MÉMOIRE SUR R'RJZRTTDJRREIZE DE FIEVRE J A U N E QUI A RÉGNÉ A LA Nouvelle-Orléans et dans les Campagnes PENDANT L'ANNÉE •Far CHS DELÉRY D. M. P. » M IL. Marchand, Imprimeur, 113, Rue de Chartres* NOUVELLE-ORLEANS. ise'z. AVANT-PROPOS. Ce mémoire n'est pas proprement mien ; c'est une œuvre collective, et c'est là où est tout son mérite. Le lecteur aura bientôt vu le peu départ que j'y ai prise, et, conséquemment, le peu de mérite qui m'en revient. Le but en est double, le premier : décrire la formidable épidémie qui vient de nous visi- ter ; fixer les esprits sur certains points controversés ; trans- mettre aux médecins qui vont nous succéder, et à la génération qui va nous suivre des faits observés impartialement, sans es- prit préconçu, mais toutefois, avec l'imperfection qui se rattache à tout ce qui procède du jugement des hommes. La génération future, si ce mémoire arrive à sa seconde adresse, fera ce que nos prédécesseurs ont fait, ce que nous avons fait nous-mêmes ; elle choisira au milieu de ces matériaux, prendra ce qu'ils contien- nent de vrai et de permanent, élagueront ce qu'ils peuvent ren- fermer de faux, en nous sachant gré à tous de nos humbles, mais désintéressés efforts. IV Le second but, c'est de détruire un préjugé funeste : celui des familles créoles qui persistent à croire que leurs enfants sont exempts de la fièvre jaune ; préjugé qui entraîne forcément un traitement préjudiciable. Or, dans l'ordre moral, le préjugé est un monstre qu'il faut anéantir. Celui-là, la massue d'Hercule ne saurait l'atteindre ; pour l'attaquer seul, il faudrait la plume étincelante et merveilleuse de Voltaire, couchée depuis bientôt un siècle à côté du grand homme qui l'a maniée. Je ne saurais conclure cet avant-propos sans remercier col- lectivement, au nom de la science, tous ceux de mes confrères qui ont bien voulu enrichir ce travail de leur collaboration. Je dois spécialement des remerciements aux Docteurs Durel et Huard qui ont consenti à se charger de l'aride travail des tableaux de la mortalité ; à mon vieil et respectable ami, Mr. Chs. Fagot, qui m'a fourni le tableau des vents, en sa qualité de gardien du phare du lac Pontchartrain, modeste tâche qu'il remplit depuis près de vingt ans avec un scrupule de conscience qui devient plus rare de jour en jour chez le fonctionnaire public. Enfin, si j'ai pu me livrer avec suite à la rédaction de ce mémoire, c'est grâce à mon ami et excellent Député- Coroner, Mr. L. Burthe qui a bien voulu se charger, jusqu'à nouvel ordre, presque exclusivement, de l'administration démon bureau, et sur qui je me reposais entièrement avec la confiance illimitée dont il s'est montré si digne. Chs. Deléry. FIÈVRE JAUNE ÉPIDÉMIE DE 1867 A LA Nouvelle-Orléans et dans les Campagnes Ces disputes médicales, malheureusement, plus communes et plus vives que celles des autres sciences naturelles, sont les inévitables accidents des progrès de la science : ce sont comme les orages qui purifient l'atmosphère; il faut donc les supporter avec résignation. J. Bouillaud. (Philosophie Médicale.~) Neuf années se sont écoulées depuis la terrible épidémie de 1858 , et, dans ce long intervalle de temps, les médecins, dans notre ville, n'ont été ap- pelés à constater que quelques cas de fièvre jaune sporadique. On se flattait que la rigide quaran- taine établie par le pouvoir militaire avait éloigné, à tout jamais, le fléau de notre sein. Quelques natures timorées pour qui la vie a du prix, même au milieu des dégradantes humiliations d'un despo- tisme brutal, sans gloire pour alléger son joug, se félicitaient de cette sécurité achetée au prix de 6 leur indépendance et de leur dignité. La décep- tion s'est fait attendre, mais elle a été cruelle ; la Nouvelle-Orléans et nos campagnes viennent de fournir sa moisson de morts au terrible fléau qui n'était qu'assoupi. C'est cette épidémie que je me propose de décrire, en m'appuyant sur mon observation personnelle, et surtout sur les pré- cieux documents que mes estimables confrères se sont empressésde m'offrir avec ce