H. RÉSAL Ingénieur des mines Professeur à l’Ecole polytechnique. CONSIDÉRATIONS PHILOSOPHIQUES SUR LA CHALEUR DÉTERMINATION DU TRAVAIL MÉCANIQUE NÉCESSAIRE POUR PRODUIRE LE TRÉFILAGE DU FIL DE FER dirait des Mémoires de la Société d’Emulation du Doubs. Séances des 14 mai et 6 août 1870. BESANÇON IMPRIMERIE DODIVERS, GRANDE-RUE, 87 1872 CONSIDÉRATIONS PHILOSOPHIQUES SUR LA CHALEUR I DE LA TEMPÉRATURE. La notion de la température est une conséquence des sen- sations que la chaleur produit sur nos organes. Ainsi la locution vulgaire : « Il fait plus ou moins chaud, » a pour synonyme, dans le langage des physiciens : « La température est plus ou moins élevée. » Indépendamment de toute hypothèse sur la nature de la chaleur, nous avons naturellement le sentiment de sa quantité; et, si nous considérons un même corps dans des états calori- fiques différents, nous disons qu’il renferme d’autant plus de chaleur que, par le toucher, sa température nous paraît plus élevée. On est aussi naturellement conduit à poser en principe que la quantité de chaleur sensible d’un même corps est propor- tionnelle à sa température. Le rapport entre la quantité de chaleur sensible de l’unité de masse et la température corres- pondante, quelles que soient les unités admises, est donc une constante pour un même corps, mais qui généralement variera d’un corps à un autre. 4 Il nous reste maintenant à nous rendre compte de ce que c’est que la chaleur sensible. Le corps solide est le type général des corps qui existent dans la nature. Il est, en effet, pourvu d’une cohésion plus ou moins énergique. Lorsque cette cohésion vient à diminuer, le corps devient liquide en passant généralement par un état pâteux intermédiaire; puis, après avoir traversé un second état intermédiaire, celui des vapeurs, il se transforme en gaz pro- prement dit dont la cohésion est nulle ou négligeable. D’après les analogies (pour un certain nombre de phéno- mènes) qui existent entre la lumière et la chaleur, on peut considérer cette dernière comme étant due à des mouvements vibratoires des particules des corps. Mais, d’autre part, si l’on tient compte de la théorie mécanique de la chaleur, il faut admettre que la chaleur communiquée à un corps se divise en deux parties. La première a pour objet de vaincre les attractions molécu- laires qui donnent lieu à la cohésion, et l’effet des résistances extérieures qui pourraient agir sur le corps. Cette quantité de chaleur a reçu le nom de chaleur latente, quoiqu’elle n’ait pas disparu et qu’elle ait tout simplement subi une transformation. La seconde, qui constitue ce que l’on appelle la chaleur sensible, a pour effet de mettre les particules matérielles en vibration ; son intensité doit alors être considérée comme proportionnelle à la demi-force vive des particules vibrantes. Il ne nous paraît pas inutile de faire à ce sujet un rappro- chement entre les sensations douloureuses produites sur les êtres organisés par les agents mécaniques et calorifiques. Une douleur extérieure provient : 1° soit d’un choc contre *un obstacle, d’un coup de marteau, d’un coup de fouet, etc., en d’autres termes d’un travail mécanique équivalent à une demi-force vive communiquée, pouvant produire, suivant son énergie, une altération plus ou moins grande dans notre système organique ; 2° soit de la chaleur qui produit des effets, sinon identiques aux