inégale grandeur, dont les unes sont d'un bleu très-foncé, presque noir, les autres blanches ou d'un bleu très-clair. Le côté gauche de l'abdomen, beaucoup moins putréfié que le droit, est couvert d'épiderme qui est ridé, moins facile à enlever, et qui ne se détache que par petits lambeaux d'un blanc gri- sâtre, comme celui qui a macéré pendant quelque temps; le derme sous-jacent offre la même couleur blanche grisâtre, sauf dans certains points où l'on voit quelques taches d'un vert ardoisé clair. Les muscles de l'abdomen sont pâles , légèrement olivâtres ; à droite, leur surface externe est teinte légèrement en bleu, comme les tégumens qui les recouvraient. Dos. L'épiderme du dos s'enlève aisément. Depuis le milieu de cette région jusqu'à la nuque , le derme DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 16j est d'un rose orangé, excepté dans quelques endroits où Fon voit des taches d'un vert clair. Dans les autres parties du dos , on remarque la même marbrure blanche et verte dont nous avons parlé à l'occasion du côté droit de Fabdomen , et en outre çà et là quelques taches d'un rose orangé. Membres. On détache facilement l'épiderme des membres, dont l'aspect est à peu près le même que le i3 décembre, et alors on aperçoit le derme d'une teinte généralement rose orangée; à la partie externe du bras, ce derme est ridé et comme soulevé dans plu- sieurs points, de manière à imiter la lésion que déter- minent les orties appliquées sur la peau ; toutefois, ces élévations affectent toutes sortes de formes, et il suffit, pour les faire disparaître, de les applatir fortement avec la lame d'un scalp il. A la partie interne des bras, le derme est lisse, et parcouru çà et là par des stries et des plaques d'un vert clair. Les membres inférieurs présentent une disposition presque semblable. Les muscles sont à peu près comme dans l'état naturel ; ils sont seulement un peu plus rouges et plus mous. Le derme est partout très-consistant, car il ne se dé- chire pas quand on le tire fortement avec des pinces. Le tissu cellulaire sous-cutané est d'un blanc gri- sâtre, serré, et n'offre aucune apparence de gras. Les os et les ligamens sont dans l'état naturel. Les cartilages articulaires et les épiphyses sont de couleur lie de vin ; leur consistance paraît être sensible- ment la même. Le cerveau est fétide, mou et d'un rouge livide clair i68 TRAITE à l'extérieur ; cette teinte est marquée près du sinus longitudinal supérieur, entre la scissure interlobaire, et surtout d'ans la partie qui répond à la tente du cer- velet. A l'intérieur, la substance cérébrale est rosée, et l'on distingue difficilement les deux substances à la différence de couleur. Le cervelet est encore plus mou et plus rouge que le cerveau. Les nerfs paraissent dans l'état naturel. La membrane muqueuse de la bouche est en partie détruite à la région palatine antérieure ; les os sont à nu et en partie détruits eux-mêmes. La langue est molle, un peu livide et de volume ordinaire ; elle est entièrement renfermée dans la bouche. La partie pos- térieure du voile du palais, le pharynx et le commen- cement de l'œsophage offrent une teinte rougeâtre li- vide qui est d'autant plus foncée qu'on approche da- vantage de l'œsophage : celui-ci présente à sa face in- terne, et dans toute son étendue, une couleur lie de vin qu'il partage avec toutes les parties molles qui l'avoisinent, comme la trachée-artère, le cœur, les muscles du cou et les gros vaisseaux : cette coloration est le résultat évident de la putréfaction. On sépare avec assez de difficulté la membrane muqueuse œso- phagienne, qui est lisse et nullement emphyséma- teuse, et l'on voit alors que c est surtout la tunique musculeuse qui est le siège de la lividité dont nous par- lons. L'estomac, de volume ordinaire, contient une très-petite quantité d'un liquide brunâtre épais : sa membrane muqueuse offre généralement une couleur jaune orangée : on remarque vers le pylore une large DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 169 plaque d'un vert noirâtre; du reste, cette membrane est lisse, de consistance ordinaire, et ne se détache pas facilement; la teinte orangée dont nous parlons est un peu plus foncée à l'extérieur de ce viscère, tandis que la plaque d'un vert noirâtre l'est moins : il n'y a point d'emphysème. Les intestins sont dans l'état naturel ; on voit çà et là dans le canal qu'ils forment quelques parties colorées en vert par une matière fluide de même couleur. Le foie est mou, livide, excepté dans une partie de sa face inférieure, où il est ardoisé; il se précipite au fond de l'eau : quand on l'incise, on voit qu'il com- mence à s'altérer, car on ne reconnaît plus bien sa texture, quoiqu'on y aperçoive l'orifice des vaisseaux, et en le grattant avec un scalpel, on enlève une bouillie claire d'un jaune d'ocre^ La vésicule est pleine débile, et paraît dans l'état naturel. La rate est d'un vert bou- teille ardoisé, très-facile à déchirer, et fournit par la compression un liquide épais, paraissant noir quand il est en masse, et d'une couleur bistre foncée lorsqu'on l'étend. On n'aperçoit point de granulations sablon- neuses sur le foie ni sur la rate. Le tissu cellulaire qui environne les reins est emphysémateux; les capsules surrénales sont très-ramollies et un peu rougeâtres. Les reins sont aussi plus mous que dans l'état naturel, mais on peut bien y reconnaître les trois substances. La vessie est vide et dans l'état naturel ; il en est de même de l'utérus et des épiploons. Les parties géni- tales externes sont ramollies et rougeâtres. l.e larynx, la trachée-artère et les bronches sont IJO TRAITÉ colorées en rouge livide comme l'œsophage. Les pou- mons, de volume et d'apparence ordinaires, surnagent avec le cœur lorsqu'on les met sur l'eau; ils sont de couleur rosée tirant un peu sur le rouge, postérieure- ment où l'on aperçoit quelques plaques livides; ils sont crepitans et emphysémateux; ils contiennent à peine du sang; la face inférieure des poumons droite offre quelques granulations blanchâtres, comme sa- blonneuses, semblables à celles qui ont été trouvées plusieurs fois sur le foie des cadavres laissés long-temps dans la terre. Le cœur est très-flasque, livide, ainsi que les gros vaisseaux qui en partent ou qui s'y rendent; les ventricules contiennent un peu de sang fluide, épais, noirâtre. Le diaphragme, un peu plus rouge qu à l'ordinaire dans sa partie hépatique, est recouvert dans sa partie muscuîeuse d'une grande quantité de ces granulations blanches, dures, fortement adhérentes, dont nous venons de parler. Le cadavre n'exhale pas une odeur très-fétide; on ne trouve pas sensiblement plus de vers à sa surface que lors du dernier examen. OBSERVATION 2C. N**% du sexe féminin, âgée de quatre jours, bien conformée, et n'offrant aucune coloration insolite à l'extérieur, a été placée dans un tas de fumier exposé en plein air le 2 décembre 1829, vingt-quatre heures après la mort, et n'en a été retirée que le 10 janvier s 83o, trente-neuf jours après le commencement de l'ex- DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. I~I périence.Pendant ce temps, la température de l'atmo- sphère a presque toujours été à plusieurs degrés au- dessous de zéro. Le fumier, presque entièrement formé de crottin de cheval, est dur et comme gelé; on n'en retire le corps qu'avec peine. Examen du cadavre. Le cadavre est entier, et re- couvert dans presque toute son étendue par du fu- mier qui y adhère tellement, qu'on ne peut en enlever les dernières portions qu'en grattant avec un scalpel, et alors on détache l'épiderme sous-jacent. Excepté la partie supérieure de la tête, qui est couverte de che- veux blonds, entre lesquels se trouve une moisissure blanche, ce qui lui donne un aspect gris-cendré, et les mains où l'on voit quelques plaques tirant légèrement sur le rose, toutes les autres parties du corps présentent une teinte jaune abricot clair. L'épiderme n'est détaché que dans les parties que l'on a grattées avec un certain effort pour séparer le fumier ; mais il s'enlève très-facilement, excepté à la face palmaire de la main droite et à la tête; celui qui re* couvre Fintérieur des mains et des doigts est fortement plissé, blanc, et assez translucide pour qu'on puisse apercevoir la couleur rosée du derme sous-jacent; il est mince et facile à déchirer. A la face dorsale des mains, il est moins plissé, plus épais, moins translucide etd'un jaune abricot; cette couleur tient à un enduit graisseux, assez résistant, qui le recouvre. Les diffé- rences qui existent sous ce rapport entre les faces paî- maire et dorsale dépendent de ce que les mains ayant été constamment fermées et les doigts rapprochés, 1^2 TRAITE Fépiderme de l'intérieur des mains et des doigts n'a pas été en contact avec le fumier. L'épiderme de la face plantaire des pieds ressemble assez à celui de la face dorsale des mains, si;ce n'est près des orteils et entre eux, là où le fumier touchait à peine : partout ailleurs il offre les caractères de celui de la face dorsale des mains, excepté à la*partie supérieure de la tête; là il adhère fortement, comme nous l'avons déjà dit, et il présente à peu près la couleur,la consistance et l'as- pect ordinaires. Vers les paupières, à la partie supé- rieure de la tête, sur les parties latérales du tronc, sur les avant-bras et sur la partie externe des jambes et des cuisses, on trouve une légère couche de moisissure blanche, cotonneuse, immédiatement appliquée sur l'é- piderme. Les ongles et les cheveux existent encore et sont assez adherens. Le derme est très-résistant, de couXenu jaune abricot clair, excepté aux doigts des deux mains, à la face pal- maire delà main gauche, et à la portion de la face pal- maire de la main droite, dont Fépiderme est enlevé ou prêta se détacher,et où il offre une couleur rose : cette nuance qui augmente sensiblement d'intensité par l'ac- tion de Fair, et qui aurait fini par être celle de tout le derme, si le cadavre fût resté plus long-temps dans le fumier, se manifeste plus promptement dans les par- ties où l'épiderme est séparé ou sur le point de s'enle- ver. A la partie inférieure de l'abdomen, le derme offre un aspect granulé que l'on ne saurait mieux comparer qu'à la chairde poule. Le derme pris sur une partie quel- conque du corps, et séparé du tissu cellulaire graisseux DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. IJO sur lequel il est appliqué, est translucide, jaune à sa face externe et grisâtre intérieurement ; il n'est point saponifié. Le tissu cellulaire sous-cutané est dur et jaune, ex- cepté aux aisselles et aux parties latérales du thorax, où il est rouge et assez mou, parce que là, à raison de sa laxité, il s'est laissé facilement imbiber d'une séro- sité rougeâtre; il n'est pas non plus saponifié. Les muscles, encore très-résistans, paraissent dans l'état normal, si ce n'est qu'ils ont une couleur moins rouge ; toutefois, ceux de l'abdomen sont d'un violet livide, tandis que la peau qui les recouvre est jaune abricot clair, et n'offre aucune trace d'une pareille teinte. Le tissu nerveux est dans l'état naturel. Les os sont d'un blanc tirant sur le gris. Les tendons et les liga- mens sont dans l'état naturel. Les cartilages, de con- sistance ordinaire, sont d'un blanc tirant légèrement sur le gris jaunâtre. La face est écrasée, quoique ses traits soient parfai- tement reconnaissables. Les paupières sont entières et fermées; il reste encore quelques cils. Les yeux sont pleins; la cornée a perdu une grande partie de sa transparence : aussi n'aperçoit-on la pupille qu'avec peine à son centre; la sclérotique et les autres mem- branes ne paraissent pas avoir éprouvé de changement notable. Les humeurs vitrée et aqueuse sont rouges comme la gelée de groseilles ; le cristallin est rosé. Le nez et les lèvres sont entiers, mais aplatis. Le tissu cellulaire sous-péricranien est infiltré d'une sérosité 1^4 TRAITÉ rougeâtre, comme gélatineuse. La dure-mère est dans l'état naturel. Le cerveau est ramolli ; mais on y recon- naît aisément les circonvolutions et les anfractuosités; les vaisseaux qui rampent à sa surface contiennent une certaine quantité de sang noir ; sa substance est rou- geâtre à l'extérieur et d'un blanc grisâtre à Fintérieur. Le cervelet, beaucoup plus ramolli que le cerveau, est d'un rouge plus foncé à l'extérieur et rosé à Finté- rieur. Le thymus est légèrement ramolli et de couleur ordinaire. L'intérieur du larynx et de la trachée-artère est lisse, d'un rouge tirant légèrement sur le violet ; à l'extérieur/ces parties sont d'un rouge moins foncé. Les poumons crepitans, nullement emphysémateux, de couleur normale, plus légers que l'eau , paraissent dans l'état naturel. Le cœur est plus mou et d'une cou- leur plus foncée qu'à l'état normal; on trouve dans son ventricule droit du sang noir assez épais et en partie sous forme de petits grumeaux ; le ventricule gauche en contient à peine. On ne découvre aucun li- quide dans la cavité des plèvres. Le péricarde offre une couleur un peu plus foncée. Le diaphragme est vio- lacé dans les parties qui correspondent au foie et à la rate; du reste, il n'est le siège d'aucune de ces granula- tions blanches dont nous avons fait mention dans l'observation première ( v. page 170). La langue est à peu près dans l'état naturel, si ce n'est qu'elle est un peu ramollie; le pharynx et l'œsophage sont rou- geâtres ; l'estomac, tant à Fintérieur qu'à l'extérieur, est lisse et d'un rouge livide clair; du reste, sa consis- DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 1^5 tance est ordinaire, et il ne présente aucune tache verte, comme celui de l'observation première ( voyez page 168), ni aucune trace d'emphysème. Les intes- tins seraient dans l'état normal, s'ils n'avaient une teinte légèrement rosée qui annonce manifestement leur tendance à rougir; il y a quelques matières fé- cales molles dans le colon et dans le rectum. Le foie est d'un rouge foncé, livide par places et très- ramolli : on y reconnaît à peine sa structure granulée, et lorsqu'on gratte les parties incisées avec le scalpel, on enlève une bouillie d'un rouge brique foncé. La vésicule biliaire renferme un peu débile, et n'offre rien de remarquable. La rate diffère peu de l'état na- turel. Les reins sont ramollis et en partie réduits en bouillie; ils sont rouges, et on ne peut plus y reconnaître les substances qui les constituent; les calices seuls sont apparens. La vessie est vide, blanche à l'intérieur et légèrement rosée à sa face externe. L'utérus et les ovaires sont à l'état normal : on peut facilement recon- naître les parties génitales externes qui participent de la couleur jaune abricot clair dont nous avons parlé. OBSERVATION 3 e. N**, enfant mâle, âgé de oVix-huit jours, mort le 2 décembre 1829, fut mis dans un tas de fumier le 5 du même mois à midi. L'ombilic était parfaitement cicatrisé, le ventre légèrement bleuâtre. La région postérieure du tronc offrait çà et là une couleur rosée. La peau de cette partie était ridée. Les oreilles, le 17^ TRAITÉ nez et les lèvres étaient d'un rouge rosé , les pieds et les mains d'un violet clair. La partie interne des bras était rosée, et la paume des mains violacée. Le corps n'exhalait aucune odeur fétide. Examen le 21 février i83o , soixante-dix-neuf jours après le commencement de l'expérience (i). Le cadavre est entier et exhale une assez mauvaise odeur ; il est difficile d'enlever plusieurs brins de fumier qui y sont adherens, sans détacher l'épiderme dans les parties qui sont encore recouvertes de celui-ci. La teinte du corps est olivâtre à la face et à la tête, livide à la partie droite du thorax, blanchâtre à la partie in- férieure de l'abdomen, tandis qu'elle est livide dans la moitié supérieure de cette région ; les membres sont d'une couleur aurore, mêlée d'une teinte olivâtre à leur partie externe ; car à leur face interne, surtout pour les bras, qui sont appliqués contre le tronc, ils sont presque pâles. L'épiderme est détaché dans plusieurs endroits, et là où il existe, il s'enlève avec la plus grande facilité ; les parties qui en sont dépouillées sont la presque totalité de la face, tout le côté gauche du thorax, la portion sus-ombilicale de Fabdomen , la presque tota- lité des membres abdominaux, la partie externe des (1) Depuis le 5 décembre jusqu'au 10 février, la tempé- rature atmosphérique a été presque toujours au-dessous de zéro , et souvent même à 8, 10 , 12 et i.\ degrés au-dessous ; depuis le 10 jusqu'au 21 , on peut considérer la température moyenne comme ayant été do 4° ~f" °°- DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 177 membres thoraciques dans presque toute leur étendue, et la partie inférieure du dos. Cet épiderme est blanc. translucide, ridé, peu consistant. Dans quelques points, lorsqu'il recouvre des parties de peau fortement colo- rées , il paraît coloré lui-même, ce qui tient à la pré- sence d'un enduit diversement coloré, dont le derme est recouvert : cet enduit est poisseux à la face et aux parties des membres qui manquent d'épiderme; il est liquide au thorax, et il offre en général la coloration des parties qu'il recouvre. Les ongles existent encore. Le derme présente assez de consistance pour n'être pas déchiré par de fortes tractions opérées avec des pinces; sa couleur très-variée est en général la même que celle des diverses régions du corps que nous avons déjà fait connaître; toutefois, il faut excepter la peau du crâne qui est d'un rouge cuivré, parsemée çà et là de petites taches vertes. La portion du derme qui re- couvre le côté gauche du thorax et la majeure partie de l'abdomen, est recouverte d'une multitude de petites granulations, comme sablonneuses, sorte d'incrusta- tions calcaires, dures, réunies en quelques points par petites plaques de couleur blanche, mais paraissant diversement colorées, suivant la couleur de l'enduit avec lequel elles sont mêlées ; ces incrustations sont formées de phosphate de chaux. Le tissu cellulaire sous-cutané, partout où il est graisseux, offre moins d'épaisseur que dans l'état na- turel ; dans les autres parties il est à l'état normal. Les muscles des membres supérieurs ont conservé leur aspect naturel, seulement ils sont plus pâles et 2. 12 178 TRAITÉ un peu moins consistans; ceux des membres inférieur* sont encore plus ramollis, plus pâles et infiltrés; au thorax, ils sont rouges et infiltrés de sérosité sangui- nolente ; à la partie inférieure de l'abdomen, ils sont d'un rouge pâle , tandis que supérieurement et à droite, dans la partie qui correspond au foie , ils sont très-ramollis, d'un rouge noir, et imprégnés d'un li- quide de cette même couleur. Ceux du dos sont encore plus ramollis et plus infiltrés inférieurement, où ils sont couleur lie de vin; à la partie supérieure du dos, leur teinte violacée est moins foncée, et quoique ramollis, ils sont moins infiltrés. Les tendons et les nerfs paraissent à l'état normal ; les cartilages offrent une couleur lie de vin clair, mais leur consistance est ordinaire. Les ligamens ne semblent pas avoir perdu non plus de leur consis- tance. Les os, excepté ceux du crâne, ne sont pas colorés, et ne diffèrent pas de l'état naturel. La tête est recouverte en entier d'épiderme et de cheveux qui adhèrent fortement. La face est tellement déformée, qu'il serait impossible de reconnaître l'in- dividu; elle est aplatie latéralement, et semble alongée par l'affaissement des parties molles qui recouvrent la mâchoire inférieure, qui est notablement abaissée. Les paupières, qui existent encore, sont parfaitement reconnaissables, et quelques cils y sont accolés. Les orbites paraissent vides au premier abord ; mais on trouve dans leurs cavités les globes oculaires affaissés, entiers : on reconnaît dans ces organes les diverses membranes qui les constituent, mais les humeurs sont DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. IJQ remplacées par une matière noire, poisseuse; toutefois, on peut découvrir encore le cristallin très-ramolli, dé- formé et noirâtre. Les muscles des globes oculaires sont distincts, de couleur de lie de vin et peu consis- tans. Le nez est déprimé sur ses parties latérales, en sorte qu'on n'aperçoit ses ouvertures qu'avec diffi- culté; du reste, il est entier. La bouche est fermée; les lèvres sont flasques et pendent de l'un ou de l'autre côté, suivant que la tête est inclinée à droite ou à gauche, ce qui produit une déformation notable de la bouche ; ces lèvres sont encore assez résistantes pour ne pas se déchirer lorsqu'on soulève le cadavre à l'aide de pinces appliquées sur elles. La langue est entière, enfermée dans la bouche, ramollie, d'un vert olivâtre, et couverte d'une matière demi-fluide, d'un jaune sale. La membrane muqueuse de la bouche et le voile du palais sont olivâtres ; à la partie postérieure du pha- rynx , on trouve des granulations semblables à celles dont nous avons déjà parlé. Il n'existe entre les os du crâne et les parties molles qui les recouvrent aucune trace d'infiltration ; les os sont en général colorés en rose mêlé de vert ; les com- missures du crâne sont entières. Le cerveau, dont les circonvolutions sont très-apparentes, remplit toute la cavité du crâne : il est de couleur lie de vin à l'exté- rieur, grisâtre à l'intérieur, un peu ramolli; cependant il ne coule pas facilement quand on incline la tête en bas. La dure-mère est d'un blanc légèrement rosé et très- consistante. Le cervelet est d'un rouge beaucoup plus foncé et très-ramolli, et n'offre plus de trace de sub- l8o TRAITÉ stance grise ni d'organisation ; il est presque sous forme d'une bouillie homogène. La moelle épinière est ra- mollie et grisâtre; la membrane qui l'enveloppe est aussi de cette couleur. Le larynx, la trachée-artère et les bronches sont d'un rouge livide à Fintérieur comme à l'extérieur; mais leur consistance n'est guère diminuée. Les poumons sont de volume ordinaire, emphysémateux, très-crépitans et de couleur rouge, si ce n'est en arrière et dans quelques autres points où l'on voit des plaques noires ; ils surnagent l'eau et se déchirent très^facilement ; leur texture ressemble assez à celle des poumons enflammés (i). Le péricarde ren- ferme un peu de sang noir fluide ; il est imbibé par ce liquide ; cependant il est encore assez consistant : sa couleur est rouge lie de vin. Le cœur est flasque, facile à déchirer, de couleur lie de vin foncée, surtout à Fintérieur; les ventricules renferment une certaine quantité de sang noir, en partie coagulé; du reste, toutes les parties de cet organe sont distinctes. Les gros vaisseaux sont vides et colorés en violet, surtout à l'intérieur; leur consistance ne paraît que peu di- minuée. Le diaphragme est vert bouteille inférieure- ment; en haut, cette teinte est moins prononcée, et tire un peu sur la couleur lie de vin. L'œsophage et l'estomac sont d'un rouge violacé à Fintérieur comme à l'extérieur. Ce dernier viscère ne contient qu'une petite quantité d'un liquide épais et (i) Peut-être cet enfant avait-il succombé à une pneumonie. DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. l8l noirâtre ; sa membrane muqueuse, en général, d'une teinte lie de vin foncée, offre dans plusieurs parties» notamment dans le grand cul-de-sac, des taches in- téressant à la fois les trois membranes; mais c'est la membrane muqueuse qui présente la coloration la plus foncée. Quoique au premier abord cette cou- leur lie de vin puisse faire croire que l'estomac est fortement enflammé, on ne voit pas d'injection vascu- laire : du reste, les trois membranes existent et ne sont pastrès-ramollies. Les intestins, d'une teinte beaucoup moins foncée, sont cependant rouges. Le foie, très-ramolli, conserve cependant sa forme; il est d'un vert bouteille tellement foncé qu'il paraît noir ; sa membrane externe se détache avec la plus grande facilité ; sa structure est méconnaissable, et on ne peut guère y reconnaître que les orifices des vaisseaux san- guins. La rate est absolument dans le même état. Les reins sont parfaitement distincts ,* d'un gris ardoise dans quelques points et rougeâtres dans d'autres; leur membrane externe se sépare facilement : quand on les incise, on y reconnaît toutes les substances, quoique leur couleur soit beaucoup plus foncée et qu'ils pré- sentent un ramollissement marqué. La vessie est vide, et ne participe pas à cette teinte rouge foncée qu'of- frent les autres tissus membraneux ; cependant elle est d'un gris légèrement rocé, surtout à l'extérieur. La verge est parfaitement reconnaissable, mais ramollie ; le scrotum est presque dans l'état naturel. On ne voit point de vers sur le cadavre, l82 TRAITE OBSERVATION 4°- N...., enfant du sexe masculin, âgé de seize jours, mort le 3 février i83o, fut mis le surlendemain dans un tas de fumier exposé à Fair. Voici l'état extérieur du corps au moment où il a été placé dans ce milieu : couleur générale d'un blanc très-légèrement rosé, excepté au dos et aux fesses, où il existe quelques livi- dités cadavériques d'une nuance fort claire; ombilic cicatrisé. Examen dui cadavre le 4 avril i83o, cinquante-trois jours après le commencement de l'expérience. Depuis le n février jusqu'au 4 avril, la température avait beaucoup varié; le maximum avait été de io° -f- oq pendant les derniers jours de février, et la moyenne, pendant le mois de mars, de 8°,5-}-o0 th. centig. Le ca- davre paraît entier; sa surface est recouverte de brins de fumier, dont quelques-uns sont tellement adherens, qu'il est difficile de les séparer sans altérer les tissus ; on y voit aussi beaucoup de vers. Coloration. Il est impossible d'indiquer une teinte générale, car on voit que les cuisses, les jambes et les avant-bras, sont d'un rouge aurore, que la partie antérieure du thorax et de l'abdomen offre la même couleur dans certains points, mais qu'elle est plus généralement d'un blanc mat ou jaunâtre, que les parties latérales de ces deux régions sont d'un gris verdâtre sale, excepté dans les portions sur lesquelles les bras étaient appliqués, qui sont d'un blanc très-légèrement rosé ; dans ces parties, qui évi- DES EXHUMA lions JURIDIQUES. l83 demment n'ont pas été en contact avec le fumier, il y a encore de l'épiderme. Le bras droit et le col sont d'un gris verdâtre sale; toute la partie droite de la face est d'un vert foncé et humide; la partie gauche est aurore dans les deux tiers supérieurs et verdâtre dans son tiers inférieur. Le crâne est tellement couvert de fumier, qu'on ne voit pas d'abord sa couleur, qui est verdâtre. Le dos est moins humide que les autres par- ties du corps; lorsqu'on gratte avec le scalpel et qu'on enlève et le fumier et l'enduit jaunâtre qui le recouvrent, on voit qu'il est marbré de larges plaques d'un rouge foncé, grenade, aurore, jaune, blanc jaunâtre et ver- dâtre. Dans plusieurs régions, notamment aux mains, aux jambes et au front, il existe des moisissures blan- ches , comme pointillées; vers le coude, ces moisissures affectent la forme de larges plaques. Quoique nous ayons dit que le cadavre paraissait en- tier, nous ferons remarquer que dans certains endroits les tégumens sont détruits et offrent des corrosions, dont quelques-unes ont un pouce de longueur sur sept ou huit lignes de large, et qui intéressent même les muscles ; on en voit à la partie supérieure et latérale droite du thorax, dans les deux régions iliaques, à la partie su- périeure et antérieure de la cuissse droite, aux jambes au cou et au bras gauche ; il en existe encore d'autres beaucoup plus petites, disséminées sur diverses parties du corps. Il n'y a fépiderme que dans les parties qui n'ont pas été en contact avec le fumier; ainsi on en trouve à la partie interne du bras droit, et à la portion cor l84 TRAITÉ respondante du thorax sur laquelle ce bras était appli- qué, et dans l'aine gauche, là où la cuisse était en contact avec la région pubienne; il est blanc, translu- cide et facile à déchirer. Partout ailleurs, c'est-à-dire dans les parties dépouillées d'épiderme, il existe un enduit différemment coloré,qui leur donne un aspect humide et même gras dans quelques points; cet enduit est liquide, plus ou moins épais ou même de consis- tance d'onguent; il est un détritus évident de Fépi- derme mêlé à une certaine quantité de gras des cadavres provenant de la décomposition des tégumens; ce gras est surtout apparent à la partie antérieure de l'abdomen et du thorax, au bras et à l'avant-bras droits. Quand on a enlevé cet enduit en grattant avec le scalpel, on s'assure que la moitié environ de \apeau de la partie antérieure du corps a été saponifiée; celle qui reste est diversement colorée dans les diverses régions, et affecte partout les nuances indiquées à l'occasion de la colo- ration de la surface du cadavre; ces teintes sont surtout marquées au dos, où la peau est conservée en entier, si ce n'est un peu en haut, vers l'épaule gauche; du reste, cette peau, quoique amincie, résiste encore assez à la traction. Les ongles sont détachés; quelques-uns cependant sont maintenus dans leur position par un mélange d'enduit graisseux et de fumier qui les accole en quelque sorte aux doigts et aux orteils; ils sont flexibles, élastiques, translucides, grisâtres et très- faciles à déchirer. Les cheveux, très-nombreux, sont entremêlés de l'enduit déjà indiqué et de fumier; ils tiennent à peine aux tégumens. DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. l85 Le tissu cellulaire sous-cutané est transformé en gras, excepté dans les parties qui étaient couvertes par l'épi- derme et au dos, et encore commence-t-il déjà à se saponifier. En général, les muscles sont d'un rouge foncé et ramollis ; quelques-uns même sont réduits en une bouillie rougeâtre ou verdâtre ; là où nous avons dit exister des corrosions à la peau, le tissu musculaire est détruit. Au dos, les muscles sont violets, et beaucoup moins ramollis que ceux de la partie antérieure du corps qui n'étaient pas sous forme de bouillie. Les tendons et les aponévroses sont très-faciles à déchirer et de couleur blanche. Les nerfs sont roses et même rouges dans certaines parties, et ramollis. Les ligamens, également de couleur rosée, offrent encore beaucoup de résistance. Les cartilages sont couleur de betterave, et les os paraissent dans l'état naturel. Tète. La face est méconnaissable,; le front qui est encore presque entièrement couvert de peau, est d'un rouge vineux par places et d'un rouge plus foncé dans d'autres portions. Les orbites, au premier abord, pa- raissent vides; cependant on trouve dans leur fond quelques débris des membranes des yeux, d'un rouge violacé, et da»s lesquels il serait difficile de reconnaître autre chose que le tissu de la sclérotique et le nerf optique. Il n'y a à la place des paupières que des lam- beaux minces de parties molles, encore humides, d'un rouge vineux et d'un rouge plus foncé par places. La peau du nez est en partie détruite, oar il r'existe que la portion qui recouvre les os propres et l'apophyse mon- 186 TRAITÉ tante de l'os maxillaire; cette peau est d'un vert noi- râtre; du reste, les diverses pièces osseuses qui entrent dans la composition du nez et des fosses nasales ne sont plus articulées entre elles, et sont tombées pêle- mêle dans les cavités de ces fosses. La joue gauche est presque entièrement détruite, excepté dans la région de la pommette, où l'on voit une masse de gras des ca- davres recouverte de petites lamelles de peau très- amincie et facile à déchirer, de couleur rougeâtre sale mêlée de vert. La joue droite est mieux conservée, plus humide, et la transformation graisseuse n'y est pas aussi avancée; on y trouve encore des débris du masséter qui offre l'aspect des autres muscles. On n'a- perçoit plus à la place des oreilles qu'une matière molle, moitié membraneuse, moitié grasse, dans laquelle il est impossible de reconnaître la forme de ces organes. Les os maxillaires sont presque entièrement désarti- culés et de couleur olivâtre très-foncée. La bouche est ouverte; il ne reste à la place des lèvres que quelques petits lambeaux de parties molles, d'un vert noirâtre, peu humides. La voûte palatine est olivâtre. Le voile du palais est violacé et perforé vers la partie supérieure gauche. Les dents, qui à cet âge sont réduites en quelque sorte à la couronne, ne sont plus dans les alvéoles et sont tombées dans la bouche ; elles sont noires. La langue est détruite dans sa moitié gauche; la partie qui reste est très-ramollie, d'un rouge violacé, surtout à l'intérieur de sa substance; sa surface est enduite d'un fluide vert foncé qui au premier abord fa fait paraître de cette couleur. DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 187 Le crâne est en partie dénudé; les parties molles qui existent encore, surtout en arrière, sont fortement accolées à du fumier; elles sont brunes et formées par des restes de peau très-amincie, sous laquelle on voit une grande quantité de vers blancs ; à gauche, on trouve, sous une membrane mince, jaunâtre, du tissu cellu- laire transformé en gras. La dure-mère est d'un vert clair à l'extérieur, et d'un vert bleuâtre à sa face in- terne; du reste, elle'ne diffère pas beaucoup de l'état naturel. Le cerveau offre une teinte verdâtre à sa sur- face; mais pour peu qu'on en enlève une légère couche, on voit qu'il est transformé en une bouillie d'un rose sale dans les parties les plus superficielles, et lie de vin dans celles qui sont plus profondément situées ; il est impossible de reconnaître ni circonvolutions, ni sillons» ni aucune des parties qui composent l'organe. La bouillie que l'on remarque à la place du cervelet est encore plus fluide et d'un rouge plus foncé que celle qui provient du cerveau. Le larynx offre encore toutes les parties qui le com- posent; sa membrane muqueuse est d'un rouge brun sale et comme incrustée çà et là de petites granula- tions ressemblant à des grains de sable : la tunique interne de la trachée-artère et des bronches paraît au premier abord d'un gris ardoisé verdâtre; mais en l'examinant de plus près, on voit qu'elle est violacée sur les cerceaux cartilagineux et d'un gris verdâtre entre eux; elle est sensiblement ramollie. Les poumons sont assez volumineux, très-emphysémateux, crépi- tans et nagent sur l'eau, même avant d'être séparés du l88 TRAITÉ cœur, et après avoir été fortement comprimés sous ce liquide ; ils sont d'un, rouge foncé par places et d'un rouge plus clair dans d'autres ; en général, ils sont d'un vert bouteille à leur face interne; ils ne contiennent point de sang; on peut encore assez bien reconnaître leur structure, quoiqu'ils soient notablement ramollis. Le péricarde contient une petite quantité d'un liquide verdâtre; il est d'un vert foncé tirant sur l'ardoise, et il a perdu de sa consistance. Le cœur est très-mou, d'un vert tirant aussi sur l'ardoise dans toute sa partie droite, surtout en arrière, et d'un violet foncé en avant et à gauche ; il conserve sa forme, et renferme dans le ven- tricule droit un peu de liquide sanguinolent, assez fluide;le ventricule gauche est à peu près vide; Finté- rieur des cavités de cet organe est d'un rouge brun à droite et d'un violet foncé à gauche : du reste, on dis- tingue encore parfaitement les colonnes charnues, les valvules, l'orifice interauriculaire, etc. Les artères ne contiennent point de sang, mais un liquide roussâtre; leur tunique interne est de couleur aurore. Les veines sont amincies, translucides, et couvertes d'une légère couche d'une matière rosée. Le diaphragme est coloré en vert tirant sur l'ardoise, surtout dans la partie qui recouvre le foie; il est ramolli; mais on y distingue très-bien les fibres musculaires et le centre tendineux, quoique celui-ci soit d'une couleur grise ardoisée, et n'offre par conséquent pas la différence de couleur, par rapport aux fibres musculaires, qu'on remarque dans l'état ordinaire. L'œsophage est d'un rouge violet à l'extérieur, d'un DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 189 rouge vineux à Fintérieur ; il est mou et facile à déchi- rer. L'estomac est vide et très-ramolli; il est d'un vert foncé tirant sur l'ardoise dans sa partie antérieure cor- respondante au foie; partout ailleurs, en avant, il est d'un rouge vineux ; sa face postérieure et externe est d'un bleu clair dans le voisinage de la rate, et d'un jaune rose dans le reste de son étendue. Il est emphy- sémateux; car, dans plusieurs points, la membrane séreuse est soulevée par des gaz, de manière à former des bulles assez grosses. La tunique muqueuse est «■■■ entièrement couverte d'un enduit ardoise foncé sale, assez fluide, qui, étant enlevé, la laisse apercevoir colorée exactement de la même manière qu'à l'exté- rieur, c'est-à-dire que les plaques d'un vert foncé, d'un rouge vineux, d'un bleu clair et d'un jaune rosé, correspondent aux parties externes ainsi colorées : du reste, cette membrane muqueuse est lisse et moins vil- leuse que dans l'état naturel. Le canal intestinal est jaunâtre, légèrement rosé à l'extérieur, excepté dans les portions du colon qui avoisinent le foie, et qui sont couleur d'ardoise foncée ; ces deux premières couleurs passent promptement au rose et même au rouge par Faction de l'air. Leur surface interne contient des ma- tières fécales ramollies et sous forme d'un enduit jau- nâtre, qui communique cette teinte à la membrane muqueuse sous-jacente. Les parois des intestins sont sensiblement ramollies. Le foie est d'un vert tirant sur l'ardoise; il a beau- coup perdu de sa consistance ; lorsqu'on l'incise, on y remarque encore bien l'orifice de certains vaisseaux; 190 TRAITÉ mais on ne voit plus l'aspect granulé qu'offre cet organe dans l'état normal. La rate est encore plus ramollie; sa couleur est la même que celle du foie à l'extérieur; intérieurement elle est presque noire. Les reins, d'un gris foncé, sont très-mous aussi ; il est dif- ficile de reconnaître les différentes substances qui les composent; on y distingue bien les calices. La vessie a une légère teinte rosée. Organes génitaux. Les parties génitales externes sont parfaitement reconnaissables, et, à l'exception des grandes lèvres qui ont été en partie détruites, on les trouve entières. Ces grandes lèvres sont rosées inté- rieurement et d'un gris verdâtre à l'extérieur ; les nym- phes et le clitoris sont d'un rouge violacé et mous. L'u- térus est aussi un peu moins consistant qu'à l'état normal et d'un violet clair. OBSERVATION 5e. Le 22 juillet 1829, à midi, on enfonça dans un tas de fumier le cadavre d'une petite fille âgée de quatre jours, morte la veille. Le corps était décoloré, à l'ex- ception de quelques taches bleuâtres, semblables à des ecchymoses, que l'on remarquait aux membres et au côté droit de la tête. Les yeux étaient fermés, la bouche ouverte 5 le cordon ombilical n'était pas en- core tombé. La grande lèvre du côté droit offrait une incision assez profonde. La tête était couverte de che- veux courts et noirs. Le lendemain à huit heures du matin, la portion du DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 191 fumier qui entourait le cadavre étajt à la température de 45° th. centigr., tandis qu'à Fair le même thermo- mètre marquait seulement 260. En enlevant les cou- ches de fumier pour chercher le corps, il se dégageait une fumée assez épaisse. Le cadavre était entier, et sans autre trace de coloration que celle que nous avons indiquée ; l'épiderme était déjà détaché dans quelques parties, et s'enlevait avec la plus grande facilité dans les autres. La peau était comme cuite et facile à déchi- rer; celle qui recouvre la partie antérieure du cou s'était en effet déchirée par le simple renversement de la tête en arrière, qui avait eu lieu lorsqu'on avait sorti le cadavre en le prenant par les pieds; les muscles de la partie antérieure du cou avaient également été dé- chirés.