zèle et cette bien- veillance que l'amour de l'humanité inspire tou- jours aux esprits nobles et désintéressés. Mon but n'est pas de faire un traité complet de la fièvre jaune ; je ne reviendrai pas sur ses symp- tômes, sa marche, son diagnostic, son pronostic &c., &c., j'ai passé en revue ces différentes ques- tions dans mon mémoire sur l'épidémie de 1858, et je n'ai aujourd'hui rien de nouveau à ajouter à ce sujet. Je me bornerai à l'examen de quelques points controversés sur lesquels la dernière épidé- mie vient de jeter une nouvelle lumière. Voici l'ordre des questions que je vais soumettre à l'a- nalyse : lo. Fièvre jaune des créoles de la ville. 2o. Emploi du sulfate de quinine comme Cri- térium. 3o. Question de l'endémie. 4o. Fièvre jaune des campagnes. 5o. Question de l'acclimatement. 60. Question de la Récidive. 7o. Influence de la gelée. 7 Fièvre jaune des créoles de la ville. J'ai abordé cette question à la fin de mon mé- moire sur l'épidémie de 1858 ; voici comment je débutais: " Je suis très éloigné de me croire à l'abri de l'erreur. Il faudrait avoir peu étudié et peu ré- fléchi pour n'être point arrivé à reconnaître l'ex- trême faillibilité de l'esprit humain, et j'entends de l'esprit le mieux doué de la nature et le mieux cultivé. Certes, c'est un acte grave que de produire et de défendre une opinion qui pourrait être er- ronée ; mais lorsqu'on a la ferme conviction que loin d'être telle, elle est, au contraire, l'expression de la vérité, c'est un devoir de la publier et de la soumettre avec candeur à l'examen de ceux qui sont juges compétents delà matièreCe n'est pas à la légère que j'ai adopté l'opinion que je vais développer. J'ai hésité, long-temps, avant de me prononcer, enchaîné que j'étais par la tradition. Je me souviens d'avoir vu, en 1853, des enfants créoles qui offraient tous les symptômes appartenant au typhus ictérode ; j'hésitais, et je disais aux pa- rents "si j'avais affaire à un étranger, j'affirmerais que c'est la fièvre jaune." Aujourd'hui mon opi- nion est arrêtée, appuyée, qu'elle est, sur des obser- vations mieux étudiées, plus approfondies, Je vais essayer de la justifier." 8 Je terminais mon travail par les réflexions sui- vantes : "Voilà ce que j'avais à dire sur la fièvre jaune des créoles. La question est assez impor- tante pour mériter toute l'attention des médecins qui pratiquent dans cette ville. L'éveil qui a été donné ne manquera pas de stimuler leur zèle. Pour ma pari, je me propose de continuer cette étude avec un soin plus scrupuleux que jamais, et, si je venais à être convaincu d'erreur, je me ré- tracterais sans délai, comme sans honte." Cette étude scrupuleuse et approfondie, je l'ai faite encore cette année ; elle n'a fait que renfor- cer ma conviction. S'il m'était resté l'ombre d'un doute, les témoignages spontanés qui me viennent de tant de confrères distingués n'eussent pas man- qué de le dissiper. On me demandera, peut-être, comment la croyance à l'immunité pour les créoles de la ville a pu s'établir dans les esprits ? On m'opposera la tradition, chère, à juste titre, à la génération qui la reçoit, mais qui repousse elle- même un respect servile. Elle nous transmet de belles vérités mêlées à l'erreur ; c'est à nous de dé- gager ces trésors de la gangue qui les enveloppe. Les sciences se composent de deux éléments : la tradition et le progrès ; ce dernier n'est autre chose que l'élaboration des matériaux fournis par la première. S'il m'était permis de matérialiser ma pensée, je dirais : la tradition c'est le quinquina; le progrès, c'est le sulfate de quinine. Ce n'est, certes, pas manquer de respect à la tradition, c'est 9 îtu contraire, lui rendre hommage, que d'écarter i'ivraie qui se trouve mêlée, à son ir.su, au bon grain qu'elle nous livre. C'est ici le lieu de citer, à ce sujet, les réflexions d'un des plus grands penseurs des temps anciens et modernes ; j'ai nommé Pascal. Voici ce qu'il dit à propos du respect dû aux anciens : " C'est de cette façon que l'on peut aujourd'hui prendre d'autres •■sentiments et