précédents, du moins qui présentent 5 avec ceux-Ci une analogie incontestable ; 3° soit de lelectricité dont nous n’avons pas à nous occuper, etc. Ainsi donc, un travail extérieur et la chaleur peuvent pro- duire sur nos organes des elfets physiques similaires, et par conséquent sous ce rapport spécial on doit les regarder comme deux choses comparables ou de môme nature. Les chocs résultant de mouvements vibratoires très rapides contre notre épiderme et répercutés par notre système nerveux, peuvent donc fort l’influence de la chaleur sur le corps humain dont le» particules vibrent elles-mêmes en raison de la quantité de chaleur nécessaire à la vie, ou du moins comprise dans les limites qui lui sont assignées par la nature. Gela posé, si l’on commence à mesurer la quantité de cha- leur contenue dans l’unité de masse d’un corps à partir d’un état déterminé de ce corps, correspondant à la température zéro, on voit que la quantité de chaleur sensible Q’ à la température t ne serait autre chose que celle qu’il recevrait, en concevant que l’on maintienne son volume constant ou égal au volume primitif, pour acquérir la même température. En appelant c une constante spécifique pour ce corps, on aura la relation (1) 0’ — et. Le rapport c , comme on le voit, n’est autre chose que la chaleur spécifique sous volume constant du corps considéré. Pour être logique, il faut donc employer un système de mesure pour (F et t, tel que le rapport reste constant pour un même corps. On sait que, à des différences négligeables près, tous les gaz permanents se comportent de la même manière au point de vue des dilatations, ce qui conduit à les regarder comme des corps essentiellement désagrégés, dénués de cohésion, ou comme des systèmes matériels dont les éléments sont trop éloignés les uns des autres pour qu’ils exercent entre eux des attractions moléculaires appréciables. Cette identité entre les gaz, sous le rapport de la dilatation, est déjà un motif pour mesurer les 6 températures par les augmentations qu’éprouve l'air atmo- sphérique en prenant pour 0 et 100 les états calorifiques per- manents respectifs de la glace fondante et de l’eau pure en ébullition sous la pression barométrique de 0m76. La division en 100 parties ou degrés de l’échelle est prolongée au-dessus de 100 et au-dessous de 0, en considérant les températures comme négatives. La chaleur contenue dans un corps est mesurée en plon- geant ce corps dans un poids connu d’eau à une température déterminée, et en observant l’augmentation de température éprouvée par ce milieu. La quantité de chaleur contenue dans un corps se trouve ainsi exprimée en calories, c’est-à-dire en quantités de chaleur nécessaires pour élever chacune d’un degré la température d un kilogramme d’eau. En opérant de cette façon, Welter, Gay-Lussac et M. Ré- gnault ont obtenu des résultats tels que, d’après les principes de la thermodynamique, on arrive à conclure que la chaleur spécifique des gaz sous volume constant est constante ; d’où il suit que le mode de mesure ci-dessus est conforme au prin- cipe établi plus haut. La cohésion ne jouant aucun rôle dans un liquide ou un solide chauffé sous volume constant, la même chose doit avoir lieu pour ces corps. Nous admettrons que, pour tous les corps, la chaleur spécifique sous volume constant est constante, en estimant la température au thermo- mètre à air et la