- Le cadavre fut replacé de suite dans le fu- mier. Le jour suivant ( 24 juillet ), à midi, la température était de 290 th. centigr., et celle du fumier qui entou- rait le corps, de 46°. La putréfaction était tellement avancée, que lorsqu'on cherchait à sortir le cadavre, on l'enlevait par morceaux; les os étaient désarticulés; ceux du crâne, séparés les uns des autres, laissaient voir la masse cérébrale encore entière, d'un rouge clair, teinte que présentaient aussi les differens lambeaux de chair que Fon pouvait extraire, excepté toutefois dans la partie de ces lambeaux qui était formée par la peau : Celle-ci, en effet, était jaune, tirant dans quelques points seulement sur le rose. La consistance de ces lambeaux était celle de la viande cuite et ramollie; l'odeur aussi ressemblait beaucoup à celle de cette 192 TRAITÉ viande, si ce n'est qu'elle était un peu fétide. On ne découvrait plus que des débris d'organes. Le cadavre d'un autre enfant âgé de six jours, et mort la veille, ayant été mis au centre d'un tas de fumier le 7 août 1829, en fut retiré le 10. Il fut im- possible de l'avoir autrement c|ue par lambeaux; les parties molles étaient comme la chair des jeunes ani- maux que l'on a fait cuire. Résumé des changemens qu'éprouvent les cadavres placés dans le fumier. Epiderme. Il commence par se rider et se plisser, puis se soulève, se détache, et tombe sans qu'on puisse dire quelles sont les portions du cadavre qui se dépouillent d'abord, ni indiquer rien de constant dans la marche de cette chute'. Assez généralement il de- vient mince, et conserve sa translucidité et sa blan- cheur; cependant, lorsqu'il recouvre des parties de peau fortement colorées, il paraît coloré lui-même en jaune, en aurore, en vert, en ardoise, et même en noir, ce qui tient souvent à la présence d'un enduit de nuance différente et plus ou moins poisseux dont le derme est recouvert. Il arrive aussi que chez le même sujet, les parties qui n'ont pas été en contact immédiat avec le fumier, comme les paumes des ^ DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. I93 mains, lorsque celles-ci sont restées fermées, sont pourvues d'épiderme blanc et presque dans l'état na- turel; tandis que parmi les autres quelques-unes offrent leur épiderme diversement coloré et sensible- ment altéré. Plus tard, partout où ce tissu n'existe plus, on trouve à sa place un enduit de couleur va- riée, qui leur donne un aspect humide et même gras dans quelques points; cet enduit est liquide, plus ou moins épais, ou même de consistance d'onguent; il est un détritus évident de l'épiderme, mêlé à une certaine quantité de gras des cadavres provenant de la décom- position des tégumens. Ajoutons que même de très- bonne heure on remarque sur plusieurs parties de l'épiderme des moisissures blanchâtres, d'un blanc grisâtre, etc. Ongles et cheveux. Les ongles ne s'altèrent pas d'a- bord ; quelque temps après ils deviennent flexibles, plus élastiques, grisâtres et faciles à déchirer; plus tard ils se détachent et tombent, à moins qu'après avoir été séparés ils ne soient maintenus par un en- duit graisseux mélangé de fumier, qui les accole en quelque sorte aux doigts. Les cheveux ne subissent aucun changement, mais ils finissent par adhérer à peine aux tégumens. Peau. La peau se colore d'abord en jaune abricot, puis en rose très-clair; quelque temps après elle affecte diverses nuances : ainsi dans quelques points elle est enduite d'une matière graisseuse de couleur jaune d'ocre ou brunâtre; dans d'autres, elle est colorée par une couche humide vert bistre, qui paraît devoir son 194 TRAITÉ origine aux liquides qui ont filtré à travers le fumier. Plus tard, ces diverses teintes se foncent davantage; les membres deviennent d'un rose orangé, puis au- rore, sinon dans toute leur étendue, du moins dans beaucoup d'endroits; et s'il est vrai que l'on retrouve aussi ces teintes çà et là dans quelques autres parties du corps, c'est particulièrement dans les membres qu'on les observe. Assez souvent le derme de la tête acquiert une couleur rouge foncée, marbrée de taches vertes. Enfin il est assez ordinaire de voir la peau du col, du thorax, et surtout celle de l'abdomen, finir par se co- lorer en vert bouteille, en ardoise, ou en bleu plus foncé ou plus clair : tantôt cette coloration affecte la forme de larges plaques; tantôt elle est circonscrite, non uniforme, et comme marbrée de petites taches entremêlées quelquefois de blanc ou de gris. Nous avons vu une fois la peau du dos offrant évidemment l'ensemble de plaques d'un rouge foncé, de couleur grenade, aurore, jaune, blanc jaunâtre et verdâtre. Nous ne quitterons pas ce qui se rapporte à la colora- tion de la peau, sans fixer l'attention du lecteur sur cette teinte aurore de la peau qui se produit dans le fumier, et que nous n'ayons jamais remarquée lorsque les cadavres se pourrissaient dans tout autre milieu. La consistance du derme ne commence à diminuer qu'au bout d'un certain temps; il s'amincit d'abord, puis se détruit, et donne naissance à des corrosions d'un ou de plusieurs pouces de longueur, qui res- seniblent assez à celles que Fon observe lorsque les corps se sont pourris dans l'eau ou dans les fosses DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. Io5 d'aisance. Si la température de l'atmosphère est très- élevée pendant que le corps séjourne dans le fumier, il suffit de deux ou trois jours pour que le derme soit réduit en lambeaux, qui ont la consistance et l'odeur de la viande cuite. Il existe quelquefois sur certaines parties de peau déjà dépouillée d'épiderme de petites granulations comme sablonneuses, sorte d'incrustations formées de phosphate de chaux, dures, réunies en quelques points par de petites plaques de couleur blanche, mais pa- raissant diversement colorées, suivant la couleur de l'enduit avec lequel elles sont mêlées. Enfin le derme, tout en se corrodant dans certains points, finit par se saponifier dans d'autres. Tissu cellulaire sous-cutané. Ce tissu, partout où il n'est pas très-lâche, n'éprouve pas d'altération sen- sible pendant les premières semaines; là où il offre beaucoup de laxité, il se laisse assez promptement im- biber quelquefois d'une sérosité rougeâtre; plus tard il se saponifie. Muscles. Ils commencent par perdre de leur consis- tance; leur couleur varie beaucoup dans les premiers temps : plus pâles qu'à l'ordinaire dans certaines ré- gions, ils sont rouges et infiltrés de sérosité sangui- nolente dans d'autres. Plus tard, on les trouve plus ramollis, plus infiltrés, de couleur lie de vin, et même d'un rouge noir, surtout dans la partie qui corres- pond au foie. Enfin ils se réduisent en une bouillie rougeâtre ou verdâtre, et se détruisent complètement i3. I96 TRAITÉ dans les parties où nous avons dit que la peau était corrodée. Tendons. Le tissu tendineux se ramollit peu à peu, sans perdre ses caractères extérieurs. Les ligamens sont encore resistans au bout d'un temps fort long; quelquefois ils deviennent de couleur rosée. Les car- tilages se colorent en rouge betterave, et se ramollis- sent lentement. Les os ne paraissent pas subir d'alté- ration dans les deux ou trois premiers mois. Système nerveux. Le cerveau commence par se ra- mollir; il devient rouge ou lie de vin extérieurement, tandis qu'il est grisâtre ou rosé à l'intérieur; plus tard sa surface extérieure est verdâtre, et l'intérieur est sous forme d'une bouillie rose sale dans les couches les plus superficielles, et lie de vin dans celles qui sont plus profondément situées. Le cervelet suit exactement la même marche dans sa décomposition; mais il se co- lore et se ramollit plus vite que le cerveau. La dure- mere devient d'abord d'un blanc rosé, puis d'un vert clair ou d'un vert bleuâtre; sa consistance tarde beau- coup à être diminuée. La moelle épinière se ramollit, acquiert une couleur grise, et subit les mêmes chan- gemens que le cerveau. Les nerfs n'éprouvent d'abord aucune altération; au bout de plusieurs semaines, ils deviennent rosés d'abord, puis rouges, et se ramol- lissent de plus en plus. Organes de la circulation et de la respiration. Le cœur perd notablement de sa consistance dès les pre- miers temps; sa couleur se fonce au point qu'elle finit DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. I97 par être d'un vert tirant sur l'ardoise, ou d'un violet noirâtre à l'extérieur, tandis qu'elle est d'un rouge brun à l'intérieur; déjà à cette époque le ramollisse- ment a fait de grands progrès ; mais on peut encore reconnaître les colonnes charnues, les valvules, etc. Il n'est pas rare, au bout de deux mois, de trouver du sang fluide ou coagulé dans Fintérieur des ventricules et des oreillettes. Le péricarde, dont la consistance diminue journellement, rougit d'abord, et contient quelquefois un liquide sanguinolent; plus tard il ac- quiert souvent une couleur verte foncée tirant sur l'ardoise, et alors le liquide qu'il peut renfermer est de cette même couleur. Les vaisseaux sanguins acquiè- rent une couleur aurore , rosée ou rouge, surtout à l'intérieur ; ils se ramollissent comme tous les autres tissus. Le larynx, la trachée-artère et les bronches ne tar- dent pas à rougir et à passer même au violet. A une époque déjà très-avancée, la membrane muqueuse pa- raît quelquefois, au premier abord, d'un gris ardoisé verdâtre ; mais en l'examinant de plus près, on voit qu'elle est violacée sur les cerceaux cartilagineux, et d'un gris verdâtre entre eux; dans un cas, nous l'a- vons vue comme incrustée çà et là de petites granula- tions ressemblant à des grains de sable. Quoique ra- mollis, les organes dont nous parlons forment encore un tout dont les diverses parties se tiennent. Les pou- mons se ramollissent, acquièrent une couleur plus fon- cée, et deviennent emphysémateux. Dans nos expé- riences , nous ne les avons jamais vus assez altérés XQ$ TRAITÉ pour que leur structure fût méconnaissable; ils ont aussi constamment nagé sur l'eau, même après avoir été fortement comprimés, ce qui n'a pas eu lieu chez les sujets laissés dans la fosse d'aisance à peu près pendant le même espace de temps. En général, nous les avons trouvés contenant fort peu de sang; et une fois la face inférieure du lobe droit inférieur offrait quelques granulations blanchâtres, comme sablon- neuses. Le diaphragme, rougeâtre et même violacé dans les premiers temps, finit par devenir ardoisé ou vert bou- teille ; ces teintes sont surtout bien marquées à la face inférieure et aux parties qui correspondent au foie et à la rate. Il se ramollit de plus en plus, mais on peut encore distinguer assez tard les fibres aponévrotiques du centre tendineux, des portions musculaires. Dans un cas, nous avons vu la portion hépatique de cet or- gane recouverte d'une grande quantité de ces granu- lations blanches, dures, comme sablonneuses, dont nous avons déjà parlé tant de fois. Organes de la digestion. La bouche se conserve long-temps entière; cependant il arrive une époque ( v. observ. 4°> P« 186) où les lèvres sont réduites à quelques petits lambeaux de parties molles d'un vert noirâtre. La membrane muqueuse rougit de plus en plus et devient violacée ou olivâtre; nous l'avons vue une fois détruite à la voûte palatine. Le voile du palais, ses piliers, les amygdales et le pharynx offrent aussi les mêmes teintes et un grand degré de ramollisse- ment; dans un cas, le voile du palais était perforé , et DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. I99 dans un autre le pharynx était le siège de granulations dures. La langue, de plus en plus molle, finit par se détruire au point qu'on n'en trouve que les deux tiers, la moitié, etc ; elle acquiert au bout d'un certain temps une couleur olivâtre, surtout à sa surface, car souvent alors l'intérieur est d'un rouge violacé. L'œsophage ne tarde pas à se colorer en rouge et même en lie de vin; cette nuance est encore plus marquée à l'extérieur et dans la membrane musculeuse, que dans la tunique muqueuse, qui du reste conserve son aspect lisse et est rarement emphysémateuse. Le ramollissement atteint cet organe aussi bien que les autres. Estomac. Ce viscère n'a presque jamais été trouvé rouge dans toute son étendue ; à la vérité, dans les pre- miers temps, il offre une teinte jaune orangée, qui finit par devenir rouge et même lie de vin; mais alors il est rare qu'on ne découvre pas çà et là, notamment dans le grand cul-de-sac et vers le pylore, une ou plusieurs taches ou plaques d'un vert bouteille ou noirâtre; cette altération intéresse tous les tissus du viscère, et est évidemment cadavérique, puisqu'on ne voit nulle part la moindre trace d'arborisation ou d'injection vasculaire. Plus tard, les parties de cet organe qui cor- respondent au foie et à la rate, sont couleur d'ardoise bleu clair, verdâtres ou noirâtres à l'extérieur comme à Fintérieur, tandis que les autres portions sont d'un jaune rosé ou d'un rouge vineux; quelquefois alors la tunique muqueuse paraît offrir une couleur ardoise uniforme; mais cela tient à la présence d'un fluide 300 TRAITÉ épais qui la recouvre, car lorsqu'on l'enlève, on aper- çoit les diverses nuances que nous avons indiquées. Le ramollissement fait tous les jours de nouveaux progrès ; enfjn l'organe devient emphysémateux, et les tuniques muqueuse et séreuse sont soulevées par nés gaz, de manière à former des bulles quelquefois assez grosses. Les intestins ont une tendance manifeste à rougir et à se colorer comme l'estomac ; mais c'est avec beau- coup plus de lenteur. Le foie ne tarde pas à perdre de sa consistance; il devient d'abord livide, surtout à sa face supérieure, et il est difficile, même d'assez bonne heure, de recon- naître sa structure granulée ; lorsqu'on le gratte avec un scalpel, après l'avoir incisé, on enlève une bouillie d'un rouge brique foncé. Plus tard il acquiert une cou- leur vert bouteille ou ardoise tellement foncée, qu'il paraît noir ; à cette époque, on peut encore distinguer dans son intérieur l'orifice de certains vaisseaux san- guins, mais sa structure est méconnaissable. La vési- cule biliaire reste long-temps sans s'altérer, si ce n'est qu'elle devient rougeâtre. La rate est bientôt d'un vert bouteille ardoisé, et très-facile à déchirer ; lorsqu'on la comprime, elle fournit un liquide épais, paraissant noir quand il est en masse-, et bistre foncé lorsqu'on l'étend. Le pancréas n'est pas le dernier organe à se ra- mollir ; il devient d'abord grisâtre, puis rougeâtre. Organes urinaires et génitaux. Les reins perdent peu à peu leur consistance, et finissent par se réduire en bouillie; ils deviennent rougeâtres dans certains. DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 201 points et d'un gris ardoise dans d'autres ; leur struc- ture ne tarde pas à être méconnaissable. La vessie ac- quiert une couleur rosée, surtout à l'extérieur; mais nous ne l'avons jamais vue aussi rouge que les autres tissus membraneux; elle se ramollit comme les autres organes. Les parties génitales externes se colorent différem- ment dans les premiers temps; tantôt d'un jaune abri- cot clair, tantôt rougeâtres, elles deviennent plus tard d'un gris verdâtre en dehors et violacées dans toutes les parties recouvertes par la membrane muqueuse. L'utérus, les vésicules séminales et les testicules, ac- quièrent aussi une couleur violette, et se ramollissent comme toutes les autres parties. CHAPITRE V. De la marche comparée de la putréfaction dans la terre, dans Feau , dans les fosses d'aisance et dans le fumier. Ce chapitre peut être envisagé sous un double rap- port : d'une part, on compare les changemens qu'é- prouvent les divers tissus dans l'un et l'autre de ces milieux, pour en faire ressortir les différences, et éta- blir en quelque sorte le caractère distinctif de chacun de ces modes de putréfaction : c'est ce que nous avons 202 TRAITÉ fait dans les quatre résumés placés à la fin des quatre chapitres qui précèdent; d'un autre côté, on s'attache à déterminer l'influence de ces mêmes milieux sur la marche plus ou moins rapide de la putréfaction : c'est ce qui nous paraît devoir faire l'objet de cet article. Un pareil problême, pour être résolu, exige que l'on sou- mette des parties d'un même cadavre à l'action de ces mi- lieux en même temps et dans le même emplacement, afin d'annuler les autres conditions pouvant exercer quel- que influence sur la marche de la décomposition pu- tride, et d'être sûr que la différence dans la marche doit réellement être attribuée au milieu dans lequel le cadavre est plongé. Nous avons agi sur des parties d'un même fœtus, et nous avons pensé que le travail offrirait plus d'intérêt en examinant encore la marche de la putréfaction dans Fair atmosphérique. Voici les détails de ces expériences. Dans l'air atmosphérique. L'avant-bras et la main d'un fœtus mort la veille ont été mis en contact avec l'air atmosphérique le 6 mai 1823, à 10 heures du matin : la température a varié dans la journée de i4° à 170 thermomètre centigrade (1). Le 7 mai, les ongles et le pouce sont livides; point d'odeur. 8 mai, teinte vio- (1) Température depuis le 7 mai jusqu'au i3 juin inclusi- vement : 7 mai, de 160 à 21°; le 8 , de i4° à i5° ; le 9 , de vi° à i3°; le 10, de i3°à i4°; le 11 , de n° à i5°; le 12 , de i5° à i4°; le i3, de i4° à i5°; le i4» de n° à 120 ; le i5 , de 1 io à 120; le 16, i5°; le 17 , de i5° à 160; le 18, de i4° à i5o; le 19, de 12° à i3°; le 20, 170; le 21 , de i|° à i5°; le 22 , de i3° à DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 2O0 lacée générale; odeur à peine sensible. 9 mai, couleur verte livide, notamment aux articulations; l'épiderme commence à se détacher et à être soulevé par une pe- tite quantité de sérosité; l'odeur n'est bien manifeste que dans la plaie faite à la partie supérieure de l'avant- bras pour détacher celui-ci du bras. 10 mai, la teinte verte est plus prononcée ; l'épiderme s'enlève en tota- lité ; le membre exhale une odeur fétide ; la plaie est sèche. 11 mai, les ongles sont presque noirs; la peau est tachetée de plaques brunes, violettes, vertes, roses ; on remarque déjà des larves assez grosses : odeur tou- jours forte. 12 mai, le ramollissement est tellement sensible, que la surface palmaire contiguë à la table est aplatie; elle est assez humide; sa couleur est verte jau- nâtre ; la surface dorsale qui est en contact avec Fair est sèche, d'un rouge foncé : odeur fétide, surtout dans les parties ramollies; larves plus grosses. i3 mai, les teintes verte et rouge sont plus prononcées; cette der- nière annonce que la dessiccation de la portion dorsale ne tardera pas à être complète. 14 mai, la teinte verte domine. 15 mai, la portion palmaire commence à se dessécher; les muscles conservent leur couleur rouge ; l'odeur est forte et différente de celle qui s'était mani- i5Q; le 23, de 120 à i3°; le 24, i4°; le 25, i4°; le 28, io° à 12°; le 29, de i4° à 16'; le 3i, de i5° à 180; le ier juin, 200; 2, idem;"5, de i5°à 180; 5, i5°; 6, i^0 ; 7, t3°; 9, i5°; 11, de i3° à i4°; i3 , de 120 à i4°. Ce travail avait déjà été publié par l'un de nous en 1823 ( V. Leçons de médecine légale, i,e édition ). 2o4 TRAITÉ festée dans les premiers jours. 16 mai, rien de remar- quable. Deux ou trois jours après, la dessiccation a fait de tels progrès, que l'on n'observe plus aucun phéno- mène de putréfaction. Si, au lieu d'agir ainsi, on place la même partie du fœtus au-dessus d'un baquet contenant de l'eau, à quel- ques pouces de ce liquide, la décomposition putride marche avec beaucoup plus de rapidité, parce que la matière animale est plongée dans une atmosphère plus humide. L'avant-bras et la main de l'autre côté du même fœ- tus ont été exposés à l'air, après avoir été profondément incisés dans trois endroits : la putréfaction a marché beaucoup plus rapidement, comme le prouvent les dé- tails suivans. Le 7 mai, odeur légère. 8 mai, plaies de la face dorsale légèrement desséchées, répandant une odeur déjà fétide; leurs bords sont d'un rouge violacé ; plaie de la face palmaire contiguë à la table, humide, beaucoup plus fétide; ses bords sont verdâtres. 9 mai, l'odeur de cette dernière plaie est très - désagréable, bords livides; les plaies de la face dorsale commencent à se dessécher et ne répandent presque plus d'odeur. 10 mai, l'épiderme qui avoisine la plaie de la face pal- maire se détache en totalité; on voit des larves nom- breuses et déjà très-grosses; les autres plaies sont desséchées. 11 mai, le fond de la plaie de la face pal- maire est brun, l'odeur très-fétide. 12 mai, la plaie de la face palmaire est d'un gris verdâtre ; les muscles sont en partie rongés, les os sont dénudés, les larves très- volumineuses , la peau rouge et sèche, l'odeur très- DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 2o5 fétide. i3 mai, les larves sont arrivées jusqu'aux plaies de la face dorsale. i4 mai, les muscles sont détruits; la peau enveloppe le radius et le cubitus à la manière d'une écorce sèche. 16 mai, on ne voit plus qu'un étui de peau desséchée rempli de larves. Le 6 mai, on a exposé à l'air deux fœtus à terme morts la veille : l'un d'eux avait le thorax et l'abdomen ouverts; mais les viscères de ces cavités étaient cou- verts en grande partie par la peau. Fœtus ouvert. 7 mai, depuis l'ombilic jusqu'au pubis, le lambeau de peau est tacheté de vert ; les viscères offrent l'odeur qui leur est propre. 8 mai, le lambeau est uniformément vert ; cette couleur s'étend jusqu'aux clavicules; la portion des vis- cères non recouverte se dessèche;les portions couvertes sont humides et commencent à exhaler une odeur pu- tride. 9 mai, le lambeau est d'un vert plus foncé ; son épiderme se détache; dessiccation complète de Ja por- tion des viscères qui est en contact avec l'air; odeur plus forte de ceux qui sont recouverts; on voit un nombre prodigieux de larves. 10 mai, le lambeau se dessèche ; les larves sont encore plus nombreuses ; Fo- deur est très-prononcée. 11 mai, lambeau rongé jus- qu'à la peau ; celle-ci est sèche et raccornie ; les poumons, le cœur et le canal digestif sont presque entièrement dévorés par les larves; odeur ammoniacale très-péné- trante ; toutes les parties exposées à l'air sont noires. 12 mai, la peau du ventre était détachée, les muscles abdominaux détruits, et les viscères réduits à quelques lambeaux noirâtres d'une odeur excessivement fétide. Fœtus non ouvert. 7 mai, à partir de l'ombilic jus- 20Ô* TRAITÉ qu'au pubis, la couleur de la peau est verte; l'abdomen est ballonné ; le thorax paraît dans l'état naturel. 8 mai, abdomen plus ballonné et vert dans une plus grande étendue; on voit sur chaque côté du thorax une plaque verte ; la région du sternum est incolore ; odeur cada- véreuse légèrement fétide. 9 mai, la teinte verte est plus foncée et s'étend un peu sur le sternum et sur les mamelons ; l'abdomen est plus ballonné ; l'épiderme ne se détache pas encore. 10 mai, odeur un peu plus fétide, couleur d'un vert brunâtre ; la région du ster- num n'est guère plus colorée; l'épiderme ne se détache que difficilement et par petits lambeaux. 11 mai, on fait l'ouverture du cadavre; les intestins, l'estomac et tous les autres viscères offrent la couleur et l'odeur qu'ils auraient présentées si l'ouverture eût été faite le 5 mai. Dans l'eau stagnante. La jambe et le pied du fœtus mort le 5 mai (voyez page 202 ) ont été mis dans l'eau de puits, le 6 mai, à 10 heures du matin. Le 7 mai, le membre, qui jusqu'alors avait été incolore, présentait une teinte rougeâtre. 8 mai, la couleur est légèrement violacée* g mai, idem. 10 mai, odeur à peine sensible; Fépiderme se détache par petits lambeaux sous la pointe des pinces; couleur toujours violacée. 11 mai, on éprouve plus de facilité à détacher l'épiderme ; l'o- deur est déjà manifeste, mais différente de celle qu'ex- halent les matières qui se pourrissent à l'air. 12 mai, ces deux caractères sont plus sensibles. i3 mai, couleur rouge marbrée. i4 mai, Feau est trouble, rougeâtre, et répand une odeur forte, désagréable ; l'épiderme se DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 207 détache plus facilement. i5 mai, la peau résiste à la pointe des pinces ; les propriétés physiques des mus- cles ne paraissent point altérées. 16 mai, couleur du membre blanchâtre, excepté à la malléole interne qui est verdâtre ; on enlève la totalité de l'épiderme de la jambe, tandis que celui du pied résiste; l'odeur est moins sensible. 17 mai, la malléole n'est plus verte; l'épiderme du pied se détache en totalité. 18 mai, cou- leur grise brune sans aucune trace de lividité ; point de changement dans l'odeur ni dans la consistance ; on voit sept ou huit mouches dans Feau, qui est trouble, légèrement fétide et colorée en rouge brun. 19 mai, supernatation du pied ; dégagement assez considérable de gaz aux environs des vaisseaux tibiaux postérieurs ; odeur un peu plus prononcée : l'eau présente à sa sur- face une pellicule, qui n'offre point l'aspect huileux. 20 mai, point de changement appréciable. 21, idem. 22 mai, couleur de café au lait tirant sur le vert; le derme est corrodé; on y voit des ulcérations assez lar- ges, semblables aux chancres vénériens, et dont les bords sont fort mous ; le ramollissement du membre est très-marqué ; l'odeur est forte et sui generis; la graisse et les muscles présentent leur couleur naturelle. 23 mai, les corrosions sont plus larges; la couleur est verte. 24 mai, la peau se déchire facilement, et on voit alors qu'elle est rose, et que la couleur verte n'est que superficielle ; les corrosions sont un peu plus lar- ges. 25 mai, ramollissement croissant; la graisse pa- raît complètement saponifiée. 28 mai, peau d'un vert olive, très-ramollie au pied et à la partie interne de la 208 TRAITÉ jambe. 29 mai, les muscles sont tellement ramollis qu'ils sortent sous forme de putrilage parles trous de la peau, lorsqu'on presse celle-ci. 3i mai, le membre conserve encore sa forme. 3 juin, le membre, encore en- tier, semble réduit à une écorce de graisse sous-cutanée, solide et saponifiée, couverte en quelques points de derme aminci; les os sont presque dénudés, et le pu- trilage musculaire s'écoule par les fistules cutanées. 6 juin, les épiphyses se détachent; le membre tend à se séparer au niveau de l'articulation du pied. 1^ juin, le membre a pour ainsi dire conservé sa forme ; toute- fois , le pied ne tient plus que par quelques tendons et par quelques ligamens; les parties charnues, réduites en une sorte de putrilage, ont abandonné les os, qui sont encore renfermés dans une sorte d'éturformé par une couche de graisse saponifiée. Dans leau renouvelée deux fois par jour. La jambe et le pied de l'autre côté du même fœtus ont été mis, le 6 mai, dans l'eau de puits, que l'on a renouvelée deux fois par jour. 7 mai, point de changement. 8 mai, idem. 9 mai, couleur légèrement violacée; point d'o- deur. 10 mai, pied légèrement verdâtre; l'épiderme qui le recouvre se détache plus facilement que celui de la jambe, 11 mai, idem. 12 mai, on voit à la surface de l'eau etdu membre unemultitudedebulles de gaz; odeur à peine sensible ; même couleur. i3 mai, l'épiderme se dé tache facilement à la partie interne du membre ; odeur marquée, nullement désagréable ; bulles de gaz et couleur comme hier, x^mai, ces caractères sont un peu plus prononcés. i5 mai, la peau résiste à la pointe des DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 200 pinces; point de changement sensible dans les muscles. 16, couleur blanche; tache verdâtre à la malléole in- terne; même odeur. 17, Fépiderme du pied se détache en totalité; la malléole est toujours verte. .18, bulles gazeuses sur les points qui sont encore recouverts d'é- piderme ; celui-ci s'enlève facilement sur la région an- térieure et supérieure du tibia; supernatation de la partie supérieure de la jambe; couleur d'un blanc mat, mélangée de gris-brun. 19, l'épiderme est complète- ment enlevé ; on dégage des gaz par l'expression du membre : l'eau est fétide, recouverte d'une pellicule d'un blanc salé, légèrement colorée en jaune, d'appa- rence huileuse; l'odeur du membre est moins sensible que celle du liquide. 20 mai, supernatation complète; 21, le membre est d'un blanc laiteux; la peau ne se déchire pas encore. 22 mai, couleur idem; derme bien ramolli, offrant à sa surface une multitude de points ulcérés, très-rapprochés, moins larges et plus nom- breux que dans l'expérience précédente. 23 mai, corro- sion et ramollissement beaucoup plus évidens et plus étendus que dans le sujet de l'observation précédente; la peau est tellement ramollie dans toutes les parties corrodées, qu'on peut l'enlever en grattant légèrement avec le scalpel. 24, ces caractères sont plus prononcés ; membre d'un blanc sale; odeur un peu plus forte; muscles rouges et légèrement ramollis. 25, les muscles sont déjà réduits en un putrilage rosé. 28 mai, corro- sion portée au point que les ulcères sont de la largeur d'une pièce de deux francs ; il suffit de presser un peu le membre pour faire sortir les muscles sous forme de 2. 14 2IO TRAITÉ putrilage; couleur d'un blanc rosé; le ramollissement est évidemment plus marqué que dans l'expérience précédente. 29 mai, les os sont en grande partie dénu- dés; les chairs sont presque complètement détachées; séparation du cinquième os du métatarse. 3i mai, les chairs sont ramollies, au point que le membre ne con- serve plus sa forme ; on n'en trouve que des lambeaux ; la graisse semble se saponifier; Fodeur est semblable à celle du savon de graisse. 3 juin, la dénudation des os est complète; les muscles sont remplacés par un putrilage rougeâtre. 6juin, les épiphysesse détachent; il ne reste plus que des ligamens, des tendons et quel- ques morceaux de graisse qui parait saponifiée. 1 "Sjuin, on ne voit plus que les os qui sont en partie désunis, et deux lambeaux de graisse entièrement saponifiée. Après avoir examiné comparativement les effets de l'eau stagnante et de l'eau renouvelée deux fois par jour sur les parties d'un même fœtus, nous avons voulu connaître l'action de Feau sur des cadavres en- tiers : l un de ces cadavres a été laissé pendant vingt- deux jours dans de l'eau de puits que l'on n'a point renouvelée; l'autre, au contraire, a été mis dans de Feau qui a été renouvelée jour et nuit, pendant le même espace de temps. Il résulte de ces expériences, que l'altération que les corps éprouvent dans Feau a lieu beaucoup plus rapidement dans Feau renouvelée que dans l'eau stagnante. Dans l'eau de fosses d'aisance. La cuisse du fœtus mort le 5 mai a été mise dans un seau rempli d'eau de fosses d'aisance, le 6 mai, à dix heures du matin. DES EXHU31ATIONS JURIDIQUES. 211 7 mai, rieri de remarquable. 8 mai, couleur légèrement violacée, surtout à la partie interne et postérieure. 9 mai, l'épiderme commence à s'enlever par une forte pression des pinces; couleur idem. 10 mai, tout est dans le même état, n, idem. 12, l'épiderme se dé- tache un peu plus facilement. 13, idem. 15, la peau ré- siste bien ; la structure des muscles n'est pas changée ; le membre nettoyé exhale l'odeur de l'eau de la fosse. 16 mai, on voit quelques parties violacées encore re- couvertes d'épiderme ; la majeure partie est jaune et dé- pouillée d'épiderme ; léger ramollissement des muscles. 17 mai, la teinte violacée a moins d'étendue; la cou- leur de la peau ressemble à celle du café au lait. 18, Fépiderme se détache de plus en plus ; il se dégage des gaz par les extrémités incisées du membre. 19, lavée et mise dans Feau de puits, la cuisse surnage; dégage- ment de gaz par une légère pression ; la peau com- mence à se ramollir ; la graisse qui est à découvert sur les plaies offre l'aspect du savon ramolli. 22 mai, la peau se sépare plus facilement de la graisse; le reste est dans le même état. 23, on n'aperçoit aucune trace de corrosion, comme cela a déjà lieu pour les membres qui sont en contact avec l'eau de puits; les muscles sont plus ramollis que la peau ; celle-ci est d'un jaune légèrement orangé, et se détache lorsqu'on la racle avec le scalpel. a5 mai, ramollissement de la tête du fémur; la peau est évidemment amincie. 28 mai, les muscles sont bien ramollis; la peau n'offre aucune trace de corrosion, mais elle s'enlève très-facilement; la graisse sous-cutariée, d'une couleur rosée dans cer- 14. 212 TRAITÉ tains endroits, paraît saponifiée. 29, idem. 3i, la peau est entièrement détachée; le ramollissement des mus- cles , quoique considérable, est moins prononcé que sur la portion de cadavre qui est en contact avec l'eau non renouvelée. 3 juin, les cartilages sont sensiblement ramollis; la graisse paraît bien saponifiée. 6 juin, les muscles, encore d'une couleur jaune rosée, sont plus ramollis; la graisse est complètement saponifiée et moins cohérente. îZjuin, on ne trouve que quelques lambeaux de tissu savonneux qui se détachent des muscles encore roses et très-ramollis. Dans du fumier. L'autre cuisse du fœtus mort le 5 mai a été placée dans du fumier, le 6 mai, à dix heures du matin. 7 mai, rien de remarquable. 8, odeur forte, surtout aux extrémités incisées. 9, couleur mé- langée de rose et de vert; l'épiderme se détache; Fo- deur de pu tréfaction est très-prononcée. 1 o, l'épiderme est complètement enlevé; couleur verdâtre dans la par- tie du membre qui regarde en haut, et aurore dans la partie opposée; la peau n'est pas sensiblement ramol- lie. 11, couleur aurore plus généralement répandue ; les muscles commencent à se ramollir dans les envi- rons des plaies. 12, léger ramollissement de la peau ; odeur forte ammoniacale; muscles d'un gris rougeâtre. i3, ces caractères sont un peu plus prononcés. 14, couleur orangée ; odeur très-fétide ; on déchire assez facilement la peau. 16, les muscles sont réduits à une sorte de putrilage dans les parties découvertes , quoi- qu'ils conservent encore leur couleur rouge. 17, odeur très-fétide, ramollissement beaucoup plus considérable DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 2l3 des muscles. 19, peau d'un rouge orangé, en partie desséchée à sa surface externe, et dure comme du cuir; muscles réduits en lambeaux et en putrilage gri- sâtre; fémur dénudé. 22, il ne reste que la peau dont la couleur orangée est moins foncée; elle est plus hu- mide et plus ramollie en dedans qu'à sa surface ex- terne. 23, les portions de peau humide se détachent facilement en raclant avec le scalpel. 28 mai, on ne trouve que des lambeaux de peau. Dans la terre. Le bras du fœtus mort le 5 mai a été enveloppé de terre, le 6 mai, à dix heures du matin; on a arrosé de temps à autre; cependant le terrain n'a jamais ^té sensiblement humide. 7, rien de remar- quable. 9, l'odeur ne se fait sentir que dans les plaies. 10, l'épiderme commence à se détacher, et alors on voit que la peau est rose; point de ramollissement; lé- gère odeur de putréfaction. 11, épiderme entièrement détaché; odeur nauséeuse; couleur mélangée de vert et de rose. 12, la plaie est d'un rouge gris; la peau n'est pas encore ramollie. i3, couleur orangée de la peau, qui commence à se ramollir; odeur fétide. 14, on déchire la peau, mais moins facilement que celle de la portion qui est placée dans du fumier. i5, la graisse ne présente plus l'aspect granuleux et vésicu- leux qu'elle offre chez le fœtus ; elle ressemble déjà au gras des cadavres; le ramollissement de la peau est plus marqué ; la structure des muscles n'est point changée, 16, idem. 17, la peau, d'une couleur rose jau- nâtre , se déchire très-facilement; odeur très-fétide; graisse rosée s'étendant comme de la cire molle sous 2l4 TRAITÉ une légère pression ; muscles légèrement ramollis, sans changement apparent dans leur structure. 19 , la peau se déchire plus facilement; la graisse découverte a l'as- pect homogène du savon légèrement ramolli; celle que Fon met à nu par le déchirement de la peau, est en- core jaune, vésiculeuse, et offre des filamens cellulaires manifestes à l'œil nu; les muscles sont ramollis et pu- trilagineux; l'odeur est très-fétide. 21, les tendons sont à nu ; le reste est dans le même état. a3, peau détruite dans une grande partie du membre ; la portion qui reste est d'un rouge orangé ; graisse saponifiée et blanche, excepté dans quelques points qui offrent une couleur jaune; muscles rouges; odeur moins fétide. 3i, peau entièrement détruite ; graisse rosée à sa sur- face et blanche dans l'intérieur; os dénudé; muscles en grande partie détruits ou sous forme d'un putri- lage rosé ; odeur semblable à celle de l'ognon de lis. 6 juin, on ne découvre que du gras des cadavres formé aux dépens de la graisse qui s'est changée en acides margarique et oléique, et de l'ammoniaque provenant des muscles qui sont entièrement détruits. Les expériences qui précèdent nous permettent de conclure, i° que la putréfaction marche beaucoup plus rapidement, tout étant égal d'ailleurs, dans le fumier que dans l'eau, dans la matière des fosses d'aisance et dans la terre ; 2° que de ces differens milieux, la terre est celui qui retarde le plus la putréfaction, si l'inhuma- tion a eu lieu à la profondeur de quelques pieds, et que l'on n'ait pas arrosé le terrain; car si la matière animale n'avait été enterrée qu'à cinq ou six pouces DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 2l5 de profondeur, comme dans nos expériences, et que l'on eût arrosé, elle se serait pourrie aussi vite que dans l'eau stagnante ; 3° que dans la matière des fosses d'aisance, la putréfaction fait moins de progrès que dans l'eau, quoiqu'elle ait lieu plus rapidement que dans la terre; 4° qu'après le fumier, aucun de ces mi- lieux ne favorise autant la décomposition que Feau, surtout si elle est souvent renouvelée; 5° que l'air humide hâte encore plus que tout autre agent la pu- tréfaction des matières animales (i), tandis que celle-ci 6'arrête au bout d'un certain temps, si l'atmosphère est sèche. (i) On objectera peut-être que, par un temps très-chaud , lorsque la température de l'atmosphère marque 25° ou iQ°, R. les cadavres sont cuits et désorganisés 3o ou 4o heures après leur séjour dans le fumier, tandis qu'ils sont loin d'être com- plètement pourris si on les a laissés à l'air. Nous répondrons à cela que l'altération que le fumier fait éprouver dans ce cas aux cadavres , n'est pas à proprement parler une putréfac- tion, mais bien une coction ; et en effet la température du centre du fumier où repose le corps , s'élève de 45° à 5o° R. 2)6 TRAITE CHAPITRE VI. Pes changemens amenés dans nos tissus , et notamment dans le canal digestif, par la putréfaction , et que l'on serait tenté de confondre avec des lésions pathologiques. Avant de comparer dans les principaux organes les altérations qui se sont produites sous l'influence de la vie, à celles qui succèdent aux réactions chimiques, il nous paraît convenable de traiter la question d'une manière générale. Les altérations éprouvées par nos organes du vivant de l'individu , peuvent être de deux ordres : ou la partie a été le siège d'une modification morbide dans le travail nutritif, ou elle a été soumise brusquement à une violence venant du dehors, ou à l'action de quelque substance désorganisatrice. Exa- minons séparément chacun de ces points. A. Modifications morbides dans le travail nutritif. Sous ce titre, nous croyons pouvoir ranger les six altérations suivantes : i° Formation d'une nouvelle substance dans l'éco- nomie animale. Quelquefois cette substance n'a point çl'analogue; telles sont la matière tuberculeuse, le tissu, DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 217 squirrheux , le tissu encéphaloïde , etc. ; dans d'autres cas, elle a son analogue, mais elle occupe une place où on ne devrait pas la trouver, comme lorsqu'une lame cartilagineuse ou osseuse existe dans une adhér rence des plèvres, quand il se forme des kystes fibreux, séreux, etc. 11 n'est pas besoin d'être très-versé dans l'étude de la putréfaction, pour affirmer qu'en aucun cas de semblables modifications de structure et d'aspect ne peuvent être le résultat de réactions chimiques, sans l'intermédiaire de la vie. Sécrétion de pus. Ce pus est tantôt épanché dans une cavité, tantôt réuni dans une poche du tissu cellulaire, quelquefois infiltré, mais presque toujours reconnais- sable , lorsqu'il n'est pas trituré avec la substance de l'organe , à sa couleur blanche jaunâtre, à ses globules, à la manière dont il se comporte avec l'eau, etc. La putréfaction ne donne jamais lieu à la formation d'une substance semblable : dans un degré avancé de la dé- composition putride , il est vrai, on voit couler des parties devenues difiluentes, un liquide diversement coloré; mais alors l'altération est générale, et jamais ce liquide ne présente tous les caractères du pus. Matière concrescible organisable. Cette matière est tantôt suspendue dans une sérosité lactescente, tantôt collée à la membrane qui l'a sécrétée ; elle peut être pénétrée ou non de vaisseaux de nouvelle formation , et sa présence dans les membranes séreuses ou ailleurs ne peut jamais être attribuée à la putréfaction. 2° Changement survenu dans la cohésion des parties. Tantôt ces parties deviennent plus dures, change 218 TRAITÉ ment que n'opère presque jamais la décomposition putride, qui tend sans cesse à dissocier et à séparer les élémens des êtres organisés et à fournir des produits nouveaux, ordinairement liquides ou gazeux. Plus souvent la partie malade est ramollie, et, il faut l'avouer, c'est ici le point le plus difficile de la question que nous examinons. Il est à la vérité des organes, l'axe cérébro-spinal, par exemple, où Fon peut souvent distinguer le produit d'une action vitale de celui de la putréfaction ; mais le problême offre ailleurs tant de difficultés, qu'après avoir rassemblé et rapproché les documens fournis par les auteurs qui se sont le plus occupés d'anatomie pathologique , on hésite encore à se prononcer : on voit bien que nous voulons surtout parler du ramollissement des membranes muqueuses, quoique ce ne soit pas le seul tissu dans lequel il soit difficile d'établir la distinction dont il s'agit : combien de fois , par exemple, n'a-t-on pas trouvé sur les ca- davres d'individus récemment morts, la rate presque difûuente, ou le foie plus mou que de coutume, et comment distinguer souvent ce défaut de cohésion de celui que les mêmes organes éprouvent à mesure qu'ils se pourrissent ?.... On pourrait établir plus faci- lement cette distinction , si les parties malades, en se ramollissant, acquéraient une pesanteur spécifique plus grande et devenaient moins souples, comme cela ar- rive aux poumons hépatisés, à la rate, etc., qui ont été enflammés; car jamais la putréfaction ne produit cet ensemble de changemens. 3° Altération de couleurs. Lorsque le sang a été retenu DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 2ig mécaniquement dans une partie du vivant de l'individu, ou qu'il y a été appelé par une action vitale, il colore encore cette partie après la mort. Il est souvent diffi- cile de décider si la coloration est le résultat d'une stase ou d'un mouvement fluxionnaire ; mais fort heu- reusement cette question ne nous touche presque pas, puisque nous avons pour but unique de rechercher si la coloration a eu lieu ou non pendant la vie. Nous ne devons pas négliger cependant de signaler les traces de l'inflammation ; car toutes les fois que nous pour- rons en reconnaître les caractères, nous éprouverons moins d'incertitude sur la cause de la coloration. Un excellent moyen de distinguer souvent les colorations rouges qui ont lieu avant la mort de celles qui sont le produit de la décomposition putride , consiste à exa- miner si le sang qui colore la partie est ou non contenu dans les vaisseaux de l'organe. Dans le premier cas, la couleur se montrera disposée en arborisations, qui suivront les divisions et les subdivisions du système vasculaire, et on ne pourra guère refuser d'admettre, en général, que tel était l'état de la partie lorsqu'elle a été surprise par la mort ; dans Je second cas , ce sera une espèce de teinture plus ou moins foncée, sans ap- parence de ramifications. Si à ces caractères se joignent les inductions que l'on peut tirer du voisinage de par- ties très-abreuvées de sang,' comme celui de la rate pour la grosse extrémité de l'estomac, celui du foie pour la face supérieure de l'estomac, etc., il y aura de fortes présomptions en faveur de l'opinion que la cou- leur est cadavérique. (V. plus loin à la page 245 des 220 TRAITÉ expériences à l'appui de cette assertion). Nous disons de fortes présomptions, parce qu il est impossible de considérer la distinction que nous venons d'établir comme infaillible : en effet, d'une part, les rougeurs in- flammatoires n'ont pas toujours l'aspect arborisé, puis- qu'on les voit piquetées, ou sous forme de plaques dans lesquelles il y a souvent une sorte de combinaison du sang avec le parenchyme, combinaison que les ex- périences de Kalten-Brunner ont mise hors de doute ; d'une autre part, il peut arriver qu'à une certaine époque de la putréfaction , le sang liquéfié soit chassé dans les divisions vasculaires, par suite du ballonner ment du ventre et du refoulement du diaphragme : à la vérité, ce phénomène est assez rare. Outre la coloration rouge dont il s'agit ici, il existe beaucoup d'autres teintes que nous examinerons en parlant du cerveau et du canal digestif. 4° Emphysème. Lorsque l'emphysème est général et qu'il n'existe aucune solution de continuité du pou- mon, de la plèvre ou de la trachée-artère, il ne peut guère dépendre que de la putréfaction. S'il est partiel, il peut devoir son origine à une maladie : ainsi on a vu sur le vivant l'air sortir avec un léger sifflement d'un phlegmon qu'on venait d'ouvrir à la paroi anté- rieure de l'abdomen, et cependant l'intestin n'était pas dans la tumeur qui n'occupait que la paroi abdomi- nale. Dans une fracture de la jambe avec plaie, il sur- vint un emphysème considérable ; dans les abcès ster- coraux urineux , il y a souvent des gaz. Les lésions concomitantes pourront suffire dans ces cas pour faire DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 2 21 distinguer ce dégagement de gaz de ceux qui sont le résultat de la putréfaction. Le problême est plus diffi- cile à résoudre lorsque l'emphysème est sous-muqueux ( V. canal digestif, page 257 ). 5° Gangrène. Quelque similitude qu'il puisse y avoir, dans certains cas, entre la gangrène et les produits de la putréfaction, il est difficile de se méprendre quand la gangrène est sèche, et même toutes les fois qu'il y a escarre ; dans les autres cas, la circonscription plus ou moins marquée du mal, l'aspect particulier de la partie gangrenée, l'état des vaisseaux qui s'y rendent, et qui sont obturés par des caillots un peu desséchés, aideront à établir la distinction. 