de nouvelles opinions sans mépriser les anciens et sans ingratitude envers eux, puisque les premières connais- sances qu'ils nous ont données ont servi de degrés aux nôtres ; que, dans ces avantages, nous leur sommes redevables de l'as- eendant que nous avons sur eux, pareeque, s'étant élevés jus- qu'à un certain degré où ils nous ont portés, le moindre effort nous fait monter plus haut, et, avec moins de peine et moins de gloire, nous nous trouvons au-dessus d'eux. C'est de là que nous pouvons découvrir des choses qu'il leur était impossible d'apercevoir. Notre vue a plus d'étendue, et, quoiqu'ils con- nussent aussi bien que nous, tout ce qu'ils pouvaient remarquer de la nature, ils n'en connaissaient pas tant néanmoins, et nous voyons plus qu'eux. Cependant il est étrange de quelle sorte on révère leurs sentiments. On fait un crime de les contredire et un attentat d'y ajouter, comme s'ils n'avaient plus laissé de vérités à connaître."-"Pensées de Pascal" page 55.- Ainsi, sans contredire les anciens, nous pouvons assurer le contraire de ce qu'ils disaient, et quelque force qu'ait cette antiquité, la vérité doit toujours avoir l'avantage, quoique nouvellement découverte, puisqu'elle est toujours plus ancienne que toutes les opinions qu'on en a eues, et que ce serait ignorer la nature de s'imaginer qu'elle a commencé d'être au temps qu'elle a commencé d'être connue.-Pensées de Pascal page 59.- Cette digression faite, en vue du respect dû à la tradition, je reviens à la question : comment s'est 2 10 établie la croyance à l'immunité clés créoles de la ville? Voici comment je m'explique le fait, et je crois etre clans le vrai. De tout temps, durant chaque épidémie, on a vu des étrangers de toutes les nationalités et d'un âge avancé etre atteints de la fièvre jaune, et beaucoup en mourir. Rien de semblable pour les créoles, dans les memes condi- tions d'âge, car ceux qui sont atteints après avoir dépassé la période de l'adolescence constituent une rare exception. On a tiré de là la conclusion que les créoles de la ville étaient exempts du fléau, et quand la maladie se présentait chez l'enfant créole, on la méconnaissait, en raison de la conclusion er- ronée qu'on avait tirée d'un fait mal observé, et encore plus mal interprété. On la qualifiait alors de fièvre maligne, putride, ataxique, muqueuse et l'on se payait de mots. De nos jours, les médecins, en bien petit nombre, qui n'admettent pas la fiè- vre jaune, chez les créoles dp la ville, ne s'entendent guère mieux sur la dénomination qu'il convient de donner à la maladie. Tant il est vrai que la pré- vention et le préjugé sont à l'oeil cle l'esprit ce qu'est le fétu à l'oeil du corps ; dans un cas comme dans l'autre, la vue est troublée et les jugements que l'on forme sont forcément erronés. En sorte que l'immunité des vieux créoles devient une preuve de l'aptitude des jeunes créoles à contracter la fièvre jaune, ce qui est l'inverse de la conclusion que nous a transmise la tradition. Ajoutez à cette cause d'erreur la puissance du préjugé, surtout 11 d'un préjugé qui fait de nos familles créoles une classe privilégiée, et il sera facile de comprendre la difficulté de la tache de ceux qui entreprennent de détruire une croyance aussi chère que fausse. En effet, ce n'est que le préjugé qui soutient encore la tradition dont le Dr. Faget s'est fait l'intrépide champion. Mon confrère avait cru trouver dans le pouls à déclin progressif et régulier, pour la fièvre jaune, et, dans la présence de matière catarrhale, pour sa paludéenne catarrhale, des caractères diffé- rentiels. Jelui fis voir la vanité de son argument en lui signalant des faits qui détruisaient son assertion. Il se fâcha ; "or, au milieu d'une discus- sion sur la fièvre jaune des campagnes, dit-il, le Dr. Deléry me fait soutenir que le vomissement de matière catarrhale et la chiite du pouls, sont les deux caractères qui, pour moi, différencient cette fièvre (la paludéenne) de la fièvre jaune. Voilà bien toujours, ajoute-t-il, avec humeur, où le Dr. Deléry excelle, à