chaleur en calories. II LES ATTRACTIONS MOLÉCULAIRES FORMENT DEUX GROUPES. Les amplitudes des vibrations calorifiques sont extrêmement petites. Mais pour qu’il y ait mouvement oscillatoire, il faut que chaque molécule vibrante se trouve soumise à l’action d’une certaine force; cette force doit être d’une autre nature que celles qui donnent lieu à la cohésion, puisqu’elle doit 7 exister pour les gaz qui n’ont pas de cohésion sensible. Pour tout expliquer, il faut admettre que : 1° la cohésion des liquides et des solides est due à des attractions mutuelles entre leurs molécules, fonction de leur distance, dont l’intensité ne subit pas de variation appréciable par suite des déplacements relati- vement très petits qu’éprouvent ces molécules dans leur mou- vement vibratoire calorifique ; 2° les oscillations calorifiques de chaque molécule sont dues à des attractions des autres mo- lécules, d’une énergie incomparablement plus petite que celle des forces ci-dessus, de sorte qu’il n’y a pas lieu à tenir compte de leur travail mécanique ; les attractions ont une résultante fonction de la distance de la molécule à sa position moyenne. III NATURE DES VIBRATIONS. Lorsqu’un corps homogène est parvenu h un état d’équi- libre de température déterminé, l’hypothèse la plus simple que l’on puisse faire est que toutes les molécules décrivent des orbites circulaires d’un mouvement uniforme autour de leurs positions moyennes respectives. Si m est la masse d’une molécule, F sa vitesse, r le rayon du cercle décrit, mF (r) la force centrale qui la sollicite, on a F2 m — — mF (r), (1) V' = F[r)r. ou Soient t la température du corps ; A l’équivalent mécanique de la chaleur ; c la chaleur spécifique sous volume constant du corps, rapportée à l’unité de poids ; r0, F0, les valeurs de r et F correspondant à la tem- pérature 0, à partir de laquelle on commence à piesurer positivement la quantité de chaleur sensible. 8 Connue, en vertu de l’homogénéité, toutes les molécules doivent se trouver dans les mêmes conditions, T et r doivent avoir les mêmes valeurs d’un point à un autre du corps, et l’on a, en égalant deux expressions de la quantité de chaleur sensible dans l’unité de poids du corps, F 2 <2> T=cx d’où f _ | rF[r) 2gAc ' 2gAc’ ’ # _ rF(r) — r0F(r0) 2gAc ou puisque l’on doit avoir t = o pour r = r0 Si l’on pose ,' = n + 8r, f(r) = gj$. on a, d’après la série de Taylor, s r® î = ï()’o + 5i’) — 9 (O =9’(r0) 8 r + 9” (r0) —••• Si nous supposons maintenant que les rayons des orbites augmentent dans le même rapport que les distances de leurs 8 r centres, — représentera la dilatation linéaire A correspondant *0 à l’élévation t de la température. En posant 4* ~9 (r°) r° 1 .. , \ ro2 T = f 1 ni / \ n>3 c ~9 1.2.3 a, b,.... étant des constantes, il viendra (3) t = — A 4- A 2 4- a b 9 Pour que le corps Se dilate sous un accroissement de tem- pérature à partir de 0°, il faut que a soit positif, ou que la fonction 9 (r) soit croissante à partir de r = r0. Supposons, par exemple, que la fonction F(r) soit de la forme F(r) — îgAc' » K et n étant des quantités positives, nous aurons (4) ç'(r.) = (i-»)4- = — ’ r0a ar0 ?” (r0) = — ni 1 — n) —-—- = K 1 v 1 r0n+1 èr02 Pour que a soit positif, il faut que n soit plus petit que l’u- nité et compris par conséquent entre 1 et 0, puisque les forces moléculaires, quelleque soit leur nature, paraissent croître