6° Ulcération. La peau, par le seul fait de la putré- faction des cadavres dans l'eau, dans la matière des fosses d'aisance, etc., peut être le siège de corrosions qu'il serait souvent difficile de distinguer des ulcères ; de pareilles ulcérations et même des perforations se remarquent quelquefois dans le canal digestif ( V. peau et canal digestif). B. Violences brusques venant du dehors. Ces vio- lences peuvent occasionner des plaies , des déchi- rures, des fractures, des ecchymoses et des épan- chemens de sang; la putréfaction ne produit rien qui ressemble aux fractures, aux déchirures ni aux plaies : ces dernières, en effet, ne sauraient être confondues avec les corrosions de la peau que détermine à la longue la putréfaction dans l'eau et dans la fosse d'aisance. Quant aux ecchymoses et aux épanchernens de sang, 222 TRAITÉ on jugera qu'ils sont cadavériques, en ayant égard à leur situation, à l'uniformité de la couleur de la par- tie ecchymosée, à l'odeur qu'exhalera le corps, et à l'état de dissolution de toutes les parties ; à la vérité, ce dernier caractère, pris isolément, serait insuffisant pour établir la distinction dont il s'agit, parce qui! pourrait arriver que les ecchymoses eussent été faites pendant la vie, et que le cadavre ne fût examiné que lorsqu'il serait déjà pourri. Les parties contuses peu- vent également, à la suite de ces violences, être con- verties en une espèce de bouillie, ce qui a lieu aussi par la putréfaction ; mais en général ce phénomène est plus circonscrit dans le cas de violence extérieure. Examinons maintenant dans chacun des principaux organes ou appareils quelles sont les lésions faites pendant la vie, que l'on pourrait confondre avec les résultats de la décomposition putride. Altérations de la peau. Parmi les nombreuses affec- tions dont la peau peut être le siège, il n'y a que les ecchymoses, la gangrène et certaines ulcérations que Fon puisse être quelquefois tenté de considérer comme un effet de la putréfaction. Ce que nous avons dit ailleurs sur les ecchymoses et sur la gangrène, nous paraît suffisant pour établir la distinction, et nous dis- pense par conséquent d'y revenir ( V. pag. 277 du tome Ier et 221 de ce volume ). Quant aux ulcérations, on ne pourrait guère se méprendre que pour les cada- vres qui se sont pourris dans l'eau et dans les fosses d'aisance; en effet, on remarque alors, mais à une DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 223 époque déjà avancée, des corrosions, des pertes de substance quelquefois assez considérables, simulant jusqu'à un certain point certains ulcères. Il suffira ce- pendant, pour éviter toute erreur, de se rappeler la description que nous avons donnée de ces corrosions en parlant de la putréfaction dans l'eau, ainsi que l'état dans lequel se trouvent déjà, par suite des progrès de la putréfaction, les divers tissus et organes de l'éco- nomie. Lésions des muscles. Nous ne connaissons aucune lésion vitale des muscles, excepté le ramollissement, qui puisse être confondue avec les changemens occa- sionnés par la décomposition putride dans ces organes. Le ramollissement pathologique dont il s'agit n'est pas aussi commun qu'ont bien voulu le dire plusieurs observateurs ; cependant il existe dans certaines affec- tions aiguës et chroniques , et il est impossible de le distinguer de celui que détermine la putréfaction ; la coloration du tissu musculaire ne fournit aucun ca- ractère à cet égard, parce qu'elle varie beaucoup dans l'un et dans l'autre de ces ramollissemens. Altérations de l'axe cérébro-spinal et de ses annexes. Le décollement du péricrâne peut aussi bien recon- naître pour cause la putréfaction, qu'une forte contu- sion; mais dans ce dernier cas il est ordinairement borné à la partie frappée. Si le décollement est consé- cutif à l'inflammation, on trouve déjà une matière pu- rifoime entre l'os et les parties molles : l'os est altéré. Nous ferons à peu près les mêmes remarques pour la 224 TRAITÉ dure-mère, en ajoutant que, dans le cas où elle est brusquement décollée, il y a du sang épanché entre elle et les os. Les épanchemens de sang dans la cavité de l'arach- noïde, dans la substance cérébrale ou dans les ventri- cules, ne sont jamais le résultat de la putréfaction. Quant aux épanchemens séreux, rien ne prouve qu'ils ne puissent, dans certains cas, reconnaître pour cause la décomposition putride aussi bien qu'une lésion vi- tale ; mais on se rappellera, avant de les attribuer à la putréfaction , que les ventricules cérébraux , le canal rachidien et les aréoles de la pie-mère cérébrale, ren- ferment habituellement, dans l'état de santé, un liquide séreux indiqué par Cotugno , et étudié depuis par M. Magendie (V. page 287 du tome Ier). Du reste, il serait difficile, pour ne pas dire impossible, d'assigner au juste l'origine d'un liquide séreux qui se trouverait dans les organes dont nous parlons, s'il n'y avait d'ail- leurs aucune autre trace de lésion vitale, et si ce li- quide était peu abondant : l'observation prouve en effet que l'épanchement dépendant d'une cause patholo- gique est en général beaucoup plus considérable que les autres. Encéphale. Cerveau et cervelet. L'endurcissement de la substance cérébrale , que l'on observe surtout chez les aliénés, et dans lequel le cerveau offre quelquefois une teinte rouge (induration rouge de M. Lallemand), n'est jamais produit par la putréfaction. Il en est de même de toutes les productions accidentelles avec ou DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 225 sans analogue, dont nous ne noUs occuperons par con- séquent pas. Ramollissement du cerveau et du cervelet. Ce ramol- lissement peut succéder à une maladie ou à la décom- position putride, et il importe d'autant plus que nous cherchions à reconnaître quelle est son origine, que plusieurs de ses caractères sont souvent les mêmes, comme on pourra en juger, en examinant successive- ment le degré , le lieu, la couleur, l'odeur et l'étendue de l'altération. Degré. Dans la maladie comme dans la putréfaction, on a observé tous les degrés intermé- diaires, depuis la diminution légère de cohésion jus- qu'à l'état d\{ï\\ie\\t. Lieu. Sur quarante-six observations citées par M. Lallemand, le ramollissement a occupé trente-trois fois la substance grise, ou des parties dans lesquelles elle prédomine : or, c'est aussi la substance grise qui se ramollit le plus promptement après la mort. Couleur. Dans l'observation 3e de M. Lallemand, la couleur de la partie ramollie était rosée ; dans la 2e et la 9e, amaranthe; dans la 5e, d'un rouge foncé; et dans la 6e, d'un violet lie devin. Ces remarques ont été faites principalement sur la substance grise ra- mollie ; car la substance blanche moins vasculaire de- vient pâle, jaune citron , verdâtre, etc., et se colore rarement en rouge. Des nuances exactement sembla- bles se remarquent dans les cerveaux ramollis par suite de la putréfaction. Le ramollissement vital offre cependant quelquefois deux aspects qui lui sont pro- pres : celui qui résulte de la formation de petits épan- chemens sanguins au milieu de la partie ramollie, et 2 26 TRAITÉ celui qui provient de la trituration du pus avec la sub- stance cérébrale, et dans lequel, plus tard, le pus se réunit en un foyer. Odeur. On remarque quelquefois dans des parties diffluentes, par suite de leur altéra- tion morbide, une odeur excessivement fétide ; mais on sait que de tous les organes, celui qui répand l'o- deur la plus infecte en se pourrissant, est le cerveau ; à la vérité, les personnes habituées à ces sortes de re- cherches peuvent, dans certains cas, distinguer l'odeur cadavérique de celle qui se développe pendant la vie, pourvu que la partie ramollie par la maladie n'ait déjà subi un commencement de décomposition putride, ce qui arrive promptement après la mort; car alors il y a confusion, mélange des deux odeurs, et impossibi- lité de rien distinguer; on voit donc combien le carac- tère dont nous parlons est peu propre à nous éclairer dans la recherche qui nous occupe. Étendue du ramol- lissement. Le ramollissement cadavérique étant éprouvé par toutes les parties du cerveau et du cervelet à la fois, ce qui n'a presqueya7raa/.y lieu dans le ramollisse- ment vital, il est évident que de tous les caractères, celui-ci est le plus important, et que la circonscrip- tion de l'altération sera toujours le meilleur moyen d'établir la différence entre les deux espèces. Pour faire des applications justes du principe dont nous parlons, il est nécessaire de se rappeler que toutes les parties de l'axe cérébro-spinal n'ont pas la même consistance. Chez l'adulte, la moelle est plus molle que l'encéphale, le cervelet plus mou que le cerveau, la protubérance annulaire plus ferme que toutes les au- DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 227 très parties ; le trigône cérébral et la cloison des ven- tricules paraissent offrir un peu moins de consistance que les lobes. Chez l'enfant, la moelle est plus dure que le cerveau , et beaucoup plus résistante que chez l'adulte ; on peut la dépouiller de la pie-mère avec un peu de soin , ce qu'on ne peut faire chez l'adulte sans que la moelle s'échappe. Le cerveau est plus ferme chez les vieillards que chez les jeunes sujets. Mais , dira-t-on, le caractère tiré de Y étendue du ra- mollissement, quoique infiniment supérieur aux au- tres , n'est-il pas lui-même susceptible d'induire quel- quefois en erreur ? Nous ne sommes pas éloignés de le croire d'après les considérations suivantes : i°. Quoique excessivement rare , le ramollissement vital général a été observé quelquefois chez l'adulte ; il est plus commun chez l'enfant naissant : on sait que sur trente cas de ramollissement pultacé de la pulpe cérébrale, dix fois M. Billard a vu ce ramollissement envahir la totalité du cerveau et de la moelle épinière. 20. Le ramollissement cadavérique ne commence pas au même instant dans toutes les parties ; le trigône cérébral, la cloison et les parois des ventricules céré- braux paraissent être les premières parties qui l'éprou- vent : à la rigueur, il serait donc possible que Fon prît cette altération circonscrite pour le résultat d'une lésion vitale. 3°. Quand le cerveau est généralement ramolli, mais à un degré peu considérable, on ne peut pas tou- jours attribuer cela à la putréfaction, car nous n'avons i5. 2 28 TRAITÉ point de mesure ou de terme pour exprimer la con- sistance naturelle de l'encéphale. Chez deux femmes mortes à la même heure et ouvertes en même temps à la Maternité, il y avait une différence si considérable dans la consistance des deux cerveaux, qu'il fallait admettre que le cerveau d'une de ces femmes était trop mou, ou que celui de l'autre était trop dur ; à la vérité, on pourrait encore expliquer cela en disaht que la putréfaction avait commencé plus tôt chez l'une que chez l'autre. M. Louis croit qu'un certain degré de mol- lesse de tout l'encéphale peut être un état maladif; l'ob- servation des deux femmes de la Maternité s'accorderait avec cette idée ; il cite même les troubles des fonctions du système nerveux qui ont accompagné le ramollis- sement général. Ces remarques sont de nature à rendre circonspects les experts qui auraient à juger une semblable ques- tion , surtout dans les cas où le ramollissement général ou partiel serait peu prononcé. Ramollissement de la moelle épinière. Cette partie de l'appareil cérébro-spinal est celle qui se ramollit le plus promptement après la mort,ainsi que l'avait déjà reconnu depuis long-temps Pourfour-Petit.Pour bien connaître la structure de cette partie, dit cet auteur, il faut la disséquer le même jour ou tout au plus tard le lendemain de la mort des sujets ; si l'on attend da- vantage , elle devient si molle qu'il n'est plus possible d'y travailler : la même chose arrive si on ne l'étudié pas immédiatement après qu'on l'a tirée du canal des vertèbres. La substance blanche se ramollit beaucoup DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 229 plus lentement que la grise; il n'est pas rare de ren- contrer celle-ci humide et presque diffluente, lorsque l'autre conserve encore sa consistance normale. (V. les recherches du docteur Calmeil dans le Journal des progrès, année 1828, vol. xi et xn. ) Il n'est guère possible de confondre le ramollisse- ment putride de la moelle, avec celui qui est le résultat d'unephlegmasie, parce que dans ce dernier casilpourra y avoir injection des vaisseaux environnans , et que la portion ramollie offrira une teinte rosée plus ou moins ponctuée de rouge ; quelquefois aussi la moelle sera réduite à la consistance du pus liquide; ajoutons enfin que le ramollissement vital sera circonscrit, tandis que l'autre occupera toute l'étendue de l'organe. Ce der- nier caractère est à peu près le seul qui puisse servir à distinguer le ramollissement cadavérique de celui que MM. Rostan et Recamier considèrent comme étant indépendant de l'inflammation, et produit par une altération particulière de la substance nerveuse de la moelle épinière. Lésions des organes de la circulation et de la respira- tion^ Péricardite. Il est évident, pour quiconque a ob- servé quelques cas de péricardite, qu'il est impossible de confondre les phénomènes cadavériques dont le péri- carde est le siège, avec les lésions que l'on y remarque, lorsqu'il est enflammé; en effet, dans ce dernier cas, le plus ordinairement le cœur et le péricarde, ou seu- lement l'un d'eux, sont tapissés par une fausse mem- brane tantôt molle et offrant un aspect comme aréole, 23o TRAITÉ tantôt hérissée d'aspérités, tantôt épaisse, de consis- tance et de couleur de chair; quelquefois il existe des adhérences au moyen de concrétions albumineuses qui s'étendent comme des brides; quelquefois il y a des ossifications; enfin le plus souvent il y a, en outre, épanchement d'une plus ou moins grande quantité d'un liquide séreux, sanguinolent, séro-sanguinolent, pu- rulent ou séro-purulent, transparent ou troublé par des flocons albumineux. Rien de pareil ne s'observe lorsque le péricarde se pourrit, comme on peut s'en convaincre en lisant ce qui a été dit à la page 2g5 du tome Ier. Il peut toutefois exister dans la cavité du péricarde un épanchement séreux ou séro-sanguino- lent, reconnaissant uniquement pour cause la putré- faction; mais outre que cet épanchement est ordinaire- ment peu considérable, il n'est accompagné d'aucune des altérations que l'on remarque dans l'inflammation du péricarde. Cardite. Parmi les affections nombreuses dont le cœur peut être le siège, la cardite, ou l'inflammation de sa membrane interne, est surtout celle dont les traces pourraient en imposer jusqu'à un certain point à un observateur peu attentif, et les faire regarder comme des phénomènes cadavériques ; en effet, dans l'un et l'autre cas, la surface interne du cœur est plus ou moins rouge, et quelquefois la substance charnue de l'organe est aussi ramollie et aussi rouge que dans la putréfaction avancée; mais alors, s'il y a eu phlegmasie, le tissu du cœur est gorgé de sang, et les portions de DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 231 la membrane interne qui constituent les valvules des orifices auriculo-ventriculaires et artériels, sont bour- soufflées et notablement tuméfiées, sans qu'il y ait em- physème, ce que l'on ne remarque pas dans les cas de simple putréfaction; souvent aussi la cardite s'accom- pagne de production de matière couenneiise qui se dépose à la face interne du cœur. Dans certains cas aussi, il existe des ecchymoses dans le tissu du cœur des cadavres que Fon exhume quelque temps après la mort; nous en avons trouvé une fois dans la valvule tricuspide qui étaient semblables à celles que l'on remarque dans Fintérieur de cet organe, à la suite de certains empoisonnemens ; si ces ecchy- moses sont véritablement le produit d'une imbibition cadavérique, il serait difficile, pour ne pas dire impos- sible, de les distinguer de celles qui se manifestent pendant la vie; mais par cela seul que nous ne les avons observées qu'une fois, et qu'il est bien avère aujourd'hui que des maladies autres que l'empoison- nement peuvent les occasionner, nous sommes portés à croire qu'elles ne constituent pas un phénomène cadavérique, et qu'elles dépendent d'une de ces ma- ladies. Enfin le cœur peut être affecté d'un ramollissement pathologique, quelquefois très-considérable, qu'il s'agira de distinguer de celui que détermine la putréfaction. Tout en admettant que souvent les pathologistes ont re- gardé comme produits par une lésion vitale desramol- lissemens du cœur qui n'étaient que l'effet d'une putré- faction commençante, nous conviendrons que cet or- 232 TRAITÉ gane peut être ramolli, indépendamment de cette de- composition putride, surtout après les agonies lentes,les attaques d'étouffement chez les sujets qui ont des dila- tations du cœur, etc. Si, en même 'temps qu'il y a ra- mollissement, la substance du cœur est pâle, blan- châtre, ou d'une teinte jaunâtre analogue à celle des feuilles mortes les plus pâles, ces phénomènes ne sont point cadavériques, soit que cette teinte soit géné- rale, soit, comme cela arrive plus souvent, qu'elle soit bornée au ventricule gauche et à la cloison interven- triculaire, ou qu'on trouve çà et là des points rouges, assez consistans, au milieu d'une substance d'ailleurs très-fortement ramollie et de couleur jaunâtre. Mais si le ramollissement coïncide avec une couleur violette foncée, surtout à l'intérieur des ventricules et des oreillettes, il est difficile, pour ne pas dire impossible, de décider s'il est cadavérique ou non, à moins qu'il n'y ait en même temps amincissement des parois des ventricules, comme cela a été presque toujours ob- servé par les pathologistes, qui ont considéré le défaut de consistance du cœur comme une lésion vitale; alors évidemment cet état n'est pas cadavérique : toutefois, nous le répéterons encore, il est probable que cette dernière variété de ramollissement qui, dans les sai- sons chaudes, se manifeste peu de temps après la mort, a été souvent regardée comme le résultat d'une lésion vitale, tandis qu'elle était déjà un produit de la putré- faction. Vaisseaux sanguins. Déjà nous avons dit à la page 293 du tome 1er, que l'intérieur des vaisseaux sanguins était DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 233 quelquefois coloré en rouge, peu d'heures- après la mort, et que cette rougeur était un phénomène cada- vérique, résultat évident d'une imbibition. D'une autre part, on a pu voir que presque toujours, dans les ou- vertures de cadavres que nous avons faites long-temps après l'inhumation, nous avons aussi trouvé ces vais- seaux d'un rouge plus ou moins vif. Comment distin- guer la rougeur cadavérique des artères et des veines de celle qui reconnaît pour cause une phlegmasie de ces vaisseaux ? Si, comme cela a déjà été observé, l'in- flammation ne laisse d'autres traces qu'une rougeur, il nous paraît difficile, pour ne pas dire impossible, d'éta- blir une distinction, à moins que le cadavre qui fait le sujet de l'observation n'ait été ouvert très-neu de temps après la mort; car alors tout porterait à croire que la coloration est vitale et non cadavérique, cette der- nière ne se manifestant qu'au bout d'un certain temps, lorsque le sang a imbibé les tissus ; la rougeur dans les points où des caillots fibrineux reposaient sur les pa- rois, déposerait en faveur d^une phlegmasie, parce que, comme l'ont remarqué MM. Rigot et Trousseau, ces caillots ne colorent jamais les tissus sous-jacens, par imbibition. Si, au lieu d'une simple rougeur, le vaisseau ainsi coloré était en outre le siège d'ulcéra- tions, de fausses membranes, d'épanchemens de lym- phe ou de pus, s'il était épaissi, etc., on ne pourrait plus élever de doute sur l'existence d'une phlegmasie, car la putréfaction ne produit jamais rien de pareil. Bronchite. On s'attend bien qu'il ne doit être aucu- nement question ici de ces bronchites dans lesquelles 234 TRAITÉ la membrane muqueuse trachéo-bronchique conserve sa couleur pâle, s'ulcère ou s'épaissit notablement, et encore moins de celles qui sont suivies de perforation de la trachée-artère; aucun de ces états en effet ne saurait être simulé par la putréfaction. Il n'en est pas de même de l'inflammation, surtout chronique, des bronches, dans laquelle la membrane muqueuse, plus ou moins ramollie, offre une couleur rouge, livide, violacée ou brunâtre, sans apparence d'ulcérations; car ces teintes et ce ramollissement peuvent aussi bien reconnaître pour cause la décomposition putride; à la vérité, le ramollissement inflammatoire de la membrane muqueuse des bronches est un phénomène assez rare. Il faudra alors se rappeler, pour établir la distinction, que, dans la bronchite, la coloration rouge est quel- quefois sous forme d'injection fine ou de petits points rouges; qu'on l'observe surtout à la fin de la trachée- artère, dans les premières divisions des bronches et dans les plus petites ramifications, et qu'il n'est pas rare de la voir bornée aux bronches d'un seul lobe , notamment du supérieur; que souvent la rougeur, loin d'être générale, n'existe que sous forme de bandes ou de plaques isolées, dans les intervalles desquelles la membrane muqueuse conserve sa couleur blanche et son aspect naturel; qu'il est beaucoup de cas enfin où l'on trouve, en même temps qu'une bronchite, des tubercules pulmonaires. La présence dans un des tuyaux bronchiques d'un mucus plus ou moins tenace fermant comme un bouchon le conduit aérien, ne lais- serait aucun doute sur l'existence d'une phlegmasie= DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 235 Nous ajouterons encore que, dans les colorations cada- vériques des bronches, la couleur de celles-ci est beau- coup plus intense dans les portions les plus déclives du poumon où le sang s'est accumulé. Laryngite. Jamais la putréfaction ne détermine l'épais- sissement ni le boursoufflement de la membrane mu- queuse du larynx, pas plus que des végétations, desfon- gosités, etc., des fausses membranes, des pustules ou des boutons rouges, des abcès, des tubercules, des ulcérations et des conduits fistuleux : or, la laryngite amène souvent ces désordres. Ce ne sera donc, comme pour la bronchite, que lorsque la phlegmasie n'aura donné lieu qu'à une rougeur et à un ramollissement de la membrane muqueuse, que l'on pourra supposer que l'état de cette tunique est plutôt un effet de la dé- composition putride que d'une laryngite. Or, ces cas sont rares, et lorsqu'ils se présenteront, on établira la distinction à l'aide de quelques-unes des données indi- quées, en parlant de la bronchite et de l'angine couen- neuse. Angine couenneuse. Il est impossible d'attribuer à la putréfaction ces fausses membranes que l'on remarque dans Y angine couenneuse, et qui occupent, dans la plu- part des cas, les fosses nasales, le pharynx, le voile du palais, la luette, les amygdales, le larynx, la trachée- artère et quelquefois les bronches; mais il peut arriver qu'à l'ouverture des cadavres d'individus qui ont suc- combé à cette affection, on n'aperçoive aucune trace de pseudo-membrane dans ces parties, tandis que la tu- nique muqueuse du pharynx, de la luette, du voile 236 TRAITÉ du palais, sont d'un rouge livide : dans ce cas, on pour- rait être induit en erreur, en faisant dépendre de la putréfaction ce qui est le résultat d'une angine couen- neuse, dont les fausses membranes ont été probable- ment rejetées par l'expectoration. On se rappellera alors qu'en général, dans l'angine couenneuse, la rou- geur de la membrane muqueuse décroît du pharynx à la trachée-artère, que les follicules muqueux du pha- rynx sont quelquefois très-développés et les ganglions cervicaux souvent rouges et volumineux : on n'observe rien de pareil quand la rougeur est cadavérique. Pneumonie. Parmi les lésions pathologiques, dont les poumons peuvent être le siège, il n'y a que l'en- gouement, ou le premier degré de leur inflammation, et la gangrène, que l'on puisse confondre avec l'état que la putréfaction détermine dans ces organes; en effet, les ramollissemens rouge et gris, l'induration rouge, grise et noire (mélanose), les tubercules, les granulations, les abcès, la matière encéphaloïde, l'apo- plexie pulmonaire, etc., sont tellement caractérisés, et tellement distincts des altérations cadavériques, qu'il est impossible de commettre à cet égard la moindre méprise. Relativement à Y engouement, déjà nous avons vu à la page 289 du tome P%que peu de temps après la mort, aussitôt que le cadavre est refroidi, la portion des pou- mons qui est la plus déclive est le siège d'une congestion sanguine, simulant assez bien l'engouement qui cons- titue le premier degré de la pneumonie. Plus tard, le cadavre se putréfiant, et le sang contenu dans les pou- DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 237 nions devenant plus liquide et spumeux, la ressem- blance entre l'état de ces organes et de ceux qui ont subi un premier degré d'inflammation, est encore plus grande, en sorte qu'il est difficile de dire si l'engouement est cadavérique ou non. L'expert chargé déjuger cette question se rappellera, i° qu'il est assez commun, à la suite d'un engouement pathologique, de trouver réu- nis dans un même poumon les trois degrés de la pneu- monie aiguë : ainsi, tandis que telle partie du poumon est simplement engouée, telle autre a déjà éprouvé le ramollissement (hépatisation) rouge et même gris; ce qui dépend, ou de ce que l'inflammation n'a pas marché avec la même rapidité dans tous les points, ou bien de ce qu'elle ne les a envahis que successivement : or, il suffit de constater qu'il y a hépatisation, pour être au- torisé à regarder la congestion comme dépendant d'une lésion vitale; 2° que dans le plus grand nombre de cas de pneumonie, il y a en même temps pleurésie, et alors on trouve une injection plus ou moins vive, des concrétions albumineuses, ou un léger épanche- ment séreux, purulent ou sanguin dans la plèvre qui correspond au poumon enflammé, ce qui n'a jamais lieu par suite de la simple décomposition putride; 3° que c'est ordinairement dans les parties les plus déclives au moment du refroidissement du corps, si l'agonie n'a pas été longue, que l'on remarque l'en- gouement produit par la putréfaction. La rougeur plus ou moins intense de la membrane interne des bronches, qui accompagne constamment l'inflammation des pou- mons, ne pourrait pas servir ici de caractère distinc- 238 TRAITÉ tif, parce que les bronches des cadavres qui se pour- rissent se colorent également en rouge dans les portions du poumon où le sang s'est accumulé. La gangrène non circonscrite des poumons, celle qui se montre sous la forme de taches ou de points bruns ou livides, offre quelque ressemblance au premier abord avec certaines congestions cadavériques; mais en détachant une partie de l'organe et en l'agitant dans l'eau, on lui enlèvera le sang et la couleur brune, et on lui fera reprendre son état naturel, si laltération n'est pas vitale; d'ailleurs, il se dégage une odeur toute particulière dans le cas de gangrène. Quant à la gan- grène circonscrite, il n'est guère possible de la con- fondre avec l'engouement cadavérique , parce qu'il existe alors une escarre autour de laquelle s'établit un travail de suppuration. Pleurésie. Cette inflammation laisse ordinairement après la mort des traces qui ne permettent pas de la confondre avec les altérations que la putréfaction dé- veloppe dans la plèvre ; la présence des fausses mem- branes, l'aspect du tissu malade qui peut être rouge, la nature du liquide épanché qui est souvent limpide et troublé par des flocons albumineux, et quelquefois opaque, bourbeux et différemment coloré, sont des caractères suffisans de la pleurésie. Mais il arrive dans certains cas que le liquide épanché dans les cavités des plèvres est séreux, incolore et transparent, séro-sangui- nolent ou sanguin, sans contenir la moindre apparence de flocons albumineux ; alors il serait difficile de déci- der si l'épanchement a eu lieu pendant la vie, ou s'il est DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 2$g le résultat d'une transsudation opérée après la mort, à moins qu'il n'y eût sur la plèvre des traces évidentes de phlegmasie. Lésions du canal digestif. Estomac et intestins. Parmi les altérations nombreuses dont ces organes peuvent être le siège pendant la vie, il en est un cer tain nombre qu'il est impossible de regarder comme étant le résultat de la putréfaction ; nous citerons le squirre, le cancer, Fhyperthrophie de la tunique mus- culaire de l'estomac, l'état mamelonné de la membrane muqueuse de ce viscère, si bien décrit par M.Louis, enfin l'état exanthémateux des intestins, sous forme de plaques ovalaires ou de boutons isolés rouges, gris, etc., qui constitue une véritable tuméfaction in- flammatoire des follicules intestinaux. Il en est au contraire d'autres dont les caractères anatomiques sont tels, qu'on serait souvent tenté de les prendre pour des produits de la décomposition putride; c'est de celles-ci que nous devons spécialement nous occu- per. Pour procéder avec ordre, nous distinguerons les altérations gastro-intestinales sans solution de conti- nuité , de celles qui ont lieu avec perte de substance. §. ier. Altérations gastro-intestinales sans solution de continuité. Ces altérations peuvent se rapporter aux colorations et à la consistance des membranes, notam- ment de la muqueuse, aux matières contenues dans le canal digestif, et à Yemphysème sous-muqueux. A. Colorations. Les nuances rosées qui s'observent à l'estomac et au duodénum après la mort qui sur- prend au moment des digestions, dépendent d'un état 24o TRAITÉ vital, et témoignent de l'afflux du sang appelé par une excitation physiologique. Les plaques jaunâtres qu'offrent quelquefois les in- testins grêles semblent au contraire devoir être consi- dérées comme un effet de l'imbibition cadavérique; ce qui prouve en faveur de cette opinion, c'est que la teinte jaunâtre, quand elle affecte les valvules conni- ventes, ne se voit le plus souvent qu'à leurs bords libres, seules parties, vu l'imbrication, qui plongent dans les mucosités jaunâtres qui occupent cette portion du tube digestif. Il en est de même de la teinte verte communiquée par le méconium au gros intestin des enfans nou- veau-nés; la totalité des parois en est pénétrée. Il est moins facile de déterminer quelle est la nature de plusieurs autres colorations. Pour parvenir à dis- tinguer celles qui appartiennent à une modification opérée pendant la vie de celles qui ne sont qu'un effet cadavérique, examinons-les successivement, en adop- tant les divers états établis par le docteur Billard d'AUgers ( De la membrane muqueuse gastro-intesti- nale. Paris, i825). Les colorations qui dépendent d'une lésion vitale peuvent être inflammatoires ou le résul- tat de simples congestions mécaniques, par stase du sang arrêté dans les vaisseaux lors d'obstacles à la cir- culation, soit dans les poumons, soit dans le cœur, etc. Les unes et les autres de ces colorations affectent des dispositions variées : ainsi on reconnaît la teinte rouge ramiforme, capilliforme, pointillee, striée, par plaques, et diffuse ; la teinte brune et violacée, uniforme et par DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 24 I plaques; la teinte ardoisée, uniforme, striée et poin- tillee; la teinte noire ou mélanique; la teinte grise. Teinte rouge, a. Ramiforme inflammatoire. Elle consiste dans l'injection de petits rameaux vasculaires qui ne tiennent à aucun tronc principal, et présentent, par l'élégance de leur disposition, un aspect agréable à la vue. Cette espèce de rougeur peut également être passive, et se trouver dans Y état sain du canal digestif; mais alors toujours les ramifications procéderont d'un tronc veineux, et seront ordinairement bleuâtres : le canal intestinal des vieillards, comme nous l'avons déjà dit, présente fréquemment cette injection à l'état normal. b. Capilliforme. Cette teinte diffère de la précédente en ce que le réseau vasculaire est infiniment plus serré; il consiste dans l'entrelacement inextricable de vais- seaux si déliés, que leur assemblage constitue une sur- face qu'on pourrait au premier coup d'œil prendre pour une plaque uniforme. Cette rougeur peut être inflammatoire ou passive ; cette dernière se rencontre dans les mêmes circonstances que l'injection ramiforme passive. c. Pointillee. Le sang est épanché dans le tissu mu- queux sous forme de petits points rouges disséminés de la même manière que le piqueté du cerveau qu'on dit sablé; la membrane muqueuse présente alors, pour nous servir d'une comparaison de M. Lallemand, un aspect analogue à celui d'une feuille de papier blanc, sur laquelle on aurait disséminé une poudre rouge; cette rougeur est le résultat de l'inflammation, mais 242 TRAITÉ elle n'est jamais passive dans le sens attaché à ce mot. Elle peut être déterminée sur le cadavre par le grat- tage de la membrane muqueuse ; les petits vaisseaux alors sont déchirés , et la pression de 1 instrument exprime le sang par les orifices artificiellement pro- duits. d. Striée inflammatoire. Cette rougeur consiste en bandes plus ou moins larges, étendues le plus souvent sur les parties saillantes de la surface muqueuse, telles que les plis de l'estomac et les valvules conniventes de l'intestin grêle. e. Par plaques. Les matières les plus irritantes, les poisons les plus violens déterminent quelquefois des plaques inflammatoires d'un rouge plus ou moins vif et uniforme. D'autres causes peuvent aussi développer une pareille lésion; dans certains cas,outre ces plaques, on remarque une arborisation vasculaire. fi Diffuse. Cette rougeur occupe des espaces va- riables en étendue; résultat ordinaire d'une inflamma- tion interne, elle est souvent accompagnée d'érosions et d'ulcérations. Il existe une autre rougeur^ non in- flammatoire, dont le tube intestinal est le siège chez les individus atteints depuis long-temps d'une lésion organique du cœur ou des gros vaisseaux. Quelquefois aussi la membrane se colore en rouge dans toute on étendue par son contact avec du sang épanché dans l'intérieur du canal digestif ou avec des médicamens colorés. Teinte brune et violacée a. Uniforme. D'après le docteur Billard, elle a pour cause l'inflammation dans DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 243 les neuf dixièmes des cas au moins; les poisons irritans la déterminent souvent, b. Striée. Ce sont les marbrures de la membrane muqueuse de l'estomac qui ont été si- gnalées dans les livres d'anato mie ; elles sont considérées par le même auteur comme pouvant être les traces d'une inflammation ancienne, et même d'une inflamma- tion actuelle peu intense, entretenue par une cause irri- tante quelconque : elles sont ordinairement brunâtres et semées sur un fond de couleur naturelle. Teinte ardoisé*. Cette coloration, regardée par le docteur Billard comme appartenant k l'inflammation chronique, et comme étant produite par du sang al- téré et épanché dans le tissu muqueux, se présente sous l'apparence pointillee, et uniformément répandue sur une surface plus ou moins grande. Teinte noire ou mélanique. La mélanose se montre le plus ordinairement sous forme de plaques plus ou moins étendues sur le canal digestif, soit du côté-de sa tunique péritonéale, soit à sa face interne; quelquefois elle est sous forme de taches semblables à des pétéchies, ou de points ou de stries. Il est probable qu'en général elle provient d'une altération morbide du sang; et s il n'est pas démontré qu'elle reconnaisse pour cause une phlegmasie du tube digestif, toujours est-il qu'elle ne se rencontre presque jamais à la face interne des in- testins , sans que la membrane muqueuse ne soit en même temps dans un état d'inflammation chronique évident. Ici c'est la corrosion des glandes intestinales avec toutes les traces d'une dysenterie ancienne, qu des ulcérations grises qui environnent les points noirs; 16. 244 TRAITÉ plus loin c'est une rougeur foncée, avec épaississement de la membrane muqueuse. Certains poisons, et no- tamment l'acide sulfurique concentré, occasionent dans le canal digestif une altération ayant des rapports avec la mélanose. Teinte grise. Indépendamment des colorations déjà citées, M. Louis indique dans ses recherches sur les affections typhoïdes, une teinte grise de la membrane muqueuse qu'il n'a rencontrée que dans l'intestin grêle, et dans le gros intestin d'un certain ordre de sujets, de ceux qui ont succombé à une époque plus ou moins éloignée du début (i). Les diverses teintes dont nous venons de parler peu- vent-elles être confondues avec les rougeurs qui se dé- veloppent après la mort? Les considérations et les ex- périences suivantes nous paraissent propres à résoudre cette question. i°. MM. Rigot et Trousseau ont fait voir que l'in- jection du canal digestif est un phénomène invariable de la stase du sang dans les anses déclives de ce canal, et que dans certains cas le sang distend à la fois les troncs, les rameaux, les ramuscules veineux, colore (i) On remarque encore dans certaines fièvres graves, no- tamment dans celles que l'on désigne sous le nom d'ataxo- adynamiques, des colorations plus ou moins analogues â celles que nous avons notées ; mais elles sont ordinairement accom- pagnées d'un état exanthémateux , d'ulcérations, de perfora- tions etc., lésions qui ne permettent pas de les considérer comme étant le résultat delà putréfaction. DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 245 les villosités, et transsude à la surface de la mem- brane muqueuse', sans qu'il y ait eu inflammation de l'intestin, et par le fait seul de la stase du sang dans les parties déclives. ( Archives générales de médecine, tome 12e.) Cette injection peut amener une coloration diffuse à aspect arborisé , ou des rougeurs circon- scrites sous forme de points, de stries, de taches, etc. 2°. Différentes matières putrides qui se dévelop- pent dans l'intestin , donnent lieu à des stries rouges, qui correspondent presque toujours aux valvules con- inventes, et qui ont leur siège au-dessous de la mem- brane séreuse. 