faire dire à son adversaire ce qu'il n'a pas dit ou même le contraire de ce qu'il a dit." L'accusation était grave, et je tiens à prouver qu'elle était peu méritée. Pour combattre la doc- trine du Dr. Faget, je vais m'appuyer sur son propre texte. Voici en effet ce qu'il dit page 18, Mémoires et Lettres sur la fièvre jaune : "io. Enfin, j'arrive aux fièvres paludéennes. La fièvre jaune pure, dégagée d'influences étrangères aux palustres, est une continue continente, à. marche régulière, décroissante, rapide ; elle ri obéit point cela quinine. .Te ne saurais trop appeler l'at- tention de mes confrères sur \efait général que j'ai signalé à 12 la page 84 de mon Etude médicale de 1859, le fait général de I® décroissance du pouls, du premier ou second, au quatrième ou cinquième jour, dans la vraie fièvre jaune. C'est là, à mes yeux, le caractère principal de la fièvre jaune. 2o. Les fièvres paludéennes, en général, meme les plus con- tinues, en apparence, sont des pseudo-continues, et la quinine agit sur elles le plus souvent efficacement, quand elle est eon- venablment administrée/' Est-ce clair ? le pouls n'est-il pas signalé ici comme moyen de diagnostic différentiel? Est-il besoin d'être médecin pour saisir la contradiction ? Mais voici qui est encore plus explicite : C'est, donc principalement, de Fexamen attentif de la marche du mouvement fébrile, indiquée exactement, plusieurs fois par jour, avec la montre à secondes, qu'on pourra tirer les diffé- rences les plus sensibles entre la fièvre jaune et nos fièvres graves des campagnes. La moitié de cette tâche est déjà rem- plie : c'est un fait acquis que la décroissance 7 égui'1ère du pouls du premier ou second, au quatrième ou cinquième jour, dans la fièvre jaune ; il reste à recueillir un nombre suffisant de faits complets, écrits au lit des malades, pour savoir positivement si, au contraire, le mouvement fébrile, dès les premiers jours, n'est pas irrégulier, avec des rémissions et des exacerbations, dans ces fièvres des campagnes prises pour la fièvre jaune par cela seul qu'elles s'accompagnent du cortège, vomissement noir, jaunisse et hémorrhagie passiveCe. que j'ai vu surtout en 1853 et en 1858 dans nos environs et à la baie St. Louis ne me laisse aucun doute sur le résultat auquel on arriv ra." - Dr. C- Faget, Etude médicale, p. 87. C'est, donc, à tort que mon confrère m'accusait de mauvaise foi, car, c'est de la mauvaise foi que de faire dire à son adversaire ce qu'il n'a pas dit, et surtout le contraire de ce qu'il a dit. 13 Reste la question de la présence de matière ca- tarrhale que le Dr. Faget signalait comme appar- tenant à sa paludéenne catarrhale. "Signalez-moi, s'écriait-il, les passages des mémoires de 1817 et 1819 où se trouve fréquemment signalée, peur la fièvre jaune, cette hypersécrétion muqueuse qui m'a si fréquemment frappé, dans les fièvres catarrhales paludéennes, que j'étudie depuis plusieurs années? Le Dr. Deléry comprendra qu'il s'agit là d'unpoiut qui a, pour moi, un intérêt tou'particulier La réponse victorieuse que je fis à ce défi me valut cette réplique frappée au cachet de la con- tradiction : "Quant à l'hypersécrétion muqueuse, dans la fièvre jaune, le Dr. Deléry n'avait pas besoin des pénibles recherches qu'il a faites peur m'en convaincre ; il n'avait qu'à continuer à lire mu page 47 à laquelle il avait voulu s'arrêter, il aurait rencontré le passage suivant : d'un autre côté, j'ai pu faire, pendant cette même épidémie, (1853) quatre autopsies défraie fièvre jaune chez des adultes, deux en ville et deux à l'Hôpital de Charité. Dans toutes les quatre, j'ai observé une grande augmentation de sécrétion muqueuse." Ici, l'auteur ne se contente pas de se contredire, il fournit complaisamment à son adversaire des preuves contre lui-même, tirées do s s propres œuvres. Il faut avouer, qu'en cette occasion, il ne pouvait me fournir une autorité supérieure ?i la sienne. Enfin, ajoute le Dr. Fagot, après m'avoir ac- cusé de lui avoir fait dire ce qu'il n'a pas dit et même le contraire de ce qu'il a dit, "le