DISSERTATION SDK LES MALADIES DES ENFANS PAR LE DR. J. B. SAUNIER. Il n'y a point d'âge dans la vie qui n'ait ses affections et ses maladies particulières; il est donc à propos de les connaître, de les distinguer, pour pouvoir y remédier avec plus de sûreté. Ayant eu occassion d'examiner les différentes maladies des enfans sous les différents climats du monde, j'ai jugé à propos de rapporter dans cette courte dissertation leur origine, leur différence, et leur cause, pour le faire avec ordre je diviserai ces maladies en trois classes; la première renfermera celles qui sont particulières aux enfans qui viennent de naître; la secon- de, celles qui accompagnent la pousse des dents; la troi- sième, celles qui sont occasionnées par les Vers. Les maladies des enfans naissent aussitôt après l'ac- couchement, ou de la rétention opiniâtre des matières qui ont besoin, d'être évacuées, ou de la mauvaise nour- 6 riture qu'on leur donne. Les premières sont occasion- nées par la suppression du méconium et des impuretés des premières voies, les secondes par la mauvaise quali- té du lait et des autres aliments. MALADIES OCCASIONNES PAR LA SUPPRESSION DES MATIÈRES GLUANTES ETC , VISQUEUSES. § 1. Aussitôt qu'un enfant est né, on lui coupe le cor- don ombilical, on le lave avec soin, et on le couche dans son berceau, pour donner le temps aux matières excré- mentielles qu'il a amassées dans le sein de sa mère, de s'évacuer, et le préparer à recevoir le lait de sa mère ou de sa nourrice. Il arrive souven qu'après avoir tété, il survient des nausées et des vomissemens qui prouvent manifestement qu'il y a dans les premières voies une cer- taine matière qui l'oblige à la rejetter, et à laquelle je donne, vû sa consistance, l'épithète de glutineuse, de ca- séeuse et de visqueuse. Je vais donc parler d'abord des maladies qu'elle occasionne. § 2. L'ouverture qu'on a fait des enfans, tant avant qu'après l'accouchement, ne permet pas de douter qu'il n'y ait une pareille matière dans les premières voies, puisqu'on a trouvé l'espace qui s'étend depuis la bouche jusqu'aux gros intestins rempli de matières glutineu- ses et caséeuses. Cela ne paraîtra point étonnant, si l'on fait attention que la plupart des mères ont non-seulement beaucoup de pituite gluante, et un sang de même natu- re, mais qu'elles usent tous les jours d'alimens propres à engendrer une semblable pituite, le fœtus ne peut donc manquer d'être rempli des mêmes humeurs, la salive et 7 la mucosité qui s'en sépare, deviennent aussi de jour en jour plus épaisses et plus ténaces; elles descendent dans l'estomac se mêlent avec la liqueur contenue dans l'ani- nios, et passant dans le ventricule et dans les intestins grêles, elles s'attachent à leurs parois, s'y accumulent peu à peu, et dégénèrent en cette matière fixe et épaisse dont nous avons parlé ci-dessus. Nous allons voir main- tenant les maladies qui en résultent. § 3. J'appelle corps gluant celui dont les parties sont tellement unies, que l'une ne peut se mouvoir sans en- traîner les autres, sans qu'il soit besoin pour cela que toute la masse entière se meuve. Lorsqu'un pareil corps se trouve dans le corps humain, surtout dans les premiè- res voies, comme cela arrive aux enfans, il irrite par son mouvement toute la tunique nerveuse de la gorge, de l'œsophage, du ventricule et des intestins, d'où résultent des nausées, des vomissemens, des hoquets, des tran- chées et des convulsions, et en tant qu'il cause des obs- tructions, des crudités, des épaississemens de bile, et une mauvaise çhylification. De-là vient, selon moi, que tant d'enfans sont sujets à l'épilepsip, aux convulsions et à une infinité d'autres maux, dès l'instant même de leur naissance. § 4. Après avoir découvert les causes de ces mala- dies, il ne nous reste plus qu'à donner dés règles pour les connoître et pour les guérir. Le diagnostic se réduit à peu de choses. On ne doit point ici, comme dans les autres cas, chercher les signes diagnostiques, dans l'uri» ne qui devient toujours plus pâle; ni dans le pouls qui devient plus agité que de coutume, pour la plus légère cause; mais on doit les tirer des plaintes seules des en- 8 fans et des observations des nourrices; à moins qu'on ne veuille y ajouter, que le cercle livide qui paroît autour de leurs yeux, marque que le pylore est obstrué par une matière épaisse et ténace qui ne peut circuler. § 5. Le prognostic est aisé à tirer de ce qui précède, et se réduit à ceci, qu'à moins qu'on ne détruise la cau- se, elle occasionne la mort de l'enfant, ou quelque mala- die cruelle, entr'autres des indigestions, et la coagula- tion du lait, d'où résultent plusieurs maux. Cette ma- ladie est aisée à guérir, lorsqu'on s'oppose de bonne heu- re à ses progrès, et qu'on s'adresse à un habile Médecin. § 6. Pour guérir cette maladie avec plus de'.facilité, on doit se rappeller la cause mentionnée § 2 et 3, la- quelle étant pésée mûrement, nous indique, 1* qu'il faut commencer par atténuer et déterger la matière pituiteu- se et muqueuse; 2? la chasser ensuite hors du corps. (1) On a observé que rien ne satisfait mieux à la pre- mière indication, que d'interdire toute nourriture aux enfans durant les dix ou douze heures qui suivront l'ac- couchement; afin que le ventricule agissant immédiate- ment sur la matière, puisse la digérer et l'atténuer plus efficacement. On ne doit pas craindre que cette absti- nence nuise aux enfans; ils naissent avec les viscères si pleins, et leur intestins ont tant de force dans ce temps- là, qu'ils suffiraient seuls pour atténuer et diviser cette matière, si l'on n'interrompait leurs fonctions par la quantité de bouillie dont on les surcharge. Ces sortes d'alimens loin de délayer cette matière, l'épaississent et empêchent qu'on ne puisse la surmonter. Cette absti- (1] Voyez l'Esaai précédent. 9 nonce no consiste point à interdire toute sorte de nour- riture aux enfans; je trouve au contraire à propos do leur donner pendant ce temps là quelque peu de vin et do miel, mais en petite dose. Prenez, par exemple, de miel parfaitement épuré, vin de France, et de l'hydromel, de chacun demie once, mêlez le tout selon l'art (1), et donnez en une cuillerée à l'enfant tontes les deux ou trois heures (2). Quelques uns emploient pour cet effet l'hui- le d'amandes douces nouvellement faite et le sucre, la- quelle lubrifiant l'estomac et les intestins, excite un mû- rissement qui chasse du corps les impuretés qui s'y sont amassées. On ne doit pas trop se fier à cette huile; car outre qu'elle est sujette à se rancir et à incommoder les premières voies, elle n'évacue pas si bien les qu'il n'en reste une partie dans le corps. Ce que je viens de dire satisfait parfaitement à la première indication. (3) Pour remplir la seconde, il faut employer quelque loger purgatif qui ne pêche ni par la forme, ni par la qualité, ni par la quantité, et le donner sous Une forme liquide, plutôt que sous aucune autre forme. Prenez, par exemple, de syrop de chicorée avec la rhubarbe, trois gros; de savon de Venise, demi gros; d'eau de mé- lisse distillée, demie once; mêlez et faites uno potion pour une dose, que l'on donnera en deux fois; ou bien, prenez de la rhubarbe en poudre, huit grains; de sucre blanc, dix grains; mêlez et donnez dans deux gros d'eau de cérises noires. Je pourvois indiquer plusieurs autres remèdes; mais on remarquera que la rhubarbe est celui [1] Voyez l'Essai précèdent [2] IW. [3] Voyez le même Essai. 