3°. Tous les médecins qui ont ouvert des cadavres pendant des étés très-chauds, savent que trente ou quarante heures après la mort, chez certains sujets, les membranes de l'estomac sont déjà imbibées de sang et uniformément rouges, surtout dans l'extrémité splénique; quelquefois cependant la rougeur, au lieu d'être diffuse, est sous forme de taches, de stries ou de bandes le long du trajet des vaisseaux. < Expérience ire. Une chienne de moyenne taille fut empoisonnée le 3o janvier i83o avec une once d'acide sulfurique étendu de quatre onces d'eau; elle mourut le lendemain à neuf heures du matin. On la mit dans une bière en sapin mince que 'l'on entoura de paille. Le i3 février suivant, la terre étant dégelée, la boîte fut inhumée dans un des coins du jardin de la Faculté de Médecine de Paris; la fosse était creusée à trois pieds de profondeur. Examen du cadavre, le 6 mai i83o, trois mois six 246 TRAITÉ jours après le commencement de l'expérience. L'esto- mac contient une quantité notable d'un liquide noir, épais, dans lequel on peut démontrer aisément la pré- sence de l'acide sulfurique. L'intérieur de ce viscère étant lavé, présente à l'intérieur un grand nombre de vaisseaux volumineux gorgés de sang noir coagulé; on remarque en outre, entre ces gros vaisseaux, une injec- tion capillaire imitant une arborisation très-fine. La membrane muqueuse est d'un rouge brun, ni ulcérée ni épaissie, mais assez résistante; les tuniques muscu- leuse et séreuse sont également rouges. Expérience 2e. La même expérience ayant été répé- tée sur un autre chien avec la même dose d'acide sul- furique étendu de huit onces d'eau, et l'ouverture du cadavre ayant également été faite le 6 mai, on a vu que l'estomac renfermait une petite quantité d'un liquide rosé, et que la membrane muqueuse, d'un gris rosé, parsemée çà et là de plaques rouges, détruite dans quelques points, et très-ramollie dans tous les autres, était le siège d'une arborisation vasculaire très-fine, in- terrompue dans plusieurs endroits, et manquant là où la membrane muqueuse n'existait plus; les petits vais- seaux qui constituaient cette injection étaient noirs; la teinte générale de l'intérieur de cet estomac ressemblait assez à celle du même viscère d'un des chiens pendus et enterrés le même jour (voyez expérience 4e ) > mais chez ce dernier il n'y avait aucune apparence d'arbo- risation. Expérience 3e. Un chien empoisonné, le 3o janvier i83o, par l'acide hydrochlorique étendu de quatre DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 247 fois son poids d'eau, et mort le surlendemain, fut inhumé et exhumé comme les précédens. L'estomac renfermait une petite quantité d'une matière très- épaisse et noire; la membrane muqueuse, notablement épaissie et facile à déchirer, était d'un vert foncé par- semé de taches noires qui étaient autant d'ulcères in- téressant cette membrane, et même la tunique muscu- leuse : il n'y avait aucune trace d'arborisation. Expérience 4e- Un chien de moyenne taille, à jeun, ayant été pendu le 3o janvier i83o, fut inhumé et exhumé comme les précédens. Quelques minutes avant la mort, on avait fait une fracture à la cuisse gauche. La membrane muqueuse de l'estomac, très-lisse, était diversement colorée en violet sale, en rougeâtre, en rouge pâle et en gris; on y remarquait quelques rami- fications rougeâtres qui, au premier abord, semblaient être de gros vaisseaux injectés, mais qui, examinés avec soin, furent reconnus pour être le résultat d'une imbibition des parois vasculaires et de la membrane muqueuse, sans aucune trace d'arborisation. Cette tu- nique était amincie, ramollie et facile à séparer. La membrane musculeuse était grisâtre. La cuisse fracturée était plus ramollie que l'autre ; mais il n'y avait aucune trace d'ecchymose ni d'autre caractère pouvant servir à faire reconnaître si la bles- sure'aurait été faite pendant la vie. La putréfaction de ce cadavre avait marche beaucoup plus vite que celle des autres, en raison de la solution de continuité dont nous parlons. Expérience 5e. Un autre chien ayant été soumis à. la 248 TRAII'E même expérience, excepté que la cuisse n'avait pas été fracturée, l'estomac était à peu près dans le même état; toutefois, il n'était point le siège des ramifications rou- geâtres mentionnées plus haut, et sa membrane interne offrait, outre les colorations déjà notées, quelques plaques assez larges d'un vert olive. Les faits qui précèdent nous permettent de répon- dre à la question que nous avons posée plus haut, que les diverses teintes rouges, brune, violacée, ardoisée et noire, peuvent être confondues avec les colorations qui se développent après la mort. A la vérité, nous croyons que les teintes rouges, ramiforme, capilliforme, poin- tillee et striée, ne sont pas souvent le résultat de l'hy- \ postase ni de la transsudation du sang : d'abord, parce que nous ne les avons jamais rencontrées dans nos recherches sur les exhumations, et ensuite parce que, dans les expériences tentées sur les chiens, pour ré- soudre le problème, nous n'avons jamais observé d'in- jection vasculaire, de véritable arborisation dans l'es- tomac de ceux qui n'avaient pas été empoisonnés ; tandis que ceux dont ce viscère avait été enflammé par une substance vénéneuse, en offraient constam- ment; et, à cet égard, la différence était très-remar- quable, même au bout de trois mois. Quoi qu'il en soit, on pourra presque toujours reconnaître si les teintes rouges dont nous parlons sont un phénomène cadavérique, parce qu'elles occuperont les parties les plus déclives de l'estomac et des intestins. Quant à la rougeur par plaques, celle qui est le ré- sultat de la putréfaction des cadavres qui sont dans la DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 249 terre est souvent jaunâtre et même aurore ; loin d'être bornée à la membrane muqueuse, elle s'étend à toutes les tuniques qui forment les parois de l'estomac, et elle est même plus marquée à l'extérieur de l'organe qu'à l'intérieur, ce qui n'a pas ordinairement lieu dans le cas d'inflammation gastro-intestinale; quelquefois aussi les plaques dont il s'agit sont produites par Fim- bibition cadavérique au voisinage du foie et de la rate ; niais alors la coloration occupe la membrane périto- néale, et elle est si nettement circonscrite dans les points où se faisait le contact, qu'il n'y a pas possibi- îité de commettre d'erreurs à ce sujet : d'ailleurs, la membrane muqueuse de l'estomac ne pourra être co- lorée par les liquides du foie ou de la rate, qu'autant que toute l'épaisseur des parois aura été colorée préa- lablement. Si, à l'exemple de M. Billard, nous rattachons aux rougeurs inflammatoires par plaques les ecchymoses de kl membrane muqueuse, c'est-à-dire les épanche- mens sanguins, circonscrits, provenant d'une cause mécanique, nous verrons qu'elles occupent la portion la plus déclive du tube digestif, qu'elles co-existent avec une injection générale des vaisseaux abdominaux, et souvent avec une exsudation sanguine dans bipar- tie ecchymosée. Si la putréfaction développe quelque chose d'analogue, ce ne doit être que fort rarement, puisque nous ne l'avons jamais observé. Nous en di- rons autant des pétéchies de la membrane muqueuse gastro-intestinale, véritables exhalations sanguines, bien décrites par Stoll, par MM. Mérat, Billard , etc. ; 2 30 TRAITÉ la décomposition putride ne produit jamais rien qui ressemble à cette lésion. La rougeur diffuse et la teinte brune et violacée sont celles que Fon serait le plus tenté de regarder comme étant le résultat de la putréfaction, d'autant mieux qu'elles envahissent souvent les tuniques musculaire et séreuse. Les caractères indiqués à l'occasion de la rougeur par plaques pourront servir quelquefois à établir la distinction. Quant à la teinte ardoisée, MM. Rigot et Trousseau pensent qu'elle pourrait aussi reconnaître une autre cause que l'inflammation, et provenir de phéno- mènes purement cadavériques, du développement, par exemple, du gaz acide hydrosulfurique,. et de l'action de ce gaz sur le sang des vaisseaux sous-muqueux. S'il en est ainsi, comment distinguer si cette teinte ardoi- sée générale est ou non le résultat d'une lésion vitale ? C'est ce qu'il nous est impossible de dire. Nous ne mettrons pas la même réserve pour assigner une ori- gine à ces plaques ardoisées, quelquefois verdâtres, plus ou moins étendues, que nous avons souvent trou- vées aux environs du pylore, et qui nous paraissent être le résultat de la putréfaction ; en effet, la mem- brane muqueuse de ces parties n'est pas devenue plus épaisse ; elle ne s'enlève pas plus facilement en larges lambeaux, et la plaque colorée est circonscrite; tandis que la teinte ardoisée, que l'on remarque chez les indi- vidus qui ont succombé avec une gastrite chronique, n'affecte pas spécialement les environs du pylore, et n'est pas aussi bornée. D'ailleurs, si cette plaque était DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 251 le résultat d'une phlegmasie chronique ou d'une congestion passive, pourquoi ne l'apercevrait-on pas peu de temps après la mort? Nous sommes portés à croire qu'elle est due au voisinage du foie, car elle intéresse toutes les membranes de cette partie de l'esto- mac; et d'ailleurs ,• le foie prend une teinte analogue à mesure qu'il se pourrit dans la terre; il renferme dans sa substance des matières d'un bleu foncé qui finissent par devenir liquides, et qui doivent nécessairement s'épancher à l'extérieur de l'estomac. Pour ce qui concerne la teinte noire ou mèlanique, il pourrait arriver, par suite de la putréfaction, que les parties de l'estomac qui sont en contact avec la rate , et surtout avec le foie, offrissent une coloration noire qui en imposât au premier abord, et fît croire à l'existence d'une mélanose; cette teinte noire ne se manifesterait que lorsque les liquides, dont le foie et la rate sont imprégnés, auraient acquis eux-mêmes cette couleur; et alors on pourrait juger si la colora- tion est cadavérique, parce qu'elle serait bornée aux parties touchées par ces organes, ou seulement par l'un d'eux. Les traces d'inflammation chronique, jointes à une coloration noire qui ne serait pas circonscrite aux portions qui ont été en contact avec ces mêmes organes, serait au contraire un indice certain de la présence de la mélanose. B. Consistance. Les considérations relatives aux di- verses altérations de cet ordre ont un rapport immé- diat avec le sujet qui nous occupe. Les ramollissemens que l'on observe dans les tissus du canal digestif des ca- 252 TRAITÉ davres que l'on ouvre avant ou après Vinhumation, sont- ils le résultat d'une lésion vitale ou le produit de la pu- tréfaction? Telle est la question importante que nous devons nous efforcer de résoudre. Signalons d'abord une première difficulté, qu'il faudrait surmonter avant de chercher à donner une solution du problème. Parmi les médecins qui se sont le plus occupés de cette matière, M. Louis regarde le ramollissement pultacé de l'estomac, qui a fait l'objet de son mémoire, comme étant souvent le résultat d'une maladie éprouvée par ce viscère pendant la vie. M. Cru- veilher, au contraire, considère ce même ramollisse- ment comme étant toujours un effet de la putréfaction. D'après M. CarSwell, le plus grand nombre des ramol- lissemens de l'estomac sont dus à une action chimique qu'ont exercée sur les viscères, après la mort, les sucs digestifs. Il est évident que tant qu'on ne sera pas d'ac- cord sur ce premier point, il sera impossible d'établir les caractères propres à distinguer le ramollissement cadavérique de l'autre, puisque pour tel auteur un ra- mollissement sera le produit de la putréfaction, tandis que pour tel autre il sera le résultat d'une'affection morbide. En attendant que de nouvelles recherches aient fixé sur ce point les opinions des savans, voici les diffé- rences établies par MM. Cruveilher et Carswell entre ces deux sortes de ramollissement. i°. Le ramollissement gélatiniforme ou vital, dit M. Cruveilher, a lieu presque toujours chez les enfans, à la suite d'une maladie dont les signes varient suivant DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 253 son siège, mais sont bien déterminés : on l'observe l'hiver comme l'été. L'estomac ou l'intestin ramolli n'ont pas besoin de contenir de liquide; il a été trouvé chez un sujet ouvert douze heures après la mort. — Le ramollissement pultacé se remarque chez les adultes, à la suite de toutes les maladies aiguës ou chroniques ; aucun symptôme ne 1 indique pendant la vie ; il sur- vient presque toujours pendant l'été ; en hiver, on le voit aussi sur des cadavres ouverts quarante - huit heures après la mort, et il est nécessaire qu'il y ait une certaine quantité de liquide. 2°. Le ramollissement gélatiniforme n'occupe pas toujours l'extrémité splénique de l'estomac; on le trouve aussi à sa paroi antérieure, près du cardia, à l'œso- phage , dans l'intestin grêle et dans les divers points du gros intestin. Le ramollissement pultacé occupe tou- jours la grosse extrémité de l'estomac. Le bord libre des plis que forme la membrane muqueuse, est détruit, et l'estomac est quelquefois bariolé de bandes blanches qui toutes correspondent à ces plis. 3°. Dans le ramollissement gélatiniforme, non-seu- lement la membrane muqueuse est envahie, mais la tu- nique albuginée, la membrane musculaire : il y a épais- sissement des parois qui ont acquis, dans certains cas, jusqu'à quatre fois l'épaisseur naturelle. M. Cruveilher dit avoir vu une fois l'estomac perforé ; il y avait en outre un épanchement et des traces non équivoques d'un travail morbide tout autour. Dans le ramollisse- ment pultacé, la membrane albuginée résiste d'ordi- naire ; la tunique muqueuse seule est convertie en une 2 54 TRAITÉ pulpe brunâtre; les parois du viscère ne sont pas épais- sies : on n'a jamais observé de perforation bien pro- noncée. Le ramollissement gélatiniforme, ajoute M. Cruveil- her,offre le même aspect que celui que donne aux tis- sus l'action d'un acide peu étendu, ou d'un alcali; lorsque ces tissus ont été saisis, racornis par un acide, plongez-les dans l'eau, vous aurez une altération tout- à-fait semblable à celle qui constitue le ramollissement gélatiniforme; et il y a si peu putréfaction, que les tissus ramollis n'exhalent aucune odeur et peuvent être facilement conservés (Note inédite J. Le docteur Carswell différencie ainsi les ramollissc- mens pathologiques et cadavériques : i° Dans le ramol- lissement pathologique, la membrane muqueuse est souvent rouge, et qu'elle soit rouge ou blanche, tou- jours elle est plus ou moins opaque et ressemble à de la crème épaisse, mêlée de farine ; ce ramollissement peut exister dans toutes les parties de l'organe, et là où les sucs gastriques n'ont pu évidemment séjourner; les bords de la partie altérée ne sont pas libres, adhè- rentaux organes voisins, et offrent des vestiges d'actions morbides. 2° Dans le ramollissement cadavérique ou par dissolution chimique, la membrane muqueuse est pâle, transparente, et a une consistance gélatiniforme; le siège de cette altération est au point le plus déclive de l'organe, là où les sucs gastriques naturellement s'accumulent dans le grand cul-de-sac; les bords des parties ramollies sont libres, sans adhérence aux or- ganes voisins ; on n'observe dans leur voisinage aucuns DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 255 vestiges d'actions morbides ; il n'y a pas eu d épanche- ment ; enfin le sang contenu dans les vaisseauxr de la partie altérée est noir ou brun (Archives générales de Médecine, tpme xxme ). Terminons tout ce qui se rapporte au ramollisse- ment du canal digestif par l'exposition de ce que nous avons remarqué dans les diverses exhumations que nous avons faites : on croira peut-être qu'en examinant des cadavres enterrés depuis plusieurs mois , nous avons dû trouver le ramollissement dont nous parlons porté au dernier degré, puisque souvent il est très- considérable dès le lendemain de la mort. Loin de là, nous n'avons jamais vu les parois de l'estomac assez ramollies pour être près de se détruire; jamais nous n'avons observé le ramollissement sous forme de ban- des qui se produit lorsque la membrane muqueuse est plissée; presque toujours il occupait la grosse extré- mité de l'estomac, et les parties ramollies présentaient cette variété de colorations que l'on remarquait sur la membrane muqueuse; en un mot, ce ramollissement nous paraissait offrir, à très-peu de chose près, les ca- ractères assignés par M. Cruveilher à celui qu'il nomme pul tacé ; seulement il existait à un degré peu marqué. C. Matières contenues dans le canal digestif. Les matières qui doivent faire le sujet de cet article sont les gaz, les mucosités, la bile, le sang et un liquide brunâtre. Il est difficile, pour ne pas dire impossible, de dé- terminer si les gaz que l'on trouve dans le tube digestif se sont dégagés après la mort ou pendant la vie; les «56 TRAITÉ maladies aiguës dans lesquelles ce phénomène a lieu sont à la vérité très-peu nombreuses, ce qui pourrait mettre jusqu'à un certain point sur la voie ; on ne 1 a guère observé que dans la péritonite, l'a/fection ty- phoïde et l'occlusion des voies digestives. Mucosités et bile. Les mucosités abondantes qu'on rencontre quelquefois dans le tube digestif sont évi- demment le résultat d'une sécrétion pendant la vie. Quand elles sont très-épaisses, très-consistantes, elles annoncent une phlegmasie de la membrane muqueuse, puisque dans toutes les affections catarrhales, le co- ryza, la bronchite, etc., leur opacité et leur consistance sont toujours en raison de l'irritation inflammatoire. Il est des cas où ces mucosités sont purulentes et sous forme d'un pus épais presque louable. Rien, dans ce que nous avons vu, ne nous porte à croire que la pu- tréfaction puisse développer quelque chose de sem- blable ; cependant il ne serait pas impossible qu'à une certaine époque, quand le ramollissement de la mem- brane muqueuse est à son comble, les mucosités natu- rellement existantes dans le canal digestif des cadavres, en se mêlant aux produits de ce ramollissement, offris- sent l'aspect purulent dont nous venons de parler. On doit sentir combien il serait difficile alors d'établir la distinction. La bile, mêlée aux mucosités, l'est le plus souvent pendant la vie ; cependant on sait que l'imbibition ca- davérique peut donner lieu à sa pénétration de dehors en dedans. Si sa consistance est augmentée, si elle est poisseuse, on devra la regarder comme altérée par un DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. a5j travail phlegmasique, surtout si elle adhère fortement à la membrane muqueuse , qui offre elje-même une couleur rouge. Sang. C'est ici que les phénomènes vitaux et cadavé- riques peuvent être aisément confondus. Il est incon- testable que dans certaines dysenteries, dansles dernières périodes de la fièvre typhoïde, dans la fièvre jaune, du sang plus ou moins pur peut se trouver dans le canal intestinal. Il n'est pas rare de voir dans des portions enflammées de l'intestin un liquide rougeâtre qui pa- raît dû à un mélange de sang et de mucus : le cœur et l'intestin grêle en contiennent le plus souvent. M. An- dral a vu, au milieu des ascarides, cette espèce de mu- cosité sanguine qui n'existait qu'autour d'eux. En in- jectant du sublimé corrosif dans le tissu cellulaire d'un chien , M. Smith a trouvé la membrane muqueuse gas- trique recouverte par une abondante exhalation san- guine. D'une autre part, les observations sur les phéno- mènes cadavériques prouvent que l'exhalation san- guine , ou plutôt l'écoulement du sang hors des vais- seaux , peut avoir lieu par simple compression de gaz développés par la putréfaction ; à la vérité, ce phéno- mène doit être excessivement rare, puisque nous ne l'avons jamais observé. D. Emphysème sous-muqueux. Non-seulement il est des observateurs qui admettent que l'emphysème sous- muqueux peut arriver pendant la vie ( V. les diverses observations publiées par MM. J. Cloquet, Aristide Bosc, etc., dans les Bulletins de la Faculté de Méde- l7 258 TRAITÉ cine, t. 7*, et dans plusieurs autres recueils ) ; mais il en est qui le regardent comme une preuve d'inflamma- tion; telle est l'opinion de M. Scoutetten. Quoiqu'il en soit, toujours est-il que l'on rencontre quelquefois ce dégagement de gaz dans l'épaisseur des parois intesti- nales ou de l'estomac, quand on ouvre les cadavres peu d'heures après la mort et avant que la putréfaction ne se soit manifestée; mais c'est surtout dans le canal digestif des corps qui ont séjourné pendant quelque temps dans la terre, dans l'eau, etc., qu'on la remarque : alors la membrane muqueuse est soulevée, amincie, flexible, et forme des bulles quelquefois fort grosses et crépitantes au toucher. Qu'on ne pense pas cependant que cet emphysème soit un effet constant de la putré- faction ; car il est aisé de voir que dans les ouvertures que nous avons décrites, il n'a pas toujours existé. 11 n'y a aucun moyen de juger , long-temps après la mort, si l'emphysème sous-muqueux est le résultat d'une lésion vitale, ou s'il s'est développé après la mort. §. II. Altérations gastro- intestinales avec perte de substance. On sait que dans ces derniers temps le doc- teur Carswell a fait revivre l'ancienne opinion de Hunter, d'Adams,d'Allan Burns,etc., qui admettaient la dissolution de la membrane muqueuse de l'estomac par le suc gastrique, surtout dans des cas de mort su- bite : des expériences ingénieuses, faites sur les ani- maux , ont porté ce médecin à penser que le plus grand nombre des érosions et des perforations du canal diges- tif étaient dues à l'action chimique qu'ont exercée sur ces viscères, après la mort, les sucs digestifs. Quelque DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 25g contestée que puisse être cette manière de voir, il n'en résulte pas moins de tout ce qui est connu sur ce point, et notamment de celles des recherches de, M. Carswell sur lesquelles tout le monde est d'ac- cord, que des érosions et des perforations de l'estomac et des intestins peuvent reconnaître pour cause l'action chimique du suc gastrique après la mort. Ajouterons- nous à ces deux genres d'érosions et de perforations, les unes vitales, les autres produites par le suc gas- trique après la mort, un troisième genre, qui com- prendrait les érosions et les perforations occasionées par la putréfaction, et qui se manifesteraient plus ou moins long-temps après l'inhumation dans les tubes digestifs qui n'en offraient aucun vestige au moment de la mort? Sans doute, rien ne s'oppose à ce que l'on admette ce troisième genre d'altération ; mais nous ne croyons pas qu'il soit commun, car nous ne l'avons observé qu'une fois, et tout porte à croire qu'alors les perforations des intestins avaient été pro- duites par des vers. Nous nous bornerons donc à dire que les érosions et les perforations du canal digestif sont vitales ou cadavériques, sans décider, dans un cas d'exhumation juridique, si ces dernières sont dues ou non à l'action du suc gastrique, et nous renverrons à ce que nous avons dit à la page 251, à l'occasion du ramollissement, pour reconnaître si elles existaient avant la mort. ., Pour mieux mettre le lecteur à même de juger si les ulcérations que Fon peut rencontrer dans le canal di- gestif, sont le produit d'une action vitale, nous croyons 2ÔO TRAITÉ devoir rappeler sommairement les principaux carac- tères de ces lésions. Les ulcérations de la membrane muqueuse, dans les fièvres graves, affectent presque exclusivement les glandes de Brunnef et de Peyer; elles se trouvent gé- néralement sur le bord libre de l'intestin; constam- ment il en est ainsi, quand ce sont les plaques de Peyer qui en sont le siège; des matières diverses, par leur aspect et leur consistance,en remplissent le fond : tantôt ce sont de véritables escarres, ce que M. Bre- tonneau appelle des bourbillons; tantôt ce sont des masses molles, colorées en jaune vif. Ces ulcérations ont une forme elliptique, et sont presque toujours pa- rallèles à la longueur de l'intestin. Les ulcérations tuberculeuses présentent le plus sou- vent , dans leur fond, des portions encore reconnais- sables de tubercules; elles occupent surtout le bord adhérent des intestins, et leur direction est transver- sale. Le gros intestin présente aussi des ulcérations re- marquables, surtout dans certaines dysenteries; quel- quefois il est criblé d'ulcères très-petits et très-rappro- chés, qui lui donnent un aspect aréolaire; dans d'autres cas,les ulcérations sont larges, leurs bords durs et taillés à pic.; elles offrent une teinte d'un noir foncé, qui pourrait faire croire au premier abord à l'existence de la gangrène; mais il n'y a point d'odeur, et l'ulcé- ration est assez ferme : son apparence est plutôt celle d'un fond de cheminée couvert de stalactites de fumée. DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. l6jl Du reste, c'est dans les ouvrages de MM. Billard, Andral, Bretonneau, etc., qui ont traité ce sujet ex professo, que Fon peut puiser les caractères des nom- breuses variétés d'ulcérations intestinales. Lésions du foie. Les abcès du foie, son cancer, ses tubercules, son induration, sa dégénération grais- seuse (i), Fhyperthrophie de sa substance rouge qui constitue l'état granuleux, la cirrhose ou Fhyperthro- phie de la substance blanche, aucune de ces lésions ne peut être confondue avec l'état que détermine la putréfaction ; il n'en est pas de même du ramollisse- ment que plusieurs médecins regardent comme patho- « logique, parce qu'on l'observe peu d'heures après la mort et avant le développement de la putréfaction. Ainsi on a vu, chez des sujets qui avaient succombé à des fièvres typhoïdes, le foie ramolli, surtout dans le grand lobe, et facile à déchirer, comme on le re- marque plusieurs semaines après la mort sur les ca- davres déjà poUrris; quelquefois la couleur de cet or- gane était rouge, et alors il aurait été impossible de distinguer si le ramollissement était vital ou cadavé- rique; le plus souvent, il est vrai, le défaut de consis- tance dont nous parlons s'accompagnait d'une pâleur (l) On ne saurait confondre la dégénération graisseuse du foie avec l'état du même organe qui se serait converti en gras des cadavres ; d'ailleurs, si le foie était transformé en savon, par suite de la décomposition putride qu'il aurait éprouvée, beau- coup d'autres organes , pour né pas dire tous , le seraieut éga- lement. 2Ô2 TRAITÉ ou d'une coloration jaune, qui n'est jamais le résultat de la décomposition putride. Quant à Y hépatite, si la rougeur ou le ramollisse- ment du foie, sans une certaine quantité de pus, peuvent être considérés comme une preuve non équivoque de son inflammation, ce qui est loin d'être démontré, il faudra convenir que dans les cas d'exhumation, où cet organe sera seulement rouge et ramolli, il y aura souvent impossibilité de constater cette inflammation, parce que, comme nous l'avons déjà dit, le propre de la putréfaction est de déterminer aussi la coloration et le ramollissement dont il s'agit. Altérations de la rate. Il en est de la rate comme du foie; on ne peut guère comparer ces organes putréfiés qu'aux mêmes organes ayant éprouvé pendant la vie un ramollissement notable; en effet, plusieurs fois on a trouvé la rate ramollie dans toute son étendue, sur- tout chez des individus qui avaient succombé à des fièvres ataxo-adynamiques ; son tissu optait si peu con- sistant, dans certains cas, que par la plus légère pres- sion on la réduisait en bonillie couleur de lie de vin ou noire; à la vérité, presque toujours le ramollisse- ment était accompagné de Y augmentation de volume qui était quelquefois double, phénomène que nous n'avons jamais remarqué dans les rates ramollies et co- lorées par l'effet de la décomposition putride. Que si, par hasard, cette tuméfaction n'existait pas, comme cela paraît avoir été observé un petit nombre de fois chez des sujets qui n'étaient pas morts de fièvres ataxo- adynamiques , il serait impossible de décider si le ra> DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 2Ô3 mollissement et la coloration sont cadavériques ou non. Mais est-il bien avéré que les ramollissemens sans augmentation de volume, que l'on a considérés comme pathologiques, le soient réellement; et n'est-il pas pré- sumable qu'ils sont plutôt l'effet de la putréfaction de la rate, qui, chez certains individus et dans les sai- sons chaudes et humides, se développe avec une rapi- dité prodigieuse?.... Altérations des organes urinaires. Qu'à l'ouverture d'un cadavre, dans un cas d'exhumation juridique, on trouve du pus, des tumeurs de différente nature, ou des tubercules dans les reins; que le parenchyme de ces organes soit transformé en une matière dure, ter- reuse, osseuse, cartilagineuse ou molle, et comme spongieuse ou graisseuse, on ne sera pas tenté d'attri- buer ces états à la putréfaction, mais bien à une lésion vitale. Qu'au contraire les reins soient rouges, plus in- jectés qu'à l'ordinaire, ramollis et de volume ordi- naire , on sera souvent embarrassé pour décider si ces altérations sont cadavériques, puisqu'elles peuvent être le résultat de la putréfaction, et que, d'une autre part, on les a constatées chez des individus qui avaient suc- combé à des fièvres ataxo-adynamiques, à des inflam- mations des reins ou de la vessie, à des affections cal- culeuses des reins, etc., et qui avaient été ouverts avant d'être pourris. A la vérité, souvent, quand la mort a été occasionée par une néphrite qui n'a dé- terminé que ce premier degré d'altération, une réplé- tion sanguine des reins, ces organes sont beaucoup plus volumineux, et laissent ruisseler du sang sous les 264 TRAITÉ doigts lorsqu'on les coupe; nous ajouterons encore qu'il est rare, pour peu que l'inflammation ait été in- tense, qu'on ne puisse, en comprimant les mamelons, faire suinter un liquide séro-purulent, ce qui n'arrive jamais quand l'altération des reins est due à la décom- position putride. Quant au ramollissement des reins avec pâleur ou teinte grise de l'organe, il est impos- sible de le considérer comme un phénomène cadavé- rique, par cela même qu'il y a décoloration. Vessie. On ne saurait considérer, comme étant l'effet de la putréfaction, ni Fépaississement, ni l'ulcération,ni les abcès, ni la gangrène, ni les végétations, ni les po- lypes , ni le cancer, ni les kystes, ni les tumeurs grais- seuses de la vessie ; il n'y a guère que le ramollissement de cet organe, accompagné de la rougeur de la mem- brane interne, résultat d'une cystite, qui pourrait, à la rigueur, être pris pour tel. Mais nous ferons re- marquer que dans l'inflammation de la vessie, souvent la rougeur, qui est vive et quelquefois très-intense, est sous forme de ramifications ou de plaques plus ou moins pointillées; que le plus ordinairement elle oc- cupe les environs du col de la vessie, et que rarement la tunique muqueuse est ramollie ; tandis que lorsque les phénomènes sont cadavériques, l'intérieur de la vessie est de couleur rosée ou d'un vert olive dans une assez grande partie de son étendue, et quelquefois la tunique muqueuse est soulevée par des gaz et dans un état emphysémateux. DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 265 SECTION III. Applications des données précédentes à la médecine légale. Utilité des exhumations pour éclairer les questions relatives à l'empoisonnement, aux blessures, à l'infanticide, à l'ap- préciation du sexe, de Fâ'gë,. dé la taille et de tout ce qui se rapporte à l'identité. Réfutation des auteurs qui ont con- sidéré les exhumations juridiques, non-seulement comme inutiles, niais encore comme pouvant induire quelquefois les experts en erreur. ARTICLE PREMIER. De l'utilité des exhumations pour éclairer les questions rela- tives à l'empoisonnement. Dans la plupart des cas, le médecin chargé de cons- tater la cause d'une mort subite, que Fon soupçonne être un empoisonnement, est appelé avant que l'inhu- mation du cadavre ait eu lieu; mais il peut se faire qu'il ne soit consulté que plusieurs jours, plusieurs mois et même plusieurs années après. Est-il permis de décou- 266 TRAITÉ vrir une substance vénéneuse en analysant les matières trouvées dans le canal digestif, ou dans les débris de ce canal d'un cadavre inhumé depuis long-temps? Est- il possible de constater les lésions des tissus que pro- duisent certains poisons dans le canal digestif, dans les poumons, dans le cœur, etc. ? Des expériences nom- breuses , tentées par nous, et plusieurs exhumations juridiques faites depuis 1823, époque à laquelle l'un de nous découvrit de l'acide arsénieux dans le cadavre de Boursier, qui était inhumé depuis trente-deux jours; ces travaux, disons-nous, nous permettent d'é- tablir la possibilité de résoudre le premier de ces pro- blèmes , sinon toujours, du moins dans la plupart des cas ; l'existence matérielle d'un poison ou du métal qui lui servait de base, s'il était métallique, peut être prou- vée , dans la plupart des cas, plusieurs mois et même plusieurs années après l'inhumation, toutes les fois qu'ily aura encore un canal digestif ou la matière graisseuse qui résulte de la destruction de ce canal, pourvu qu'au mo- ment de la mort il y eût dans l'estomac ou dans les in- testins une certaine quantité de poison. En d'autres ter- mes, les substances vénéneuses renfermées dans les voies digestives ne se décomposent pas, pendant la pu- tréfaction des corps, de manière à ne pas pouvoir être reconnues long-temps après, comme elles l'eussent été vingt-quatre heures après la mort. Quant à la possibilité de constater les lésions des tissus du canal digestif, etc., nous renverrons à la page 245 et aux observations qui terminent cet article. Les expériences qui nous conduisent à admettre les X DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 267 résultats dont nous parlons sont de deux ordres: i° des substances vénéneuses minérales et végétales, dissoutes dans iine pinte d'eau environ, à des doses tantôt faibles, tantôt fortes, ont été mêlées avec des matières animales, et abandonnées à elles-mêmes à l'air libre et dans des vases à large ouverture, pendant dix, quinze ou dix-huit mois : on a eu soin de renouveler Feau à mesure qu'elle s'évaporait ; 20 les mêmes sub- stances mêlées àde l'albumine,-à de la viande, à de la gé" latine, etc.*, ont été enfermées dans des estomacs ou dans des intestins, et ceux-ci ont été introduits à leur tour dans des# boîtes en sapin qui ont été bien closes et enter- rées à la profondeur de deux pieds et demi. Plusieurs mois après, on a exhumé ces boîtes, et on a analysé les matières contenues dans les estomacs et dans les in- testins. Cette manière d'opérer a trouvé des contradicteurs parmi des médecins et des critique*, peu habitués, aux recherches expérimentales. Ils eussent voulu qu'au lieu d agir avec des infiniment petits, en enterrant dans des boîtes de sapin des estomacs contenant des poisons mêlés à des alimens, nous eussions empoisonné des chiens qui auraient été enterrés après la mort, ou bien ils auraient voulu que les expériences eussent été ten- tées sur des cadavres d'adultes. On conçoit avec peine que Fon ait pu argumenter de la sorte. Pense-t-on par hasard que quatre ou cinq grains d'une substance vé- néneuse , introduite avec plusieurs substances alimen- taires dans un estomac que l'on enterre ensuite dans une boîte, se comporteront autrement que dans l'esto- 2Ô8 TRAITÉ mac d'un cadavre? on suppose donc que Faction de l'estomac et des alimens sur les poisons sera différente quand ce viscère sera isolé, ou renfermé dans l'abdo- men? Rien de plus gratuit et de plus contraire aux no- tions les plus élémentaires, qu'une pareille supposition. D'ailleurs, des faits déjà nombreux, et que nous expo- serons incessamment dans les observations qui ter- minent cet article, prouvent que dans les affaires de Boursier, de Billout, dans celles que nous a fait con- naître le docteur Lepelletier, du Mans, etc., l'on est parvenu à constater la présence ne l'acide arsénieux et du sulfure d'arsenic, précisément en employant les mêmes procédés que ceux qui ont servi à la recherche du poison Contenu dans les boîtes contre lesquelles on s'élève si mal à propos. Les expériences sur les chiens, par lesquelles on au- rait voulu remplacer celles dont nous parlons , offrent plusieurs inconvénfens, parmi lesquels nous signalerons le suivant : une grande partie, et même la totalité du poison administré pendant la vie, peut avoir été absor- bée ou rejetée par le vomissement et par les selles, en sorte qu'en enterrant le cadavre, il peut se faire que le canal digestif ne contienne plus de poison; comment, dès-lors, étudier les effets d'une inhumation prolongée sur une substance vénéneuse qui n'existerait pas au moment de cette inhumation? C'est justement parce qUe nous avons essayé ce genre d'expérimentation que nous y avons renoncé; en effet, après quatre mois d'inhumation de deux chiens empoisonnés parle même poisort, en même temps et à la même dose, il nous est DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 269 arrivé de retrouver la substance vénéneuse dans l'esto- mac de l'un des cadavres, tandis qu'il n'était pas pos- sible d'en démontrer la plus légère trace dans les voies digestives de l'autre ; celui-ci avait eu des selles et des vomissemens plus nombreux que le premier. On a encore dit que les poisons sur lesquels nous avons expérimenté n'ont été mis en contact avec nos organes qu'après la mort; dès-lors on ne peut pas con- clure qu'ils aient agi sur nos tissus comme s'ils avaient été introduits dans l'estomac pendant la vie. Cette objec- tion, nous l'avions prévue dans notre mémoire inséré dans le tome xvn des Archives générales de médecine, et nous y avions répondu : « Qu'importe, disions-nous, que Faction d'un poison pendant la vie ou après la mort, puisse ne pas être la même ; qu'importe encore qu'une portion de ce poison ait été absorbée ou re- jetée avec la matière' des vomissemens et des selles du vivant de l'individu ? Le point capital est de savoir si la quantité de substance vénéneuse que l'expert aurait pu découvrir en ouvrant le cadavre vingt - quatre heures après la mort, pourra être décelée dix, quinze ou vingt mois après l'inhumation. Or, il ne peut rester aucun doute d'après nos expériences, puisque ces substances vénéneuses ne se comporteront pas, dans le canal digestif du cadavre enterré, autrement que dans l'estomac et les intestins dans lesquels nons les avions enfermées, après les avoir mêlées avec des matières alimentaires. » Cette réponse, qui a satisfait tous les esprits justes, paraîtra encore plus péremptoire par les deux exem- 1 2yO TRAITÉ pies suivans. Un individu avale vingt grains d'acide arsénieux et meurt douze heures après; huit grains de ce poison ont été vomis, quatre autres ont été ab- sorbés; il en reste donc huit dans le canal digestif au moment de la mort. L'expert changé de faire l'ouver- ture du cadavre et de constater la cause de la mort, s'embarrasse fort peu de l'altération chimique que l'a- cide arsénieux a pu éprouver pendant la vie, s'il en a réellement éprouvé; il démontre que les huit grains de matière trouvés dans le canal digestif possèdent tous les caractères de l'acide arsénieux. Eh bien ! qu'avons- nous prétendu dans notre mémoire, si ce n'est qu'il était possible, au bout de plusieurs années, de déceler dans nos organes ou dans leurs débris les huit grains d'acide arsénieux, que l'on aurait reconnus vingt- quatre heures après la mort, ou seulement une partie de ces huit grains ?.... Un autre individu meurt après avoir avalé quinze grains de sublimé corrosif (deuto- chlorure de mercure). Trois grains de ce poison ont été vomis; quatre ont été absorbés; les huit autres ont été décomposés et transformés par la matière or- ganique en un composé de protochlorure de mercure et de matière animale. L'homme de Fart chargé de faire les opérations judiciaires, vingt-quatre heures après la mort, établit la présence dans le canal digestif de ces huit grains du composé mercuriel dont nous parlons; c'est précisément ces huit grains que nous avons dit pouvoir être retrouvés plusieurs années après l'inhumation, nous occupant fort peu de Faction que la vie a pu exercer sur les portions absorbées. DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 271 Une autre objection aussi peu fondée que les pré- cédentes a encore été faite à notre travail. Admettons, a-t-on dit, qu'au bout de plusieurs mois d'inhumation le canal digestif fournisse à l'analyse du mercure , du plomb, de Fétain métalliques ; vous établirez qu'il y a eu empoisonnement par un sel mercuriel, ou de plomb, ou d'étain; vous aurez tort, car ces métaux peuvent provenir d'un médicament tel que le calo- mélas, par exemple, qui aurait été prescrit au malade quelques heures avant la mort. Cette objection avait été prévue et-! réfutée par l'un de nous dès l'année 1812. (V. le Traité de Toxicologie.) Si l'on ne peut pas parvenir à démontrer la présence d'un sel mercu- riel, d'antimoine ou tout autre, disions-nous, et que l'on n'obtienne que le métal qui fait la base de ces pré- parations, le médecin ne pourra pas affirmer qu'il y ait eu empoisonnement; il se bornera à dire qu'il a trouvé dans le canal digestif un métal qui ne doit pas y exister, que ce métal fait la base de plusieurs sub- stances vénéneuses et médicamenteuses que l'on a dû certainement introduire dans ce canal, et qu'il im- porte de savoir si ces substances ont été ordonnées par un médecin , ou si elles ont été employées dans le dessein d'attenter aux jours de l'individu. Nous avons été plus loin ; précisément pour résoudre le problème relatif aux préparations mercurielles , nous avons sup- posé le cas où un individu qui aurait avalé quelques grains de calomélas pour se purger, aurait péri au bout de sept à huit heures , après avoir présenté les symptômes d'une gastro-entérite; l'ouverture du ca- 2^2 TRAITÉ davre aurait été ordonnée ; l'analyse chimique aurait prouvé que Fon pouvait retirer du mercure métallique du canal digestif; nous avons voulu savoir s'il ne se- rait pas possible de reconnaître que ce mercure pro- venait, non du calomélas que Fhomme de l'art aurait pu prescrire, mais bien du sublimé corrosif ou d'un sel mercuriel que l'individu aurait avalé; nous croyons avoir résolu le problème et avoir indiqué des moyens faciles de juger la question, comme on peut le voir à la page 3oo de l'ouvrage cité ( 3e édition.) Observons d'ailleurs que les sels dont nous parlons sont le plus souvent décomposés quelques heures après la mort, en sorte que l'expert qui cherche à démontrer leur présence éprouve les mêmes diffi- cultés et doit suivre les mêmes procédés, soit qu'il opère avant l'inhumation ou plusieurs mois après; donc cette objection ne s'applique en aucune manière à notre travail, mais bien aux procédés propres à faire découvrir les poisons à quelque époque que ce soit après la mort, et nous avons déjà dit que ce problème avait été résolu par l'un de nous dès l'année 1812. Entrons maintenant dans les détails de nos expé- riences. Les poisons qui ont été l'objet de notre examen sont les acides sulfurique, nitrique et arsé- nieux, le sulfure d'arsenic, le sublimé corrosif, le tartrate acide de potasse et d'antimoine, l'acétate de plomb, le proto-hydrochlorate d'étain, le sulfate de cuivre, le nitrate d'argent, l'hydrochlorate d'or, Fa- cétate de morphine, l'hydrochlorate de brucine, l'a- cétate de strychnine, l'opium et les cantharides. DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 2^3 Acide sulfurique concentré. Le 12 mars 1826, on introduisit dans un bocal à large ouverture, exposé à l'air, dix onces d'acide sulfurique concentré , le quart d'un foie humain coupé en morceaux, et une portion d'un canal intestinal. Le i5 du même mois,la matière, d'un brun noirâtre, était réduite en une sorte de bouillie d'une odeur aigre, nauséabonde; elle rougis- sait fortement le papier de tournesol, et donnait par l'hydrochlorate de baryte un précipité abondant de sulfate de baryte blanc, insoluble dans Feau et dans l'acide nitrique : chauffé dans une fiole avec du cuivre métallique, elle tardait beaucoup à dégager du gaz acide sulfureux, apparemment parce que Facide avait été affaibli par l'eau contenue dans les matières ani- males : cependant, en continuant à chauffer, on obte- nait une quantité notable de ce gaz, et il se formait du sulfate de cuivre. Le 26 mai 1827, c'est-à-dire, vingt-deux mois et demi après le commencement de l'expérience, la masse était sous la forme d'une bouillie noire, jouissant de tous les caractères ci-dessus indi. qués; le mercure, qui fut substitué au cuivre pour dégager de l'acide sulfureux , se trouva transformé en proto-sulfate. Dans l'intervalle de ces deux époques, la matière fut examinée au moins vingt fois, et fournit constamment les mêmes résultats. Acide sulfurique faible. — Le 18 juillet 1826,011 mêla dans un bocal à large ouverture exposé à l'air vingt grains d'acide sulfurique concentré, une pinte et demie d'eau, et environ le tiers d'un canal intestinal humain. Le 12 août suivant, le liquide était d'un blanc 2. 18 2^4 TRAITÉ jaunâtre, rougissait fortement l'eau de tournesol, et donnait par les sels solubles de baryte un précipité blanc insoluble dans l'eau et dans l'acide nitrique. On voulut savoir si, en le concentrant et en le faisant bouillir avec du mercure, on obtiendrait du gaz acide sulfureux ; mais le liquide qui contenait beaucoup de matière animale se boursouffla, et se répandit avant qu'on eût pu sentir ce gaz. Le 21 mai 1827, c'est-à- / dire neuf mois et trois jours après le commencement de l'expérience, le mélange exhalait une odeur insup- portable : on l'étendit d'eau distillée et on filtra ; le liquide filtré rougissait à peine le papier de tournesol, parce que la majeure partie de Facide sulfurique avait été saturée par l'ammoniaque provenant de la putré- faction ; aussi lorsqu'on la faisait bouillir avec de la chaux vive, ce sulfate d'ammoniaque se décomposait- il, et obtenait-on un grand dégagement d'ammo- niaque. Ce même liquide fournissait, avec les sels de baryte, un précipité blanc abondant de sulfate de baryte insoluble dans l'eau et dans Facide nitrique ; concentré par l'évaporation et bouilli avec du mer- cure , il ne laissait point dégager de gaz acide sulfureux, quoiqu'il eût été réduit presque jusqu'à siccité. Voyant qu'il était impossible par ce moyen de prouver que l'acide libre de la liqueur fût de l'acide sulfurique , on eut recours au procédé suivant. Une portion de cette liqueur fut traitée à froid par du sous-carbonate de chaux pur que l'on avait fait préalablement bouillir dans de l'eau distillée, et qui ne contenait pas un atome de sulfate ; il n'y eut point d'effervescence ; DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 2^5 après dix minutes d'agitation on filtra. La masse blanche qui était sur le filtre, lavée avec de Feau dis- tillée , pour lui enlever tout l'acide sulfurique et le sulfate d'ammoniaque qu'elle pouvait contenir, fut desséchée et traitée dans une fiole par de Feau dis- tillée bouillante; la dissolution filtrée ne contenait point de sulfate de chaux, car elle ne se troublait ni par l'hydrochlorate de baryte, ni par l'oxalate d'am- moniaque. Il est donc évident que la quantité d'acide sulfurique libre qui existait dans cette liqueur était tellement faible, qu'il se forma à peine du sulfate de chaux , et que le peu qu'il s'en produisit trouva assez d'eau pour se dissoudre dans le liquide employé pour laver le précipité. Un gros d'acide sulfurique concentré fut placé le 10 novembre 1826, avec une portion d'un canal intes- tinal, dans un vase de porcelaine; celui-ci fut à son tour enfermé dans une boîte de sapin que l'on enterra à deux pieds et demi de profondeur. L'exhumation de cette boîte eut lieu le 3o avril 1828, dix-sept mois vingt jours après l'inhumation. L'intestin était à peine jaune, et semblait nager dans un liquide grisâtre, légèrement trouble ; ce liquide rougissait le papier de tournesol, faisait effervescence sur le carreau, fournis- sait, avec les sels de baryte, un précipité blanc, inso- luble dans l'eau et dans l'acide nitrique, et donnait, lorsqu'on le faisait bouillir avec du mercure, du gaz acide sulfureux; donc il contenait de l'acide sulfurique libre : toutefois, il fallait, pour constater ce dernier caractère, prolonger Fébullition presque jusqu'à sic- 18. 