quand les distances diminuent-, b sera négatif, et si a ne dé- passe pas certaines limites, comme cela a lieu pour les solides et les liquides et tant qu’ils ne changent pas d’état, on aura t = — A -f ~ A2, a b d’où, comme premières approximations, a » A = at — 42 D a = at et par conséquent la dilatation doit croître plus rapidement que la température, ce qui s’accorde bien avec les faits observés (*). (') En prenant les valeurs de A fournies par l’expérience eÆtre 4 = 100° et 4 = 300°, on forme le tableau suivant : ™ . . 8672i , 170t* I latine. A jq9 -f- 1x • 78664 , 7474* 6rre A JQ9 “* JQ11 103904 , 14314* F?r A = — +Tô^' 163574 , 825 42 Cuivre A = “TcT + lô^1 10 Comme, pour les gaz, la dilatation cubique, par suite linéaire, sous pression constante, croît proportionnellement à la tempé- rature, il faut que ?" (r0) = o,
M et N étant des constantes dont la seconde seule pourra être nulle. On conçoit qu’en donnant à F(r) une forme convenable, on puisse se rendre compte de l’anomalie que présente la dila- tation de l’eau. Ainsi on voit que l’hypothèse des vibrations peut très bien expliquer les différents phénomènes que présentent les chan- gements de volume des corps sous l’action de la chaleur. • 18720 La formule donne pour le verre-à 200°, A = ——- et l’expérience 18450 J.„I A = --- . La différence relative nest ainsi que de 1/68. EXPÉRIENCES SUR LA. DÉTERMINATION DU TRAVAIL MÉCANIQUE NÉCESSAIRE POUR PRODUIRE LE TRÉFILAGE DU FIL DE FER I HISTORIQUE. Il 11’existe nulle part, à ma connaissance du moins, de règles relatives à l’établissement d’une tréfilerie, au point de vue de l’évaluation à priori de la puissance motrice qui lui est néces- saire. Les premières recherches expérimentales faites à ce sujet sont dues à J.-B. Guillemin, décédé il y a une dixaine d’an- nées, et qui, d’abord simple ajusteur, devint le créateur de l’important atelier de construction de Casamène. Chargé, en 1822, de remonter la forge de Châtillon-sur- Lizon (Doubs) et d’y établir une tréfilerie, il fut conduit à faire une série d’expériences pour déterminer le travail voulu pour passer d’un numéro de fil de fer au numéro suivant. Il dressa un tableau que son fils aîné, actuellement directeur de Casa- mène, a bien voulu me communiquer, et qui a été fort utile à ce dernier dans l’établissement des nombreuses tréfileries qu’il a montées dans l’Est delà France. Le procédé employé par cet expérimentateur était fort simple. Sur deux colonnes suffi- samment élevées et rapprochées l’une de l’autre, il avait dis- posé horizontalement une filière par laquelle il faisait passer, au moyen du chien du tréfileur, une longueur suffisante de fil de fer pour que l'on puisse adapter un plateau à son extrémité. Ce plateau était chargé de poids jusqu’au moment où le tréfi- lage se trouvait déterminé d’un mouvement à peu près uni- forme. 11 reconnut d’abord que la vitesse la plus convenable pour le tréfilage (à la circonférence du tambour, si l’on veut) était de 0m30 pour la moitié supérieure des numéros des fils de fer (gros diamètres), et'de 0,40 et 0,50 pour l’autre moitié, chiffres qui sont adoptés dans la pratique. Actuellement on tréfile à l’eau; mais à l’époque où J.-B. Guillemin faisait ses expériences, on employait la graisse comme lubréfiant. Si l’on désigne respectivement par d„ + ,, dn les diamètres évalués en millimètres des fils de fer des numéros consécutifs, n -f- 1 et n, et par TV le nombre de kilogrammètres néces- saires par seconde pour passer du premier de ces numéros au suivant, on a, d’après J.