10 qui convient le plus aux enfans. Le syrop d'épine de cerf est aussi fort propre à purger les enfans, et à les dé- barrasser des impuretés qui se sont amassées dans leurs corps, sur tout lorsqu'on substitue au sucre le miel qu'on a laissé épurer de lui-même au soleil. Supposé qu'on ne puisse point avoir ces remèdes, ou qu'ils ne produi- sent pas l'effet qu'on en attendoit, on appliquera sur la région du ventricule et sur le nombril, des épithèmes aromatiques médiocrement spiritueux, pour fortifier les fibres encore tendres du ventricule et des intestins, et hâter leur opération. Bœrhaave emploie pour le même effet, une teinture d'herbes aromatiques, qu'il applique avec des compresses de flanelle, ou avec des rôties, ainsi qu'on le peut voir dans sa matière médicale. Section, 1343. MALADIES OCCASIONNÉES PAR LA RÉTENTION DU MÉCONIUM. § 7. On a vû ci-dessus que les premières voies sont engorgées par une matière épaisse pituitense et blanchâ- tre, les gros intestins le sont aussi par une substance épais- se, noire, tenace, luisante, à laquelle on donne le nom de méconium, à cause de sa ressemblance avec l'opium, dont il ne sera pas hors de propos d'expliquer la forma- tion. Personne n'ignore que le foetus se nourrit dans la matrice; mais on n'est pas d'accord sur la manière dont cela se fait. Les uns prétendent qu'il reçoit sa noutritu- re par le nombril; d'autres veulent que ce soit par la bou- che; et moi je prétens qu'il la reçoit par tous deux. De quelque manière que cela se fasse, l'aliment se convertit d'abord en chyle, et ensuite en des excrémens épais qui s'amassent dans les gros intestins, et qui s'en sortent qu'a- 11 près que le foetus a respiré. Cette matière féculente pa- roît donc être produite par la portion la plus crue de l'a- liment; elle se sépare, de même que dans les adultes, des parties les plus légères, et se jette dans ces intestins, com- me dans un réservoir commun. On peut ajouter à cela que la salive et la mucosité que l'on avale, la bile et les au- tres humeurs, contribuent à la formation de cette matiè- re; c'est vraisemblablement à la bile qu'on doit artribuer la couleur noire et verdâtre de cette matière, laquelle est d'abord molle, mais qui s'épaissit de plus en plus par son séjour, et acquiert à la fin la forme qu'on lui voit. Pendant les neuf mois que le fœtus est dans la matrice, il ne décharge jamais son ventre; et c'est ce qui fait que ce méconium augmente de plus en plus; il ne se corrompt cependant pas, tant qu'il est à couvert des atreiutes de huit. , \: ■' \ § 8. Dès que le fœtus est né et qu'il a pris l'air, il rend ses excrémcns avec les urines en fort grande quantité; et lorsqu'il ne le fait point, on doit être assuré qu'il est ma- lade. Cette maladie consiste, ou dans la foiblesse du fœtus, dans la dureté ou la trop grande abondance de la matière, ou dans la sécheresse des intestins, ou peut-être dans toutes ces choses ensemble. Cette matière ainsi retenue, acquiert de l'acrimonie, se corrompt, et occa- sionne un grand nombre de symptômes très dangereux. Car, comme on l'a dit ci-dessus, le fœtus ne commence pas plutôt à respirer, que le méconium se corrompt, s'ai- grit et prend une couleur plus verte, d'où naissent des tranchées, des convulsions des hoquets, et une infinité d'autres accidens, qui se terminent presque toujours par la mort du malade. . 12 § 9. Oette maladie est aisée à connoitre, car tous les enfans rendent durant les trois premiers jours qui suivent leur- naissance, une matière noire et séculente, et lors- qu'ils ne le font point, on est sûr qu'elle s'est arrêtée dans les intestins, d'où naissent les maladies énoncées, § 8. § 10. Lorsqu'on diffère d'y rémédier, non-seulement, elles augmentent, mais elles causent d'autres maladies aussi funestes, comme la paralysie des intestins, des in- flammations, des gangrènes, et enfin la mort. Lorsque le médecin est appelle à temps, il peut non-seulement prévenir ce6 accidens, mais même les guérir, au cas qu'ils soient déjà arrivés. § 11. On doit pour cet effet, considérer les causes énoncées §8; on connaîtra facilement par-là qu'il est né- cessaire, 1. c d'augmenter sa force expultrice; 2. ° d'a- mollir et de délayer la matière endurcie; 3. ° d'en dimi- nuer la quantité; 4. ° de lubrifier les intestins (1). On satisfera à la première indication, en faisant en sorte que l'enfant ne tête point d'autre lait que celui de sa mère, pendant les trois ou quatre premier jours qui suivent sa naissance, car, quelque saine que puisse être sa nourrice, jl ne sauroit s'accommoder d'un lait' épais et gras, et par conséquent trop nourrissant. En effet, pendant que le fœtus est enfermé dans la matrice, il reçoit par la bon' clie un lait extrêmement leger; qui se filtre et s'épure à travers les deux membranes du cliorion et de l'amnios, et devient par-là plus propre à s'insinuer dans les viscè- res de l'abdomen; aussi est-çe là la raison pour laquelle la nature ne donne point à la mère, aussitôt après qu'elle (1) Voyez l'Essai précédent. 13 est accouchée, un lait gras et épais, mais un chyle féreux et ténu, qui, loin de surcharger son estomac, débarrasse le ventricule et les intestins des mucosités et des matiè- res excrémentielles qui s'y sont amassées, et nétoie par sa qualité diurétique, les conduits urinaires, pour facili- ter la digestion du lait, qui doit lui servir de nourriture, et en empocher la corruption. De-là vient que le lait (1) qui sort des mammelles le premier jour, est infiniment plus purgatif que celui du second et du troisième, tant qu'enfin il acquiert la consistance naturelle du lait au cas qu'on ne puisse le faire, on évacuera les impuretés dont je viens de parler, à l'aide des remèdes usités, en- tr'autres par un léger purgatif auquel on joindra quel- que substance cardiaque. Je ne connois point de meil- leur remède pour cet effet, que le syrop de chicorée avec la rhubarbe, celui de corne de cerf préparé avec le miel, Hhc/l. la manne, la casse, le miel rosat, &c. sur- tout lorsqu'on y joint le petit lait, lequel par sa qualité savonneuse et délayante, supplée au lait maternel. Je ne connois point de meilleur cardiaque que le vin et le miel. Prenez, par exemple, vin dos Canaries, nue once et demie; de miel, demie once; de jaune d'œuf, trois gros. Mêlez, et donnoz-en une cuillerée à l'enfant à dif- férentes fois. Ce cardiaque est fort agréable au goût, et possède à raison du miel et des œufs qu'il contient une qualité médiocrement irritante et résolutive. 2. Rien n'est meilleur pout ramollir la matière que le petit lait et le miel. On peut le donner en forme de boisson ou de lavement, pourvu que ce ne soit point en trop grande quantité. Prenez, par exemple, petit lait, deux onces, de savon de Venise, un gros; de miel, (1) Voyez le même Essai. U trois gros. Faites-en un lavement à prendre deux fois par jour. 3. ° Ces remèdes servent aussi à évacuer cette ma- tière. 4. ° On lubrifiera les intestins, pour que la matière sorte sans peine et sans douleur, avec une ou deux drag- mes d'huile d'amandes douces nouvellement tirée, de lin, ou d'olive, &c., laquelle donnée en forme de lavement, ou appliquée sur la région ombilicale, produit de très-bons effets. Rien n'est plus pernicieux aux enfans que les substan- ces aromatiques volatiles et les opiats; et quiconque fera attention, qu'ils sont très-délicats et très-nerveux, et qu'is ont la tête extrêmement grosse à proportion du reste du corps, reconnoîtrasans peine qu'on ne doit rien leur don- ner qui puisse affecter le genre nerveux. La manière dont la nature a fabriqué le corps des enfans, nous fait assez sentir la nécessité de cette précaution. L'humeur aqueuse est en eux beaucoup moins transparente que dans les adultes, pour que la lumière fasse moins d'impression sur leur yeux. Ils naissent avec le conduit auditif fer- mé d'une membrane, laquelle vient à suppuration au bout de six ou sept semaines, et laisse insensiblement la la membrane du tympan à découvert. De-là vient en- core que l'apophyse mastoïde, qui renvoie et augmente le son, n'est presque point sensible, jusqu'à ce qu'ils soient accoutumés au bruit. Ajoutez à cela que les substances spirituenses produisent à peu près le même effet que les caustiques, et l'on a vû des enfans qui, pour avoii' fait un trop grand usage des opiats, sont restés imbéciles pour tout le reste de leurs jours (1). Les nourrices ne corn" [1] "Voyez le même Essai. 