2-6 TRAITÉ cité, probablement parce que l'acide avait été singu- lièrement affaibli par l'humidité des intestins. Nous établirons donc, i° qu'il est possible de consta- ter la présence de Facide sulfurique concentré, plusieurs mois et même plusieurs années après son mélange avec des matières animales; 2° que si cet acide a été très-affai- bli, et mêlé avec des substances qui, en se pourrissant, ont dégagé beaucoup d'ammoniaque, il est saturé par cet alcali au point qu'il n'y en a plus ou presque plus de libre au bout de quelques mois ; 3° que dans ce cas il ne serait plus permis de conclure qu'il y a eu empoi- sonnement par l'acide sulfurique ; que tout au plus on pourrait, d'après la présence du sulfate d'ammoniaque, que nous supposons avoir été obtenu cristallisé et bien caractérisé, établir quelques probabilités d'empoison- nement, ce sulfate ne faisant ordinairement partie ni des matières alimentaires, ni de celles qui composent le canal digestif. Acide nitrique concentré. Le \% mars 1826, dix onces d'acide nitrique du commerce ont été placées clans un bocal à large ouverture exposé à l'air; on y a introduit une portion d'un canal intestinal vide et de foie humain coupé par morceaux. Le 19 du même mois, le mélange offrait une couleur jaune; le liquide était transparent, rougissait fortement le tournesol, et \\ agis- sait sur le cuivre ni à froid, ni a la chaleur de Fébulli- tion; il fallait, pour en obtenir du gaz acide nitreux jaune orangé, l'évaporer jusqu'à sicci té, et décomposer par le feu le nitrate de cuivre formé. Mêlé avec un peu de potasse à l'alcool solide, il devenait rouge sur-le- DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 277 champ, et fournissait par l'évuporation un résidu de même couleur, qui fusait sur les charbons ardens comme le nitrate, et qui, mis en contact avec du cuivre, de l'acide sulfurique et quelques gouttes d'eau,' donnait sur-le-champ du gaz acide nitreux jaune orangé. Le 26 mai 1827, quatorze mois et demi après le commencement de l'expérience, le liquide traité par la potasse solide, par les charbons ardens, par le cuivre et par l'acide sulfurique, comme il vient d'être dit, se comportait de la même manière. Acide nitrique faible. Le 18 juillet 1826, on a mis dans un bocal à large ouverture, contenant une pinte et demie d'eau , vingt grains d'acide nitrique, et à peu près le tiers du canal intestinal d'un adulte. Le 12 août suivant, le liquide est un peu jaunâtre; il rougit le papier de tournesol, et lorsqu'on l'évaporé jusqu'à sic- cité avec de la potasse caustique, il fournit un résidu rougeâtre qui, mis sur les charbons ardens, ne fuse point, mais se charbonne, répand l'odeur de corne qui brûle, et se comporte, en un mot, comme un produit riche en matière animale; traité par du cuivre et de l'acide sulfurique, ce même résidu fait effervescence, mais il est difficile de constater l'odeur ni la couleur du gaz acide nitreux. Le 23 mai 1827 , c'est-à-dire dix mois quatre jours après le commencement de l'expé- rience, le mélange exhale une odeur des plus fétides : la liqueur filtrée, loin de rougir le tournesol, ramène au bleu la couleur du papier rougi par un acide, ce qui tientà la présence d'une certaine quantité d'ammo- niaque; traitée par la potasse à la température de 278 TRAITÉ Fébullition, il se dégage beaucoup de gaz ammoniac, et il se forme du nitrate de potasse, puisqu'en évapo- rant jusqu'à siccité, et en agitant le produit pendant quelques minutes avec de l'eau distillée, on obtient un liquide qui, étant filtré et évaporé, fournit un sel à base de potasse qui fuse sur les charbons ardens, et qui donne du gaz acide nitreux lorsqu'on le mêle avec du cuivre, de l'acide sulfurique et un peu d'eau. Un gros d'acide nitrique concentré ayant été placé avec une portion d'un canal intestinal dans un vase de porcelaine, celui-ci fut enfermé dans une boîte de sapin que l'on enterra à la profondeur de deux pieds et demi, le 10 novembre 1826. On procéda à l'exhu- mation le 3o avril 1828, c'est-à-dire dix-sept mois vingt jours après, et l'on reconnut que l'intestin n'était pas jaune, qu'il y avait dans le petit vase environ trois gros d'un liquide grisâtre, trouble, qui rougissait le papier de tournesol, qui faisait effervescence sur le carreau, qui n'agissait point sur le cuivre à froid, et qui, ayant été saturé par la potasse et évaporé jusqu'à siccité, fournit une masse fusant sur les charbons ardens, comme le nitrate de potasse, et dégageant des vapeurs d'acide nitreux jaune orangé, lorsqu'après l'avoir mêlée avec du cuivre, on la traitait par l'acide sulfurique à peine étendu d'eau : donc le liquide dont il s'agit contenait de l'acide nitrique. Ces expériences prouvent d'une manière incontes- table, i° que l'on peut démontrer la présence de l'acide nitrique concentré, plusieurs mois après qu'il a été mêlé avec des matières animales, et lorsque déjà la DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 27Q putréfaction est à son comble; 2° que, pour y parve- nir, il est préférable d'avoir d'abord recours à la potasse plutôt qu'au cuivre métallique ; 3° qu'il n'en est pas de même lorsque cet acide a été considérablement affaibli par de l'eau, et employé en petite quantité, l'ammo- niaque qui résulte de la putréfaction des matières ani- males étant alors plus que suffisante pour saturer tout l'acide ; 4° que dans ce cas on ne peut tout au plus qu'établir l'existence du nitrate d'ammoniaque dans la liqueur, ce qui ne suppose pas nécessairement qu'il y ait eu empoisonnement par Facide nitrique, puisque ce nitrate aurait pu, à la rigueur, se former de toutes pièces pendant la putréfaction de la matière animale (i). On a objecté que ces résultats étaient loin de prou- ver que Fon pût retrouver au bout d'un certain temps les acides sulfurique et nitrique concentrés, puisque ces acides perforent nos tissus, s'épanchent dans l'ab- domen , se combinent avec les os qu'ils décomposent, et s'altèrent même en attaquant les tissus membraneux de nos organes. Nous répondrons d'abord que les acides nitrique et sulfurique avec lesquels on s'est empoisonné, peuvent être étendus d'une assez grande (i) Nous dirons toutefois qu'ayant laissé dans de Feau dis- tillée un canal intestinal tout entier, depuis le 27 février jusqu'au 23 avril , nous nous sommes assurés qu'il ne s'était point formé denitrate d'ammoniaque; la matièreavait toujours. eu le contact de Fair, et la putréfaction était à son comble. 280 TRAITÉ quantité d'eau, pour ne pas perforer l'estomac pen- dant la vie, pour déterminer une mort assez prompte, et pour ne pas dissoudre même au bout de plusieurs mois les membranes de l'estomac et des intestins; il suffit d'avoir lu la dissertation de M. Tartra, d'avoir vu quelques empoisonnemens par les acides chez l'homme, et d'avoir fait quelques essais sur les ani- maux, pour adopter cette opinion; donc il était impor- tant de prévoir ce premier cas, et de prouver que, même au bout de plusieurs mois, il était possible de constater la présence de ces acides moyennement affai- blis. Que s'il s'agit d'acides concentrés qui perforent l'es- tomac pendant la vie, il est vrai que ces acides pour- ront s'épancher dans l'abdomen avant la mort, et qu'il pourra être fort difficile de constater leur présence. Mais croit-on sérieusement que cette difficulté sera beaucoup plus grande au bout de quelques mois, qu'un jour ou deux après la mort? et ne suffit-il pas de quel- ques heures, en général, pour que la petite quantité d'acide concentré qui a pu pénétrer dans l'abdomen, ait contracté des combinaisons qui la rendent difficile, pour ne pas dire impossible à découvrir? Dès-lors le reproche fait à notre travail tombe de lui-même, puisque nous avons voulu prouver seulement qu'il serait possible de déceler, plusieurs mois apr,ès la mort, l'acide qu'on aurait pu découvrir un ou deux jours après l'inhumation. Il est évident que, dans le cas cité plus haut, si l'ex- pert se trouve dans l'impossibilité de prouver, le lende- main de la mort, que l'empoisonnement a eu lieu par l'un de ces deux acides concentrés, à plus forte raison DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 281 ne pourra-t-il pas le faire après plusieurs mois d'inhu- mation. Nous ne répondrons pas à ce qui a été dit relative- ment à la difficulté que l'on éprouverait à démontrer la présence de ces mêmes acides affaiblis; nous avions nous-mêmes prévu et indiqué cette difficulté. ( V. pages 276 et 279 ). Acide arsénieux. Le 8 mai 1826, on a introduit dans un bocal à large ouverture, qu'on a exposé à l'air, une pinte et demie d'eau, tenant en dissolution trois gros d'acide arsénieux, et plusieurs portions de muscles, de cerveau, et d'un canal intestinal. Le 2 août de la même année, près de cinq mois après, le mélange n'exhalait aucune odeur désagréable; la liqueur filtrée, traitée par l'acide hydrosulfurique, par le sulfate de cuivre ammoniacal et par l'eau de chaux, se comportait comme une dissolution aqueuse et pure d'acide ar- sénieux. Acide arsénieux beaucoup plus étendu d'eau. Six grains d'acide arsénieux dissous dans une pinte et demie d'eau, furent placés, le 18 juillet 1826, dans un bocal à large ouverture, exposé à l'air, dans lequel on avait introduit environ le tiers d'un canal intestinal d'un adulte. Le 12 août suivant, le mélange exhalait a peine une odeur désagréable ; la liqueur filtrée ne jaunis- sait ni ne précipitait par l'acide hydrosulfurique; le sulfate de cuivre ammoniacal ne lui faisait éprouver aucun changement; en l'évaporant jusqu'à siccité, il se coagulait beaucoup de matière animale que Fon enle- vait à mesure; le produit de l'évaporation, traité par 282 TRAITÉ l'eau distillée bouillante pendant trois ou quatre mi- nutes , contenait de l'acide arsénieux, puisque la liqueur jaunissait par l'acide hydrosulfurique, et que, par l'addition d'une goutte d'acide hydrochlorique, elle fournissait un précipité de sulfure jaune d'arsenic, so- luble dans l'ammoniaque. La couleur et le précipité jaunes développés par Facide hydrosulfurique, étaient beaucoup moins sensibles, lorsqu'au lieu d'agir comme il vient d'être dit, on versait ce réactif dans la liqueur chauffée simplement jusqu'à Fébullition et filtrée, pour coaguler la matière animale. Le 5 mai 1827, c'est-à-dire neuf mois et demi après le commencement de l'expé- rience, le mélange exhalait une odeur assez fétide; la liqueur filtrait difficilement, parce qu'elle tenait déjà une grande quantité de matière animale en dissolution; elle ramenait rapidement au bleu la couleur du papier du tournesol rougi par un acide; Facide hydrosulfu- rique et le sulfate de cuivre ammoniacal ne lui faisaient subir aucune altération, tandis qu'ils y démontraient la présence de l'acide arsénieux, lorsqu'après l'avoir éva- porée jusqu'à siccité pour coaguler et séparer la ma- tière organique, on traitait le produit de Févaporation par Feau distillée bouillante. La même expérience, répétée le 27 février 1827, a fourni des résultats semblables, lorsqu'on a examiné la liqueur le 27-avril suivant (1). (1) Nous ne saurions trop attirer l'attention du lecteur sur ce fait; savoir, que, par son mélange avec une matière animale en dissolution, l'acidç arsénieux peut être masqué au point de DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 283 Acide arsénieux solide. Le 8 novembre 1826, on renferma dans une portion d'un gros intestin d'adulte du blanc d'œuf, de la viande, du pain et vingt grains d'acide arsénieux solide ; l'intestin fut placé dans une petite boîte de sapin qui, après avoir été parfaitement close, fut enterrée à la profondeur de deux pieds. Le i4 août 1827, c'est-à-dire neuf mois six jours après, * on retira cette boîte de terre, et on agita dans Feau ne pas jaunir même , lorsqu'on le traite par l'acide hydrosul- furique; mais aussi nous ferons remarquer qu'il suffit dansces cas d'évaporer la liqueur jusqu'à siccité , et de traiter le pro- duit de l'évaporation par l'eau bouillante , pour obtenir une dissolution dans laquelle l'acide hydrosulfurique, mêlé d'une goutte d'acide hydrochlorique, détermine la précipitation de tout l'acide arsénieux à l'état de sulfure jaune. Ce fait impor- tant , dont l'un de nous a déjà eu également l'occasion de vé- rifier l'exactitude plusieurs fois devant les tribunaux, dans des cas d'empoisonnement par l'acide arsénieux , constatés peu de jours après la mort, ce fait , disons-nous , prouve combien on a exagéré les difficultés de découvrir ce poison lorsqu'il a été mêlé avec des matières animales. Si les auteurs qui ont proposé des méthodes'beaucoup plus compliquées que celles que nous indiquons , n'ont pas trouvé l'acide arsénieux dans le liquide des vomissemens, de l'estomac et des intes- tins , cela tient à ce qu'ils n'ont pas exactement suivi notre marche ; et surtout à ce qu'ils n'ont pas mis ces liquides en contact avec l'acide hydrosulfurique, et une goutte d'acide hydrochlorique , mais bien avec le deuto-sulfate de cuivre ammoniacal, qui est un réactif infidèle : du reste, c'est ce que l'un de nous avait déjà établi ailleurs. {V. Orfila, Leçons de médecine légale, tome 3 , png? 112. deuxième édition. ) 284 TRAITÉ distillée tiède les matières contenues dans l'intestin ; au bout de quelques minutes on filtra, et l'on put se convaincre que la liqueur renfermait beaucoup d'acide arsénieux, en y versant de l'acide hydrosulfurique. Après avoir saupoudré deux tranches épaisses de maigre de veau avec de l'acide arsénieux, M. Dubuc les déposa dans une forte boîte en bois de chêne, et les enterra dans un sol assez perméable à l'eau. Au bout de six ans, il fit l'exhumation de ce petit cercueil, et y trouva une sorte de terreau qui se délitait sous les doigts, et qui contenait encore tellement d'arsenic, que vingt-quatre grains jetés sur des charbons ardens empoisonnèrent de leur odeur alliacée un laboratoire d'une assez grande dimension. (Journal de chimie mé- dicale , t. IIe p. 278. ) Il résulte des faits qui précèdent : i° qu'il est permis de constater la présence de l'acide arsénieux qui a été mêlé avec des matières animales, même au bout de plusieurs années; 20 qu'il faut néanmoins, dans beau- coup de cas, le débarrasser d'une grande quantité de ces matières, si on veut en démontrer l'existence, et que l'on y parvient tout simplement en évaporant jus- qu'à siccité la liqueur qui contient l'acide arsénieux, et en agitant pendant quelques minutes dans l'eau distillée bouillante le produit de F évapora tion; 3° que si l'acide arsénieux a été employé à l'état solide, il ne sera pas quelquefois impossible, même long - temps après l'inhumation, d'apercevoir cà et là des grains qui, étant détachés avec la pointe d'un canif, présente- ront tous les caractères de ce poison ; 4° qu'il n'est pas DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 285 douteux que l'acide arsénieux ne se transforme à la longue, et à mesure qu'il se produit de l'ammoniaque, en arsénite d'ammoniaque, beaucoup plus soluble que l'acide arsénieux; en sorte qu'il pourrait se faire qu'au bout de quelques années on ne pût parvenir à démon- trer la présence de l'acide arsénieux là où il aurait été facile de la constater quelques mois après l'inhu- mation, parce que cet acide, auparavant solide et gra- nuleux, une fois transformé en arsénite d'ammonia- que, serait devenu soluble, et aurait filtré dans la terre à travers les parois de la bière, ou se serait écoulé par les trous que présente souvent la face inférieure de cette boîte, lorsque la putréfaction a fait de grands progrès ; 5° que si l'acide arsénieux, employé en assez grande quantité, arrête la putréfaction des matières animales, il n'en est pas de même quand se trouve dans une proportion très-faible. Sulfure d'arsenic. Lorsqu'après avoir mêlé quelques grains de sulfure jaune d'arsenic (orpiment artificiel) avec des matières alimentaires, on enferme le tout dans un estomac que l'on enterre dans une petite boîte, on voit au bout de six, huit, dix mois d'inhu- mation, que le sulfure jaune est reconnaissable à sa couleur, et qu'on peut le retrouver aussi facilement que si l'examen des matières eût été fait le lendemain de la mort. Si, au lieu d'agir ainsi, on avait mis le sul- fure finement pulvérisé dans un vase exposé à l'air et contenant de l'eau et des substances animales, on trouverait aussi plusieurs mois après du sulfure jaune d'arsenic au fond du vase; mais, dans ce cas, une por- 286 TRAITÉ tion du sulfure pourrait avoir été dissoute par l'ammo- niaque qui se produit pendant la putréfaction ; en sorte que s'il en était ainsi, il faudrait, pour obtenir toute la quantité de sulfure, filtrer la liqueur et la traiter par Facide hydrochlorique, pour précipiter le poison. Sublimé corrosif. Le 8 mars 1826, on a mis dans un grand bocal à large ouverture, contenant deux pintes et demie d'eau, trois gros de sublimé corrosif dissous dans deux onces d'eau bouillante; on a ajouté de la viande, de la matière cérébrale et des portions d'in- testin. Le 19 mars, le mélange n'exhalait aucune odeur fétide ; les matières animales étaient dures et comme tannées ; la liqueur filtrée brunissait à peine par l'acide hydrosulfurique; la potasse et l'ammoniaque la rendaient tout au plus opaline; mais une lame d'or recouverte en spirale d'une feuille d'étain, se recou- vrait d'une couche de mercure métallique aussitôt qu'on la plongeait dans cette liqueur, et qu'on ajou- tait quelques gouttes d'acide hydrochlorique. La viande, la matière cérébrale et l'intestin, lavés et bien desséchés, fournissaient du mercure métallique, lorsqu'on les calcinait avec de la potasse dans une cor- nue ou dans un petit tube de verre. Le 18 juin 1827, la liqueur et les matières animales présentaient absolu- ment les mêmes caractères. Dès le 18 avril 1826, on avait pris la moitié de la liqueur dont il s'agit, et dans laquelle il y avait déjà si peu de sublimé, qu'il n'était plus permis d'en consta- ter la présence qu'à l'aide de la lame d'or, et on l'avait mise en contact avec d'autres matières animales ( foie, DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 287 rate, intestins). Le 28 du même mois, le mélange exhalait déjà une odeur des plus fétides, et la liqueur ne changeait plus de couleur par son mélange avec la potasse, l'ammoniaque et l'acide hydrosulfurique; la lame d'or, employée comme il a été dit plus haut, n'était pas blanchie, même au bout d'une heure. Sublimé corrosif étendu de beaucoup d'eau. Le 18 juillet 1826, on a introduit dans un bocal à large ouverture, contenant une pinte et demie d'eau et une portion d'un canal intestinal, six grains de sublimé corrosif. Le 2 août suivant, le mélange exhalait une odeur très fétide; la liqueur filtrée ne précipitait ni ne se troublait par l'acide hydrosulfurique, par les hydro- sulfates , par la potasse, par l'ammoniaque; la lame d'or plongée dans cette liqueur, comme nous l'avons dit plus haut, ne blanchissait qu'au bout de quelques heu- res. Les intestins, desséchés et calcinés avec de la po- tasse , fournissaient du mercure métallique.. Sublimé corrosif placé dans d'autres circonstances. Lorsqu'on fait avaler à des chiens de moyenne taille de trente à quarante grains de deuto-chlorure de mer- cure pulvérisé, ils ne tardent pas à éprouver tous les symptômes de l'empoisonnement, et périssent au bout de quatre, six, dix ou douze heures. La dose dont il s'agit étant très-forte, il est probable qu'une portion du poison reste dans le canal digestif, quand même les animaux ont vomi à plusieurs reprises, ce que Fon peut empêcher jusqu'à un certain point en les muse- lant. Si on enterre ces chiens dans une bière de sapin blanc et à la profondeur de trois à quatre pieds, on 288 TRAITÉ remarque, à l'ouverture des cadavres, que le canal di- gestif ne renferme aucune trace de mercure métallique ; et si, pour s'en assurer encore davantage, on dessèche l'estomac et les intestins, et qu'on examine attentive- ment toutes leurs parties avec une forte loupe, on ob- tiendra le même résultat. Cependant il est aisé de dé- montrer l'existence d'une préparation mercurielle en soumettant à l'action de la potasse, à une chaleur rouge, des portions de la membrane muqueuse: alors en effet il se volatilisera du mercure métallique qui proviendra du composé de proto-chlorure de mercure et de matière animale, qui se forme lorsque le sublimé corrosif agit sur nos tissus (i). Si l'on enferme dans un gros intestin vingt ou vingt- cinq grains de deuto-chlorure de mercure dissous dans une demi-once d'eau et mêlé à de la viande hachée, à du pain émietté et à de l'eau albumineuse, et que l'on (i) Cette expérience , dans laquelle nous sommes parvenus, en empoisonnant des chiens et en les enterrant après la mort, à démontrer la présence d'une préparation mercurielle, semble venir à l'appui de l'opinion de ceux qui auraient voulu que notre travail, au lieu d'être basé sur des expériences faites dans des vases ou dans des estomacs, l'eût été sur des expé- riences faites sur les animaux vivans. Cela est vrai ; mais nous observerons que les inhumations de chiens morts empoisonnés sont loin de fournir toujours les mêmes résultats , et que sou- vent on ne trouve pas de poison lors de l'exhumation, parce que, comme nous l'avons déjà dit, les animaux l'avaient rejeté par les vomissemens et par les selles, et qu'il n'en existait pas dans leur canal digestif au moment où ils ont été enterrés. DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 289 place cet intestin dans une boîte de sapin, que l'on enter- rera à deux pieds de profondeur, on remarquera, trois ou quatre mois après, lors de l'exhumation, que la matière renfermée dans l'intestin n'offre aucune trace de mer- cure métallique, quoiqu'au premier abord on soit dis- posé à prendre pour ce métal une foule de globules grais- seux brillans qui font partie de cette matière; pourtant on pourra démontrer dans cette masse la présence d'une préparation mercurielle ; car en la desséchant et en la calcinant dans une cornue avec de la chaux ou de la potasse, on en retirera du mercure qui viendra se condenser en globules dans le col de la cornue. Ce métal proviendra encore une fois du composé de pro- to-chlorure et de matière animale, et non du sublimé corrosif qui serait resté indécomposé; car en traitant par l'eau la pâte alimentaire empoisonnée par le su- blimé corrosif, la dissolution aqueuse se colorera à peine par l'acide hydrosulfurique, ce qui prouve qu'elle ne renferme que des atomes de sublimé. Ces expériences nous portent à admettre, i° que le sublimé corrosif dissous dans l'eau est assez rapide- ment décomposé par les matières animales pour qu'il ne soit plus possible, après quelques jours, de démon- trer sa présence dans la liqueur, autrement qu'à l'aide d'une lame d'or recouverte en spirale d'une lame d'é- tain , et aidée de l'action de l'acide hydrochlorique ; 20 qu'il y a d'autant plus de sublimé de décomposé , que l'on a employé une plus grande quantité de ma- tières animales ; 3° qu'il ne paraîtrait pas cependant que ces matières pussent décomposer la totalité du 2. t. l9 29O _ TRAITÉ sublimé corrosif, puisqu a l'aide de la lame d or, il a été possible de retirer, au bout de plusieurs heures il est vrai, un atome de mercure métallique, d'une dis- solution de six grains de sublimé mêlée avec une grande quantité de matières animales; 4° que dans tous les cas on peut, en traitant, par la chaleur et par la potasse les matières animales qui ont décomposé le sublimé corrosif, en retirer du mercure métallique, même plusieurs années après que le sublimé a agi sur ces matières. Or, la présence de ce métal, si elle ne prouve pas l'existence du sublimé corrosif, annonce au moins celle d'une préparation mercurielle. Deutoxyde de mercure. i° Si on enferme dans une boîte de sapin un gros intestin dans lequel on a mis quarante grains d'oxyde rouge de mercure, mêlés à de la viande et du pain hachés réduits en bouillie épaisse par de l'eau albumineuse ; si on enterre cette boite à deux pieds de profondeur, et qu'on procède à l'exhumation trois ou quatre mois après, on remar- quera dans la matière que renferme l'intestin plu- sieurs points rouges que l'analyse démontrera être du deutoxyde de mercure; mais on ne découvrira aucune trace de mercure métallique, quelque soin que l'on apporte à l'examen de la masse que nous supposerons humide ou parfaitement desséchée. 20 Si on fait avaler à un chien de moyenne taille, et à jeun, de quarante à soixante grains de deutoxyde rouge de mercure, l'animal éprouvera bientôt tous les symptômes de Y empoisonnement par les préparations mercurielles, et périra au bout de douze* dix-huit ou DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 2QI trente heures. Si on l'enterre dans une bière de sapin, à deux ou trois pieds de profondeur, et qu'on ne pro- cède à l'exhumation qu'au bout de trois ou quatre mois, on remarquera, en ouvrant le cadavre, que le canal digestif n'offre dans aucune de ses parties la plus légère trace de mercure métallique ; si on ramasse attentivement les mucosités épaisses et de couleur rougeâtre qui tapissent la membrane interne de l'es- tomac et des intestins, et qu'on les fasse sécher, afin de mieux apercevoir le mercure s'il y existe, on n'en découvrira pas davantage, même en regardant avec une forte loupe, tandis qu'il sera facile, à l'aide de la vue, de l'acide hydrochlorique et de la calcination, d'y démontrer la présence de l'oxyde rouge, si toute- fois l'oxyde n'avait pas été entièrement rejeté par le vomissement ou par les selles. Tartrate acide de potasse et d'antimoine. Le 29 mars 1826, on mit dans un bocal à large ouverture, qu'on laissa exposé à l'air, trois gros de tartre stibié dissous dans deux pintes d'eau, le quart d'un foie humain et une portion d'un canal intestinal. Le 9 avril suivant le mélange était déjà pourri ; la liqueur filtrée se com- portait avec l'acide hydrosulfurique, l'acide sulfu- rique , l'eau de chaux et la noix de galle , comme Une dissolution d'émétique. Le 28 avril, l'acide hydrosul- furique et les hydrosulfates ne précipitaient plus la li- queur, preuve qu'elle ne contenait plus d'émétique, ou bien si elle en renfermait, que la matière animale qui avait été dissoute, empêchait ces réactifs d'en dé montrer la présence ; Facide sulfurique et la noix de '9 292 TRAITÉ galle y faisaient naître un précipité blanc grisâtre, produit évidemment par Faction de ces réactifs sur la matière animale tenue en dissolution. En filtrant cette liqueur et en l'évaporant jusqu'à siccité à une douce chaleur, on obtenait un produit qui, étant agité pendant quelques minutes avec de l'eau distillée tiède, fournissait une dissolution qui contenait de l'émétique, puisqu'on en pouvait préci- piter de l'hydrosulfate d'antimoine par l'acide hydro- sulfurique. Le 6 juin de la même année, la liqueur ne renfermait plus d'émétique, car Facide hydrosulfu- rique n'agissait plus sur elle, lors même qu'on l'avait fait évaporer, et qu'on avait traité le produit par l'eau; mais alors les matières solides, desséchées et calcinées pendant un temps suffisant, fournissaient de l'anti- moine métallique. Tarlrate acide de potasse et d antimoine étendu de beaucoup d'eau. Le 18 juillet 1826, on a dissous dans une pinte et demie d'eau six grains de tartre stibié, et on les a placés dans un bocal où il y avait environ le tiers d'un canal intestinal. Le 2 août suivant, Facide hydrosulfurique et les hydrosulfates ne troublaient point la liqueur. Les matières solides, d'une odeur in- fecte , desséchées et calcinées pendant un temps suffi- sant , donnaient de l'antimoine métallique. Il résulte des faits qui précèdent, i° que le tartre stibié, mêlé avec des matières animales, se décompose au bout de quelques jours, de manière à ce que Facide tartarique soit détruit, et l'oxide d'antimoine préci- pité; a° qu'il est alors impossible de démontrer sa DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 2q3 présence en traitant la liqueur par les réactifs que l'on met ordinairement en usage pour reconnaître les sels antimoniaux ; mais que l'on peut retirer de l'antimoine métallique des matières solides, même au bout de plu- sieurs mois ; 3° que l'altération dont il s'agit est plutôt le résultat de l'action de Feau et de Fair sur le sel, que des matières animales; car l'expérience prouve qu'une dissolution de trois gros d'émétique dans une pinte et demie d'eau distillée, exposée à Fair , éprouve la même décomposition, et qu'il n'est pas plus possible d'y démontrer la présence du sel antimonial au bout de trente à quarante jours en été, que dans une pareille dissolution à laquelle on aurait ajouté de l'albumine et de la gélatine. Acétate de plomb. Le 29 mars 1826, on a dissous trois gros d'acétate de plomb dans deux pintes d'eau distillée, et on les a introduits dans un grand bocal où Fon avait préalablement mis de la chair musculaire, un morceau de foie, et quelques portions d'un canal intestinal : le vase a été exposé à l'air. Le 9 avril sui- vant , il n'y avait plus d'acétate de plomb en dissolu- tion , car la liqueur filtrée ne changeait même pas de couleur par l'acide hydrosulfurique ; mais en dessé- chant le précipité gris noirâtre qui s'était formé, et les matières animales déjà citées, et en les calcinant assez fortement, on en retirait du plomb métallique. Acétate de plomb étendu de beaucoup d'eau. Le 18 juillet 1826, on introduisit dans un bocal à large ou- verture, exposé à l'air, six grains d'acétate de plomb dissous dans une pinte et demie d'eau distillée, et " 294 TRAITÉ mêlés avec environ le tiers d'un canal intestinal. Quatre jours après il ne restait plus un atome de sel en disso- lution, et les matières solides calcinées fournissaient une quantité sensible de plomb. Il est donc évident que ce ne serait pas dans la liqueur qu'il faudrait cher- cher l'acétate de plomb qui, après avoir été dissous, aurait été en contact avec des matières animales : on voit même qu'il suffit de fort peu de temps pour opérer la décomposition que nous venons de signaler. Proto-hydrochlorate d'étain. Le 10 juillet 1826, on mit dans un bocal à large ouverture, contenant en- viron le tiers d'un canal intestinal, deux gros de proto- hydrochlorate d'étain dissous dans une pinte et demie d'eau. Le 2 août suivant, le mélange répandait une odeur très-fétide. Le liquide filtré et mis en contact avec l'acide hydrosulfurique et les hydrosulfates ne se colorait même pas, tandis qu'en desséchant séparé- ment les intestins et une matière grisâtre floconneuse qui s'était précipitée, on retirait par la calcination de ces matières de î'étain métallique : d'où il suit qu'il suffit de fort peu de temps pour que les matières ani- males décomposent complètement une dissolution aqueuse de proto-hydrochlorate d'étain. Sufate de cuivre. Le 12 mars 1826, on a exposé à l'air, dans un bocal à large ouverture, des intestins plongés dans une dissolution de trois gros de deuto- sulfate de cuivre dans deux pintes d'eau. Le 18 juin suivant, le mélange exhalait une odeur des plus fé- tides ; la liqueur filtrée était d'un vert bleuâtre sale, et précipitait en brun marron par l'hydrocyanate fer- DES EXHUMATIONS II R1DIQUES. 2Q,5 ïuré de potasse, et en noir par les hydrosultàtes solu- bles ; elle bleuissait par l'ammoniaque. Voulant savoir jusqu'à quel point la dissolution conservait tout le sulfate de cuivre qui y avait été mis , on en a étendu une portion de quinze fois son volume d'eau, et l'on s'est assuré qu'alors les réactifs ci-dessus mentionnés agissaient à peine sur elle , tandis qu'une partie de la même dissolution qui avait été mise à part le 12 mars, avant de la mêler avec les intestins , précipitait instan- tanément par ces réactifs , même lorsqu'elle était étendue de deux cents volumes d'eau. Il devenait alors indispensable de rechercher si les matières solides ne contiendraient pas l'oxyde de cuivre qui paraissait avoir été séparé de la dissolution. Ces matières ayant été parfaitement lavées, pour leur enlever tout le sul- fate de cuivre avec lequel elles auraient pu être mêlées, furent desséchées et calcinées; le charbon résultant, indépendamment de ce qu'il offrait çà et là des points rougeâtres de cuivre métallique, étant traité par l'a- cide nitrique à chaud, fournit du nitrate de cuivre parfaitement reconnaissable. Sulfate de cuivre très-étendu d'eau. Le 18 juillet 1826, on introduisit dans un bocal à large ouverture, con- tenant une portion d'un canal intestinal, six grains de deuto-sulfate de cuivre dissous dans une pinte et demie d'eau. Le 2 août suivant, le mélange exhalait une odeur très-fétide,la liqueur rtaitpresque incolore, et ne contenait plus de sel cuivreux, puisqu'elle ne changeait pas même de couleur par l'addition de Fhydrocyanate ferrure de potasse, de l'ammoniaque, 296 TRAITÉ ni de l'acide hydrosulfurique. Les intestins, lavés, desséchés et calcinés, fournissaient un charbon qui , étant traité par l'acide nitrique, donnait du nitrate de cuivre. Ces expériences prouvent, i° que, par son mélange avec les matières animales, le deuto-sulfate de cuivre dissous se décompose de manière à ce qu'il n'en reste plus dans la liqueur au bout d'un certain temps ; 20 qu'à la vérité cette décomposition n'est pas telle- ment rapide qu'on ne puisse pas trouver une portion de sel en dissolution , même au bout de plusieurs mois, si Fon a agi sur quelques gros de deuto-sulfate; 3° que dans tous les cas où il ne serait plus possible de découvrir le sel cuivreux dans la liqueur, il faudrait dessécher les matières solides et les carboniser pour avoir le cuivre métallique, tandis qu'une autre por- tion de charbon serait traitée par l'acide nitrique pour obtenir du nitrate de cuivre. Vert-de-gris. Le 8 novembre 1826, on enterra à deux pieds et demi de profondeur une boîte mince de sapin, contenant un estomac dans lequel étaient enfermés douze grains de vert-de-gris, des morceaux de viande, un blanc d'œuf et de la soupe maigre. L'exhumation de la boîte eut lieu le 7 août 1827. Les matières con- tenues dans l'estomac étaient vertes ; après les avoir coupées en petits fragmens et les avoir fait bouillir dans de l'eau distillée, on vit que la dissolution filtrée ne présentait, avec les réactifs, aucun des caractères des sels de cuivre ; il en était de même de la liqueur obtenue en faisant bouillir l'estomac dans l'eau. L'acide DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 297 hydrochlorique faible ayant été mis en contact avec toutes les parties vertes , celles-ci devinrent grisâtres et d'un aspect gras; après avoir agité pendant quelques minutes, on filtra;la dissolution hydrochlorique était d'un bleu verdâtre, et précipitait en brun marron par l'hydrocyanate ferrure de potasse, en noir par l'acide hydrosulfurique, et en bleu par la potasse et la soude; l'ammoniaque la bleuissait, comme elle le fait avec les sels de cuivre. Il résulte évidemment de ce qui pré- cède, i° que, par son séjour avec des matières ani- males dans la terre, le vert-de-gris se décompose, et que le deutoxyde de cuivre forme avec le gras des ca- davres une sorte de matière savonneuse insoluble dans l'eau ; 2° que dans un cas d'empoisonnement de ce genre, il serait possible de démontrer la présence du deutoxyde de cuivre, à l'aide de Facide hydro- chlorique et de la calcination, plusieurs mois et même plusieurs années après l'inhumation. Nitrate d'argent. Le 12 juillet 1826, on introduisit dans un bocal à large ouverture, exposé à l'air, un gros de nitrate d'argent dissous dans une pinte et demie d'eau distillée, et une portion d'un canal intestinal. Le 2 août suivant, le mélange répandait une odeur des plus fétides ; la liqueur filtrée ne changeait pas même de couleur par l'acide hydrosulfurique; l'acide hydro- chlorique et les hydrochlorates la troublaient à peine. En desséchant et en calcinant séparément les intestins et un précipité brunâtre floconneux qui s'était formé, on en retirait de l'argent métallique. Le nitrate d'argent dissous est rapidement et complètement décomposé 298 TRAITÉ par les matières animales; en sorte qu'il faudrait proba- blement chercher à retirer le métal des matières solides, si on était appelé à prononcer sur l'existence d'un em- poisonnement par ce sel, plusieurs jours après l'inhu- mation. Hydrochlorate d'or. Le 10 juillet 1826, on mit dans un bocal à large ouverture des morceaux de foie et d'intestins et une pinte d'eau, tenant en dissolution trente-six grains d hydrochlorate d'or; on exposa le tout à l'air. Le 2 août, le mélange répandait une odeur très-fétide; la liqueur filtrée ne contenait plus de sel en dissolution, puisqu'elle ne changeait même pas de couleur par l'acide hydrosulfurique, par les hydro- sulfates ou par l'ammoniaque, et que les matières ani- males fournissaient de l'or lorsqu'on les calcinait; en effet, ces matières animales, desséchées et réduites en charbon par la chaleur, étant traitées par l'eau régale, donnaient une dissolution jaunâtre qui précipitait en pourpre par le proto-hydrochlorate d'étain, en jaune par l'ammoniaque, en brun par l'acide hydrosulfurique et par le proto-sulfate de fer : il en était de même d'un précipité grisâtre qui s'était formé, et que l'on avait soigneusement séparé des intestins pour le calciner. D'ailleurs , le charbon provenant de ces deux calcina- tions offrait çà et là des points rougeâtres brillans qui étaient évidemment de For métallique. Nous dirons donc, à l'égard de l'empoisonnement par l'hydrochlo- rate d'or, ce que nous avons établi en parlant du ni- trate d'argent. Acétate de morphine. Le 8 mars 1826, on mêla clans DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 299 un bocal à large ouverture un gros et demi d'acétate de morphine dissous dans une pinte d'eau, avec de la soupe maigre, du bouillon gras, de la graisse et plu- sieurs parties d'un canal intestinal ; le vase fut exposé à l'air. Le 26 mars, le mélange exhalait déjà une odeur fétide ; le liquide filtré précipitait en blanc grisâtre par l'ammoniaque; évaporé jusqu'à siccité, il fournissait un produit jaunâtre qui devenait d'un très-beau rouge par l'acide nitrique, et bleu par le trito-hydrochlo- rate peu acide de fer ; cependant cette dernière nuance était moins intense que celle que faisait naître le même réactif avec une quantité d'acétate de morphine égale à celle du produit employé ; il y avait en outre cà et là quelques points verdâtres, résultat du mélange de la couleur bleue dont nous parlons avec la couleur jaune du produit. Le 9 avril suivant, le liquide filtré précipite encore en blanc grisâtre par l'ammoniaque, et fournit par l'évaporation un produit jaunâtre que l'acide nitrique rougit à merveille, mais que le trito-sel de fer verdit; à la vérité, cette couleur verte tire légè- rement sur le bleu d'abord, puis sur le brun. Le 16 avril, la matière présente les mêmes caractères, si ce n'est que le sel de fer donne, avec le produit de l'évapora- tion , une couleur verte-olive sans nuance bleue. Il en est de même le 18 juin, époque à laquelle la putréfac- tion a déjà fait les plus grands progrès (1). (1) Craignant que la belle couleur rouge que développait l'acide nitrique avec le produit de l'évaporation , ne fût-le ré- sultai de Faction de cet acide sur la matière animale pourrie, 300 TRAITÉ Le ier août 1826, on filtre une portion de la liqueur, et on la traite par l'ammoniaque qui y fait naître un précipité gris brunâtre de morphine; en effet, en trai- tant ce précipité par l'alcool et en décolorant la disso- lution alcoolique à l'aide du charbon animal, on obtient par l'évaporation un produit solide, gris blan- châtre, qui rougit par l'acide nitrique, et que l'hydro- chlorate de tritoxyde de fer rend bleu verdâtre. Une autre portion delà liqueur, étant évaporée jusqu'à sic- cité , fournit un produit d'un jaune brun que l'on a traité par l'alcool bouillant : la dissolution alcoo- lique est évaporée jusqu'à siccité, et le produit traité par l'eau distillée, puis par le sous-acétate de plomb, par Facide hydrosulfurique, et par le charbon animal purifié, comme l'a conseillé M. Lassaigne ; on obtient un liquide qui, étant évaporé au bain-marie, fournit un léger résidu d'un blanc jaunâtre, devenant d'un très-beau rouge par l'acide nitrique, et d'un bleu ver- dâtre par le trito-hydrochlorate de fer. Le 18 mai 1827, quatorze mois dix jours après le commencement de l'expérience, le mélange était exces- sivement fétide et fortement alcalin, car la liqueur ré- plulôt que sur Facétale de morphine, nous avons évaporé jusqu'à siccité un liquide excessivement fétide, ne contenant point de sel de morphine, et nous avons vu que le produit de l'évaporation devenait simplement jaune par l'acide nitrique. Pour obtenir ce liquide , nous avions laissé à l'air dans un bo- cal ouvert, depuis le 8 mars jusqu'au 18 juin, une pinte d'eau , delà soupe maigre , du bouillon gras, de la graisse et des in- testins. DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 3oi tablissait instantanément la couleur bleue du papier de tournesol rougi par un acide; il n'en restait guère que cinq à six onces, la majeure partie ayant été employée aux divers essais dont nous avons parlé (i). Cette liqueur fut partagée en deux parties, A et B. La portion A fut évaporée et traitée successivement par l'alcool, par le sous-acétate de plomb, par l'acide hydrosulfurique et par le charbon animal, comme Fa prescrit M. Las- saigne; on obtint un produit solide, légèrement jau- nâtre, qui devenait rouge par Facide nitrique, mais que l'hydrochlorate de tritoxyde de fer, loin de bleuir, rendait rouge ou brun : ce produit solide, traité par l'eau distillée à la température ordinaire, ne se dissol- vait pas en entier ; la portion dissoute, filtrée et éva- porée jusqu'à siccité, rougissait par l'acide nitrique et par le sel de fert tandis que ce réactif aurait dû la bleuir; la portion qui était restée sur le filtre rougis- sait aussi par l'acide nitrique, et devenait bleue par le trito-hydrochlorate de fer. La portion B de la liqueur, au lieu d'être traitée par le procédé de M. Lassaigne, fut simplement filtrée et évaporée jusqu'à siccité; le produit, dune couleur très-brune, fut bouilli pendant quelques minutes avec de l'alcool concentré; la dis- solution alcoolique, fortement colorée en brun, fut chauffée avec du charbon animal purifié par Facide hydrochlorique, et parfaitement lavée, puis filtrée à plusieurs reprises à travers une autre partie du même (i) Il est inutile d'indiquer que Fon avait ajouté de Feau à mesure qu'il s'en était évaporé. 