-B. Guillemin, le tableau suivant : 12 Nos du fil de fer d n dn + t 7V ■ 26 7.6 . f 25 7.0 7.6 159km 24 6.4 7.0 138 23 5.8 6.4 117 22 5.2 5.8 107 -21 4.5 5.2 90 20 4.0 4.5 75 19 3.6 4.0 51 18 3.3 3.6 48 17 3.0 3.3 37 16 2.7 3.0 30 13 No5 du fil de fer da + , T ’ 1 n 15 2.4 2.7 25km 14 2.2 2.4 21 13 2.0 2.2 19 12 1.8 2.0 14 11 1.6 1.8 12 10 1.5 1.6 11 9 1.4 1.5 8.5 8 1.3 1.4 7.3 7 1.2 1.3 6.10 6 1.1 1.2 5.33 5 , 1.0 1.1 5.00 4 0.9 1.0 4.09 3 0.8 0.9 3.42 2 0.7 0.8 3.00 1 0.6 0.7 2.35 0 0.5 0.6 J’ai essayé d’interpoler ces résultats en partant de certaines considérations théoriques que je développerai plus loin, mais en étudiant de près la question, j’ai reconnu qu’il me man- quait certains détails d’expérience qui n’ont pas été conservés, et qu’il est nécessaire de faire entrer en ligne de compte lorsque l’on veut établir une règle empirique comportant une exactitude convenable. C’est ainsi que j’ai été conduit à reprendre les expériences de Guillemin à la tréfilerie de Quingey ( Doubs ) , avec le concours de MM. Dessertine père et fils. II NOUVELLES EXPÉRIENCES EXÉCUTÉES A LA TRÉFILERIE DE QUINGEY. — MODE D’EXPÉRIMENTATION. La filière était placée horizontalement, à un premier étage, sur un bâtis en bois. 14 L’extrémité du fil de 1er, tréfilé à la main sur une petite longueur, était pincée par une tenaille (chien du tréfileur) terminée inférieurement par un crochet, dans lequel s’enga- geait un anneau réunissant les quatre chaînes angulaires d’une caisse destinée à recevoir les poids nécessaires pour produire l’étirage. La charge, en raison de certaines résistances qui s’opposent toujours au démarrage (frottement au repos un peu supérieur à celui qui a lieu pendant le mouvement, ondulations du fil à son entrée dans la filière, etc.), était toujours supérieure à celle qui est strictement nécessaire pour que le mouvement de la caisse soit uniforme. Mais la correction relative à l’accé- lération du mouvement a pu facilement se faire en mesurant la hauteur de chute (qui a varié de 2,35 à 2,40), et le temps écoulé correspondant. III FORMULE DE CORRECTION RELATIVE A LACCÉLÉRATION DU MOUVEMENT. Soient h la hauteur de la chute ; t sa durée ; 0 la charge totale ; P l’effort statique nécessaire pour produire l’étirage, ou équivalent aux actions moléculaires déve- loppées. L’accélération due à Q — P étant , on a h - (g- p) SU Q 2 ’ d’où o p=c,('-5)- 15 IV DE l’influence DU FROTTEMENT DANS LE TRÉFILAGE. On sait qu’une filière est une plaque d’acier dans laquelle on pratique transversalement des ouvertures. Chaque ouver- ture est formée d’un tronc "de cône par où entre le fil à tréfiler et suivi d’un cylindre dont le diamètre est celui du fil tréfilé. Soient : N la pression normale par unité de surface exercée sur le fil de fer par le tronc de cône en chacun des points de la circon- férence du rayon r; s la portion de la génératrice du tronc de cône déterminée par cette circonférence et celle de la grande base ; i l’angle que forment les génératrices du tronc de cône avec son axe; f le coefficient du frottement du fil de fer contre la filière ; V la vitesse moyenne de la charge. On voit facilement que, pour toute la zone tronconique dont la circonférence moyenne a le rayon