15- mettent pas une moindre faute, lorsqu'elles les serrent trop fortement dans leurs langes; elles obligent par-là les fluides à se porter à la tête, si bien que distendant les vaisseaux au-delà do leur portée, ils occasionnent des douleurs 'énormes, et quelquefois même des convulsions qui mettent les enfans au tombeau. MALADIES OCCASIONNÉES PAR LES VICES BU LAIT. § 12. Nous avons parlé jusqu'ici de la rétention des matières qui ont besoin d'être évacuées; et nous allons maintenant parler des maladies occasionnées par la mau- vaise qualité des alimens, et entr'autres du lait, dont un des principaux vices, est d'être étranger, c'est-à-dire, fourni par toute autre que par la mère. Pour rendre la chose plus sensible, je suppose, comme cidessus, 1. ° que le fœtus reçoit sa nourriture, non-seulement par l'om- bilie, mais encore par la bouche, pendant qu'il est dans la matrice. 2. ° Que cette nourriture n'est point du sang, mais du lait ou un chyle laiteux, qui est porté à la matrice par les artères. Voy. Needham, Tract, dcfor- jnat. Fœt. cap. 1. 3. ° Que le lait n'est autre chose qu'un chyle filtré dans les glandes des maramelles, lequel est porté au mammelon par des vaisseaux particuliers [1]. Cela supposé, je dis que chaque femme a un lait parti- culier, dont la propriété dépend de la manière dont la digestion se fait dans l'estomac. Cette digestion varie suivant les sujets; et comme chaque individu a des ap- pétits particuliers, il s'ensuit que la digestion des alimens ne sçauroit être la même. [1] Voyez le même Essai. 16 Le lait d'une nourrice étant donc différent de celui de la mère, il doit nécessairement le corrompre dans l'esto* mac de l'enfant, troubler la digestion, et détruire le tem- pérament dtrsang par l'hétérogénéité de ses parties. On a beau examiner le fait, on ne tirera jamais de sa cousis-* tance de sa couleur, de sa saveur et de sa graisse, des preuves assurées de sa bonté, ce fluide pouvant avoir une infinité de défauts, qui, pour être insensibles à la vûe, ne troublent pas moins l'accord et l'union des prin- cipes: si bien qu'on doit juger de sa bonté par la santé de la mère, par le régime qu'elle a tenu, et par les ali* mens dont elle a usé, plutôt que par les autres signes auxquels la plupart des médecins s'arrêtent. Arrive donc la plupart des nourrices sont pauvres,*et usent in- différemment de toute sorte d'alimens, il né se peut fai- re que leur chyle ne soit mal conditionné, que leur sang ne soit rempli de mauvaises humeurs, et par conséquent que les enfans ne se ressentent de ces défauts naturels, pour ne rien dire des vices moraux. Ecoutons là-dessus Sylvius, in Tract, de morb. Insant. ch. XLII. 11 J'a1 " observé depuis long-temps que les enfans sucent avec " le lait le tempérament aussi-bien que les inclinations, " qu'on remarque en eux pendant le cours de leur vie, " et qu'ils tiennent à ces deux égards beaucoup plus do a leurs nourrices que de leurs mères. " Il seroit donc â souhaiter que les mères nourrissent elles-mêmes leurs en- fans, lorsqu'elles ont assez de force et de santé pour le faire. § 13. En effet, si une nourrice étrangère ou une mè- re allaite un enfant sans jouir d'une santé parfaite, il n'est pas douteux que ce dernier s'en sentira tout le reste de 17 sa vie. La chose n'a pas besoin d'exemples, et il paroît as- sez par les maladies vénériennes, scorbutiques et scro- phuleuses qui régnent de nos jours, que ces sortes de maladies passent aux enfans avec le lait qu'ils tètent. Je veux pour un moment qu'une nourrice n'ait rien à désirer du côté de la santé; s'il arrive par un effet de son tempérament, de la digestion, de la constitution du sang, ou de la contexture des glandes des mammelles, que son lait soit plus séreux, plus âcre, ou plus salé qu'il ne faut, il nuira infailliblement à son nourrisson, et deviendra pour lui un poison au lieu de lui servir de nourriture. § 14. Il arrive souvent encore qu'une mère ou une nourrice soit saine, son lait est trop nourrissant pour l'en- fant; cela arrive sur-tout lorsqu'on le donne à des nour- rices fortes et replettes, (1) qui allaitent depuis long- temps; car leur lait étant butireux et caséeux, ne peut que surcharger l'estomac de l'enfant, retarder la diges- tion, engendrer des crudités âeides, et coaguler le lait en peu de temps. Hoffman nous apprend, in Tract, de usn et dbusu Med. Chy'in.p. 49. qu'il a vû tomber des filles dans des accès d'épilepsie funestes, pour avoir été nour- ries d'un lait trop gras et trop butireux. § 15. Cette faute est aisée à réparer, et n'est par con- séquent rien en comparaison de celle oû les nourrices tombent tous les jours. veux parler de la mauvaise coutume qu'ont les mères de surcharger leurs enfans de lait, de leur présenter la mammelle au moindre cri qu'ils jettent,.et de les forcer à recevoir de nouveau lait avant qu'ils aient eu le temps de digérer celui qu'ils ont dans [1] Voyez l'Essai. 18 l'estomac. Kerkringius [1] à raison de dire, qu'elles tuent leurs enfans en voulant trop les nourrir, car ce nouveau lait venant à se coaguler et à se corrompre, dé- génère en une pâte visqueuse et acide qui contracte le pylore, et l'empêche de donner passage à cette matiè- re; si bien que venant à se corrompre de plus en plus par la chaleur de l'estomac, elle se convertit en une substance putride, jaunâtre et nidoreuse qui irrite les nerfs du ventricule, et ne donne du repos à l'enfant qu'après qu'il l'a rendue. Il vaut donc mieux pécher ici par défaut que par excès; car toutes les répletions en général sont dangereuses; l'on peut dire que celle du lait est aussi nuisible aux enfans que celle du pain aux adul- tes, et par conséquent que plus on donne de nourriture à des corps chargés d'impuretés, et plus on leur nuit. Ilippocr. sect. 2. Aphor. 10. § 16. Les enfans ont encore tout à craindre du mau- vais régime de leurs nourrices, lesquelles pèchent ordi- nairement dans le choix des alimens, dans le peu de soin qu'elles ont de refréner leurs passions, aussi-bien qu'à l'égard des choses qui doivent être retenues ou évacuées, et c'est ce que nous allons examiner en détail. § 17. Les personnes qui se portent bien peuvent user indifféremment de toutes sortes d'alimens, pourvu qu'el- les règlent leur appétit sur ce que la nature leur dicte. Les choses qui plaisent ne manquent pas de nourrir, et l'on auroit tort de recommander le choix des alimens à ceux qni jouissent d'une bonne santé. On doit au con- traire leur permettre l'usage des choses qu'elles aiment [1] Voyez l'Essai. 49 passionnément, pouvû qu'elles y soient accoutumées (car l'appétit a souvent besoin d'être aidé dans celles aux- quelles il n'est point accoutumé) parce qu'elles les digè- rent sans peine, pourvu qu'elles ne fassent aucun excès, la sobriété étant le fondement de toute la diète. Cette précaution a lieu, surtout à l'égard des nourrices, qui étant pour la plupart pauvres, et par conséquent avides de nourriture, sont sujettes à commettre des excès dans leur régime. Elles devroient cependant être d'autant plus circonspectes à cet égard, que leurs fautes influent toujours sur leurs nourrissons, leur lait se ressentant tou- jours de la nourriture qu'elles ont prise, témoin l'odeur et la saveur que les remèdes que l'on prend pour aug- menter ou corriger le lait leur communiquent. C'est de ■quoi l'on trouve plusieur exemples dans les Auteurs. Ce- la a lieu sur-tout par rapport aux acides, lesquels, soit qu'on en use en forme d'aliment ou de boisson, ne man- quent pas de faire sur le lait, des impressions qui se ma- nifestent par des trancbçes cruelles. Les femmes en ceintes doivent sren abstenir avec soin, si elles ne. veu- lent tourmenter leurs enians, ou les rendre épileptiques pour le reste de leur vie. Ce n'est donc point sans rai- son que l'on défend le fromage aux nourrices, de peur qu'il ne caille leur