302 TRAITÉ charbon; elle était presque incolore : en l'évaporant au bain-marie, il en résulta un produit jaunâtre qui rougissait à merveille par l'acide nitrique, et qui deve- nait bleu par le trito-sel de fer étendu d'eau, à moins toutefois que celui-ci ne fût employé en trop petite quantité, car alors il se développait une couleur rou- geâtre. Le résultat fourni par la portion B de la liqueur, comparé à celui qu'avait donné la portion A, prouve évidemment qu'il y a eu de l'avantage à ne pas traiter par le sous-acétate de plomb et par l'acide hydrosul- furique, pour déceler la présence delà morphine. Acétate de morphine étendu d'eau. Le 18 juillet 1826, on introduisit dans un bocal à large ouverture, exposé à l'air, six grains d'acétate de morphine dissous dans une pinte et demie d'eau; on ajouta environ le tiers d'un canal intestinal. Le 21 mai 1827, c'est-à-dire, dix mois trois jours après le commencement de l'expé- rience, la putréfaction était à son comble. Le liquide fut filtré et évaporé à une douce chaleur ; le produit de l'évaporation, qui était d'un brun presque noir, fut traité par l'alcool bouillant; la dissolution alcoo- lique, évaporée jusqu'à siccité, fournit un résidu qu'on traita par l'eau distillée aiguisée d'acide acétique^ Cette nouvelle dissolution fut décolorée par le charbon ani- mal purifié, avec lequel on la fit bouillir, et à travers lequel on la fit passer; ainsi décolorée, elle fut évaporée jusqu'à siccité. Le produit, d'une saveur amère, rou- gissait par l'acide nitrique, mais ne bleuissait point par le trito-hydrochlorate de fer : ce réactif lui communi- quait'aussi une couleur rougeâtre. • DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 3o3 Ces expériences prouvant jusqu'à l'évidence que la morphine n'était point détruite, même plusieurs mois après que l'acétate avait été mêlé avec des matières ani- males, nous avons voulu savoir ce qui arriverait à une dissolution aqueuse de ce sel exposée à l'air, et nous n'avons pas tardé à reconnaître que l'acétate se décom- posait en partie, que l'acide acétique de la portion dé- composée se détruisait, tandis que la morphine de cette même portion se précipitait, sinon en totalité, du moins en grande partie. Voici les faits qui mettent ces vérités hors de doute. i°. Le 3i juillet 1826, on a fait dissoudre dans deux pintes d'eau un gros et demi d'acétate de morphine. Au bout de dix mois d'exposition à l'air, la liqueur, qui depuis long-temps était couverte de moisissures, était trouble et surnageait un précipité assez abondant; filtrée et évaporée jusqu'à siccité, elle fournissait un produit jaunâtre qui bleuissait par l'hydrochlorate de tritoxyde de fer et rougissait par Facide nitrique. Le précipité qui était sur le filtre, lavé à plusieurs reprises avec de l'eau bouillante pour lui enlever tout ce qu'il pouvait contenir de soluble, fut traité par l'alcool bouillant : la dissolution alcoolique évaporée laissa cristalliser une quantité notable de morphine. 20. Le 19 mai 1827, on fit dissoudre dans une pinte d'eau distillée vingt-quatre grains d'acétate de mor- phine ; la liqueur filtrée et transparente rougissait légè- rement le papier de tournesol, et fut abandonnée à Fair dans un vase à large ouverture. Huit jours après, on voyait déjà nager au milieu de la liqueur quelque? 3o4 TRAITÉ flocons de moisissure. Le 3 août, ces flocons étaient beaucoup plus considérables, quoique le liquide fût encore assez transparent. Ce liquide rétablissait la cou- leur bleue du papier de tournesol rougi par un acide; * il n'était pas sensiblement odorant; en approchant de sa surface une plume trempée dans de l'acide hydro- chlorique, on ne voyait aucune trace des vapeurs blanches qui se seraient manifestées s'il s'était dégagé de l'ammoniaque. Le 27 février 1828, la liqueur était trouble, et les parois du bocal étaient tapissées de cris- taux jaunâtres qui y adhéraient fortement. On filtra : le liquide, d'un jaune d'ambre, ayant été évaporé jusqu'à siccité, fournit un produit d'un gris jaunâtre qui rou- gissaitpar l'acide nitrique, et qui bleuissait par le per- hydrochlorate de fer ; ce produit ayant été traité par l'eau distillée bouillante, fut presque entièrement dis- sous, et sembla n'être que de l'acétate de morphine mêlé de très-peu de matière étrangère. Les moisissures et autres matières floconneuses qui étaient restées sur le filtre, d'une couleur grise brunâtre, rougissaient par l'acide nitrique, et bleuissaient par le sel de fer. Après les avoir fait bouillir à plusieurs reprises avec de l'eau distillée, pour leur enlever tout ce qu'elles pouvaient contenir de soluble dans ce liquide, on les dessécha, et on les fit bouillir avec de l'alcool à 38 degrés qui n'en dissolvit qu'une partie : la dissolution alcoolique ra- menait lentement au bleu le papier de tournesol fai- blement rougi, et, lorsqu'on l'évaporait, fournissait des cristaux de morphine. La matière, qui était adhé- rente aux parois et au fond du flacon , ayant été dé- DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 3o tachée à l'aide de Feau bouillante et épuisée par ce liquide, fut desséchée et bouillie avec de l'alcool à 4o degrés', qui la dissolvit presque en entier. La disso- lution alcoolique était légèrement alcaline, et donnait, par l'évaporation, une quantité notable de morphine parfaitement cristallisée. Cette décomposition de Facétate de morphine dans l'eau a également été observée par M. Dublanc jeune; déjà Geiger avait vu le même sel, dissous dans l'al- cool , éprouver une décomposition analogue ; mais, comme Fa fait remarquer M. Dublanc, l'altération spontanée dont nous parlons a ses limites, et pourrait être prévenue en maintenant la liqueur acide. (Voy, Journal de Pharmacie, année 1827 , p. 264.) Il résulte de tous ces faits, i° que , dans un cas d'exhumation juridique, il est possible de constater, plusieurs mois après la mort, la présence de l'acétate de morphine ou de la morphine dans le canal digestif d'un individu qui aurait été empoisonné par une pré- paration de ce genre ; i° qu'il faut pour cela agir non- seulement sur les liquides, mais encore sur les matiè- res suspectes, parce qu'en supposant même que l'em- poisonnement eût été déterminé par une dissolution aqueuse d'acétate de morphine, celle-ci aurait pu être décomposée , et la morphine précipitée en parties; 3° qu'à la vérité il y aura moins de morphine précipi- tée qu'on ne le croirait au premier abord, parce qu'une partie de celle qui se sera déposée aura été redissoute par l'ammoniaque qui s'est formée pendant la putré- faction : on sait, en effet, qu'en précipitant la mor- 2. 20 3û6 TRAIT! phine par l'ammoniaqued'unedissolution peu étendue d'acétate, il suffit d'agiter le précipité pendant quelques instans dans un mélange d'eau et d'ammoniaque pour le redissoudre ; 4° que, pour obtenir la morphine qui pewt exister dans les matières solides, il faut d'abord traiter ces matières à plusieurs reprises par l'alcool, puis évaporer les dissolutions alcooliques, et faire agir sur le produit de l'évaporation de Feau aiguisée d'a- cide acétique : sans cette dernière précaution, il serait difficile de séparer la morphine du gras des cadavres qui se forme abondamment pendant le séjour des corps dans la terre. Que si par hasard la liqueur était colo- rée , on la décolorerait en la faisant chauffer avec du charbon animal purifié, et en filtrant à plusieurs re- prises à travers ce même corps, sans avoir besoin de recourir au sous-acétate de plomb et à l'acide hydro- sulfurique , dont l'emploi nous a paru pour le moins inutile ; 5° qu'il est aisé de voir, en comparant l'action de l'acide nitrique et du trito-hydrochlorate de fer sur les matières qui ont fait l'objet des expériences précé- dentes, que l'acide nitrique les a constamment rougies, lors même qu'elles étaient un peu colorées, tandis que le sel de fer ne les a bleuies en général qu'autant qu'elles avaient été parfaitement décolorées, et encore, dans certains cas, il a développé une couleur rougeâtre, quoique ces matières fussent incolores ; 6° qu'il y au- rait témérité à prononcer affirmativement, dans un cas d'exhumation juridique , qu'il y a eu empoisonne- ment par une préparation de morphine, parce qu'on aurait observé seulement les deux colorations rouge et DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 3o7 bleue dont nous venons de parler; qu'on ne pourrait tout au plus établir, d'après ces caractères, que de lé- gères présomptions ; 70 qu'il n'en serait pas de même si on obtenait, comme nous l'avons vu, de la morphine cristallisée, insoluble dans l'eau et dans l'éther, soluble dans l'alcool et dans l'acide nitrique, fusible à une douce chaleur, rougissant par l'acide nitrique, bleuis- sant par le sel de fer, et jouissant en un mot de tous les caractères connus de cette base : on devrait dans ce cas affirmer que la matière sur laquelle on a agi est de la morphine. Telles sont les conclusions par lesquelles nous ter- minions l'article acétate de morphine de notre mé- moire déjà cité ; il est difficile, comme on le voit, d'a- gir avec plus de circonspection, puisque nous voulons qu'on n'affirme qu'il y a eu empoisonnement par la morphine, qu'autant qu'on a constaté tous les carac- tères qui la font reconnaître dans l'état actuel de la science ; et pourtant M. Raspail nous a accusés de ne nous être attachés qu'à des phénomènes de coloration, tandis que M. Bonastre a trouvé, dit-il, que certaines huiles volatiles se colorent en rouge et en bleu par les agens que nous mettons en usage pour découvrir la morphine. M. Raspail nous faisant dire autre chose que ce que nous avons avancé, nous prendrons le parti de ne pas lui répondre, d'autant plus qu'il pa- raît avoir en chimie organique et en toxicologie des idées que personne n'adoptera de si tôt. Pour ce qui concerne le fait découvert par M. Bonastre, nous dé- fions M. Raspail de citer une seule huile volatile qui 20. 3o8 TRAITÉ partage toutes les propriétés des alcalis végétaux vé- néneux. Hydrochlorate de brucine. Le 29 mars 1826, on in- troduisit dans un bocal à large ouverture , contenant des intestins, dix-huit grains d'hydrochlorate de bru- cine dissous dans une pinte et demie d'eau; on exposa le mélange à l'air. Le 10 juillet de la même année, la liqueur qui, dès le 9 avril, exhalait une odeur très- fétide, ayant été filtrée, précipitait par l'ammoniaque, et fournissait par l'évaporation un produit d'un blanc tirant un peu sur le jaune, qui rougissait fortement par l'acide nitrique. Le 12 mai 1827, treize mois et demi après le commencement de l'expérience, la li- queur rétablissait la couleur du papier de tournesol rougi par un acide ; elle était trouble et brunâtre : fil- trée , elle était jaune sale, et, par l'évaporation à une douce chaleur, fournissait un produit solide, jaunâ- tre , qui devenait d'un rouge magnifique par l'acide nitrique; la portion ainsi rougie passait au violet lors. qu'on la chauffait légèrement avec Un peu de proto- hydrochlorate d'étain. En traitant ce produit solide par l'eau froide, il se dissolvait en partie; la dissolu- tion, filtrée, jaunâtre, de saveur arrière, était décom- posée par l'ammoniaque, qui en précipitait de la bru- cine parfaitement reconnaissable. Hydrochlorate de brucine étendu d'eau. Le 18 juillet 1826, on exposa à l'air, dans un bocal à large ouver- ture , contenant des intestins , six grains d'hydrochlo- rate de brucine dissous dans une pinte d'eau. Le i3 mai 1827, c'est-à-dire dix mois après le commence- DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. OO9 ment de l'expérience , la liqueur assez colorée fut fil- trée et décolorée en la faisant chauffer avec ducharbon animal purifié , à travers lequel on la passa plusieurs fois : évaporée jusqu'à siccité à une douce chaleur elle fournit un produit à peine coloré, qui devenait d'abord d'un très-beau rouge par l'acide nitrique, puis violet par le proto-hydrochlorate d'étain. Hydrochlorate de brucine solide. Le 8 novembre 1826, on enterra à deux pieds et demi de profondeur une boîte de sapin mince, contenant un intestin dans lequel on avait enfermé douze grains d'hydrochlorate de brucine solide, de la viande , du blanc d'œuf et de la soupe maigre. Au bout de dix mois, on fit l'exhu- mation de la boîte, et on traita à plusieurs reprises par l'alcool bouillant les matières renfermées dans l'intes- tin. Les dissolutions alcooliques furent réunies et éva- porées jusqu'à siccité , et le produit de l'évaporation fut mis en contact avec de l'eau aiguisée d'acide acé- tique, afin de dissoudre toute la brucine et de ne pas agir sensiblement sur la matière grasse ; la dissolution, décolorée à J'aide du charbon animal, et évaporée jus- qu'à siccité , donna un résidu jaunâtre, amer, qui de- venait d'abord d'un rouge magnifique par l'acide ni- trique , puis violet par le proto-hydrochlorate d'étain. Ces expériences prouvent qu'il est possible, dans un cas d'exhumation juridique , de démontrer la pré- sence de la brucine et de l'hydrochlorate de brucine dans le canal digestif, même plusieurs mois après la mort. Mais ici, comme pour l'acétate de morphine , les pbénomènes de coloration développés par l'acide 3lO TRAITÉ nitrique et par le proto-hydrochlorate d'étain, ne de- vraient être considérés que comme des indices d'em- poisonnement , et il faudrait, pour affirmer, que l'on eût pu séparer la brucine ou le sel de brucine, et en constater les divers caractères. Acétate de strychnine. Le 11 mai 1827, on mit dans un bocal à large ouverture, exposé à l'air, et conte- nant des intestins, six grains d'acétate de strychnine dissous dans une pinte et demie d'eau. Le 8 août sui- vant, le mélange exhalait une odeur infecte : la liqueur fut filtrée et évaporée jusqu'à siccité; le produit de l'évaporation, traité par l'alcool et décoloré par le charbon animal, évaporé de nouveau, fournit un ré- sidu jaunâtre qui devenait d'un très-beau rouge par l'a- cide nitrique, et qui était d'une amertume insuppor- table, analogue à -celle des sels de strychnine (1). Il est donc possible de reconnaître un sel de strychnine plusieurs mois après qu'il a été mêlé avec des matières animales, même lorsque le mélange a été en contact avec l'air. Ici, comme dans l'empoisonnement par les sels de morphine et de brucine, il ne suffit pas de s'attacher à des phénomènes de coloration ; il faut pour établir l'existence du poison, mettre à nu la strychnine ou ses sels, de manière à ce qu'on puisse constater tous leurs caractères, (1) Nous savons que la strychnine pure ne rougit pas par Facide nitrique ; mais il est difficile de l'obtenir telle, en sorte que presque toujours les sel'S;de strychnine du commerce deviennent rouges par leur contact avec cet acide. DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 3fl Acide hydrocyanique. On sait, parles expériences de M. Las^saigne, qu'il n'est pas possible de démontrer par des moyens chimiques la présence de petites quantités d'acide hydrocyanique, trois jours après la mort. La disparition du poison tient, dans ce cas, à sa volati- lisation et à la décomposition qu'il a éprouvée. ( Voyez Journal de chimie médicale, Mémoire de M. Lassaigne, tome 2,page 561.) Opium. Le 16 mai 1827, on introduisit dans un flacon à large ouverture, exposé à l'air, un gros d'o- pium en fragmens , une pinte et demie d'eau, et plu- sieurs portions d'un canal intestinal. Le 6 août suivant, on filtra le mélange , qui exhalait une odeur des plus infectes. On voyait dans la matière restée sur le filtre des fragmens d'un rouge-brun qui, au premier abord, auraient pu être pris pour de l'opium , mais qui n'en avaient ni l'odeur ni la texture. Le liquide filtré, de couleur brunâtre , rougissait assez fortement le papier de tournesol ; on le traita par la magnésie, l'alcool et le charbon animal, comme pour en séparer la mor- phine , et on obtint en effet un produit solide, d'un blanc jaunâtre, qui devenait d'un très-beau rouge par l'acide nitrique , et qui était amer ; toutefois, le trito- hydrochlorate de fer le rougissait au lieu dé le bleuir. Le 8 novembre 1826, on enterra^ à deux pieds et demi de profondeur une boîte mince de sapin, dans, laquelle il y avait un gros intestin , contenant du pain, de l'extrait aqueux d'opium, un blanc d'œuf, de la viande et de la soupe maigre. On procéda à l'ex- humation de cette boîte le 18 août 1827, neuf mois 3 I 2 TRAITÉ dix jours après l'inhumation. La matière renfermée dans l'intestin, traitée à plusieurs reprises par l'eau dis- tillée tiède, puis par la magnésie, par l'alcool et par le charbon animal, fournit un léger résidu d'un gris tirant un peu sur le jaune, d'une saveur faiblement amère , devenant d'un rouge orangé clair peu intense par l'acide nitrique , et ne bleuissant point par le trito- hydrochlorate de fer. Il résulte évidemment de ces expériences, i° que la morphine qui existe dans l'opium ne s'altère pas plus par son contact avec les matières animales, que celle qui fait partie de l'acétate ou d'un autre sel de mor- phine; 2° qu il y a néanmoins plus de difficulté à dér montrer la présence de cette base, lorsque l'exhuma- tion a pour objet un cadavre dans le canal digestif duquel on a introduit de l'opium, que quand il s'agit simplement d'un sel de morphine; 3° que dans aucun cas il ne faudra prononcer affirmativement sur l'exis- tence d'un empoisonnement par Fopium, qu'autant qu'on aura reconnu celui-ci à ses proprié tés physiques et chimiques, ce qui n'est pas impossible même plu- sieurs jours après la mort, ou bien, s'il a été impossible de le reconnaître, qu'autant qu'on en aura retiré la morphine jouissant de tous les caractères indiqués à la page 307 de ce volume ; et encore ne faudrait-il pas conclure alors d'une manière absolue, que l'empoison- nement a eu lieu par l'opium, mais bien par l'opium ou par une de ses préparations, par la morphine ou par un sel de morphine. Cantharides. Le 8 novembre 1826, on a enterré DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 3l3 dans une boîte mince de sapin un intestin contenant un gros de cantharides pulvérisées, un blanc d'œuf et de lu viande. L'exhumation de la boîte a eu lieu le 13 août 1827. La matière renfermée dans l'intestin était con- vertie en gras des cadavres, et on apercevait çà et là, même à l'œil nu, une multitude de points brillans d'un vert magnifique, qui étaient formés par la poudre de cantharides. En traitant cette masse par l'eau bouil- lante, le gras des cadavres entrait en fusion, et venait à la surface du liquide sous la forme d'une couche hui- leuse , tandis que les particules brillantes se déposaient au fond du vase ; on pouvait ainsi ramasser une assez grande quantité de ces particules pour s'assurer qu'elles possédaient toutes les propriété» des cantharides pul- vérisées. Nous ne terminerons pas ce travail sans résoudre une question qui pourra nous être adressée. « Les poi- sons que vous avez décelés dans ces différentes exhu- mations , dira-t-on, n'avaient été mis en contact avec nos organes qu'après la mort; dès-lors, peut-on con- clure qu'ils auraient été retrouvés de même, en faisant des recherches sur des cadavres d'individus empoison- nés pendant la vie?» Nous répondrons affirmativement, si au moment de la mort il restait dans le canal digestif une quantité de substance vénéneuse appréciable par des moyens chimiques. C'est en effet cette quantité qu'on pourra retrouver long-temps après, puisque nous ve- nons d'établir qu'elle ne se décompose pas pendant l'inhumation, ou que, si elle s'altère, elle se transforme en matières dans lesquelles on peut démontrer la pré- 3l4 TRAITÉ sence de la partie active du poison ou du métal qui lui sert de base, s'il est métallique. Les observations suivantes, choisies parmi celles qui ont déjà éaé recueillies sur la matière, serviront encore à établir la possibilité de constater la présence des poi- sons long-temps après la mort. OBSERVATIONS. Observations d'empoisonnemens constatés quinze jours et un mois après l'inhumation. Le cadavre de Célestin Veillet, inhumé le 16' août 1825 dans le cimetière de Lantic (Côtes-du-Nord), vingt-quatre heures après la mort, fut exhumé le 31 du même mois, à huit heures du niatin, c'est-à-dire quinze jours après l'inhumation, dans le dessein de constater si la mort était le résultat d'un empoisonnement. La bière, construite en vieilles planches de chêne, était percée de plusieurs trous, ce qui contribua à prouver l'identité. Le cadavre exhalait une odeur insupportable. La tête était découverte; le reste du corps était enve- loppé d'une portion de drap de lit de grosse toile, sur lequel on voyait des larves et même des vers; la che- mise était d'un tissu plus fin. Le corps était tuméfié, la peau noire, surtout à la face; l'épiderme se détachait avec la plus grande facilité et par lambeaux considé- rables; les cheveux étaient noirs,la barbe peu fournie et d'une couleur difficile à déterminer ; les yeux étaient fortement saillans, le nez affaissé, la bouche très-ou- verte, et la lèvre supérieure tuméfiée; les dents, bien DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 3l5 conservées et peu usées, se laissaient dépasser par la langue de quatre à cinq lignes. En général,les traits du visage étaient si altérés qu'il était impossible d'en dé- terminer la forme; il n'existait à la peau aucune trace de lésion extérieure. Il se dégageait beaucoup de gaz en incisant la peau du crâne; le péricrâne, les muscles temporaux et la dure-mère se détachaient facilement des os. Le cerveau, de la consistance d'une bouillie claire, était d'un gris cendré ; le cervelet d'un gris rou- geâtre. Les muscles du thorax, et en général ceux des autres parties du corps, étaient grisâtres. En incisant la peau de la poitrine et le thorax lui-même, il se dégageait des gaz très-fétides, puis il y avait un affaissement no- table. On apercevait environ trois onces de sérosité dans les cavités des "plèvres. Les poumons étaient re- foulés en haut; le gauche était adhérent en haut et vers la partie moyenne ; l'autre était libre : ils étaient cre- pitans et d'un gris foncé; la plèvre qui les recouvre se détachait avec facilité; la portion costale adhérait aux côtes. Le péricarde était vide. Le cœur, de volume or- dinaire, contenait des gaz; sa face externe était rosée antérieurement, et d'un brun foncé en arrière; il y avait des gaz dans son propre tissu, car il était crépi- tant comme les poumons; on ne voyait de sang ni dans ses cavités ni dans les gros vaisseaux qui en partent ou qui y aboutissent. Le foie était d'un brun noir ; la membrane qui le re- couvre se détachait aisément; la vésicule du fiel ne contenait point de bile. 3j,6 traité L'estomac et les intestins étaient distendus par des gaz. La partie supérieure de la face externe du pre- mier de ces viscères était rouge, surtout en arrière; les veines qui rampent sur l'orifice du cardia et dans le voisinage étaient distendues par des gaz. La partie infé- rieure de cette même face était de couleur grise : vers sa grosse extrémité cependant, dans la portion qui correspond à la rate, on remarquait une tache de cou- leur jaune citron, de l'étendue de trois travers de doigt : cette portion était rude au toucher, et l'esto- mac plus épais dans cette partie. A l'extérieur, le duo- dénum était rouge; les autres intestins étaient d'un rouge plus clair. La rate offrait une couleur brune foncée; sa face supérieure était d'un jaune citron dans l'étendue d'un doigt. Les reins et la vessie étaient dans l'état naturel; ce dernier organe ne contenait point d'urine. Les vaisseaux du bas-ventre étaient vides de sang. Le scrotum était fortement distendu par des gaz. Le col ne présentait aucune trace de pression, ni à l'extérieur ni dans les parties les plus profondes. La langue, affaissée particulièrement vers sa pointe, offrait des phlyctènes à sa base ; on en voyait aussi dans l'isthme du gosier, dans le pharynx et à l'entrée du larynx : plu- sieurs d'entr'elles égalaient la grosseur d'une aveline. La face interne de l'œsophage était grise et présentait de semblables phlyctènes à sa partie supérieure. L'in- térieur du larynx, de la trachée-artère et du commen- cement des bronches, était d'un brun rougeâtre. L'analyse chimique, faite à Saint-Brieuc par MM. Le- moine, Ferrary, Lemaout et par l'un de nous, a prouvé DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 3l7 qu'il y avait dans l'estomac une quantité notable d'acide arsénieux. L'affaire ayant été jugée, deux personnes ont été condamnées à mort. ( Observation communi- quée par le docteur Lemoine, de Saint-Brieuc) (i). Le second fait est relatif à Boursier. (V. tome ier, page 218.) Observation dun double empoisonnement par le sulfure jaune d arsenic; examen des cadavres après trois et neuf mois d'inhumation, par M. Lepelletier, docteur- médecin, chirurgien en chef à l'hôpital du Mans. Nous fûmes chargés par le procureur du roi près le tribunal de première instance de la ville du Mans de procéder à l'exhumation de deux cadavres dont l'un était inhumé depuis trois mois, et l'autre depuis neuf. Nous nous transportâmes le 3o juin 1829, accompa- gné de ce magistrat, du juge d'instruction et du maire, au cimetière de Savigné-FEvêque, village situé à trois lieues du Mans. Position du cimetière, nature du sol. Le cimetière de Savigné-FEvêque est placé au nord du village et dis- posé en plan légèrement incliné vers le sud, dans une élévation moyenne, relativement aux terrains circon- (i) Il est bon dénoter que 3e cimetière de Lantic est élevé et sablonneux, et même que l'on y trouve des pierres à trois pieds de profondeur; il faisait très-chaud lors de l'exhumation; deux jours auparavant il avait plu abondamment, et le lende- main la chaleur était très-inlense. 3l8 TRAITÉ voisins; il est bien aéré, ne retient Feau dans aucune partie; la superficie en est sèche et sablonneuse; il est du reste bien distribué : les cadavres y sont tous isolés dans des fosses particulières, et placés dans un ordre rigoureux, établi sur les registres de l'état civil. Le sol est un sable rougeâtre, siliceux, légèrement argilleux, très-perméable à l'eau, toujours sec. Un roc assez épais se trouve de cinq à sept pieds au-dessous de la couche végétale : dans toute l'étendue, il est à six pieds à peu près, et l'inhumation a lieu à cinq dans les deux fosses qui contiennent les sujets dont nous de- vons faire l'examen. Afin de procéder avec ordre, nous commencerons par le cadavre inhumé depuis trois mois. i° Nécropsie de la fille Fortier, âgée de quarante ans, morte sous l'influenceprésumée d'un empoisonnement, inhumée depuis trois mois révolus. Après avoir constaté jusqu'à l'évidence, au moyen des registres de l'état civil, l'identité de la fosse appar- tenant à la fille Fortier, nous faisons procéder à l'exhu- mation. Nous remarquons dans toute l'épaisseur de la terre qui enveloppe le cadavre une homogénéité parfaite, les caractères que nous venons d'indiquer, et l'absence de toute humidité autour de ce même cadavre. Il est extrait avec les précautions convenables et nous pré- sente les circonstances suivantes : i° Enveloppe étrangère. Inhumation sans cercueil, DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 3l9 dans un suaire en toile forte, détruit seulement dans quelques parties, assez résistant dans plusieurs autres. 2° Enveloppe cutanée. Elle n'offre de putrilage dans aucun point, et ne se trouve complètement détruite qu'à la face, à la poitrine et dans plusieurs parties des membres. Sur tout l'abdomen, elle est intacte, ramollie dans sa superficie, encore dense et résistante dans sa partie celluleuse. 3° Tissu cellulaire et muscles. Toutes les parties de ces deux systèmes qui se trouvent à découvert sont en putréfaction complète; celles qui restent, protégées par la peau, n'ont que très-légèrement souffert dans leurs caractères naturels; à l'abdomen surtout, la sec- tion des muscles est encore vermeille dans toute la sur- face correspondante au péritoine. Cette membrane séreuse est intacte, aussi résistante que dans l'état normal, de telle sorte que la cavité ab- dominale n'a pas éprouvé le plus léger contact de l'air extérieur. Nous dirons bientôt l'influence que nous attribuons à cette disposition dans la conservation des viscères de cette même cavité./ 4° Organes intérieurs. Toutes les cavités de la face offrent une putréfaction complète, et les traits du sujet sont tellement altérés , qu'il deviendrait impossible d'en constater l'identité par leur simple aspect. La cavité pectorale est ouverte dans plusieurs points par la putréfaction ; les poumons sont en putrilage, spé- cialement à leur sommet; de cette partie surtout émane l'odeur infecte qui se répand au loin. Les cavités articulaires des épaules, des genoux et 320 TRAITÉ des pieds, sont également à nu sous la même in- fluence. La cavité abdominale, qui doit surtout fixer notre attention, nous offre les caractères suivans. État général des intestins. Le péritoine, comme nous l'avons dit, conserve toute son intégrité, sa transpa- rence et l'aspect luisant naturel à sa face libre. Les viscères abdominaux, et notamment le tube digestif dans toute sa longueur, se trouvent si bien conservés, qu'il eût été possible de les faire servir aux études anatomiques : rapports mutuels, couleur spé- ciale, résistance, continuité, volume, etc., tout se ren- contre dans un état analogue à celui des cadavres inhumés seulement depuis quelques jours, au milieu des circonstances les plus favorables. Le tube digestif nous offre depuis l'œsophage inclu- sivement jusqu'au rectum, dans plusieurs points, des plaques d'un rouge vif, très-apparentes à l'extérieur > et, par leur nature et leur caractère, ne laissant aucun doute sur Fexistence, pendant les derniers instans de la vie, d'une inflammation aiguë, persistante; il s'agit dès-lors d'en rechercher la cause, et de recueillir sépa- rément tous les fluides contenus dans les diverses por- tions de ce conduit. Œsophage. Il offre dans toute son étendue, à l'in- térieur, une couleur rouge foncée, et contient à peu près deux cuillerées d'un fluide assez analogue aux lavures du sang veineux; nous y trouvons une assez grande quantité d'une substance jaune citron, cassante, ino- dore, insoluble, sous forme de parcelles écailleuses- DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 32 1 Ces premiers caractères nous font présumer que cette substance est du sulfure jaune d'arsenic; en effet, en déposant une certaine quantité de cette matière sur des charbons ardens, il s'élève aussitôt une vapeur blanche qui répand l'odeur d'ail et d'acide sulfureux. La matière de l'œsophage est renfermée dans un flacon cacheté par M. le juge d'instruction, comme tous les autres produits du tube digestif. Estomac. Lié au-dessus du cardia, au-dessous du pylore, enlevé, lavé avec soin, ensuite ouvert sur un vase convenable,il contient un fluide jaunâtre, où nous trouvons en grande abondance les parcelles aplaties de la matière jaune, offrant les mêmes caractères phy- siques et chimiques. Nous prenons une assez grande proportion de ces parcelles avec la pointe d'un scalpel, nous les renfermons dans un papier, et le fluide dans une bouteille en verre; ce dernier est dans la propor- tion de quatre onces à peu près. La muqueuse gastrique, sans aucune putréfaction, est d'un rouge sombre dans plusieurs points, et spé- cialement dans ceux où se trouve adhérer la matière jaune. Des portions de fausse membrane se détachent dans plusieurs parties; là surtout la matière jaune semble comme identifiée avec la substance des paroisgas- triques, et forme des taches épaisses qui s'aperçoivent aussi bien à la surface externe qu'à l'interne. Il existe évidemment injection des vaisseaux capillaires, par une grande proportion de la matière jaune, à l'état de division extrême. Est-ce un phénomène d'absorption vitale ou d'injection après la mort par la force de capil- 2. 21 32 2 TRAITÉ larité des vaisseaux ouverts à la surface muqueuse?L'une et l'autre de ces opinions peuvent être admises : la se- conde nous paraît plus vraisemblable : toutefois, ce fait nous a paru très-remarquable, et digne de fixer l'atten- tion des toxicologistes. Le même caractère de cette pé- nétration delà substance jaune se trouve dans plusieurs poins de Fintestin grêle, et même du mésentère. Nous acquérons la preuve que cette coloration n'est pas le résultat d'une absorption de matière animale, telle que le jaune d'œuf, la bile, etc. ; en effet, touchées par l'acide nitrique, ces taches n'éprouvent aucun changement dans leur coloration ; brûlées sur des charbons ardens, elles répandent l'odeur d'ail et d'acide sulfureux. Intestins. Le duodénum, l'intestin grêle et le cœcum nous offrent intérieurement et extérieurement les mêmes caractères de phlegmasie et de corrosion super- ficielle. Nous y retrouvons encore un fluide rougeâtre et la matière jaune en grande proportion. Ces pro- duits sont également scellés dans un flacon de verre. Enfin, dans toute l'étendue des cavités digestives, nous trouvons toujours ces caractères essentiels réu- nis : i°. Rougeur extérieure plus ou moins vive par in- tervalles ; 2°. Dansles mêmes points, taches muqueuses d'un rouge sombre ; 3°. Fausses membranes, débris de corrosion. 4°. Présence de la matière jaune indiquée. DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 323 De ces faits bien constatés nous tirons les inductions suivantes : i°. Le cadavre soumis à notre examen est évidem- ment celui de la fille Fortier ; 2°. Cette fille a succombé aux influences d'une phlegmasie sur-aiguë de l'estomac et des intestins; 3°. Cette inflammation reconnaît pour cause l'action directe de la matière jaune indiquée ; 4e. Cette matière qui nous paraît être du sulfure jaune d'arsenic (orpiment) est parvenue dans le tube digestif à la dose de trois à quatre gros à peu près, quantité bien plus que suffisante pour déterminer la mort; cette matière est arrivée dans l'estomac, partie à l'état pulvérulent, comme le démontre l'absorption qui s'en est effectuée dans ce viscère et dans l'intestin grêle, partie à l'état de fragmens aplatis, comme le prouvent ceux que nous avons recueillis en assez grande quantité. Pour déterminer plus évidemment encore la yéri- table nature de cette matière jaune, nous demandons à la soumettre aux réactifs chimiques appropriés, et nous nous faisons assister dans cette opération par MM. Pouplin et Marigni, pharmaciens au Mans. L'analyse a en effet démontré que la matière dont il s'agit était du sulfure jaune d'arsenic. 21. 324 l'IîAITE 2° Nécropsie de Fortier père, âgé de soixante et quel- ques années, mort sous l'influence présumée dun em- poisonnement, inhumé depuis neuf mois révolus. Arrivé avec les magistrats indiqués, le 2 juillet 1829, au cimetière de Savigné-FEvêque, l'identité de la fosse ayant été positivement constatée, l'exhumation faite, nous avons recueilli les observations suivantes. i°. Enveloppe étrangère. Lesujet.se trouve inhumé sans cercueil, dans un suaire en grande partie détruit par le temps. 20. Enveloppe cutanée. Ce cadavre répand au loin l'odeur la plus infecte; la putréfaction est très-avancée dans toutes les parties extérieures, et notamment à la tête, dont les os sont à nu ; à la poitrine, dont les cavités sont ouvertes; aux membres, où s'observent des lam- beaux informes ; à l'abdomen, la peau n'est putréfiée que dans la moitié de son épaisseur. 3°. Tissu cellulaire et musclas. Ils sont en putrilage dans tous les points découverts par la destruction do l'enveloppe cutanée ; mais on trouve encore les mus- cles rouges et le tissu cellulaire assez bien conservé dans toutes les parties où le derme n'a pas éprouvé cette altération. 4°. Organes intérieurs. Les poumons sont en putri- lage, et donnent en grande partie l'odeur insupportable que répand le cadavre. Les viscères abdominaux, qui doivent spécialement DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 325 fixer notre attention, nous offrent les dispositions sui- vantes : L'incision cruciale des parois de Fabdomen pré- sente le derme encore très-résistant, la couche muscu- leuse d'un rouge sombre, mais sans putréfaction. Le foie paraît assez bien conservé; le tube digestif spé- cialement se trouve dans un état d'intégrité par- faite. Le péritoine qui leur forme une enveloppe commune est intact, sans aucune ouverture, et conserve l'aspect luisant naturel à sa surface libre. « Ce fait nous conduira bientôt à l'explication natu- relle de la conservation remarquable des viscères abdo- minaux sur ces deux sujets. Nous trouvons toute la longueur du canal intestinal, et notamment ses portions gastrique, duodénale, intes- tinale grêle, parsemées de taches rouges sans aucune putréfaction, et caractérisant encore d'une manière assez positive la phlegmasie dont ces organes ont été le siège. Nous devons rechercher-la cause de cette inflam- mation, examiner successivement les diverses cavités digestives, et recueillir isolément les fluides qui s'y trou- vent contenus. Estomac. Nous en faisons la ligature au-dessus du cardia, au-dessous du pylore; il est soigneusement lavé, ensuite ouvert sur un vase convenable ; il contient un demi-verre à peu près d'un fluide épais, assez analogue, par l'aspect et la couleur, à la dissolution imparfaite d'ocre jaune; ses parois, dans toute leur épaisseur et 326 TRAITÉ dans une étendue de cinq pouces sur quatre, offrent une tache jaune citron, apparente à l'extérieur et à Fintérieur. L'organe semble imprégné dans ce point d'une matière colorante qu'il est essentiel de connaître, et qui nous offre, du reste, les mêmes caractères que nous avions observés quelques jours auparavant dans celles que présentaient l'estomac et le mésentère de la fille Fortier. Il est donc raisonnable de présumer que ces taches sont le résultat de l'absorption, soit vi- tale, soit purement capillaire, d'une matière identique à celle que nous avions analysée, d'autant mieux qu'en la soumettant à l'action de l'acide nitrique, elle n'éprouve aucun changement de couleur, et que pla- cée sur des charbons ardens, elle répand une vapeur blanche, l'odeur d'ail et d'acide sulfureux. Nous enlevons cette portion d'estomac avec précau- tion; nous Fétendons entre plusieurs feuilles de papier brouillard ; elle est scellée par M. le juge d'instruction, de même que le fluide recueilli dans ce viscère, dont l'intérieur nous offre plusieurs taches rouges et des dé- bris de fausses membranes. Intestins. Le duodénum et l'intestin grêle con- tiennent également une certaine quantité d'un fluide jaunâtre absolument semblable pour l'aspect à celui que nous avons recueilli dans l'estomac : il est égale- ment scellé. La muqueuse de ces cavités offre, par intervalles, absolument les mêmes altérations. De ces faits bien constatés nous déduisons les consé- quences suivantes : DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 327 i°. Le cadavre soumis à notre examen est celui de Fortier père, vieillard âgé de soixante et quelques années. 2°. Ce vieillard a succombé aux influences d'une phlegmasie sur-aiguë de l'estomac et des intestins. 3°. Cette phlegmasie reconnaît pour cause l'action directe de la matière jaune, en partie combinée aux parois gastriques, en partie à l'état de suspension au milieu des fluides retrouvés dans l'estomac et l'intestin grêle. 4°. Enfin cette matière nous paraît être du sul- fure jaune d'arsenic (orpiment) parvenu dans le tube digestif en quantité plus que suffisante pour occasion- ner la mort; administré en poudre fine, il ne laisse dès-lors apercevoir aucune de ces parcelles assez larges que nous avions retrouvées dans les cavités digestives de la fille Fortier. \ L'analyse de cette matière a fait voir qu'elle était réellement du sulfure jaune d'arsenic. Les faits contenus .dans ces deux observations ont paru d'une évidence telle, qne le conseil de l'accusé n'a pas même cherché à les infirmer; Ja condamnation du prévenu, nommé Auguste Janvier,a été prononcée à l'unanimité. Réflexions. Ces deux faits nous fournissent l'occasion de plu- sieurs réflexions applicables à l'anatomie, à la chimie organique, à la médecine légale, envisagées dans leurs rapports avec l'ordre public. 328 TRAITÉ i°. Une circonstance remarquable doit spécialement appeler ici notre attention. Nous voyons tous les or- ganes renfermés dans la cavité abdominale, tout l'ap- pareil digestif, par conséquent, offrir une intégrité que nous n'eussions jamais pu soupçonner, après un temps aussi long, au milieu des symptômes de putré- faction générale'déjà très-avancée ; c'est un fait impor- tant pour la toxicologie, les poisons, lorsqu'ils offrent encore des traces, devant se retrouver spécialement dans l'une ou l'autre des portions du tube digestif; ce fait est de nature à troubler la sécurité des criminels, à solliciter les recherches des médecins légistes, même après un temps qu'il est actuellement difficile de limi- ter (i). Si nous cherchons l'explication de ce même fait» nous croyons la trouver dans la nature des parois de cette cavité abdominale, et notamment de la tunique péritonéale qui recouvre immédiatement tout l'appa- reil digestif; en effet, par sa texture et sa composition , cette membrane est difficilement altérable sous l'in- fluence de la putréfaction, lorsqu'elle est suffisamment éloignée de la chaleur humide, comme dans les cir- constances où se trouvaient les deux cadavres indiqués. D'un autre côté, présentant un sac sans ouverture, elle ne laisse aucun accès à l'air, tant qu'elle conserve son (i) Nous croyons avoir mis hors de doute l'assertion énon- cée par nôtre savant confrère. [F. le n° de mai 1828 des Archives générales de médecine, et la 3e section de cet ou-* vr*ge.) DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 3,2g intégrité. Les intestins ainsi protégés lui doivent cette conservation, si remarquable pour la chimie orga- nique et si précieuse pour la médecine légale; ajou- tons que le tube digestif, par sa nature membraneuse et sa texture propre, est également prédisposé à la dé- composition. 2°. La matière du sol exerce évidemment une in- fluence majeure dans la conservation ou la destruction des cadavres qui s'y trouvent enfouis. Mais nous fe- rons observer que, dans l'espèce, le terrain sablon- neux et sec du cimetière de Savigné-FEvêque, a sur- tout contribué beaucoup à l'intégrité des organes que nous avions à examiner : c'est au moins la première considération qui nous a fait entreprendre ces re- cherches dans lesquelles nous ne pouvions trouver aucun mobile, aucun autre guide. 3°. Nous ne terminerons point ces réflexions, sans appeler l'attention du gouvernement sur la nécessité d'imposer aux autorités de chaque lieu l'obligation d'établir un ordre méthodique et régulier pour les inhumations dans tous les cimetières soumis à leur surveillance. Sans cette précaution, l'impossibilité de constater l'identité d'un cadavre, après un temps assez long, deviendra le seul obstacle positif aux recherches fructueuses, delà médecine légale dans un grand nom- bre de circonstances importantes, où son pouvoir à signaler la cause matérielle d'un crime se trouve ac- tuellement à peu près illimité. 