r, et dont la génératrice est égale à ds, les forces N et Nf donnent, suivant l'axe de la filière, la composante Par conséquent, l’effort de traction P, nécessaire pour pro- duire le tréfilage, a pour expression 2 ur [N sin i -f- Nf cos i) ds = 2 « sin i (1 -f- f cot i) Nr ds. (2) P = 2u sin i (1 -f- f cot i) f Nr ds, l’intégrale étant relative à la longueur totale de la génératrice du tronc de cône. En désignant par F l’effort de traction qui serait suffisant, s’il n’y avait pas de frottement, on a F = 2 U sin i J Nr ds, d’où h 1 +fcoti 16 En multipliant les deux membres de cette équation par V, remarquant que Tn = FV est le travail utile par seconde, tandis que T„’ = PV est le travail moteur dépensé, il vient « T°= rçhn Cette formule montre que, au point de vue de l’effet utile, il ne faut pas que l’angle i descende au-dessous d’une certaine limite. D’autre part, si cet angle était trop considérable, la réduction des sections du fil deviendrait trop rapide et il y aurait déchirement, suivi de rupture de la matière. Dans les tréfileries comtoises, la hauteur du cône auquel appartient la partie tronconique de l’ouverture est égale à l’épaisseur de la plaque, et le diamètre de la base de ce cône est de 15 millim.; il résulte de là sin i — 1/4, cot i = 3, 87, d’où (5) F = , ~-f rp " ~ 1 + 3,87 f Il est clair que les quantités F et T„ ne doivent dépendre que de la nature et du degré de recuit du fil employé et du diamètre du fil avant et après l’étirage. Il a bien pu se faire que le graissage n’ait pas été uniforme dans toutes nos expériences et que f ait varié de 0,02 à 0,04 ; de sorte qu’en définitive chaque expérience ne nous donnerait pas les valeurs exactes de F et de 7’n, mais bien des valeurs approchées Comprises entre des limites définies par les deux inégalités suivantes n 0,866 U P Tn’ qui donnent les éléments nécessaires pour pouvoir discuter convenablement les résultats de l’observation. 17 V HYPOTHÈSE. On pourrait arriver à réduire le diamètre d’un fil de fer en exerçant une pression uniforme suffisamment énergique sur sa surface. Soient l la longueur du fil ; # r son rayon ; N la pression normale par unité de surface. Le travail élémentaire correspondant à la réduction dr du rayon est 2* rlNclr. Le travail moléculaire par seconde, dans une filière qui aurait pour effet de Réduire le rayon r de clr, s’obtiendra évidemment en supposant que l soit égal à la vitesse V du tréfilage, ce qui donne 72 nrNdr. Pour une même nature de fer aiynême degré de recuit, la pression N ne dépendra que de r. L’hypothèse la plus simple que l’on puisse faire sur N, est de supposer que cette pression est constante on est indépen- dante de r, et c’est celle qui paraît le mieux s’accorder avec les faits observés. Pour passer du n° (n -f- 1 ) au n° n, ou du rayon r „ + , au rayon r„, il faudra donc vaincre par seconde un travail molé- culaire représenté par j T„=nNV (r„ + ,2 — r„*) d’où, U (F =nN{r0+t* — r.*). Si nous appelons cl n +,, da les diamètres 2 r „ + ,, 2 r„, et si nous posons « N («) —r~ — • % nous obtenons — 18 — (8) 7,—r—71 = K' d n -j. | rapport qui, d’après notre hypothèse, ne devra dépendre que de la nature du fer employé et de son degré de recuit. - Cette formule peut encore se mettre sous la forme 0») d ,P_d.