lait. Quoi que la bierre niai cuite n'affecte en aucune manière les intestins des nourrices qui son robustes; elle ne laisse pas de causer des tran. cliées, des diarrhées et des convulsions épileptiques aux enfans, ainsi qu'on en a fait l'expérience. * Ou peut en dire autant des fruits d'été qui sont sujets à fermenter, de même que des fruits secs, ces derniers causent des constipations opiniâtres, témoin celle qui survint â un enfant, dont la nourrice avoit mangé beaucoup /de châ- 20 taignes. Les nourrices ne sauroient donc être trop en garde là-dessus. § 18. Les passions influent aussi beaucoup sur le lait, et cela ne sauroit être autrement, puisqu'elles mettent les esprits en mouvement, qu'elles affectent le genre ner- veux, qu'elles jettent le sang et les autres fluides dans une agitation excessive. La colère et la frayeur sont sur-tout nuisibles aux enfans, et personne n'ignore que ces passions sur-tout la première, leur cause des convul- sions. En effet, toutes les passions interrompent la digestion, et il ne faut qu'une mauvaise nouvelle pour faire perdre tout d'un coup l'appétit à celui qui avoit le plus de faim, ce qui cause des indigestions et des crudités acides dans l'estomac. La colère produit les mêmes effets, elle coagule le lait dans les mammelles, d'où naissent des inflammations, des abscès douloureux, et sur-tout des érysipèles. L'enfant qui suce un pareil lait devient sujet à plusieurs maux. Ce ne sont pas là les seules mauvaises qualités du lait, les passions aux- quelles s'abandonnent les mères et les nourrices, lui en font acquérir une infinité d'autres, qui corrompent la nourriture de l'enfant, et afîbiblissent considérablement sa santé. § 19. Voyons maintenant les maladies qu'occasionne le défaut des excrétions dans les (1) nourrices. Je mets au premier rang la suppression du flux menstruel. C'est sans doute pour le bien du foetus que la nature Fa sup- primé dans les femmes enceintes et dans les nourrices; on trouve cependant des femmes sanguines et robustes, [1] Voyez l'Essai précédent. 21 dans lesquelles il continue, tant dans les premiers mois de leur grossesse, que pendant le temps qu'elles allaitent. Cette excrétion ne survient jamais que les enfans ne s'en ressentent, ils deviennent foibles et languissans; ils pleu- rent sans cesse, et ne sortent de ce fâcheux état qu'après qu'elle a cessé. Le lait souffre une altération encore plus considérable, lorsque les nourrices deviennent en- ceintes une seconde fois, il se corrompt et devient insup- portable au fœtus, même dans les bêtes, ainsi que Graaff l'a observé de Organ. génital. Ce lait ainsi dépravé, ou pour mieux dire, corrompu, se coagule dans .l'estomac de l'enfant, et lui cause des maladies dont il se ressent toute sa vie; aussi les médecins ordonnent-ils aux nour- rices de s'abstenir du coït, pendant tout le temps qu'elles allaitent. § 20. Tels sont les vices du lait. Voyons maintenant ceux des alimens (1). Le premier qui se présente à moi, c'est cette farine crue, qui étant pétrie avec de l'eau et du lait, et cuite ensuite, forme une pâte tenace, crue et gluante, beaucoup plus propre à relier des livres qu'à servir de nourriture aux enfans. Les adultes, malgré la force de leur estomac, ne peuvent en manger sans se trouver mal, témoin les obstructions, la cachexie, que des femmes se sont attirées pour en avoir fait usage. Que sera-ce donc, si l'on en donne aux enfans qui ont l'estomac foible, et qu'on y ajoute du lait chargé de par- ties butireuses et caséeuses? Qu'en arrivera-t-il? elle en- gendrera une mucosité épaisse, gluante et acide, qui les assujettira à une infinité de maux (2). On a éprouvé que [1] Voyez le même Essai. [2] Voyez le meme Essai. 22 la farine étant pétrie avec de l'eau, et enfermée dans un lieu chaud, s'aigrit, fermente et se couvre d'écume; si donc cela arrive dans l'estomac des enfans qui a beau- coup de chaleur, elle corrompra le lait qu'ils ont pris, le fera grumeler, et interrompra la digestion. Plusieurs médecins n'ont pas ignoré ces effets, aussi ont-ils rejetté ces sortes de bouillies, ainsi qu'on peut le voir dans Hi- dan, cent. 6, obs. 34, lequel parle d'une obstruction du pylore occasionnée par cet aliment. § 21. Après avoir condamné la préparation de la bouillie, il me reste à dire un mot de la manière dont on l'emploie, laquelle est des plus mauvaises. Les nour- rices la roulent dans leur Louche, et la mêlent avec leur salive, pour leur donner, disent-elles, la chaleur et la fluidité nécessaires. Or, la salive est extrêmement su- jette à fermenter, ainsi que les modernes l'ont observé, et par-là elle deviendroit extrêmement utile, étant mêlée avec la bouillie, si c'étoit une nourrice saine qui en agit ainsi: mais comme cette qualité fermentative la rend susceptible de toute sorte d'impression, je ne puis ap- prouver cette méthode, d'autant qu'elle peut acquérir une qualité morbifique, surtout si la nourrice est tant soi peu sujette au scorbut, ce qui est assez fréquent dans le siècle où nous sommes. § 22. Nous venons de découvrir les causes éloignées des maladies, et il ne s'agit plus que de découvrir les prochaines. Il me paroît en examinant la chose de près, que les maladies des enfans sont occasionnées par un suc acide, tantôt visqueux, tantôt séreux, lequel est produit par le défaut de digestion et par les crudités acides qui en résultent. En effet, le lait s'aigrit aisément par la 23 chaleur de l'estomac, il s'épaissit, et sa sérosité venant à se séparer des autres parties, sa partie butireuse et sa caséeuse s'unissent ensemble, et s'arrêtent dans l'estomac et dans les intestins, à quoi ne contribuent pas peu la bouillie et le méconium plus ou moins corrompu qui est resté dans le corps. Toutes ces causes jointes à la natu- re du lieu, je veux dire de l'estomac qui est très-chaud, à la qualité des excrémens contenus dans le bas-ventre, et des alimens que l'on donne à l'enfant, produisent des acidités excessives, qui étant arrêtées par la matière vis- queuse, déploient leurs effets dans les premières voies, ou qui, se distribuant dans les autres parties à l'aide do la sérosité et de la lymphe avec laquelle elles se mêlent, y produisent une infinité de maux. De-là ces déjections porracées et acides, ces vomissemens, ces tranchées, ces vents, ces douleurs, ces pétéchies et ces convulsions aux- quelles la plupart des enfans sont sujets. On convien- dra sans peine de ce que j'avance, si l'on se souvient do ce qui précède, et si l'on fait attention que l'on guérit presque toutes les maladies des enfans, au moyen des re- mèdes qui détruisent les acides. § 23. Ces choses supposées, il est aisé de découvrir plus à fond les causes des maladies dont on vient de par- ler. Toutes les tranchées des enfans sont occasionnées par un acide qui a son principe dans la coagulation du lait, et dans les alimens acides dont usent les nourrices, et qui venant à passer dans les intestins, picote, corrode et tiraille leurs tuniques; de-là ces tranchées et ces spas- mes convulsifs qui disposent leurs corps à l'épilepsie, et qui sont d'autant plus violens, qu'il adhère plus forte- ment à leurs parois. Ces maladies se manifestent par 24 les cris des enfans et par des déjections porracées, féru- gineuses et extrêmement acides. On me demandera peut-être d'où vient que cet acide ne pénètre point dans les conduits laiteux? On en découvrira facilement la raison, si l'on fait attention à leur structure; car ils sont chacun entourés d'nn anneau ou sphincter qui s'oppose au passage des substances âcres ou acides, de même que notre œil, soit que nous le voulions ou non, rejette tout ce qui est capable de l'offenser. Je ne prétends point cependant qu'il ne passe aucun acide dans le sang, il peut fort bien se faire qu'il se mêle insensiblement avec le chyle, et qu'il passe avec lui dans le canal thoraci-» que, et de-là dans le sang. Mais ce cas est extrêmement