33o JTIAITB ORSERVATION 6e. Dans le courant du mois de juin 1.829, le docteur Ozanam, l'un des médecins en chef de l'Hôtel-Dieu de Lyon, me fit l'honneur de m écrire pour me demander s'iLserait possible de constater que la mort d'un indi- vidu qui avait succombé en 1822, à Bourg (départe- ment de l'Ain ), était le résultat d'un empoisonnement, et pour savoir quels seraient les procédés qu'il faudrait employer pour découvrir la substance vénéneuse. Je donnai à M. Ozanam les avis qu'il réclamait de moi, et je l'engageai à consulter le mémoire que j'ai publié, con- jointement avec M. Lesueur,sur cet objet, en mai 1828. ( V. Archives générales de médecine.') Je reçus quelque temps après une lettre du docleurOzanam, dans laquelle il m'annonce que M«Idt, pharmacien distingué de Lyon, et lui, ont été requis par le procureur du roi pour procéder à l'exhumation du cadavre dont il s'agit, et que leurs efforts ont été couronnés du plus orund suc- cès, puisqu'ils sont parvenus à démontrer dans les débris graisseux de ce cadavre la présence d'une pré- paration arsenicale. Deux procédas ont été suivis pour atteindre ce but: d'abord, on a traité la masse sus- pecte par le nitrate de potasse, comme je l'ai prescrit dans mon ouvrage de Médecinejégale, puis on a traité par Facide hydrosulfurique, ainsi que nous l'avons indiqué, M. Lesueur et moi, dans le mémoire déjà cité. Par l'un et l'autre de ces procédés, on s'est assuré que les réactifs chimiques se comportaient avec la ma- DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 33l tière suspecte, comme avec une dissolution arsenicale, et de plus on a séparé Y arsenic métallique; en sorte qu'il est impossible d'élever le moindre doute sur l'existence dune préparation arsenicale dans les par- ties analysées. Voici les principaux détails de cette exhumation re- marquable. La fosse était creusée à une profondeur d'un mètre et un tiers clans un terrain placé dans un lieu élevé; ce terrain était sec, graveleux, composé de silice, d'un peu de terre végétale, et d'une très-petite quantité de sulfate de chaux ; il devait donc absorber rapidement l'eau. Le sol environnant, qui est de même nature, ne produit que des fougères. Le cercueil, découvert avec précaution, était telle- ment entier, que le fossoyeur le sentit fléchir et comme élastique sous ses pieds: on le fit aussitôt retirer pour ne pas l'enfoncer. Il était en lambris de sapin de neuf lignes environ d'épaisseur, bien conservé; seulement le couvercle avait cédé ou plié sous le poids de la terre par l'affaissement du cadavre, mais sans se rompre, à l'exception du côté de la tête, où la pioche avait en- tamé quelques portions. Les planches de ce couvercle ayant ér^ enlevées entières, après en avoir exactement balayé toute la terre, on put s'assurer qu'elles n'avaient point souffert de l'humidité, mais qu'elles étaient au contraire sèches, et se cassaient avec éclat comme du vieux bois; il en était de même des planches qui for- maient les côtés de la bière. Les parois internes de 332 TRAITÉ cette boîte n'étaient point tachetées; il n'y avait que le fond qui était empreint superficiellement de ma- tières brunâtres de la consistance d'onguent. Les planches ne s'étaient point disjointes, et par consé- quent il n'était point entré de terre dans le cercueil. L'identité du cadavre fut reconnue : i° parce qu'il avait été inhumé dans un cimetière de campagne, pré- cisément à la porte de l'église, comme étant le proprié- taire le plus riche du village; 2° parce que le curé, le fossoyeur, les porteurs, le maire, et plusieurs habi- tans, qui, en leur qualité de soldats de la garde natio- nale, avaient accompagné le corps et fait une décharge de mousqueterie sur la tombe, étaient présens à l'ex- humation, et ont affirmé qu'on n'avait inhumé per- sonne autre dans cette même place; 3" parce que le menuisier a reconnu son cercueil qu'il avait fabriqué avec plus de soin que ceux du commun; 4° parce que les assistans ont reconnu les cheveux et surtout les dents de l'individu, qui les avait fort belles et bien conservées, à l'exception d'une qui lui manquait, même dès son vivant. Le cadavre était dans son intégrité; la tête, le tronc, les membres supérieurs avec les mains, et les infé- rieurs avec les pieds, avaient conservé leur configura- tion et leur position naturelles, où ils se maintenaient par juxtaposition. On aurait pu facilement mesurer le corps. Les assistans reconnurent sa taille qui était moyenne. Les parties sexuelles, recouvertes d'une portion de. DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 333 linceul, n'étaient qu'un magma brun, à demi liquide et épais. Le bassin, dans sa position naturelle, annon- çait bien que l'individu était du sexe masculin. Les muscles n'avaient plus de forme. Les os étaient ramollis. La tête offrait encore quelques cheveux. Le crâne ne fut point ouvert. La poitrine était affaissée, et recouverte par les côtes dans leur symétrie ordinaire. Les poumons et le cœur étaient fondus comme un onguent noir qui se serait déposé aux deux côtés de la colonne verté- brale. L'estomac, le foie, la rate, les intestins, enfin tous les viscères abdominaux, étaient réduits en une masse putrilagineuse, de consistance molle, d'une couleur brune, sans vers et sans odeur. Aucune de ces par- ties n'était reconnaissable. Les muscles abdominaux y étaient aussi confondus. Le linceul était en grande partie détruit; ce qui en restait était de consistance brune, et recouvrait une partie des cuisses et des organes sexuels. ARTICLE IL De Futilité des exhumations pour éclairer les questions relatives aux blessures. Les observations suivantes feront ressortir mieux que tous les raisonnemens l'utilité des exhumations 334 TRAITÉ dans les questions relatives aux blessures ; on verra que , même long-temps après la mort, il à été possible de constater des lésions graves de l'utérus, la section du tronc, la présence d'épingles dans l'abdomen, etc. ORSERVATION I™. La femme Herpe , morte le Ier août 1829, après être accouchée, fut inhumée le lendemain dans le cimetière de Chatellaudren (Côtes-du-Nord). Le cada- vre fut exhumé le 14 du même mois , à deux heures , douze jours après l'inhumation , dans le but de déter- miner si la mort pouvait être le résultat de manœuvres imprudentes exercées par la sage-femme. Après avoir reconnu l'identité, le cadavre fut porté sur une pierre tombale : le drap de lit qui l'envelop- pait était de couleur naturelle, excepté la partie anté- rieure et supérieure du col et de la poitrine, où il était d'un brun foncé et couvert de larves. La chemise est en toile neuve, et marquée de la lettre E. Le vi- sage est recouvert par les .bords de la coiffe qui enve- loppait la tête; il est tuméfié et d'un brun foncé à sa moitié supérieure, tandis qu'inférieurement la couleur est naturelle ; la bouche est ouverte, et laisse voir la langue qui est tuméfiée, et qui s'avance vers les lèvres. Des gaz infects se dégagent des narines. Le corps, d'un embonpoint assez considérable, est météorisé, et exhale une odeur très-fétide; la peau, de couleur naturelle, excepté sur les parties anté- rieures du cou et de la poitrine, sur la région pu- DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 335 bienne, à la partie interne des cuisses et antérieure des jambes , et dans toute l'étendue des bras, où elle est brune et présente des phlyctènes considérables. Les mains et les pieds étaient dépouillés d'épiderme et d'ongles. En incisant Fabdomen , il se dégage beaucoup de gaz; les parois abdominales offrent au moins un pouce de tissu graisseux ; les muscles de cette région sont pâles et infiltrés. Le péritoine et les intestins nous ont paru sains dans la plus grande partie de leur étendue; il y avait environ trois onces d'une sérosité rougeâtre dans la cavité du péritoine. Une des circonvolutions inférieures de l'iléon offre , dans l'étendue de quatre pouces à peu près, et à sa face externe et postérieure, une rougeur marquée; la portion de cet intestin qui s'ouvre dans le cœcum et le commencement de celui- ci, sont fortement phlogosés. La partie inférieure du rectum est rouge et déchirée sur les côtés, à droite, dans l'étendue de deux pouces, et la déchirure comprend les deux tuniques séreuse et musculeuse;à gauche, la partie déchirée a quatre pouces de longueur, et la membrane séreuse seule est lésée. La partie posté- rieure et inférieure de la vessie, près de son col, pré- sente une ouverture de l'étendue de deux pouces. La > cavité pelvienne est phlogosée dans toute son étendue, et contient , indépendammeut des organes qu'elle renferme habituellement, i° un fœtus mâle d'environ trois mois ; le cordon ombilical, long de deux pouces, est séparé du placenta par une déchirure ; 2° une por- tion d'intestin grêle d'environ quatre pieds et demi i y 336 TRAITÉ sortant par la vulve ; 3° Yutérus déchiré dans sa partie inférieure et dans une étendue de deux pouces : il est ovoïde, long de six pouces , large de deux ; son fond est tourné en bas; sa face externe est d'un gris foncé , et tient encore aux ligamens larges ; à'l'intérieur, et surtout au fond, il est d'un rouge brun. Cet organe , ainsi que la portion d'intestin grêle dont nous venons de parler, sont dans le vagin, qu'ils ont franchi à la partie postérieure et supérieure, où l'on voit une dé- chirure considérable. Il résulte de ces recherches qu'une main impru- dente et ignorante a exercé des tractions fortes et réi- térées sur la partie postérieure et inférieure de l'uté- rus, et a entraîné ce viscère au dehors, et, par suite, la portion d'intestin iléon : l'ouverture pratiquée à l'u- térus n'aurait été faite qu'après sa sortie de la vulve , puisque le fœtus était encore contenu dans sa cavité. ( Observation recueillie par le docteur Lemoine , de Saint-Brieuc. ) OESERVATION 2*. Jean Beaujouin , marinier, fut coupé en deux , et son corps ainsi séparé fut jeté dans la Loire. La partie supérieure du tronc fut chassée par les eaux depuis Tuffeaux, près Saumur, jusque vis-à-vis les bords de Saint-Sulpice ; la partie inférieure s'était arrêtée sur le bord du fleuve, à l'endroit même de la consommation du crime. Examen de la partie supérieure du corps. Cette par- DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 3 31 tie ayant été inhumée au cimetière de Saint-Sulpice, fut exhumée quinze jours après (le 20 juin 1815). Une cravate à carreaux rouges entoure lâchement le col et se croise antérieurement, mais sans nœud ; le gilet qui couvre la poitrine paraît en son entier ; il est tenu croisé par Fagraffement de quelques boutons; au-des- sous du gilet on remarque une portion de chemise qui a été coupée circulairement, mais d'un trait, vis-à-vis le bord inférieur du gilet ; le pourtour de la chemise dépasse un peu le gilet, et même très-exactement la circonférence du corps. La tête est dépourvue de cheveux , et les chairs qui recouvrent le crâne et la face sont noires et dévorées par la putréfaction; les ouvertures nasales, oculaires et buccales déformées par la dissolution (1); cepen- dant , et malgré un tel état de décomposition, on au- rait pu, s'il en eût existé, constater de grandes lésions mécaniques. La boîte osseuse est intacte ; les chairs qui couvrent le col et le thorax sont également putréfiées; ici, comme sur la tête, aucune trace de violence grave; on remarque au point où le thorax a été séparé en deux, une section circulaire, s'étendan^ d'arrière en avant, depuis le côté droit des dernières apophyses épineuses et vertèbres dorsales, jusqu'au côté gauche de ces mêmes apophyses, en passant successivement sur les côtés du thorax et ses faces antérieure et posté- rieure : cette section, qui comprend toutes les parties (1) On sait que les cadavres se décomposent très-vite , lors- qu'ils présentent des solutions de continuité. 338 TRAITÉ molles dans son épaisseur, est légèrement oblique d'ar- rière en avant et de bas en haut; la section de la partie postérieure qui intéresse la peau et les muscles sacro- lombaires et long-dorsal, est nette et franche ; celle qui intéresse la peau et les muscles du thorax, est cou- pée irrégulièrement, et comme festonnée : postérieu- rement, la peau est de niveau avec les muscles; anté- rieurement , la peau est rétractée, coupée irrégulière- ment; on remarque une portion seulement des muscles droits, longue de six pouces environ, large de deux travers de doigt. Ce lambeau tient encore par deux digitations; il est recouvert par la peau. Ainsi se trouve à nu la voûte sous-diaphragmatique du thorax , sous laquelle on aperçoit l'œsophage, l'estomac, le duodé- num, une portion du jéjunum avec son mésentère, longue de dix pouces, et le foie avec la vésicule bi- liaire ; ces parties étaient déjà dans un haut degré de putréfaction , surtout le foie qui était en putrilage ; la section du jéjunum était nette et faite d'un seul trait. Nulle trace de violence, excepté cette section de l'in- testin , ne fut observée sur ces organes. Il n'y avait aucune fracture, ni à la tête, ni à la poi- trine , ni dans les membres; les organes enfermés dans la cavité pectorale étaient en putréfaction, ainsi que le cerveau et ses dépendances : la colonne verté- brale se trouve interrompue au-dessous de la troisième vertèbre lombaire ; on remarque que la séparation a eu lieu dans le fibro-cartilage qui unit la troisième ver- tèbre lombaire a la quatrième. Les apophyses articu- laires inférieures de la troisième vertèbre ont été cou- DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 63Q pées en totalité, ainsi qu'une très-petite portion des lames vertébrales ; l'instrument tranchant a pénétré dans le milieu du fibro-cartilage, dont une légère couche tapisse encore la face inférieure de la vertèbre, excepté en avant et à droite, où on remarque une lé- gère perte de substance, faite en dédolant. Examen de la partie inférieure. On a reconnu exté- rieurement trois blessures faites par un instrument pi- quant et tranchant. La première, divisant l'épiderme et une portion très-superficielle du derme , s'étendait transversalement de la colonne vertébrale jusqu'à la moitié de l'os des îles (Ju côté gauche, près la lèvre externe de la partie postérieure de cet os ; une autre plus profonde, vis-à-vis l'articulation de la dernière vertèbre lombaire avec l'os sacrum; la troisième, large d'environ deux pouces, pénétrantjusqu'àl'os droit des îles, dans le tiers postérieur de cet os, à deux pouces au-dessous de la lèvre externe. L'instrument qui a servi à opérer ces trois blessures a été porté vigoureusement dans cette dernière, suivant une ligne transversale , et ne s'est arrêté qu'à l'os. Il devait être de deux pou- ces de diamètre, à un pouce et demi au-delà de la pointe. Il était sans doute tranchant des deux côtés ; l'étroitesse égale des deux commissures de la plaie semble le démontrer. La séparation du tronc est très- exacte , et n'a pu s'opérer que par le moyen d'un ins- trument tranchant, porté antérieurement avec pré- caution, suivant les probabilités les plus raisonnables. Conclusions. Voici maintenant les principales consé- quences déduites par M. Ouvrard, qui n'avait été 22. 3,.fo - TRAITÉ chargé que de l'examen de la partie supérieure du tronc, de celle qui avait été exhumée au bout de quinze jours. ip La division du cadavre en deux par- ties a dû et n'a pu être faite que par un instrument tranchant ; 2° cet instrument n'a dû et n'a pu être con- duit que par une puissance intelligente : en comparant entre elles les sections antérieure et postérieure du tronc, on peut penser que les premiers coups ont été portés en avant, et que Beaujouin est tombé sous les coups multipliés qui lui ont ouvert le ventre : la sépa- ration de la colonne épinière dans le fibro-cartilage intervertébral, de préférence au corps enfoncé de la vertèbre, suppose de la part de l'assassin ou des con- naissances anatomiques, ou l'habitude de semblables désarticulations. Versé dans la connaissance de Forga nisation, l'homme de Fart eût désarticulé la colonne épinière en coupant les ligamens vertébraux. Habitué par état à de telles séparations, l'assassin, ignorant les moyens d'inciser des vertèbres entre elles, a trouvé plus prompt et plus simple de couper les apophyses ar- ticulaires, à la manière des bouchers. C'est donc parti- culièrement sur cette classe d'hommes que doivent se diriger les regards de la justice. Quelque temps après ce rapport, la vindicte publi- que dénonça hautement le nommé Simoine., boucher à Saint-Cleiment-des-Levées, comme auteur de l'assassi- nat; un procès criminel fut mtenté contre lui, et il fut condamné à mort. (Méditations sur la chirurgie-pra- tique, par le docteur Ouvrard; Paris, 1828, page 204.' DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 341 ORSERVATION 3e (l). Le 25 mars 1822, je fus appelé à la chambre d'ins- truction du tribunal d'Amiens ; on me demanda s'il se- rait possible de retrouver les traces d'un délit sur un cadavre, d'un meurtre sur une femme enterrée de- puis huit à neuf mois. Je répondis que, si le délit s'é- tait commis sur les parties dures, il serait très-recon- naissable. Je n'avais point alors d'idées bien fixes sur la conservation des parties molles, après une aussi longue inhumation. Je reçus ordre de me rendre en la commune de Folée-Condé , canton de Picquigny, arrondissement d'Amiens. On procéda devant le juge de paix du can- ton , et en ma présence, à l'exhumation d'une fille âgée de soixante-dix à soixante-douze ans, qui avait dû être d'une forte organisation lors de sa mort, arri- vée en juillet 1821, dans la saison la plus chaude de l'année. Le cadavre était enterré dans un endroit élevé, dans un sol argileux. Quand il fut apporté au jour, je fus frappé de la conservation des parties en général ; il n'avait point été ouvert. Trouvé à l'époque de la mort dans une cave, couché sur le ventre, et couvert d'un tonneau de grande capacité, mais vide, un officier de santé avait déclaré au juge de paix que le sujet avait été (1) Communiquée par le docteur Routier, médecin à Amiens. 34^ TRAITÉ étouffé par le tonneau , et on ne fît point d'autres re- cherches. Les chairs étaient fermes, la peau en général aussi ; il y avait quelques ecchymoses bien prononcées aux pommettes, au bord des lèvres, à la partie postérieure du col; là, Fépiderme était détaché, mais le derme n'était point en putrilage. Les muscles étaient rouges, fermes, bien distincts. A la tête, les cheveux étaient adherens partout, excepté à la partie postérieure du crâne : sur toute l'étendue du tendon de l'occipital, il y avait une tuméfaction et une mollesse bien marquées; une fluctuation manifeste et la crépitation des pièces osseuses de cette région, firent soupçonner une lésion grave. En effet, un coup de scalpel ayant divisé les tégu- mens putréfiés dans cet endroit seulement, laissa voir une large fracture avec enfoncement de l'os dans le cervelet. La portion d'os déprimée était carrée, et de deux pouces environ de diamètre ; elle comprenait la protubérance occipitale externe; complètement isolée du reste du crâne, elle avait pénétré dans la substance du cervelet après avoir déchiré les méninges. Le cerve- let était réduit dans ce lieu à un état de putrilage mêlé de sanie purulente et sanguinolente. Cette disposition contrastait singulièrement avec celle du cerveau, qui, dans toutes ses parties , se trouvait comme dans l'état sain et de mort récente , offrant sa fermeté naturelle et son odeur propre. Il a été reconnu que la victime avait été assommée avec le dos ou la partie postérieure d'une hache. La DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 343 pièce osseuse enfoncée dans le cervelet, s'est trouvée en correspondance avec la force de l'instrument vul- nérant, lequel saisi chez le meurtrier, teint de sang et imprégné de cheveux, a porté l'évidence du crime dont il se déclara être l'auteur. Il a été procédé à l'ouverture des cavités thoracique et abdominale. Les viscères y étaient dans un parfait état de conservation ; on a pu juger qu'ils étaient, en général, dans l'état sain lors de la mort, n'offrant au- cun vice organique , aucun état morbide. Les pou- mons étaient gorgés d'un sang veineux, noir, dont les qualités physiques pouvaient bien encore se ren- contrer. Le ventricule pulmonaire du cœur contenait aussi du sang veineux. Pour l'estomac, il était d'une conservation parfaite , ne présentant aucune trace de désordre inflammatoire, d'induration ou autre cas mor- bide ; il contenait une assez grande quantité d'un fluide épais, qu'à ses qualités physiques, à son odeur sur- tout, on pouvait encore reconnaître pour un mé- lange de matières alibiles, en partie arrivées à l'état chymeux. OBSERVATION 4*'* Nous soussignés, docteurs en médecine , etc., en vertu d'une ordonnance de M. Delahaye l'aîné, juge d'instruction près le tribunal de la Seine, nou-s sommes transportés le 23 mai 1829, à six heures du matin , au cimetière du Père La Chaise, à l'effet d'as- sister à l'exhumation du cadavre d'un enfant inhumé depuis le mois de décembre 1828, de procéder, en J^4 TRAITE présence du magistrat instructeur, de M. le substitut du procureur du roi, et de l'inculpé Bouquet, père de l'enfant, à l'autopsie dudit cadavre, de faire toutes les recherches nécessaires pour constater à quelles causes on doit attribuer la mort, et notamment si elle ne se- rait pas due à un empoisonnement, et s'il n'existerait pas clans le canal digestif quelques corps étrangers. La bière ayant été retirée de la fosse en notre pré- sence , nous l'avons fait placer sur une table en plein air. Cette bière avait éprouvé des altérations assez remarquables. Nous l'avons ouverte, et à son ouver- ture une odeur putride des plus fortes s'est fait sentir: nous avons combattu cette odeur presque insuppor- table par quelques aspersions d'eau chlorée. Le drap qui avait servi à ensevelir l'enfant était pourri. Après en avoir enlevé les lambeaux qui res- taient, et mis le cadavre à nu, nous avons reconnu, à quelques vestiges de l'urètre et du scrotum, qu'il était celui d'un enfant mâle, et à sa taille, qu'il pouvait être âgé de huit à dix mois. Le cadavre était affaissé et peu volumineux. La peau du crâne et une très-grande partie de celle de la face étaient détruites par la putréfaction, et laissaient les os à nu. La putréfaction avait aussi détruit presque en entier la peau et les muscles de la partie antérieure de la poitrine,de telle sorte, que cette cavité était ouverte. ' La peau de l'abdomen, jusqu'au-dessus de l'épi- gastre, était intacte; celle de la partie antérieure du corps avait la couleur du bistre, et celle de la partie postérieure était d'un brun-rougeâlrc. DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 345 Les mâchoires étaient garnies de quelques dents; mais nous ne savons pas si la. pousse de celles-ci a^vait eu lieu pendant la vie, ou bien si elles n'étaient appa- rentes que par suite de la destruction des gencives. Il n'existait plus des cheveux et des ongles que quelques débris. Les organes contenus dans la poitrine étaient réduits en une sorte de putrilage d'un gris rougeâtre, d'un très-petit volume. Tout était confondu, et on remar- quait à peine quelques vestiges des"poumons. Ouverture de l'abdomen. Comme dans la poitrine, il n'y avait dans cette cavité, à la place des viscères, qu'un très-petit volume de putrilage d'une couleur rouge, et situé de chaque côté de la colonne vertébrale. Dans le flanc droit, immédiatement sous la peau, nous avons trouvé une épingle ordinaire, dont la pointe était tournée vers l'extérieur du corps. Nous en avons trouvé une autre, entre les troisième et quatrième fausses côtes du côté gauche, ayant la même longueur et la pointe également dirigée vers l'extérieur du corps. Malgré toutes nos recherches, nous n'avons trouvé que ces deux corps étrangers. Nous avons recueilli avec le plus grand soin tout ce qui était contenu dans la cavité abdominale, puis nous l'avons renfermé dans un vase, pour être soumis à une analyse chimique qui fera l'objet d'un rapport particulier. On nous avait parlé d'une hydrocéphale comme étant la cause de la mort de l'enfant Bouquet. Nous avons examiné avec le plus grand soin le cerveau; 346 TRAITÉ mais il était si diffluent, et ses enveloppes tellement altérées, qu'il nous a été impossible de rien recon- naître. L'enfant n'était probablement pas atteint de ce qu'on appelle hydrocéphale interne chronique,qui com- mence souvent avec la naissance, puisque nous n'a- vons reconnu ni grosseur extraordinaire de la tête, ni écartement des sutures, ni amincissement des os du crâne. Pour nous assurer si des épingles ne s'étaient pas engagées dans la peau des membres et du tronc, et enfin dans toutes les parties qui n'avaient pas été dé- truites par la putréfaction, nous avons fait de nom- breuses incisions qui n'ont rien produit; elles nous ont fait seulement reconnaître que toutes ces parties avaient éprouvé la saponification. Après avoir terminé toutes nos opérations, nous nous sommes retirés et avons rédigé le présent procès- verbal. ( Marc et Denis. ) Paris, 25 mai 1829. L'analyse des matières a été faite par MM. Marc, Chevallier et Denis, en présence de M. le juge d'ins- truction et de l'inculpé Bouquet, et il n'a été trouvé dans ces matières aucune substance vénéneuse. OBSERVATION 5e. Nous soussignés, docteurs en médecine de la Fa- culté de Paris, domiciliés à Versailles, nous sommes transportés, le 29 juillet 1828, en vertu d'un réquisi- toire de M. le juge d'instruction du tribunal de pre- DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 347 mière instance, séant à Versailles, à l'effet de procéder à l'exhumation d'os trouvés enfouis dans une cave, et de reconnaître : i°. si les os dont il s'agit appartiennent à l'espèce humaine ; 2°. s'ils sont ceux d'un homme ou d'une femme; 3°. depuis combien de temps ils ont été inhumés; 4°- la taille du corps auquel ils appartien- nent; 5°. son âge, et autant que possible son signale- ment ; 6°. enfin, de déterminer le genre de mort à la- quelle il a dû succomber. Nous avons trouvé, en arrivant, M. le juge d'instruction et M. le procureur du roi, assistés du maire de l'endroit et du juge de paix d'Ar- genteuil, en présence desquels, après avoir prêté le serment voulu par la loi, nous nous sommes livrés à l'examen dont nous consignons ici les détails. Nous nous sommes rendus, accompagnés de ces magistrats, à une cave séparée par une cour peu spa- cieuse, de la maison qu'habitaient les deux frères Gué- rin. Là, M. le juge de paix d'Argenleuil ayant levé en notre présence les scellés apposés depuis quelques jours sur la porte et le soupirail de ladite cave , nous y sommes descendus et nous en avons examiné le sol qui est composé d'un terrain argileux-calcaire, blan- châtre , gras et humide. Nous avons trouvé entre le pied de l'escalier et le mur du fond de cette cave, dont le cintre est assez élevé , un espace d'environ six pieds et demi; le sol à cet endroit était affaissé de deux pouces et demi dans l'étendue de cinq pieds : le centre de cet affaissement était creusé à neuf pouces de profondeur par un trou large de deux pieds et demi, et long de dix-huit pouces, sur le bord duquel >48 TRAlli: se trouvaient déposés quatre côtes sternales gauches, l'humérus du même côté, les quatre os qui constituent les deux avant-bras, et le second métacarpien gauche. Ce trou communiquait à une excavation en forme de voûte, qui s'était moulée sur la poitrine et le bas- ventre , dont les parties molles , détruites et transfor- mées en une couche peu épaisse d'un terreau noirâtre qu'on apercevait au fond, avaient laissé une cavité qui a mis à découvert, par son éboulement, le point où ces parties avaient été inhumées. Toute la portion iliaque de l'os de la hanche gauche ressortait au mi- lieu d'une terre noire, grasse et pâteuse ; aucune odeur de putréfaction ne se manifestait ; ceHe qui résulte des produits de la moisissure était seule remarquable. Nous avons procédé avec soin à l'enlèvement des premières couches du sol, et toutes les parties qui se trouvaient aux environs des os ont été retirées, soit à l'aide d'une petite pelle à feu, soit à l'aide d'un couteau de table et de la main. Alors nous sommes arrivés à une espèce de terreau noir, savonneux, gras et hu- mide, faisant éprouver entre les doigts la sensation que produit la terre glaise imprégnée d'eau. Une assez grande quantité de poils blonds frisés, mélangés et agglomérés dans l'espace de quelques pouces à ce ter- reau, nous ont indiqué, en avant des os pubis et dans l'intervalle des ischyons, l'endroit occupé par les par- ties génitales et l'anus. Nous parvînmes ainsi à mettre à découvert dans toutes ses parties un squelette humain dont les pieds étaient tournés vers l'escalier, et la tête vers le mur DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. .\^9 qui forme le fond de la cave. La fosse qui le contenait avait au plus dix-huit pouces de profondeur; le sque- lette y était placé légèrement,incliné sur le côté droit, le dos tourné parallèlement au mur latéral ; de sorte que, toute sa partie gauche occupait le point le plus saillant, et était recouverte à peine par quatre pouces de terre, tandis que tout le côté droit se trouvait le plus profondément enfoui. Cette position oblique ex- plique pourquoi l'humérus gauche et quelques côtes du même côté sont les parties qui se sont offertes les premières à celui auquel le hasard a découvert l'en- fouissement de ces os. Le sternum et l'appendice xy- phoïde étaient séparés des cartilages costaux, desquels nous n'avons rien retrouvé, et occupaient la partie antérieure des vertèbres correspondantes. La colonne vertébrale avait conservé tous ses rapports depuis la tête jusqu'au sacrum. Nous avons trouvé les deux ge- noux assez fortement portés dans l'adduction, pour que les rotules se correspondissent par leurs faces antérieures. Les os de la jambe avaient conservé tous leurs rapports, et étaient enveloppés vers le tiers infé; rieur par deux guêtres d'une étoffe de laine qui nous sembla être du drap; leurs deux dessous de pieds, de cuir, n'avaient éprouvé aucune altération. Une assez grande quantité de poils courts et blonds adhérait sur les parties de ces guêtres qui avaient été en contact avec la peau de laquelle nous n'avons retrouvé au- cun reste. Voulant nous assurer de la taille de ce squelette qui se présentait à nous dans son état d'allongement natu- 35û TRAITÉ rel, nous l'avons mesuré à différentes reprises, du sommet de la tête à la face inférieure du calcanéum , et nous avons eu pour résultat quatre pieds onze pouces et demi. N'ayantplus rien à examinerrelativementàl'ensemble et à la position de ce squelette dans la fosse, nous en avons retiré les différentes parties. Le crâne était en- touré dans toute son étendue par une assez grande quantité de cheveux d'un blond cendré dont la lon- gueur moyenne est de trois pouces. La mâchoire infé- rieure, largement écartée de la supérieure, reposait par sa base sur les vertèbres cervicales. Le corps de l'os hyoïde, séparé de ses branches, a été retrouvé à cet endroit. La tête, extraite de sa position, nous pré- senta : i° une fracture complète de l'apophyse zigo- matique droite, qui en était séparée, et qui n'a pu être retrouvée ; 2° plusieurs fêlures à bords plus ou moins écartés, occupant les deux régions temporo-parié- tales, et se continuant à la base du crâne, en passant par les conduits auditifs; 3° nous reconnûmes en outre, et d'une manière très-distincte, sur la région temporo-pariétale droite, et dans les fosses temporale et zigomatique du même côté, des taches d'un rouge encore assez vif, qui nous parurent être le résultat de sang desséché et conservé dans cet état par les che- veux dont il était recouvert. L'un de nous, en cher- chant à retirer l'omoplate droite, rencontra auprès de cet os les restes d'une boucle de fer fortement oxydée, en contact avec un morceau de peau, renfermé lui- même au milieu d'un tissu de toile pénétré de rouille. DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 351 Ces differens objets nous semblent avoir fait partie d'une bretelle. Nous retirâmes ensuite avec soin tous les os qu'il nous fut possible de rencontrer, et comme le lieu et le temps ne permettaient pas que nous pus- sions nous livrer à leur examen minutieux, nous mîmes dans un sac particulier, scellé du cachet de la commune, la tête qui fut emportée par nous avec le plus grand soin. Un autre sac reçut les autres pièces osseuses, qui furent également cachetées et déposées au cabinet de M. le juge d'instruction. Désirant apprécier à quel degré de décomposition étaient passées les parties molles, nous continuâmes nos recherches," et nous retirâmes, outre le terreau dont nous avons parlé, de larges plaques d'une ma- tière grasse, savonneuse, occupant le fond de la fosse, et couverte aux endroits qui correspondaient aux omoplates, de quelques débris d'un linge grossier, qui nous semblent indiquer que le cadavre avait sa che- mise lorsqu'il a été inhumé. Au milieu de ces produits de la décomposition, on rencontrait quelques débris plus secs, plus consistons, qui se présentaient quel- quefois par plaques assez résistantes, d'un blanc jau- nâtre , d'un aspect fibreux, à lames disposées par cou- ches , que nous considérâmes comme les détritus des ligamens intervertébraux, ainsi que des parties ten- dineuses et aponévrotiques. Les os, à leurs parties aux- quelles correspondaient les fortes masses charnues, étaient recouverts par une espèce de terreau mou, comme spongieux, d'un brun noirâtre, dans lequel on reconnaissait quelques restes d'organisation fibreuse. 352 TRAITÉ Ce terreau, qui adhérait faiblement à leur tissu com- pacte, était évidemment le résultat de la décomposi- tion des muscles. Nous bornâmes à ces recherches locales la pre- mière partie de notre opération, et le vendredi, pre- mier août 1828, en présence du juge d'instruction et du ministère public, nous procédâmes à un examen plus détaillé des différentes pièces osseuses qui étaient à notre disposition. Nous avons en conséquence remis en position tous les os qui ont été retirés de la terre, afin de les apprécier dans les rapports qu'ils ont entre eux, et de les examiner isolément dans leurs détails. La colonne vertébrale est complète; le corps de la cinquième vertèbre lombaire, déprimé et moins épais à droite, indique qu'à une époque que nous ne pou- vons pas assigner, cet os a subi cette espèce d'altéra- tion dans le rachitisme. Les côtes sont parfaitement intactes; la onzième du côté droit n'a pas été retrou- vée. Les trois pièces du sternum existent et ne sont nullement soudées entre elles. Le bassin, dont le détroit supérieur est moins large à gauche qu'à droite, présente dans les détails et dans l'ensemble des os qui le constituent, tous les indices qui se rapportent au sexe masculin. Ainsi, le peu d'é- vasement et la profondeur de cette cavité osseuse, comparés au peu de largeur de ses détroits, le rappro- chement plus grand des tubérosités ischyatiques, la forme ovale des trous sous-pubiens, la hauteur des pubis et le peu de largeur de leur arcade, les fosses iliaques plus profondes, les cavités cotyloïdes plus DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 353 creuses et plus rapprochées de l'axe du corps, etc.; tous ces caractères enfin, comparés à ceux que pré- sentent les mêmes parties osseuses chez la femme, mettent hors de doute que le bassin dont il s'agit est celui d'un homme. Le coccyx manque. Les fémurs n'offrent rien de remarquable ; nous ne possédons que la rotule gauche. Les deux tibias présentent une con- formation vicieuse, due à la même cause dont nous avons assigné Faction sur la cinquième vertèbre lom- baire et sur le bassin. Ces deux os ont dû éprouver un ramollissement qui a produit dans leur tiers supé- rieur une courbure déterminée par la pression exer- cée sur eux par le poids du corps; la courbure dont nous parlons, légère et assez peu remarquable sur les os de la jambe droite, est très-prononcée sur ceux de la gauche. Le tibia gauche présente dans son tiers su- périeur une courbure considérable, dont la concavité répond en dedans et en dehors. Le péroné est recourbé dans le même sens. Il résulte de cette conformation anormale un raccourcissement de six lignes dans la longueur de ces os, soit qu'on les mesure réunis au tarse, soit qu'on les mesure isolément. La clavicule gauche est de quatre lignes plus courte que la droite ; même différence existe pour l'humérus gauche comparé à celui du côté droit. En général, les os ont acquis tous les développe- mens qu'ils présentent dans l'âge adulte; leurs émi- nences d'insertion et leurs courbures naturelles sont fortement prononcées. Toutes les épiphyses sont en- 354 TRAITÉ tièrement soudées, et ne laissent sur aucun os la moindre trace de séparation. Les sutures, encore apparentes, ne sont nullement soudées ; leurs engrenures ont peu de profondeur; on voit de chaque côté de la suture coronale un os wor- mien de quatre lignes de diamètre, qui correspond à la partie moyenne du bord antérieur de chacun des deux pariétaux. La suture lambdoïde, dont les dentelures sont très-alongées, est formée par onze petits os wor- miens d'un diamètre variable. L'occipital est entière- ment soudé au corps du sphénoïde. Les traces d'union des os de la face sont encore très-distinctes. Il existe seize dents à la mâchoire supérieure; les deux dents de sagesse sont au niveau de leurs alvéoles, et devaient être cachées par les gencives. Les deux in- cisives externes offrent, conjointement avec les ca- nines qui leur sont contiguës, une perte de substance, d'où résulte dans leur émail une échancrure demi-cir- culaire, produite par leur frottement souvent répété contre un corps dur, que nous croyons devoir être le tuyau d'une pipe de terre. La mâchoire inférieure pré- sente dans la disposition de ses dents quelques particu- larités qui peuvent donner des caractères d'identité remarquables. Trois incisives assez grêles restent en- core; deux sont intactes; celle qui avoisine la canine gauche est plus mince que les autres ; sa couronne est presque détruite par un point de carie apparent seule- ment en arrière, mais ayant diminué son niveau de plus d'une demi-ligne; on ne retrouve dans l'os au- DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 355 cune trace de la quatrième. Deux canines très-fortes chevauchent sur les dernières incisives, et forment en avant une saillie assez considérable. Nous retrouvons à cette mâchoire , entre ces dernières dents et les pe- tites molaires, l'échancrure inférieure qui complette par l'usure de ces dents, conjointement avec les supé- rieures correspondantes, l'ouverture circulaire dont nous avons déjà parlé, et qui nous a paru devoir ré- sulter de l'usage de la pipe. La seconde petite molaire gauche, détruite en partie par la carie, laisse entre elle et la première grosse molaire une échancrure assez considérable ; la deuxième grosse molaire gauche a été extraite.^La dent de sagesse droite est entière- ment sortie; la gauche est encore dans son alvéole. Il nous reste maintenant à décrire l'étendue, le nombre et la direction des fractures que nous n'avons fait qu'indiquer, lorsque la tête a été retirée de terre. A la réunion des portions écailleuse et mastoïdienne de chacun des deux temporaux, existe une large fente qui produit à droite un écartement d'une demi-ligne, et s'étend de la partie antérieure du conduit auditif à l'angle dans lequel est reçu l'angle inférieur et posté- rieur du pariétal sur lequel elle se continue, en se portant en haut et en arrière où elle se termine, en décrivant une ligne courbe dans la suture sagittale, à sa jonction avec l'angle supérieur de l'occipital. La suture écailleuse du temporal est disjointe, et au-dessus d'elle se trouve à un pouce une petite fêlure qui, de la fente dont on vient de parler, se porte en avant et en bas sur le pariétal en gagnant son bord inférieur. 23. 356' TRAITÉ L'apophyse zygomatique de ce côté est rompue de sa base à son sommet qui a été désarticulé d'avec l'os de la pommette. Dans la fosse temporale, une fêlure oc- cupe la grande aile du sphénoïde, depuis le temporal jusqu'à l'apophyse orbitaire de l'os malaire, en suivant la direction, et à six lignes environ de son point d'union avec le coronal ; la portion de la grande aile du sphé- noïde qui s'articule avec l'apophyse orbitaire de l'os de la pommette, est disjointe et enfoncée vers l'orbite. La région temporo-pariétale gauche est le siège de fractures plus larges, plus nombreuses et plus éten- dues; ces fractures vont, en quelque sorte, en se rami- fiant du conduit auditif, qui est largement fendu, à toute la région pariétale. Ainsi, une seule fente à bords écartés monte de la partie la plus reculée de ce con - duit, et divise perpendiculairement la portion écail- leuse à la réunion de ses quatre cinquièmes antérieurs avec son cinquième postérieur; elle se jette dans la suture écailleuse, se confond avec elle, reparaît ensuite deux lignes en avant, présentant le même écartement, et monte, toujours verticalement, dans l'étendue d'un pouce, sur le tiers antérieur du pariétal, où elle se bi- furque. De cette bifurcation, une fente moins écartée s'avance en montant sur le pariétal jusqu'à la suture frontale, qu'elle traverse pour se terminer sur l'os fron- tal. A dix lignes au-dessous d'elle, une fêlure secon- daire se dirige parallèlement à la première sur la suture frontale, et circonscrit ainsi dans le pariétal une esquille quadrilatère jointe imparfaitement à l'os. La branche postérieure de cette bifurcation n'est autre DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. ÔOJ chose que la continuation de la fente principale, avec laquelle elle forme en arrière un angle droit, d'où se détache imparfaitement du corps de l'os une petite esquille quadrilatère de trois lignes. Cette fente dégé- nère bientôt en une fêlure qui continue à se porter en arrière en décrivant une ligne courbe, jusqu'à la bosse pariétale, d'où part une nouvelle bifurcation dont la branche supérieure va en diminuant, et s'ar- rête dans la suture sagittale à deux pouces et demi de l'occipital, tandis que l'inférieure offre une fêlure longue d'un pouce et demi, qui se porte un peu en bas et se termine dans le pariétal. Nous allons maintenant reprendre les fractures au- près des conduits auditifs, et les suivre dans les dé- sordres qu'elles ont produits à la base du crâne, sous laquelle elles forment un V, dont la pointe serait à larticulation sphénoïdo-ethmoïdale et les extrémités de chaque branche aux deux conduits auditifs qui nous ont servi de points de départ, dans l'examen que nous en avons fait de chaque côté de la boîte osseuse. La fracture droite divise l'entrée du conduit auditif dans la direction d'une ligne qui, de la base de l'apophyse mastoïde, irait à la fissure glénoïdale, en suivant la direction du bord antérieur du rocher, où elle produit un écartement d'une demi-ligne, qui di- vise exactement à cet endroit la portion pierreuse de la portion écailleuse; cette fracture continue à marcher en avant et en dedans, traverse les trous sphéno-épi- neux et maxillaire inférieur, divise le bord de l'aile externe de l'apophyse ptérigoïde dan& son tiers supé- 358 TRAITÉ rieur, reparaît au fond de la fosse du même nom, et gagne son aile interne, redescend sur le corps du sphé- noïde qu'elle brise transversalement dans son articu- lation avec Fethmoïde; de là, elle revient du côté opposé, en divisant obliquement le womer près de son bord supérieur, sépare l'aile gauche du sphénoïde, du corps de cet os, dans la direction de la rainure qui reçoit le womer, se jette dans le trou déchiré anté- rieur, reparaît entre le bord antérieur du rocher et la portion écailleuse, et se termine enfin au conduit auditif gauche, après avoir traversé la fosse glénoïde, dans la direction de la fissure, derrière laquelle une esquille pyramidale détachée du reste de l'os inter- rompt par sa base, dans l'étendue de deux lignes, la racine de l'apophyse zygomatique, qui concourt à for- mer l'orifice de ce conduit. Lei divers points d'union qui existent entre l'occi- pital et les temporaux ont été fortement ébranlés, et présentent un léger écartement. De tous les faits qui précèdent, il résulte pour nous: i°. Que le squelette dont il s'agit appartient à l'es- pèce humaine. 2°. Qu'il est du sexe masculin. 3°. Que sa taille est d'environ cinq pieds. 