=f- u* n -f- | n en posant ® = K- Nos expériences, discutées conformément aux considé- rations précédentes, nous ont permis d’établir les tableaux suivants dans lesquels on a continué à exprimer les d„ en millimètres : 1 n da -i- t dn Q h t P K’ mm mm k m sec k 16 15 2.65 2 40 92 2.40 2.6 85.4 68 2.6 85.4 68 2.8 86.3 68 2.8 83.3 68 llojenne 68 15 14 2.35 2.14 75 2.40 1.8 63.6 67 2.40 1.8 63.6 67 llojenne 67 14 13 2.12 1.98 55 2.43 1.8 46.5 81 54.5 2.43 2.0 47.9 82 llojenne 81.5 13 12 1.96 1.78 44.6 1. 3 10.4 43.5 65 45.6 2.00 14. 45.2 67 46.1 2.75 4.4 44.7 68 46.1 2.00 2.0 40.6 60 llojenne 64.5 12 11 1.78 1.60 46.6 2.30 9. 46.1 76 46.6 1.00 4.5 46.1 76 47.1 2.33 6.8 46.6 76 47.1 2.40 6.0 46.6 76 46.9 2.40 5.0 46.0 75 47.4 2.40 4.0 46.0 75 19 n+1 n dn jç- j dn Q h t P K' 1.78 1.61 47.4 2.36 4.4 46.0 81 • 1.78 1.59 47.4 2.25 3.1 45.0 71 47.4 2.40 4.0 46.0 72 47.5 2.37 2.9 42.2 77 1.78 1.62 47.5 2.39 2.2 42.8 / / Hojenne 76 11 10 1.62 1.51 34.6 2.40 2.0 30.4 88 lre série. 34.6 2.40 2.0 30.4 88 34.6 2.40 2.0 30.4 88 Hojenne 88 1.63 1.50 37.1 2.35 1.8 31 5 77 2e série. 36.6 2.35 2.0 32.2 79 36.6 2.35 2.0 32.2 79 36 1 2.35 2.0 31.8 78 36.1 2.32 2.0 31.8 78 36.1 2.40 2.0 31.8 78 35.6 2.40 2.0 31.3 77 34.1 2.40 2.0 30.0 74 33.6 2.36 3.4 32.2 79 32.6 2.37 3.8 31.3 77 Hojenne 77 10 9 1.47 1.37 30.6 2.40 1.4 22.2 78 lre série. 30.6 2.45 1.4 22.2 78 1.50 1.36 28.6 2.40 5.0 38.0 70 2e série. 29.6 2.40 5.0 29.6 74 30.6 2.37 3.2 29 4 73 31.6 •2.40 2.2 27.5 73 31.6 2.40 2.2 27.5 73 31.1 2.45 1.8 26.4 76 31.1 2.40 1.8 26.4 76 31.1 2.40 1.8 26.4 76 Hojenne 75 9 8 1.37 1.27 27.6 2.40 1.8 23.4 88 lre série. 27.6 2.45 2.0 24.3 88 27.6 2.40 1.8 23.4 88 Hojenne 88 1.35 1.27 28.6 2.42 1.20 10.88 89 2e série. 27.6 2.41 1.40 20.70 98 27.6 2.41 1.40 20.70 98 28.1 2.41 1.20 18.54 88 • 28.1 2.42 1.20 18.54 88 Hojenne 92 20 W+l n “>'+1 dn Q h t P K' 8 7 i.30 1.18 28.6 2.36 3.4 27.5 92 Cette série n'est mention- 29.6 2.36 1.8 25.1 84 née que pour mémoire, car le 29.6 2.40 2.1 26.0 87 SI de fer était mal recnit, 29.6 30.6 2.40 2.40 2.0 1.2 26.0 20.2 87 67 criqué et par suite très irré gulier pendant le tréfilage. 31.6 2.40 1.2 20.9 70 7 6 1.22 1.06 26.1 2.45 1.6 21.1 60 )) 2.40 )) )> 60 )) 2.42 )) )) 60 )) 2.42 1.4 19.6 54 )> 2.42 )) )) 54 1.08 » )) )) 61 1.09 25.6 » )) 19.2 64 )) )) )) )) 64 25.1 2.45 1.6 20.03 68 24.6 2.45 1.2 16.6 55 1.11 23.6 )) )) 15.6 61 23.1 )) )) 15.2 61 1.12 )) )) )) )) 65 22.1 )> )> 14.6 62 21.6 )) 1.4 16.2 69 20.6 2.42 1.2 13.6 58 1.15 19.6 2.38 1.0 9.8 60 Mojenne 61 6 5 1.11 0.78 19.1 2.45 2.0 16.8 62 » 2.35 2.0 16.8 62 18.5 2.45 2.0 16.4 61 )) 2.40 )) » 61 » )) )) » 61 Mojenne 61 5 4 1.00 0.90 18.6 2.40 2.0 16.4 86 18.6 » 2.0 16.4 86 0.92 19.1 2.40 1.2 12.6 82 19.1 2.45 1.4 14.3 92 Mojenne 87 4 3 0.9 0.85 7.5 2.45 1 0 6.0 68 )) 1.0 6.0 68 2.38 1.0 6.0 68 Mojenne 68 3 o 0.82 0.67 14 6 2.40 1.6 11.8 53 14.1 )) » 11.4 51 14.1 » 1.4 10.6 •47 13.6 )) 2.4 12 5 56 0.69 13.6 )) 2.0 12.0 61 Mojenne 54 21 “ 1 + - s O O Sk, s 4 0.59 SX 9 00 00 « CD 5S CD 05 05 *-*■ 05 O K> en > *OK> » 3 » K> *0 ia* - © —î 05 05 *a g oooooo "O en en en tfs- en en OO CO ,— On voit ainsi que la valeur de K’ a varié entre 92 et 51 kilogrammes. Supposons que les deux valeurs extrêmes correspondent respectivement aux limites supérieure et inférieure du frotte- ment ; nous aurons K— 92 x 0,563 = 51 K — 51 X 0,866 = 46, ce qui semble indiquer que K est indépendant du diamètre, si l'on considère que tous nos fils de fer n’étaient pas de la même provenance, qu’ils n’avaient pas probablement le même degré de recuit. Si, pour plus de sécurité, on prend la plus grande valeur de K’, on aura Tn = 92V{d\+i — d„2)km, et en admettant une vitesse moyenne de 0,40, (10) Tn = 36,8 (d2„ + 1 —d„2)km ou en chevaux, en nombre rond, c’est-à-dire qu’il faut un demi-cheval par seconde pour réduire d’un millimètre carré, par la filière, le carré circonscrit à la section d’un fil de fer. En partant des chiffres donnés par J.