rare; et lorsqu'il arrive, il en résulte plusieurs maladies, témoin cette couleur pâle et verdâtre, et ces taches rou- ges qui s'élèvent sur toute la surface de la peau. On peut dire cependant en général que l'acide a son siégo dans le laboratoire du chyle; car Boerhaave dit n'avoir jamais trouvé du lait acide ailleurs, ce qui confirme ce que je viens de dire. § 24. Si l'estomac est surchargé de lait caillé, et que le pylore lui refuse passage, l'enfant perdra l'appétit, re- fusera la mammelle, et no digérera absolument plus. On voit en effet tous les jours que nous ne saurions souffrir les choses qui nous ont fait du mal. L'estomac étant surchargé, et le pylore obstrué, et de plus irrite par la matière dont je viens de parler, il se contractera avec violence, et cette contraction convulsive sera suivie d'un vomissement violent qui incommode extrêmement l'en- fant, mais qui lui devient salutaire, parce qu'il évacue ces excrémens, et qu'il le garantit des maux dont il étoit menacé. Posons pour un moment que ces matières ex- 25 crèmentielles s'arrêtent dans le ventricule, elles y fer- menteront et engendreront des vents, lesquels gonflant les viscères et interrompant le mouvement du diaphra- gme, rendront la respiration difficile; à quoi l'on peut a- jouter, que ces vers s'insinuant dans le pylore, et ne pou- vant s'y frayer un passage à cause de sa contraction, ils causeront des inquiétudes, des anxiétés et des insomnies continuelles. On peut rapporter à la même cause la dis- tention des hypochondres et du bas-ventre, ces maladies ne différant des premières, qu'à raison du lieu qu'elles occupent. § 25. Si cette mucosité tenace et acide vient à obs- truer l'orifice supérieur du ventricule; le muscle du dia- phragme en recevra une irritation considérable, vu la correspondance qu'il a avec ce viscère, et venant à se contracter pendant l'inspiration, il en résultera un ho- quet extrêmement opiniâtre. Que si ces matières pitui- teuses et acides séjournent dans la cavité du ventricule et irritent son orifice supérieur par leur présence, ou du moins par les vapeurs âcres qu'elles envoient il survien- dra pendant l'expiration, à raison de l'irritation que souf- fre le diaphragme, des mouvemens convulsifs dans les muscles qui servent à l'expiration, lesquels seront suivis d'une toux opiniâtre et incommode. En effet, ces sortes de crudités causent souvent aux enfans des toux violen- tes qui ne cessent qu'après qu'elles ont été évacuées par un vomissement, pour recommencer peu de temps après. Les enfans sont rarement sujets à cette spèce de toux sè- che qui est occasionnée par l'irritation du larynx et de la trachée artère, à moins qu'il ne prennent froid. On peut en dire autant de la toux accompagnée de l'asthme; 4 26 elle est ordinairement occasionnée par les matières dont l'estomac est surchargé, et ne cesse qu'à l'aide du vo- missement. § 26. Cette même cause produit un autre effet égale- ment nuisible aux Enfans. J'entends ces exulcérations de certaines parties internes, sur tout de la bouche, de la gorge, du palais, de la langue et de l'œsophage, au- quelles on donné le nom d'aphthes. Ils sont occasion- nés par une humeur âcre et acide qui excorie et ulcère la superficie de ces parties. Cet acide a son principe dans la corruption et dans la trop grande acescensc du lait et de la bouillie que l'on donne aux Enfans. Quel- ques-uns en accusent l'acrimonie du lait de la nourrice et de la salive de l'Enfant, ce qui revient au même, puis- qu'ils reconnoissent pour son principe un acide viciér qui a fixé son séjour dans l'estomac. En effet, il arrive souvent que les adultes étant attaqués de la fièvre à l'oc- casion des matières excrémentielles et porracées qui se sont fixées dans leur estomac, sont affectées de ces sortes d'aphthes, à moins que le Médecin ne les prévienne par l'évacuation. § 27. Nous avons parlé jusqu'ici des effets des mala- dies; l'ordre veut que nous disions maintenant quelque chose de leur traitement. Elle se réduit; 1® à détruire l'a- cide qui prédomine et à fortifier l'enfant; 2? à résoudre le coagulum et à l'évacuer; 3? à corriger les vices du lait, et à indiquer aux nourrices les règles qu'elles doivent suivre. Pour mieux remplir la première indication, il est à pro- pos d'examiner plus à fond la nature de l'acide, afin que connoissant les effets qu'il produit sur les corps exté- rieurs, nous puissions expliquer plus parfaitement les 27 opérations des remèdes dont nous devons nous servir. On appelle acide ce qui est aigre et-piquant, comme le jus de citron, le vinaigre, l'esprit de vitriol, &c. Il se manifeste par ses effets, il dissout l'alcali et fermente avec lui; il s'ensuit donc que la voie la plus sûre de le détruire, est de s'instruire à fond de la nature de l'effer- vescence, en consultant la Chymie. On entend par effer- vescence le mouvement intérieur qui résulte du mélange de deux corps qui étaient auparavant en repos. Prenez, par exemple, un gros d'esprit de sel marin, mêlez-le le- vée quelque peu de poudre de pierre d'écrevisse: ce mé- lange s'échauffera sur le champ et bouillira avec siffle- ment, c'est-là ce qu'on appelle effervescence. Si vous continuez à y ajouter de cette poudre à trois ou quatre differentes reprises, la fermentation cessera, et si vous la séparez, la poudre de la liqueur en versant celle-ci par inclination, vous la trouverez tout autre qu'aupara- vant; car elle ne fermente plus avec les acides, et de- vient une substance neutre, je veux dire, qui n'est ni acide ni alcaline. Examinez la liqueur, vous trouverez qu'elle est tout à fait insipide, et qu'elle ne fermenta plus avec les alcalis. Cette liqueur spiritueuse conte- noit peut-être un sel acide, qui a été absor- bé par la poudre en question, et c'est ce qui a fait don- ner à ce$ sortes de substances le nom d'absorbans. Je conclus de-là, (pie ces sortes de remèdes, dans les cas où l'on peut les employer en sûreté, doivent nécessairement absorber et détruire l'acide qui prédomine dans le ven- tricule, et par conséquent qu'ils remplissent parfaite- ment la première indication. On peut mettre au nom- bre de ces substances les yeux d'écrevisses, les écailles d'hui très calcinées, le corail, les perles, les différentes 28 espèces de coquillages, la nacre de perle, les os de pois- sons, les terres naturelles, comme l'argille, la craie, sur- tout celle d'Angleterre, le bol d'Arménie, &c. Toutes ces substances absorbent l'acide et constituent un troi- sième corps parfaitement doux: elles adoucissent et émoussent l'âcreté et la force des poisons. Par exemple, le mercure corrosif étant broyé quelque tems avec la li- maille d'acier, perd sa mauvaise qualité, la pierre infer- nale se dépouille par le même moyen de sa qualité caus- tique, et le vitriol devient un remède tout-à-fait innocent. Il s'ensuit donc que ces substances sont entièrement op- posées aux acides, et qu'elles sont absolument nécessai- res pour remplir notre indication. Le choix en est aisé et l'on ne peut s'y méprendre; mais comme la faiblesse de l'enfant contribue à l'augmentation de l'acide, on doit se déterminer dans ce cas pour la limaille de fer, parce qu'elle détruit celui qui existe, et qu'en fortifiant les vaisseaux et les viscères, elle empêche qu'il ne s'en forme de nouveau. Prenez, par exemple, de pierres d'é- crevisses, de perles, de corail blanc, de la limaille de fer en poudre, à q j; du sucre blanc q ij, faites en une poudre que vous partagerez en douze doses, et dont vous donnerez une trois ou quatre fois par jour selon l'exigen- ce des cas. Il y a une chose à observer dans l'emploi de ces sortes do substances, c'est de ne point les réduire en poudre impalpable, comme on a coutume de le faire, mais plutôt en poudre grossière, à moins qu'on ne soit assuré de l'existence de l'acide, autrement elles forment une pâte de très mauvaise qualité, et n'agissent que dans les