4°. Que, d'après l'état avancé de l'ossification, il a dépassé vingt-cinq ans; mais qu'il nous est impossible de préciser au juste, d'après l'examen des os, l'âge que devait avoir l'individu auquel ils appartiennent, at- tendu que ces organes n'offrent, à cette époque de leur développement, aucun caractère assez tranché DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 35g pour que nous puissions nous prononcer plus affirma- tivement; que cependant, d'après l'état des sutures et particulièrement des dents, on peut présumer que ce squelette, qui est celui d'un adulte, n'avait pas atteint cinquante ans; 5°. Que, d'après la couleur des cheveux et des poils, la conformation des os du bassin, la déviation de la cinquième vertèbre lombaire , la courbure des os des deux jambes, et particulièrement de ceux de la gauche qui est de six lignes plus courte que l'autre, cet indi- vidu a été rachitique dans son enfance, et qu'il devait, sinon boiter, du rnoins feindre de l'extrémité infé- rieure gauche, 6°. Que toutes les fractures signalées à la tête sont le résultat de violences extérieures exercées sur les parois du crâne, au moyen d'un instrument conton- dant à large surface; qu'elles ont été faites pendant la vie, ce qui paraît démontré par les taches de sang que nous avons pu encore reconnaître sur l'os de la pom- mette droite, sur le temporal et au sommet de la fosse zygomatique du même côté ; que le nombre de ces fractures, leur grande étendue, leur siège, nous auto- risent à établir que la mort a dû suivre immédiatement les blessures, par suite delà violente commotion qui a été communiquée au cerveau. 7°. Que le gissement de ce squelette dans sa fosse, particulièrement la position des avant-bras-et des mains qui ont dû être fléchis et croisés sur la poitrine, indi- quent qu'on a dû inhumer le cadavre avant que la rigi- dité se fût emparée de lui. 36*0 TRA1IE 8°. Enfin, que, d'après l'aspect des parties molles entièrement passées au gras et réduites à une espèce de savon animal, l'absence de tout gaz fétide, d'après la nature et l'humidité du sol qui les renfermait, cette transformation a dû arriver plus rapidement que dans un milieu plus sec, et a pu s'effectuer dans l'espace de deux à trois ans au plus. Fait à Versailles, le Ier août 1828. Signé, Laurent, Noble et Vitry. OBSERVATION 6". Un Piémontais nommé Bonino, ancien militaire, âgé de quarante-six ans, s'était retiré dans un village situé aux environs de Montpellier. En 1823 il dispa- rut, et le bruit se répandit qu'il était allé en Espagne; mais bientôt une rumeur sourde prétendit qu'il avait été assassiné par une fille avec laquelle il avait vécu en concubinage, et par un nommé Dimont, que l'on sa- vait être depuis long-temps d'intelligence avec elle, et qui, en effet, l'avait épousée neuf mois après la dis- parition de Bonino. Cependant plus de deux ans s'é- coulèrent encore, et ce ne fut qu'en 1826 que la jus- tice, informée des bruits qui s'étaient répandus, fit des recherches, et trouva un cadavre dans le jardin de celui-là même qui était soupçonné. Il était nécessaire d'abord de savoir si ce cadavre était celui de Bonino, qu'une circonstance particulière devait faire recon- DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 361 naître, savoir, un sixième doigt à la main droite, et un autre au pied gauche. Nous nous rendîmes le 3o avril 1826 à la commune de Sussargues, pour procédera l'exhumation d'un ca- davre découvert dans un jardin. Un soulier, que l'on avait retiré de la terre en faisant des fouilles, avait in- diqué le lieu où gissait la victime de l'assassinat dont la justice cherchait les traces. Ce fut aussi sur ce lieu que nous dirigeâmes nos recherches. La terre enlevée, nous trouvâmes,à dix-huit pouces de profondeur, un squelette humain gissantsurle dos. La tête, placée au nord, était légèrement fléchie en avant, la mâchoire inférieure était écartée de la supé- rieure. Les avant-bras se croisaient sur la poitrine, de manière que le droit passait un peu sur le gauche. Les côtes, dessinant encore le thorax, étaient séparées du sternum , que nous trouvâmes appliqué sur les vertè- bres qui lui correspondent. Des poils noirs et un bou- ton de métal étaient implantés dans unematière terreuse et humide qui recouvrait la face antérieure du sternum. La colone vertébrale, nullement interrompue, avait conservé ses rapports avec la tête et le bassin. Les ex- trémités inférieures, alongées et sur le même plan que le tronc, suivaient la direction de l'axe du corps, et se rapprochaient inférieurement. Le pied droit, le seul que nous ayons vu en place, était encore dans le sou- lier, un peu fléchi sur la jambe et incliné sur son bord externe; le gauche avait été enlevé avec le soulier, dans lequel nous n'en trouvâmes qu'une partie. La tête, retirée de sa position , était sèche dans la 362 TRAITÉ région frontale, tandis que la région occipitale était encore humide et comme lubrifiée par une substance graisseuse , au milieu de laquelle nous trouvâmes des cheveux noirs. Examinée avec attention, elle nous of- frit , à l'angle orbitaire externe droit, une difformité résultant d'une lésion bien antérieure à la mort, puis- que la nature en avait opéré la guérison : ce qui nous fit penser qu'il avait pu exister une cicatrice dans cette partie. Une autre lésion de l'os existait au côté gauche du coronal, mais paraissait très-ancienne. Le temporal gauche a surtout fixé notre attention ; sa portion écail- leuse, presque désarticulée d'avec le pariétal, était di- visée en trois portions, par trois fêlures qui partaient de la circonférence de l'os, et se réunissaient au-devant du conduit auditif externe, et à une quatrième qui, contournant la base de l'apophyse zygomatique, se ter- minait à la fente glénoïdale. La forme de cette fracture, l'intégrité de l'arcade zygomatique et de l'apophyse mastoïde, nous font dire qu'elle a été faite par un ins- trument contondant à petite surface. D'après l'absence de tout travail de la nature pour la guérison, d'après Fécartement des pièces osseuses et le suintement qui se faisait par les divers points de la fracture, nous pen- sons qu'elle a eu lieu dans un temps très-rapproché de la mort. Nous ajoutons même que les désordres que nous avons observés sont le résultat d'un coup vio- lent, qui a dû nécessairement amener une commotion cérébrale telle, que, sans tenir compte des autres ac- cidens, l'individu qui Fa reçu a dû être mis à l'instant même hors de défense et privé de l'usage de ses sens. DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 363 Les souliers dans lesquels nous avons trouvé les os du pied, quelques morceaux d étoffe enveloppant les vertèbres du cou, des boutons en bois et en métal, un couteau dont la lame était repliée dans le manche, trouvé à la partie gauche de la poitrine, quelques frag- mens de drap et de velours, nous font croire que le ca- davre avait été enseveli couvert au moins d'une partie de ses vêtemens. Quoique le temps nécessaire pour la décomposition complète d'un cadavre varie beaucoup, et qu'on ne puisse à cet égard établir aucune règle positive, puis- que les climats, l'humidité plus ou moins grande des terrains, le plus ou moins de profondeur des fosses, et une infinité d'autres circonstances relatives à l'état et au tempérament des individus, établissent des diffé- rences remarquables, nous avons pourtant cherché à déterminer depuis combien de temps le squelette que nous examinions avait été enseveli. L'opinion la plus générale est que, dans un climat tempéré, lorsque aucune circonstance particulière ne hâte ou ne retarde la décomposition, elle est complète dans Fespace de trois ou quatre années. En rapprochant l'état dans le- quel nous avons trouvé les parties lors de l'exhuma- tion, de ce qui a été dit à ce sujet, nous croyons pou- voir avancer qu'il y a trois ans et demi environ que le cadavre a été enseveli. Nous avons remarqué, en effet, ce que quelques auteurs signalent arrivant dans la troi- sième période, qui commence après la troisième année, les produits gazeux entièrement disparus, l'odeur fétide remplacée par une odeur de moisissure, et seulement 364 TRAITÉ un reste de matière terreuse, grasse, friable, brunâtre et noire. Les seules parties molles que nous ayons trouvées étaient des ligamens vertébraux qui, par leur compo- sition, se rapprochant le plus des os, devaient être aussi les derniers à disparaître. Comme ni les lieux ni le temps ne nous permettaient de faire un examen attentif des autres parties du sque- lette, nous enlevâmes nous-mêmes tous les os que nous pûmes trouver, et les mîmes dans un sac auquel fut ap- posé le sceau de la justice. Le cinquième jour du mois de mai, nous nous ren- dîmes au cabinet de M. le juge d'instruction pour con- tinuer l'examen des pièces osseuses que nous avions à notre disposition. Nous trouvâmes toutes les vertèbres, les côtes et les os du bassin, qui furent bientôt arti- culés. Voulant déterminer à quel sexe le squelette ap- partenait, nous examinâmes ces différentes parties, et la largeur des détroits, peu considérable, comparée à la profondeur du bassin, le détroit inférieur rétréci, cor- îliforme, et terminé en pointe en avant, disposition ipii tient à la direction des ischions qui, en descendant, convergent beaucoup l'un vers l'autre, la forme ovale et très-alongée des trous sous - pubiens, nous firent penser qu'il appartenait à un homme. Notre jugement fut confirmé par le peu d'écartement des branches des- cendant des pubis, qui avaient leur face antérieure dirigée en dehors, tandis que chez la femme elle est large et aplatie. Ces circonstances se trouvèrent en rapport avec la DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 365 longueur, la consistance et le développement des os. Le sexe étant reconnu, nous cherchâmes quel âge cet homme pouvait avoir. Le développement complet des os, celui des éminences auxquelles viennent s'at- tacher les muscles et celui des mâchoires; l'état des dents , qui étaient en nombre complet, à l'exception de la quatrième molaire droite de la mâchoire supé- rieure, dont la chute était très-ancienne, puisque la cavité alvéolaire était ossifiée, et que les dents voisines n'avaient pas changé de direction, quoique n'étant plus soutenues, nous ont amené à dire qu'il avait at- teint sa quarantième année. D'après le tableau compa- ratif fait par M. le professeur Sue, nous avons établi que sa tailie était de cinq pieds cinq pouces environ. Les extrémités, à l'exception de quelques os, étaient complètes, et nous articulâmes le pied droit, que nous avions conservé dans le soulier. Deux os sésamoïdes, que Fon rencontre ordinairement, furent les seuls sur- numéraires que nous trouvâmes. Le pied gauche ayant été enlevé en piochant, quelques os furent égarés. Nous n'avons trouvé que le calcanéum, l'astragale, le scaphoïde et le cuboïde, les cinq os du métatarse et trois phalanges, ce qui nous a mis dans l'impossibilité de l'articuler et de nous assurer s'il y avait quelque ano- malie. Ayant examinéisolément les os qui nous restaient, nous avons trouvé la tête du cinquième métatarsien arrondie, se prolongeant en dehors et présentant une petite surface articulaire, ce qui pouvait être l'effet d'une articulation surnuméraire; mais, n'ayant pas vu de quelle manière cet os s'articulait avec la première 366 TRAITÉ phalange, nous ne pouvons pas affirmer s'il y avait là un sixième doigt. A l'exception de quelques osselets du carpe, nous avons trouvé tous ceux qui composent la main droite. Le cinquième os du métacarpe droit a d'abord attiré notre attention : plus court et plus large que celui de l'autre main, il a présenté son extrémité phalàngienne séparée en deux parties, dont l'une, vraiment articu- laire, lisse, assez étroite, arrondie et proéminente, avait la direction de l'axe de l'os; tandis que l'autre, correspondant au bord cubital, formait avec lui un angle de huit degrés environ ; moins prolongée que la première, elle était aussi lisse, et présentait une sur- face articulaire qui n'en différait que par sa forme moins arrondie. Ayant cherché à articuler la première phalange du petit doigt, elle s'est exactement moulée sur la première tête articulaire, et a présenté, sur le bord correspondant à la seconde, une échancrure dont l'obliquité était en rapport avec la direction que nous avons assignée à cette deuxième surface. Cet examen des diverses parties du cinquième doigt ne nous laisse aucun doute sur la nature de l'anomalie qu'il présente : aussi croyons-nous pouvoir affirmer qu'il a dû néces- sairement exister un sixième doigt, quoique nous n'ayons pas retrouvé les pièces osseuses qui le compo- saient. La main gauche, dont nous avons trouvé tous les os, à l'exception de quelques osselets du carpe, n'a rien offert de particulier. ( Observation extraite des Ephémérides médicales de Montpellier. Septembre 1826.) DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. ÔOJ Les détails importans contenus dans ce procès-verbal ont conduit le docteur X*** à tirer un certain nombre de conclusions qui ne nous paraissent pas toutes éga- lement rigoureuses, et sur lesquelles nous croyons devoir fixer un instant l'attention du lecteur. « i° Le squelette dont nous avons fait l'exhumation , dit-il, était enseveli depuis trois ans à trois ans et demi, cou- vert de ses vêtemens. » — Quelles sont les expériences ou les observations dignes de foi, qui permettent d af- firmer qu'un cadavre est enseveli depuis trois ans ou trois ans et demi ? Nous avons vu qu'il est impossible de déterminer l'époque de l'inhumation, précisément à cause des différences d'état exposées dans le procès- verbal du docteur X***, et qui sont relatives à la cons- titution des individus, aux maladies auxquelles ils ont succombé, à leur âge, à la nature du terrain, etc. « Le corps, est-il dit dans les conclusions, était cou- vert de ses vêtemens, » tandis qu'il eût été plus exact de répéter ce qui avait été inséré dans le procès-verbal, « que le cadavre avait été enseveli couvert au moins d'une partie de ses vêtemens. — « 2° Ce squelette ap- partenait à un homme âgé de quarante à quarante-cinq ans environ, ayant la taille de cinq pieds cinq pouces. » Le procès-verbal ne contient aucun fait propre à éta- blir que l'individu dont il s'agit était plutôt âgé de quarante ans que de vingt-huit, de trente, de cin- quante-cinq. 11 y a plus, les pièces soumises à l'examen du docteur X*** n'étaient pas de nature à permettre la solution du problème : ceux des médecins qui ont étudié comparativement le squelette à differens âges, 368 TRAITÉ se rangeront aisément de notre avis. —3° Cet homme était sexdigitaire de la main droite ; le sixième doigt devait être placé à côté de l'auriculaire, et s'il exis- tait un doigt surnuméraire au pied, ce que nous ne pouvons affirmer, il devait être placé au pied gauche en dehors du petit doigt. » Cette conséquence découle rigoureusement des prémisses, et les recherches qui l'ont motivée font honneur à la sagacité du docteur X***. — « 4° ^a mort de cet homme a été le résultat d'un coup violent porté par un instrument conton- dant, qui a fracturé le temporal gauche. » 11 est dit en outre dans le procès-verbal : * D'après l'absence de tout travail de la nature pour la guérison, d'après l'é- cartement des pièces osseuses, et le suintement qui se faisait par les divers points de la fracture, etc. Pour faire sentir combien cette conclusion est hardie, nous supposerons pour un instant que le squelette dont il s'agit ne fût pas celui de Bonino, mais bien celui d'un individu qui aurait succombé à une affection de poi- trine ou de l'abdomen, et dont le cadavre aurait été maltraité ou lancé d'une certaine hauteur. Comment M. X*¥* s'est-il assuré que la fracture du temporal n'a- vait pas été faite après la mort, et que le suintement dont il parle était plutôt l'effet d'une violence exercée pendant la vie que de la putréfaction? Il n'ignore pas combien il est difficile de distinguer, même en ouvrant les cadavres encore frais, si des blessures ont été faites peu de temps avant ou après la mort. (Voyez nos expé- riences sur les blessures. ) Ces réflexions ne nous ont pas été inspirées pour DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 069 faire croire que le squelette exhumé par le docteur X*¥* n'était point celui de Bonino ; bien au con- traire , nous sommes convaincus, par ce qui est dit dans la troisième conclusion , et par ce qui a été établi aux débats, qu'il en est ainsi. Notre but a été,en nous livrant à la critique du procès verbal, de prouver qu'il n'était pas permis de fixer l'âge de l'individu, ni l'é- poque de la mort, ni de rie n affirmer sur la cause de cette mort. On sert mal la médecine légale en lui de- mandant plus qu'elle ne peut faire; et surtout on s'ex- pose à voir réfuter, avec quelque apparence de raison, pendant les débats judiciaires, un procès-verbal dont les conclusions pèchent sous plusieurs rapports, quoi- qu'au fond il puisse renfermer les preuves du fait qu'il s'agissait d'établir. (Méd. légale, tome 2e.) ARTICLE III. De futilité des exhumations juridiques dans les questions relatives à l'infanticide. Pour mieux apprécier les applications qui peuvent être faites de notre travail à l'histoire de l'infanticide, nous allons parcourir successivement la série des ques- tions qu'il importe de résoudre dans un cas médico- légal de ce genre. Nous savons qu'il faut : i° Déterminer quel est l'âgé de Venfant dont on a a. 24 3jO TRAITÉ trouvé le corps. Les données qui servent de base à la solution de ce problême étant à peu près indépen- dantes du milieu dans lequel le nouveau-né a été plongé , il est inutile d'insister sur ce premier point. 2°. Examiner si l'enfant n'était pas mort 'avant de sortir de l'utérus. On sait que les foetus âgés au moins de cinq mois, qui restent plusieurs jours ou plusieurs semaines dans la matrice après leur mort, éprouvent un genre d'altération caractérisé par la rougeur de la peau, du tissu cellulaire et de la plupart des vis- cères , parties dont plusieurs sont en même temps le siège d'une infiltration séro-sanguinolente. Or, des alté- rations semblables peuvent survenir chez des fœtus qui ont vécu, et dont les cadavres sont restés plus ou moins long-temps dans l'eau, dans la matière des fosses d'aisance, et surtout dans le fumier : d'où il résulte qu'il ne faudrait pas, comme cela a été fait jusqu'à présent, attacher à ces altérations une grande valeur, et juger seulement d'après elles, qu'un nouveau-né, retiré d'un de ces trois milieux, était ou n'était pas mort avant de naître ; ce serait le cas d'examiner atten- tivement les organes de la circulation et de la respi- ration. 3°. Etablir, dans le cas ou un enfant serait sorti vi- vant de l'utérus, s'il a vécu après ïaccouchement, ou s'il est mort en naissant. Parmi les changemens éprouvés par les poumons des nouveau-nés qui ont respiré , les plus importans sont sans contredit, l'augmentation de leur poids absolu et la diminution de leur poids spécifique; en général, ils se précipitent au fond de DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 371 Feau quand l'enfant n'a pas respiré, tandis qu'ils sur- nagent si la respiration a eu lieu. Eh bien ! il peut ar- river que des poumons de fœtus morts-nés, dont les cadavres sont restés long-temps dans l'eau ou dans la matière des fosses d'aisance, au lieu de se précipiter, surnagent en totalité ou en partie, lorsque, par suite de la putréfaction, la peau du thorax aura été réduite en lambeaux, et que les poumons auront été en con- tact immédiat avec le liquide. D'une autre part, nous ayons souvent vu des poumons d'enfans qui avaient vécu, et dont les cadavres s'étaient pourris dans les mêmes milieux, ne plus nager sur l'eau et se précipiter au fond, quand on les exprimait sous le liquide pour en faire dégager les gaz développés par la putréfac- tion : c'est qu'alors la décomposition putride avait été portée au point que les cellules bronchiques étaient dé- truites et ne renfermaient plus l'air inspiré. L'expert devra donc se tenir sur ses gardes, dans des cas de ce genre, pour ne pas prendre des poumons qui ont respiré pour ceux d'enfans qui n'ont pas vécu ; et vice versa. 4°. Si l'enfant a vécu après sa naissance, déterminer le temps pendant lequel il a vécu. La solution de cette question reposant sur la connaissance de certains changemens qu'éprouvent après la naissance le cordon ombilical, les poumons, le cœur, la vessie et les intes- tins, et ces changemens étant à peu près indépendans des milieux dans lesquels sont plongés les corps, nous ne nous appesantirons pas sur ce sujet. 5°. En supposant que l'enfant ait vécu après sa nais- 24- 372 TRAITÉ sance, chercher à connaître depuis quand il est mor-t. C'est particulièrement d'après l'état plus ou moins avancé de la putréfaction que l'on peut parvenir à résoudre cette question , du moins d'une manière ap- proximative. II existe à cet égard une immense diffé- rence entre les cadavres d'adultes ou de vieillards qui se pourrissent, et ceux des nouveau-nés que l'on a fait périr après la naissance, et que l'on a laissés plus ou moins de temps dans un milieu quelconque; la pu- tréfaction des premiers, comme nous l'avons déjà dit, est influencée par un trop grand nombre de causes, pour qu'on puisse établir, à quelques jours près, de quelle époque date la mort; tandis qu'il n'en est pas de même pour les enfans naissans dont nous parlons. En effet, il ne s'agit plus ici de sujets de differens âges, ayant succombé à des affections différentes, et ayant été inhumés nus ou enveloppés dans des ter- rains qui sont loin d'être de la même nature : ce sont au contraire le plus ordinairement des enfans naissans ayant péri violemment, et presque toujours de la même manière, et ayant été plongés dans un milieu qui ne change pas : on conçoit dès-lors que la marche de la putréfaction ne doit guère avoir été ralentie ou accélérée que par les variations de la température atmosphérique. Il ne sera donc pas impossible, en examinant attentivement la marche de le putréfaction dans les differens milieux et dans les saisons diffé- rentes , de calculer à peu près la somme d'influence exercée par ces vaiiations de température, et de dé- terminer d'une manière approximative l'époque de la DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. O70 mort. Les diverses observations consignées dans la deuxième section de cet ouvrage nous paraissent propres à remplir ce but. 6°. Si tout porte à croire qu'un fœtus a vécu ou qu'il est mort en naissant, déterminer si la mort est naturelle ou si elle peut être attribuée à quelque violence, et dans ce cas quelle en est l'espèce. La possibilité qu'il y a sou- vent de constater même long-temps après la mort, que celle-ci est le résultat d'un empoisonnement ou d'une blessure , doit faire supposer que, lors d'une exhuma- tion juridique, on pourra parvenir à reconnaître si la mort des nouveau - nés est violente et naturelle ; toutefois, comme la putréfaction marche beaucoup plus vite chez les nouveau-nés que chez les adultes, il arrivera que l'on ne pourra déjà plus apprécier chez les premiers, à une époque déterminée, des altérations que l'on aurait encore pu constater chez les autres ; d'ailleurs, les changemens de couleur, de consistance, etc., amenés successivement par la décomposition pu- tride dansles differens milieux, viendront compliquer le problême, et en rendront sa solution souvent beau- coup plus difficile : c'est assez indiquer aux experts combien ils doivent être circonspects en pareille cir- constance. L'observation placée à la fin de cet ar- ticle (Voyez page 3yo) , dépose en faveur de ce que nous avons établi, relativement à la possibilité de re- connaître, plus ou moins de temps après l'inhuma- tion, le genre de violence dont les nouveau-nés ou les jeunes enfans ont été l'objet avant la mort. 7°. En admettant qu'un enfant dont on trouve le 374 TRAITÉ corps ait été tué, est-il possible de prouver qu'il appar- tient à la femme que ton accuse, et quelle est l'auteur du meurtre ? On sait que la dernière de ces questions est au-dessus de nos ressources, tandis que dans cer- tains cas le médecin peut jeter quelques lumières sur l'autre; en effet, s'il reconnaît que l'enfant dont il examine le cadavre, est né à peu près à l'époque où la femme est accouchée, il pourra établir qu'il n'est pas impossible qu'il appartienne à cette femme. Il faudra donc, pour ce qui concerne l'enfant, chercher à dé- terminer combien de temps il a vécu, et depuis quand il est mort, problèmes dont nous venons de nous oc- cuper et auxquels nous renvoyons. Observation relative a des violences exercées sur un enfant naissant. Rose G......, âgée de 23 ans, domestique à la cam- pagne, accoucha seule, le 24 mai, à onze heures du matin, dans un jardin écarté (1). Sa grossesse avait à peine été soupçonnée ; son accouchement n'avait pas eu de témoins; son enfant, enfoui en partie dans la terre, qu'elle avait creusée avec une serpette, était, de plus, caché par une pierre qu'elle avait posée dessus; ainsi elle avait tout lieu d'espérer que (1) Fait recueilli dans une des audiences de la cour d'as- sises de l'Aube, par le docteur Pigeotte, médecin juré près des tribunaux de l'arrondissement. DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 3^5 cet événement serait à jamais ignoré. Cependant, le 12 juin suivant, le chien d'un habitant du pays rentre à la maison de son maître, tenant dans sa gueule la main d'un enfant. Cette main paraît avoir été retirée de la terre, où elle était restée enfouie pendant quelque temps. Des perquisitions sont faites dans les champs et jardins des environs. Un chat est aperçu dans le jardin de la mère de Rose, paraissant tirer à lui, et dévorer des lambeaux de chair; on approche, et l'on trouve, en partie recouvert par une pierre de dix à douze livres, le cadavre d'un enfant horriblement mu- tilé. La joue droite avait été rongée ; le côté droit du crâne était dépouillé du cuir chevelu, qui avait été aussi rongé; il ne restait plus rien des parties géni taies, et le bras droit avait été arraché dans son arti culation avec l'épaule. Un médecin est appelé par l'autorité pour faire la visite du cadavre; et voici le rapport qu'il rédige im- médiatement après la visite, et qu'il affirma ensuite devant la cour d'assises, lorsqu'il fut entendu comme témoin. Les mutilations déjà mentionnées n'empêchant pas de reconnaître les dimensions, le poids approximatif et la conformation générale de l'enfant, il fut constaté que son développement et sa conformation ne permet taient pas de douter qu'il fût né au terme ordinaire de la grossesse et dans l'état de viabilité. Une portion du cordon ombilical, longue de cinq à six pouces, était restée adhérente à l'abdomen ; l'exa- men de ce cordon permit de constater que la mort de ij6 TRAITÉ l'enfant devait avoir eu lieu peu de temps après la nais- sance. Il n'avait point été lié, il n'avait pas non plus été coupé avec un instrument tranchant; son extrémité était frangée; il avait par conséquent été déchiré. Une hémorrhagie avait-elle eu lieu au moment de la nais- sance? Ce fait n'a pas été éclairci. Avant de procéder à l'ouverture de la poitrine, le médecin expert observe d'abord que le thorax est plus voûté, et que les côtes sont plus écartées que chez les enfans qui n'ont pas respiré. La poitrine étant ouverte, on remarque que les poumons exhalent une odeur pu- tride, et sont peu développés; mais ils sont crepitans, et ont une couleur rose pâle, couleur très-distincte de la couleur brune et gris fauve que présentent presque toujours les poumons des fœtus dans l'intérieur des- quels Fair n'a point été introduit, soit naturellement par l'acte de la respiration, soit artificiellement par l'insufflation dans la trachée artère. Ces pWmons étant extraits de la poitrine sans en détacher le cœur, on reconnaît que les gros vaisseaux qui les pénètrent et les cavités du cœur contiennent une humeur séreuse sanguinolente. La masse que forment ces organes réunis est ensuite plongée dans un vase rempli d'eau commune froide, et on la voit sur- nager et regagner la surface du liquide, lorsqu'après l'avoir portée avec la main au fond du vase on cesse de l'y maintenir. Les poumons ayant été détachés du cœur et divisés en plusieurs fragmens, ces fragmens sont de nouveau DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 377 plongés dans Feau , et tous, sans exception, surnagent comme les poumons entiers. Des fragmens du foie, et le cœur, séparé des pou- mons, sont soumis à la même épreuve; mais on voit à l'instant ces substances se précipiter au fond du vase, et y rester submergées. -De ces diverses observations, le médecin expert tire la conséquence qu'il est probable que l'enfant soumis à son examen avait respiré et avait vécu après sa nais- sance. L'examen du bas-ventre ne lui présenta rien qui parût mériter son attention. Il avait remarqué, sur la partie latérale droite du cou, une ecchymose à peu près circulaire d'un pouce environ de diamètre. La dissection lui fit reconnaître que cette ecchymose n'était point une lividité cadavé- rique , mais qu'elle était produite par du sang extra- vasé dans les lames du tissu cellulaire placé sous la peau et dans les faisceaux musculeux subjacens. Cette ecchymose faisant juger convenable de pousser la dis- section jusqu'aux vertèbres cervicales, et de les isoler des muscles qui les environnent, ces muscles furent trouvés pénétrés d'un sang extravasé. Les ligamens qui unissent la seconde vertèbre à la troisième, et cette troisième à la quatrième, étaient en partie déchi- rés, et les vertèbres étaient désunies et mobiles les unes sur les autres. De ces faits, le médecin expert tire cette consé- quence, que des tiraillemens violens, des mouvemens de torsion extraordinaire, ont été exercés sur la tête et 3^8 TRAITÉ le cou de l'enfant, et que ces violences étaient de na- ture à lui donner la mort. L'ouverture du crâne a-t-elle été omise, ou le méde- cin expert a-t-il seulement omis d'en faire mention dans son rapport oral devant la cour d'assises ? Ce fait n'a pas été vérifié. Quoi qu'il en puisse être, la fille Rose G....., mise en état de prévention, et accusée d'avoir donné la mort à l'enfant dont elle était accouchée, en exerçant sur lui des violences révélées à la justice par le rapport du médecin expert, finit par avouer qu'elle était accou- chée de l'enfant qui avait été trouvé le 12 juin dans le jardin de sa mère, et que c'était elle-même qui l'avait caché sous la pierre où il avait été découvert. Est-il vraisemblable, ainsi qu'a cherché à l'établir l'avocat chargé de la défense de l'accusée, que la désunion des vertèbres cervicales et le déchirement des ligamens qui les unissent aient eu pour cause la chute de la tête de l'enfant au moment de l'accouchement, ou la flexion forcée de la colonne vertébrale du petit cadavre, pour le placer dans une boîte qui aurait servi à le transporter d'un lieu à un autre? C'est une question que les hommes de l'art peuvent facilement résoudre. DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. SjQ ARTICLE IV. De Futilité des exhumations dans les questions médico-légales relatives à la détermination du sexe , de l'âge et de la taille des individus. Sex'e. Plusieurs mois après l'inhumation, et quel- quefois même un ou deux ans après, on peut encore reconnaître le sexe à l'inspection de la barbe et des organes génitaux ; à la vérité, ces derniers organes peu- vent avoir subi un degré de dessèchement et d'apla- tissement tel, qu'il soit difficile au premier abord de distinguer le sexe , et qu'il faille séparer et disséquer attentivement les diverses parties. Plus tard, lorsque déjà le cadavre est réduit au squelette, il ne reste d'autre ressource pour résoudre le problême que l'inspection des os. Chez la femme, la tête est plus petite, plus arrondie ; le tronc surtout, le col et les lombes plus longs, et les cuisses plus courtes, en sorte que la moitié de la hau- teur du corps ne correspond plus , comme chez l'homme, au pubis même, mais au-dessus. Le thorax et le bassin sont plus évasés que chez l'homme; ce dernier est moins haut, plus circulaire et plus incliné sur le rachis. Les membres sont plus petits, plus ar- rondis ; les genoux plus rapprochés ; les os plus petits et d'un tissu moins compacte; leurs aspérités font moins de saillie. Age. Tant que le cadavre n'est pas assez pourri pour % 38o TRAITÉ qu'il ne soit plus permis de constater l'état des parties molles, on résoudra les questions relatives à l'âge, en ayant égard à l'état de ces parties, notamment du cordon ombilical, de la peau, du cœur, etc. ; la stature, les dents, les cheveux et la barbe pourront aussi fournir des caractères quelquefois importans. Quand il ne reste plus de parties molles, on est obligé de chercher à résoudre le problême d'après l'état plus ou moins avancé de l'ossification, d'après l'état des dents, la forme de l'os maxillaire inférieur, etc. ( V. le tome Ier de la Médecine légale, publiée par l'un de nous, article Age. ) Taille. Lorsque déjà, par suite de la putréfaction, les os sont désarticulés, que le squelette ne forme plus un tout, il est impossible de mesurer la taille des individus. Nous avons pensé qu'il serait utile de déter- miner sur un grand nombre de sujets les longueurs de chacun des os des membres, celle des extrémités, et celle du tronc depuis le vertex jusqu'à la symphyse du pubis. Nous avons dressé les deux tableaux ci-joints : le premier comprend 5i cadavres dont les mesures ont été prises avec le plus grand soin; le second ren- ferme les mêmes mesures prises sur 20 squelettes d'a- dultes (1); les squelettes sont moins longs que les ca- davres d'où ils proviennent, et en général la dimi- nution de longueur peut être estimée d'un pouce et (1) M. le docteur Chambroty a bien voulu se charger de cette partie de notre travail, et nous nous empressons de lui en témoigner tous nos remercimens. DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 38l demi à deux pouces ; en sorte qu'il faudrait ajouter un pouce et demi à deux pouces à la longueur totale de chacun des squelettes, pour avoir la longueur des sujets qui les ont fournis. Nous ne tirons aucune con- séquence , aucune moyenne des données indiquées dans ces tableaux, parce que nous craindrions qu'on ne nous accusât de vouloir préciser en quelque sorte mathématiquement la taille d'un individu, d'après la longueur d'un ou de plusieurs os ; néanmoins nous sommes certains qu'il sera possible, dans le plus grand nombre des cas, en consultant ces tableaux et en ayant surtout égard aux longueurs du fémur et de l'hu- mérus, d'arriver assez près de la vérité. Hâtons-nous de dire que déjà Sue avait commencé un travail de ce genre, et qu il était parvenu aux ré- sultats suivans : Enfant d un an, dont la grandeur était d'un pied dix pouces et demi. Longueur du tronc, treize pouces six lignes; des extrémités supérieures, neuf pouces; des extrémités inférieures, neuf pouces. Enfant de trois ans, dont la grandeur était de deux pieds neuf pouces et quelques lignes. Longueur du tronc, dix-neuf pouces environ; extrémités supérieures, quatorze pouces; membres abdominaux , quatorze pouces et quelques lignes. Enfant de dix ans, dont la grandeur était de trois pieds huit pouces six lignes. Longueur du tronc, deux pieds ; extrémités supérieures, un pied sept pouces ; membres abdominaux, un pied huit pouces six lignes. Sujets de quatorze ans, de quatre pieds sept pouces. 382 TRAITÉ Longueur du tronc, deux pieds quatre pouces ; extré- mités supérieures , deux pieds six lignep ; membres abdominaux , deux pieds trois pouces. Sujets de vingt à vingt-cinq ans , de cinq pieds quatre pouces. Longueur du tronc, deux pieds huit pouces; extrémités supérieures, deux pieds six pouces; extrémités inférieures, deux pieds huit pouces. Vers l'âge de vingt à vingt-cinq ans, le bord supérieur de la symphyse des os pubis, ajoute Sue, fait précisément le point du milieu entre le sommet de la tête et la plante des pieds : avant cet âge, ce centre varie continuellement. Les sujets de trente et quarante , ceux de cinquante et soixante, ne présentent aucun changement dans la grandeur des proportions, si ce n'est dans certains os particuliers ; en sorte que le rapport se conserve tel qu'il était à vingt ou vingt-cinq ans, à moins que l'épine du dos ne se courbe, comme on le voit dans la vieillesse. (Sue, sur les Proportions du squelette de l'homme, tome n des Mémoires présentés à l'Académie royale des sciences, année 1755.) DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. 383 ARTICLE V. Réfutation des auteurs qui ont considéré les exhumations ju- ridiques non-seulement comme inutiles, mais encore comme pouvant induire quelquefois les experts en erreur. Nous insisterons à peine dans cet article sur Futilité des exhumations juridiques; tout ce qui vient d'être dit dans cette section sur la possibilité de reconnaître long-temps après la mort qu'il y a eu empoisonnement, infanticide, contusion, plaie, etc., répond suffisam- ment à ceux des médecins qui, n'ayant pas bien médité sur ce sujet, ont cependant contesté cette utilité. Les faits sont tellement probans, qu'il serait absurde de ne pas les adopter. Déjà nous avons établi ailleurs (Voyez tome Ier, page n ) que les émanations dégagées par un cadavre enterré depuis un ou plusieurs mois dans une fosse particulière, étaient loin d'être aussi nui- sibles qu'on aurait bien voulu le dire. Voyons donc, pour ne rien laisser à désirer sur ce point, si réellement les exhumations juridiques peuvent induire quelque- fois les experts en erreur. Il est évident que les auteurs qui ont émis une pareille assertion ont pensé que les médecins pourraient être tentés de prendre des altéra- tions produites par la putréfaction, pour des lésions vitales, et attribuer à une violence extérieure ce qui était le résultat de la décomposition putride. Mais à moins de supposer que l'expert chargé de l'ouver- 384 TRAITÉ DES EXHUMATIONS JURIDIQUES. ture du corps soit entièrement étranger au sujet, et notamment à ce que nous avons établi dans le chapitre sixième, où nous croyons avoir approfondi la matière, on doit admettre qu'il pourra distinguer , dans la plu- part des circonstances, les altérations cadavériques de celles qui ne le sont pas, et que dans les cas douteux il mettra dans ses conclusions cette sage réserve tant re- commandée par les médecins légistes. Celui-là serait certainement blâmable, qui, lors d'une exhumation tardive, à l'occasion d'une suspicion d'empoisonne- ment, par exemple, établirait dans un rapportjuridique quecet empoisonnement apu avoir lieu, par cela seul que l'estomac et les intestins sont rouges et plus ou moins injectés : ne sait-on pas en effet que cette altération peut ne reconnaître pour cause que la putréfaction ? Encore une fois, les erreurs qui pourraient être com- mises dans les cas dont il s'agit, seront toujours le fait de l'ignorance ou de l'irréflexion avec laquelle on aura conclu, FIN TABLE DES MATIERES DU DEUXIÈME VOLUME. Pages, Chapitre If. — De la putréfaction des cadavres dans Feau. i Résumé des changemens physiques qu'éprouvent les tissus qui se pourris- sent dans Feau. 70 Chapitre III.— De la putréfaction des cadavres dans les fosses d'aisance. 120 Résumé des changemens qu'éprou- vent nos tissus par leur séjour dans les fosses d'aisance. i5a Chapitre IV. — De la putréfaction des cadavres dans le fumier. 161 Chapitre V. — De la marche comparée delà putréfac- tion dans la terre, dans Feau, dans les fosses d'aisance et dans le fumier. 201 Chapitre VI. —Des changemens amenés dans nos tis- sus , et notamment dans le canal diges- 2. 25 386 TARLE DES MATIERES. tif, par la putréfaction , et que l'on se- rait tenté de confondre avec des lésions pathologiques. a 16 SECTION III. Applications des données précédentes à la médecine lé- gale. Utilité des exhumations pour éclaircir les questions relatives à l'empoisonnement, aux blessures , à l'infan- ticide , à l'appréciation du sexe , de l'âge , de la taille, et de tout ce qui se rapporte à l'identité. Réfutation des auteurs qui ont considéré les exhumations juridiques , non-seulement comme inutiles, mais encore comme pou- vant induire quelquefois les experts en erreur. Art. Ier. — De Futilité des exhumations pour éclaircir la question relative à l'empoisonne- ment. a65 Observations d'empoison- nement constaté quinze jours et un mois après l'in- humation. 3i4 Observations d'un double empoisonnement par le sulfure jaune d'arsenic ; exa- men des cadavres après trois et neuf mois d'inhumation ; par M. Lepelletier, doc- teur-médecin, chirurgien en chef de l'hôpital du Mans. 3i7 Art. II..— De Futilité des exhumations pour éclairer les questions relatives aux blessures. 333 TABLE DES MATIERES. 387 Art. III.—De l'utilité des exhumations juridiques dans les questions relatives à l'infanticide. 36g Art, IV.'—De l'utilité des exhumations dans les questions médico- légales relatives à la déter- mination du sexe , de l'âge et de la taille des individus. 379 Art. V.—Réfutation des auteurs qui ont considéré les exhuma- tions juridiques non-seule- ment comme inutiles , mais encore comme pouvant in- duire quelquefois les experts en erreur. 383 FIN DE I.A TABLE DU 8KC0ND VOLUME ~w ^ •g v^-to Oive-to v^-vi-to vi-io « estoto •-to v^ «s to v^to to ut to to to to va-v^.o - .§ «esesescsescsesescscsesesesesescs«cses«eses«e«csescCO OCOlO OOiOm O'OCO 05l0to«0 OO*-00t0 .3 to to vtto to to to to to to to to 10 to to to to to to to to to to to to e .3 i »i a-a 2 "-S"3^ TS.S 3 ■ni 10 oto CO tO O O OvJ-wtOtO o to to CI 00 w «0 tO O5vt>0 to x^-x^-tO O xj-tO co «o es to -00QO oco QO "30 OQ çç> 0Ç> CO O OOO 00 O0 00 00 0C 00 00 000 00 00 00 00 00 00 00 Oi 05 ooo r» OOO 00 00 O00 00 00 O500 OOOGOOO OOO r S 4j 2 P t. 3 ►< s »•« -053 es to 00 to M xi-xi-xi- ooeocstoo>*«eseso>ooesM oto co « es « 0010 to 010 00 O 05»0 xi-to es to x+to 00 to to oto o o r» o o o t>o oo ooo ooo oto ooooo o o-o ooo oo co ooeo oooeo ooooo oeû oooeo oto -« to to otoiofûOoovj- Osoo oxi-xi-to «o to es to to oo to es xi- o - - o m «o vr « m vt osto o co oo »o v+co to xi- 0 es 0505- c» 00 e 0000 0500000000 000 o o o 000 00 00 00 00 00 00 0000000 05 oj 0100 00 0500 00 00 00 000 0500 0000000 050000000000 0050 m S'a S «-s O tO tO O500 tO «O 00 00 O Vj»tO xi- O <û OtO tO O) O vtCO OO C5 000 O v* OtO xi-COtOtOxJ'OiOiOtO 000 0«0 x*-v-^»r3 OUO to 00 o O C>.00 co to oto «o «o «o »o to 10 oto «o oto to oto to to to o 000 to to 00 oto to to 10 to O 0*0 oto 000 to toto O Ov-r OtO s otoun otototo otototo ocotoio o oto oto oto oto oto o oto o o o o 000 010 o oto ototo o ojoo o o 00 to o a to toto tototototo . o oto oo oto ooo J cscseses«cscsesescseses«esesesesescses a S '2 to 0 05 OVvtco - es O3-1 0 estototo xj-to *es es to .|to es es es « estoto estotototOtotOtototototo a % -H e. •^ O5o««to«toooes oto 000 oto co e* o o o J toto toto es to to fcO to to to to to tO fcO 10 ^*to to to a n H u -2 o«esesr>.esto Osto co to oo Osco c>. 0*0 co 00 co J xrto toto estototototototototototo xtto to to a te 13 s a -» to 00 00 0 esoovi-to otovj-io otototo otototo 1 LONGUEUR des extrémités inférieures de-puis la symphyse du pubis. M coesioiocotosfft-ç>Oi o»co 00 co e LONGUEUR du vertex à la plante des pieds. a 0 to oto 00 0 0>tO *^1" tsxtto to osoo to to 0 0 0 S 00 v*-v±vç)-tO xJ-tO OtO tO tO tO 00 O 000 00 tO O O 1 % V C. Porte- /l&w je-Ur le, dutrlwi . 1) foie sn làl/ itctiHin/ la /nanchc. à, cur et^cwant a.porter fiur /la Je/ui/cre /&CM U remlrur E 3\Htuirwi on l'on aUurw k c/iarlxm . O Jepulrte PI l1 A. tsjlanc/u a aii' âervanl à. terutu leur et dont l'ouisttZuxe. Je. louine il'J cote' clu/vrn/ . B. t tfnnc/i* />/"*. (JJc 2 /uaÙ en Z futiÙ Je /wuvenJ: d&4 n-ramuM' hxrur tmficëlur l'affaidJerrufit de loi manche- J//v e/& me*/is. Pl.i .ue ,5'..!-' J«- Mif Je Cit. /./<./-./lis i'/At~ Ç„ml,sM„-,.A M r /—--,■ {i<- t'/i/iumc le '."<•' il'rcanhc lA\'t>' e/ f,r//tttu,' te \"l t'tt>irttr lS\'S. t fùwJàii4x4in,ft'z ÏÏ.4. Zith. de Zemesicier. ùït/t'tïf ui/uunc le & fh'-twe/' jtfZé /r/nh/iw r?tA/r/i/r le '1/ , fia/ /ïfV~ ri r