-B. Guillemin, ce chiffre ne serait que de 1/3 de cheval, ce qui n’a rien d’incompatible avec la plupart des résultats que nous avons obtenus. (11) Tn= 1/2 [d\ + i — dn2)ch; 22 VI APPLICATION A UN PROJET D’ÉTABLISSEMENT DE TRÉFILERIE. Le poids du fil de fer tréfilé par seconde est 7788 T, nd" 4.106 V ou en supposant V = 0,40 24467 , 10’ " Le travail par seconde correspondant au tréfilage d’un kilo- gramme sera, par suite, 205 ] Supposons que l’on veuille établir une tréfilerie qui pro- duise annuellement une quantité déterminée de fils de fer de différents numéros, et soient Q„ le poids du fil n° n; la puissance nécessaire pour obtenir cette production devra être calculée en tenant compte du déchet, poûr ne pas s’exposer à se trouver au-dessous de la réalité ; ce qui revient à considérer g — Q» comme étant la production annuelle du n° n. Nous admettrons 300 jours de travail dans l’année, réduits à 8 heures effectives pour le tréfilage, pour tenir compte des interruptions dues au retapage des filières, et du mouvement des matières à tréfiler et tréfilées. Le poids du n° n fabriqué par seconde sera ainsi 8 Q n 7 864 x 10*’ et en admettant que la perte de travail due aux frottements des arbres et des engrenages soit de 1/5, on reconnaît sans peine que le travail Tn disponible sur l’arbre de couche devra être égal à 23 1,21 r4 era x 1 205 S 7 ' CW - 0 _ 325 n m~ Yda + i* _ \ “ 107 On Wo2 V’ m = 26 étant le numéro de la verge cylindrée pour laquelle d*6 = 7,6 et le signe S se rapportant à tous les numéros par lesquels il faut passer pour arriver au numéro final n. Cette formule étant d’une application un peu longue, on peut la remplacer par la suivante 65 0o , dm — ,ognepd7 qui s’en déduit, en considérant la somme S comme étant une intégrale (*) : en faisant usage des logarithmes vulgaires w rs= Prenons pour exemple le cas d’une tréfilerie produisant annuellement 1,000000, ce qui n’a rien d’extraordinaire, puisqu’il suffirait de quatre feux d’affmerie pour l’alimenter. Admettons de plus que l’on veuille produire par parties égales seulement les nos 20, 15, 10, 5, on a d 20 "t,0 dts = 2,4 di0 = 1,8 dB =1,0 £>„ = 250000, et l’on trouve pour la force motrice cherchée Si l’on prend un moteur hydraulique rendant 65 °/0, il faudra que l’on puisse disposer moyennement d’une chute de 131 chevaux. Tt + Ti0 + TiS + T20 = 85 chevaux. (*) En effet, si l’on pose dn + \ =x, do = x — dx, on a f x V _ | \x — dxJ x 24 Le tréfilage absorbe donc une puissance motrice énorme; aussi, aux prix auxquels se vendent les fils de fer, il est com- plètement impossible d’employer pour les produire des ma- chines à vapeur, et les tréfileries doivent surtout s’établir sur des cours d’eau réguliers, comme cela a lieu en Franche- Comté. On explique ainsi pourquoi, il y a un certain nombre d’années, deux tréfileries à la vapeur de l’Est de la France ont rapidement succombé. Besançon. — Impr. Dodivers.