premières voies (1). On voit aussi par-là la nécessi- [1] Vovez l'Essai précédent. té dont il est de purger l'enfant une ou deux fois par se- maine, pour évacuer cette substance par les selles. On remarquera de plus que tous les alcalis fixes ayant une qualité légèrement caustique, il n'est pas sûr de les don- ner lorsqu'on doute de l'existence de l'acide; car ne trou- vant rien qui les émousse, ils agissent comme caustiques, et mettent la vie du malade en danger. Passons maintenant à la seconde indication, qui de- mande des remèdes d'une autre nature, savoir, des re- mèdes savonneux et résolutifs. Car lorsque le lait est entièrement coagulé, les substances testacées ne font qu'arrêter les progrès de son acrimonie, et n'atténuent aucunement la matière obstruante. On appelle atté- nuantes toutes les substances naturelles qui désunissent les parties qui cherchent à se joindre; on les appelle ré- solutives, en tant qu'elles rétablissent les fluides dont les molécules s'étoient unies dans leur état naturel. Je mets au nombre des substances atténuantes et résolutives tous les savons artificiels, entr'autres celui de Venise. On peut y joindre la bile qui se trouve dans le corps; mais comme elle ne peut agir a cause des engorgemens du duodénum, on doit y suppléer par le fiel des animaux. La qualité résolutive des substances savonneuses paroît en ce qu'elles procurent le mélange des corps gluans, gommeux et résineux avec l'eau. On peut rapporter à la même classa le miel, le sucre et le jaune d'œuf, lequel est extrêmement résolutif. La qualité résolutive du fiel paroît dans l'emploi qu'en font les Peintres, car ils em- ploient cette substance pour délayer les couleurs qui ont beaucoup de ténacité. Elle paroît encore par l'effet qu'elle produit dans le veau. Tout le monde sait que cet animal a quatre ventricules; le «lait n'est pas plutôt 29 entré dans le premier, qu'il s'aigrit et se convertit en co- lostrum et en sérosité; cette sérosité passe.par les trois autres ventricules et se mêle ensuite avec le sang; le co- lostrum descend dans le second ventricule, et devient plus dur et plus compact; il arrive la même chose dans le troisième et le quatrième, si bien qu'étant à la fin dé- pouillé de sa fluidité, il y acquiert une si grande dureté, qu'on ne s'imagineroit jamais que le vedu pût le digérer; mais il n'est pas plutôt entré dans le duodénum, qu'il se mêle avec la bile, et s'atténue au point qu'il sort tout-à- fait dissout avec les excrémens. On voit par-là que le fiel remplit parfaitement notre intention, vû que cette maladie provient souvent du»défaut de bile ou de son mérite, et d'où vient qu'on guérit si efficacement l'ictére des enfans à l'aide du savon ou de tel autre semblable. Il ne s'agit plus que de savoir l'animal qui peut le four- nir. Plus un animal a les organes de la digestion petits, plus son fiel est amer, et de-là vient qu'on le trouve tel dans quelques poissons, sur-tout dans l'anguille et le brocher. Si donc l'on mêle quelque peu de ce fiel avec du savon de Venise, et qu'après en avoir fait des pilules, on les donne à l'enfant dans de la mie de pain cuite, ou bien, qu'après l'avoir calciné et pulvérisé, on le lui fasse boire, ou qu'on lui fasse avaler une vessie de fiel entière lorsqu'il a faim, on satisfera parfaitement à notre inten- tion. Bœrhaave nous assure que le remède a produit des effets admirables dans des cas où tous les autres a- voient été inutiles. Après avoir employé ces remèdes en telle quantité qu'il convient pour résoudre la matière obstruante, il ne s'agit plus que de l'évacuer hors du corps. On emploiera pour cet effet la rhubarbe, ou un pavement de petit lait avec un peu de miel. 30 31 § 28. Comme la cause du mal réside plus souvent dans la nourrice que dans l'enfant, les remèdes dont je viens de parler guérissent bien le mal présent, mais ils ne détruisent point sa cause, parce qu'elle n'est point dans l'Enfant. A qui donc doit-on les donner? A la nour- rice, ce qui nous conduit à la troisième indication, qui est de corriger les vices du lait. On a vû ci-dessus que le lait d'une nourrice tient de la nature des alimens dont elle se nourrit, et que ses bon- nes ou mauvaises qualités dépendent de son tempéra- ment et de son régime, c'est pourquoi je n'insisterai point sur cet article. Mais comme le régime influe beaucoup sur le tempérament, il s'ensuit que la cure consiste à le rendre tel qu'il convient. On doit donc interdire à la nourrice tous les acides de quelque espèce qu'ils puis- sent être, ( Voyez § 17), et lui donner s'il le faut les mê" mes remèdes qu'à son nourrisson, en augmentant la do- se. Je réduis sa nourriture au jus des viandes, des écre- visses, des coquillages ou des poissôns de riviere, et sa boisson à la décoction de rapure de corne de cerf ou d'i- voire. Elle doit user d'un exercice modéré, car rien n'ai- grit tant les alimens que l'inaction. En un mot, les nour- rices exigent le même traitement que les enfans; (1) car tout ce qu'elles prennent passe avec leur lait dans le corps de leurs nourrissons, sur-tout lorsqu'elles leur don- nent à téter une ou deux heures après avoir mangé, et qu'elles ont épuisé leurs mammelles par l'abstinence. On voit donc que les nourrices ne peuvent faire plus de mal que de donner à téter aux Enfans aussitôt après a- voir bû du vin ou de la biere; ils tombent souvent par là [I] Voyez l'Essai. - 32 dans des convulsions auxquelles il est d'autant plus dif- ficile de remédier, qu'on en ignore la cause. Si au con- traire elles restent trop longtems sans manger, leur lait se convertit en une sérosité salée et jaunâtre, il acquiert un goût et une odeur d'urine qui le rend insupportable à l'Enfant, et se corrompant par son alcalescence, il leur cause des fièvres dangereuses. Le plus sûr donc est qu'elles donnent à téter à leurs nourrissons quatre ou cinq heures après avoir mangé; la digestion est alors achevée, et le chyle, corne l'observent Lower et Wellis, a toutes les qualités requises pour former une bonne nourriture. § 29. On vient de voir quels sont les vices du lait, et de quelle manière on peut les corriger. Ce qu'on a dit de l'acide en général, est applicable à toutes les autres maladies, pourvu que l'on connaisse parfaitement leur nature. Supposé, par exemple, que les humeurs acquiè- rent trop d'alcalescence, soit à l'occasion de la fièvre, ou de telle autre cause, ce que l'on connaît à la puanteur des déjections, à l'amertume des éructations, à la cha- leur et à la puanteur de l'haleine, on doit recourir aux acescens, et borner les alimens de la nourrice au pain, â la biere, à l'orge, à l'avoine, &c. lui interdisant la vian- de et les autres substances alcalescentes. Elle observe- ra sur tout de ne jamais donner à téter à l'enfant que trois heures après avoir mangé, sur-tout si elle, est d'un tem- pérament robuste, et ainsi du reste. § 30. Il suit de ce qui précède, qu'il est infiniment plus avantageux à un Enfant de téter sa mère ou sa nour- rice, que d'user de lait de vache (1). Ce lait est natu- Voyez l'Essai. 33 tellement acesccnt, et pour l'ordinaire cuit au feu avant d'être employé; or le feu le dépouille de ses parties les plus subtiles, et ne laisse que celles qui sont épaisses et caséeuses; au lieu qu'étant pris à la mammelle, il parvient à l'estomac dans toute son intégrité, et dans cet état il suffit pour guérir un entant au défaut des autres remèdes. § 31. On s'attend sans doute que je parle ici des ma- ladies épileptiques auxquelles les enfans sont sujets; mais comme elles naissent pour l'ordinaire de quelqu'une des causes précédentes, on les guérit par les mêmes remèdes, sinon l'enfant s'en ressent tout le reste de sa vie. Nous voilà donc parvenus à la seconde classe générale, qui comprend les maladies occasionnées par la pousse des dents. CHAPITRE IL DE LA. POUSSE DES DEMS. § 1. Le teins de la pousse des dents est celui dans le- quel les dents percent les gencives, ce qui arrive plutôt dans les uns que dans les autres, mais pour l'ordinaire vers le sixième ou le septième mois, dans les uns sans douleur, et dans plusieurs avec un très grand danger de leur vie. On dit alors que là pousse est difficile. § 2. L'ordre selon lequel les dents sortent, ne varie pas moins que le teins de la pousse; mais on observe en général que les incisives percent les premières, ensuite les molairesj et enfin les canines. Les incisives percent plus aisément que les autres, tant parce que la gencive est plus mince, qu'à cause qu'elles sont plus aiguës. La 5 première dent n'a pas plutôt percé la mâchoire, (car fa pousse commence indifféremment par l'une et l'autre) qu'il en sort une autre à l'opposite; car la dent qui per- ce la première, presse tellement la gencive qui Couvre la dent opposée toutes les fois que les mâchoires se fer- ment, qu'elle l'ouvre à la fin et donne moyen à la dent de sortir. De-là est venue la coutume de donner des hochets aux Enfans, pour faciliter la pousse des dents. 34 § 3. On vient de voir que les dents incisives percent en général plus aisément que les autres; en effet, les gros- ses dents étant plus émoussées, et pressant plus long- tems les gencives, qui sont composées de vaisseaux et de nerfs extrêmement délicats, elles y causent des tensions, des douleurs et des inflammations, auxquelles succèdent des tumeurs, des gangrènes, des convulsions, des saliva- tions, des dysenteries, la fièvre et la mort. § 4. La cause de la difficulté que les dents trouvent à percer, réside dans les dents aussi-bien que dans les gencives. Dans les dents, lorsqu'elles tardent à croître, et qu'elles sont émoussées au point de ne pouvoir percer les gencives; dans les gencives, lorsque leur substance résiste à la dent par sa dureté et son épaisseur, si bien que la compression venant à augmenter, il survient quel- quefois une hémorrhagie, une inflammation, une fiè- vre, &c. Les nerfs étant irrités par cette compression continuelle [car il n'y a point de parties si nerveuses que les gencives] les esprits s'y portent en abondance, en sor- te que les muscles du visage venant à se contracter et à comprimer les glandes salivaires, ils occasionnent un écoulement copieux de salive, laquelle s'insinuant dans la gorge et picotant la membrane du larynx, cause la 35 toux dont les enfans sont alors incommodés. Cette sa- live devenant plus acrimonieuse par le défaut de nour- riture, (car les enfans ne veulent absolument point man- ger pendant la pousse) jette le ventricule dans des con- vulsions, et passant dans les intestins elle picote leurs glandes et leurs tuniques, et cause des flux de ventre douloureux. § 5. Les signes diagnostiques de la pousse se tirent, 1. ° de l'âge (ils ne sont pas toujours fûrs), 2. ° de l'a- charnenîent avec lequel l'enfant frotte ses gencives, 3. ° de la force avec laquelle il presse le mammelon de sa nourrice; 4. ° de la blancheur et de l'enflure des genci- ves et de la salivation, enfin de l'insomnie et du dégoût. § 6. Le prognostic de cotte maladie est aise à tirer de ce qui précède; car plus les dents sont émoussées, plus la pousse est dangereuse, à cause de la difficulté qu'elles trouvent à percer les gencives. Plus aussi les gencives sont épaisses et solides, plus la pousse est difficile et les symptômes dangereux. En effet, Hippocrate nous ap- prend (a) que les enfans qui sont assoupis pendant la pous- se, courent risque de tomber dans des convulsions. Que ceux chez qui la pousse est accompagnée de la toux, pous- sent leurs dents fort tard. Enfin, que la plupart échap- pent des convulsions dont ils sont attaqués. Il nous ap- prend donc que les convulsions dont la pousse des dents est accompagnée ne sont pas toujours mortelles, qu'elle sont légères dans ceux qui ont un cour de ventre, et qu'ils n'en ont aucune lorsqu'il survient une fièvre aiguë. Il est pourtant certain que si la pousse vient à être re- (a) Hipp. Dentilione. Seci. 3, 3G tardée par quelque cause que ce soit, que les symptômes augmentent de jour en jour, qu'il en vient d'autres, et que les enfants n'aient pas la force d'y résister, ils meu- rent pour l'ordinaire. § 7. Une preuve que ces symptômes naissent de la cause dont on à parlé, c'est qu'ils s'évanouissent dès que la dent a parcé. Je crois donc que les indications cura- tives se réduisent à trois points. 1. A ramollir, à rafraîchir, et à doucir les gencives. Toute la Médecine consiste à aider la nature lorsqu'elle fait défaut, et ne point l'interrompre dans ses opérations lorsqu'elle fait son devoir. Tout se réduit donc ici à relâ- cher les gencives, et c'est à quoi on réussira parfaitement en appliquant dessus et par dehors des fomentations faites avec des herbes émollientes, comme les fleurs de gui- mauve, de sureau, &c. cuites dans du lait; elles appai- sent la douleur, elles relâchent les membranes, et dimi- nuent l'inflammation. Boerhaave recommande sur toute chose la crème de sureau, dont le Lecteur pourra voir la composition dans la matière médicale, Sect. 1377. On y joindra, s'il est possible, les potions réfraîchissantes et sédatives, entr'autres les émulsions, parce qu'elles satis- font à toutes les indications, et qu'elles approchent de la nature du lait et du chyle. Les émulsions sédatives ré- pondent à notre but. 2. Lorsque les débits commencent à paroître, ce que l'on connoît à la blancheur des gencives, il faut interpo- ser entre les mâchoires des corps durs et polis, pour se conformer au goût des enfans qui les cherchent alors avec empressement. Les enfans les mettant dans leur bou- che, les mordant, et le frottant contre leurs gencives, il 37 arrive souvent que celles-ci s'ouvrent d'elles mêmes et donnent passage à la dent. Quelques Auteurs font grand cas de la dent de loup, que Sylvius de le Boé croit con- tenir un certain sel volatil, dont les vapeurs pénétrantes hâten, l'ouverture des gencives. Mais ce sont là des niaiseries; car la Cliymie nous montre que les animaux ne contiennent aucun sel volatil, mais un sel approchant du sel ammoniac, qui ne se volatilise qu'à l'aide d'un feu violent. Tout ce qui est dur et poli, comme l'ivoire, le crystal, l'agathe, le corail, &c. est bon pour cet effet; il n'est question que de lui donner une forme convenable, et d'en frotter souvent les gencives pour en diminuer l'é- paisseur et faciliter la sortie des dents ou on a vû ci-des- sus §. 2, quil suffit une dent perice, pour faire percer celle qui lui est opposée. 3. Si la douleur continue et que les moyens indiqués ne produisent aucun effet, on aura recours à la lancette, observant faire l'incision selon la longueur de la dent; car une incision transversale ne suffirait pas pour lui donner passage, ce qui augmenteroit la douleur sans ef- fet; outre que la plaie venant à se fermer, la dent ne sor- tiroit qu'avec peine. L'incision faite, on peindra la partie avec de la crème de sureau, et au cas que l'hémorrhagie soit abondante, on y ajoutera quelques gouttes de suc d'immortelle; on arrêtera l'hémorrhagie, on appaisera la douleur, et la dent sortira sans peine. § 8. Les convulsions cessent ici avec la maladie. Si cependant elles continuaient, on y remédieraient, selon Sidenham, avec quelques gouttes d'esprit de corne de cerf. Ce remède est extrêmement doux, et convient à la foiblesse de cet âge. 38 CHAPITRE III. DES MALADIES OCCASIONNEES PAR LES VERS § 1. On croiroit que les enfans n'ont plus rien à crain- dre après avoir échappé aux maladies dont on vient de parler; mais la nature a voulu que l'homme fût sujet à différens maux pendant les sept premières années de sa vie, et il y a lieu de s'étonner qu'un corps aussi lâche, aussi foible et aussi nerveux, ait la force de les'surmon- ter. La pousse des dents n'est pa>s plutôt faite, que les enfans sont attaqués d'autres maladies aussi dangereuses; ce sont celles qu'occasionnent les vers, dont nous allons parler en peu de mots, suivant l'ordre que nous nous sommes prescrits. § 2. On a remarqué depuis longtems que les enfans ne sont point sujets aux vers tant qu'ils tètent, mais les dents ne commencent pas plutôt à se frayer un passage à travers les gencives, que dédaignant la mammelle, ils n'ont plus d'appétit que pour les fruits, la viande, le fro- mage, <fcc. Ces alimens [1] étant exposés à l'air, reçoi- vent les œufs des insectes qui s'y trouvent; ces œufs ve- nant à passer dans le corps des enfans, et résistant à la foiblesse de leurs viscères, se logent dans l'estomac et et dans les intestins, et s'y multiplient à l'infini. § 3. La brièveté que je me suis prescrite dans cette Dissertation, ne me permet point de décrire toutes les [1] Voyez l'Essa 39 différentes espèces de vers qui s'engendrent dans le corps des enfans; j'en remarquerai trois principaux, qui sont, les ronds, ceux-ci sont les plus communs; les larges et les longs appelles Tœniœ; les peti.ts, qui ressemblent à des poux, et qu'on appelle Ascarides. Ces vers se logent ordinairement dans l'œsophage, dans le ventricule et dans les intestins, à l'exception du colon, où il est rare qu'ils séjournent par la facilité qu'ils ont de sortir avec les excrémens. J'ai dit qu'ils se logent dans l'œsophage et le ventricule, et je me fonde sui* les nausées qu'ils cau- sent par leurs mouvemens, et sur ce qu'on les rend dans le vomissement. Ils se logent aussi dans les intestins, témoin les diarrhées et les lipothymies qu'ils causent par leur_irritation, les foiblesses de pouls, leur sortie avec les excrémens; on peut y joindre les démangeaisons du nez qui sont une suite de l'irritation qu'ils causent dans les intestins, laquelle se communique par le nerf intercos- tal à la membrane de Schneider, qui, outre le grand nerf olfactoire, reçoit encore un rameau de la première bran- che de la cinquième paire, en conséquence de son union avec le nerf de la sixième paire, d'où le nerf intercostal tire son origine. De là encore le grincement des dents, à cause de la communication qu'il y a entre le nerf in- tercostal et le nerf de la cinquième paire, qui envoie une branche aux dents, c'est à cette même communication du nerf intercostal avec presque tous les nerfs du corps, qu'on doit attribuer les convulsions épileptiques dont cet- te maladie est accompagnée. Tels sont les effets que causent les vers par leur mouvement et leur irritation lorsqu'il séjournent long-temps dans le corps, ils consom- ment une grande portion du chyle, de sorte que l'enfant est presque toujours affamé, pâle, défait, constipé. Us percent même quelquefois les intestins, et causent par ce moyen la mort au malade. 40 § 4. A l'égard du on le tire aisément de ce qui précède, en y joignant l'âge, la nourriture, et le tempérament du sujet. Les enfans sont extrêmement sujets aux vers depuis un an jusqu'à quatorze, surtout lorsqu'ils usent d'alimens farineux et des fruits d'été; non que ces fruits aient la vertu d'engendrer des vers (1), comme on le croit communément, mais parce qu'ils con- tiennent les œufs d'une infinité d'insectes. § 5. Passons au prognostic. Les Ascarides sont les moins dangereux de tous les vers, mais ils ont le défaut de s'attacher à l'intestin rectum, et de causer une tenes- me continuel et extrêmement incommode. Les Méde- cins sont fort partagés sur ]a nature des strongles et des cucurbitins; on peut dire cependant qu'ils sont fort mau- vais à cause des maladies qu'ils occasionnent, et qu'ils ne présagent rien de bon, si ce n'est dans les crises. Hip- pocrate (<z) dit que c'est un bon signe lorsque le malade rend des vers ronds par les selles, ou sur le point que la maladie est prête d'être jugée; non pas qu'ils soient bons par eux-mêmes, mais parce qu'ils annoncent la crise. Que s'ils viennent à ronger les intestins, la perte du ma- lade est infaillible. § G. Après avoijj yû la manière dont les vers s engen- drent et se nourrissent dans le corps humain, il ne reste plus qu'à donner les moyens de les détruire: j'ai dit ci- [Lj Voyez! Essai. [a] lÀb. PrcEiiotionuni. 41 dessus qu'ils s'insinuaient dans le corps avec les alimens, et qu'ils trouvaient un nid dans la pituite contenue dans le ventricule et les intestins. Les indications se rédui- sent donc 1° à détruire ce nid, 2? à les tuer et à les chas- ser du corps. Les remèdes qui empêchent la génération de la pitui- te, et qui l'atténuent et la chassent, satisfont pleinement à la première indication. Je mets de ce nombre 1- les Alcalis fixes, entr'autres l'Alcahest de Glauber, et l'hui- le de tartre par défaillance: à la dose d'une goutte ou deux. 2° Les différentes espèces de savon, par exemple, celui de Venise. 3° Les mercuriels, comme le mercure doux grossièrement broyé, de peur qu'il n'excite la sali- vation. 4? Les substances aromatiques amères, comme l'écorce d'orange, la semence d'absinthe et de tanésie, le semen contra, &c. 5? Enfin, lés substances gommeuses et résolutives, comme l'opoponax, Passa fœtida, le'gal- banum, &c. (1) Je mets au nombre des topiques, le fiel de bœuf mêlé avec l'onguent nerviri qui possède une qualité extrêmement résolutive. On y ajoutera, si l'on veut, l'huile de tanésie, l'aloës en poudre, pour l'appli- quer sur le bas-ventre en forme de liniment. Bœrhaave est d'avis qu'on en use avec modération, pour prévenir les dysenteries qu'il a coutume d'occasionner. •Les Anthelmintiques satisfont pleinement à la seconde indication. On appelle ainsi les remèdes qui tuent et chassent les vers; on peut les réduire en deux classes. La première contient ceux qui fout mourir les vers. Idc ce nombre sont toutes les différentes espèces d'huiles, 1] Voyez l'Essai. ■ 4*2 qui leur étant immédiatement appliqués obstruent leurs trachées, et les détruisent en peu de temps. On peut les employer en forme de potion ou de lavement après les avoir épurées. 2? Les choses préparées avec le miel possèdent la même vertu, lorsqu'on les donne à jeun, et apres avoir purgé le malade. 3? Les substances que ces insectes ne peuvent digérer; comme les osselets de pois- sons, la corne de cerf, la limaille de fer, &c. 4- Les poi- sons destinés à tuer les vers, entr'autxes le mercure, l'æthiops minorai donné avec un léger purgatif; ou bien prenez, si vous voulez, mercure doux, trois grains; scam- monée, cinq grains; sucre blanc, six grains, mêlez et donnez avec quelque peu de sirop de violette. Vien- nent les vitriols métalliques, celui de Mars, par exem- ple, que l'on délayera avec du miel, et auquel on ajou- tera quelque drogue purgative, pour en faciliter l'éva- cuation. 5® Les médicamens acides, comme l'esprit do vitriol, de soutire, &c., les médicamens salins, entr'au- tres le sel gemme. Ceux qui en voudront savoir davan- tage là dessus, peuvent consulter lihedi et Baglivi. La seconde classe renferme les remèdes qui chas- sent les vers hors du corps, du nombre desquels sont tous les purgatifs, .sans exception, pourvu qu'on les pren- ne à jeun. Les amers n'agissent que par leur qualité purgative; en effet, tant s'en faut que la coloquinte, qui est la plus amère de toutes les substances purgatives, tue les vers, qu'elle les laisse vivre et multiplier sur ses feuilles et dans son fruit. On peut y joindre la scam- monée, la jalap, l'agaric, *tc., broyez avec du sucre. Les Mystères et les linimens produisent encore de très-bons effets, surtout lorsque l'Enfant est à jeun.* Que si l'on a soin avec cela de lui interdire les alimens qui engen- 43 drent ou nourrissent ces insectes, § 2, il ne tardera pas a être guéri, et on lui verra rendre une quantité de vers vifs ou morts, ou en forme de mucosité avec ses excré- mens; car ils ne sont pas plutôt morts qu'ils se corrom- pent et se convertissent en mucosité, d'où l'on voit que ceux-là se trompent qui croient que les vers ne sont morts que quand ils les voient sortir entiers avec les matiè- res fécales. FIN.