diagnostic différentiel de nos enfants créoles, je l'ai basé 14 sur l'ensemble des symptômes, de la marche et l'épreuve du spécifique." Quant à l'ensemble des symptômes et de la marche, je n'ai rien trouvé dans ses observations de fièvre catarrhale paludéenne qui la différenciât de la fièvre jaune, rien, absolument rien. Le dou- ble tableau fourni par mon estimable confrère le Dr. Durel, offrant en regard les symptômes de la fièvre jaune d'après Dutroulau, et ceux de la fièvre paludéenne, d'après le Dr.Faget, lui-même prouve victorieusement mon assertion. Sulfate de quinine comme epreuve. Reste donc le sulfate de quinine comme épreu- ve. Naturam morborum indicant curationes. Eh bien ! c'est précisément sur l'inefficacité, pour ne pas dire, la nocuité de cet alcaloïde que je m'ap- puie pour combattre l'opinion de mon estimable confrère. Je ne sais si je suis compris dans la liste de ceux qu'il accuse d'être les détracteurs du sulfate de quinine : s'il en est ainsi, l'accusation est injuste. Si le précieux alcaloïde tombe jamais dans le discrédit, ce sera, à coup sûr, la faute de ceux qui en abusent et non de ceux qui en usent. C'est aux éloges répétés, à satiété, de ses amis qu'Aristide dut l'ostracisme dont il fut frappé, et non aux calomnies de ses ennemis. Mais, avant d'entamer la question du suif, de quinine comme critérium, il me semble indispensable de s'entendre 15 sur ce que l'on doit désigner sous le nom de fièvre pernicieuse, si commune ici, d'après un très petit nombre de médecins, si rare, d'après la grande majorité des praticiens. Je n'ai jamais été en Algérie pour étudier la fièvre que le Dr. Maillot décrit sous le titre de fièvre pseudo-continue. Loin de moi la pensée de mettre en doute, sans examen préalable, le diag- nostic de ce célèbre médecin, mais ce que je puis affirmer, c'est que pendant mes vingt-cinq années de pratique en Louisiane, à savoir : cinq à la. cam- pagne, et vingt en ville, je n'ai jamais constaté un seul cas de cette fièvre pseudo-continue. De grâce, laissons la en Algérie et n'allons pas inprudemment la transporter sur notre sol, frappé déjà de tant de fléaux. D'autres vieux praticiens que j'ai interro- gés à ce sujet n'ont également rien vu de pareil. En fait de fièvre rare dans ce pays, j'ai vu un cas de cette rémittente bilieuse hématurique si bien décrite par le Dr. Dutroulau. Il y eut même une récidive l'année su'vante, et, comme je me trouvais indisposé dans le moment, le malade fut visité par mon ami et distingué confrère le Dr. Capdevielle. Tous les cas de fièvre pernicieuse que j'ai observés depuis que je pratique en ce pays revotaient la forme larvée. Voici, du reste, deux observations que je mentionne ici comme types cle toutes les autres. Dans le premier cas, il s'agit d'une dame, faible de constitution, mais jouissant habituellement 16 d'une bonne santé. Elle était assise, occupée à coudre, quand elle se lève pour prendre du fil sur son lit. À peine avait-elle fait trois ou quatre pas qu'elle s'affaisse sous elle-même, et tombe frappée d'hémiplégie. On la relève aussitôt, on l'étend sur le lit et l'on se met à la frotter avec des excitants. J'arrivai auprès d'elle environ deux heures après l'accident. La peau était encore plus que fraîche et le pouls extrêmement petit. J'eus recours aux ex- citants intrà et extra. Au bout de quelques heures, la chaleur et le pouls revinrent à peu près à leur état normal et l'hémiplégie disparut. Je prescrivis vingt grains de sulfate de quinine; le lendemain, à la même heure, même affaissement et mêmes acci- dents, mais singulièrement amoindris. J'ordon- nai, cette fois, trente grains de quinine, puis vingt le troisième jour, puis douze le quatrième, et tout rentra dans l'ordre. Le sujet de la seconde ob- servation est une petite fille d'environ neuf ans. Elle avait eu un violent accès de fièvre, presque entièrement dissipé lorsque je l'examinai. Je prescrivis douze grains de sulfate de quinine à prendre dans l'intervalle des deux accès. Je re- tournai visiter l'enfant vers deux heures et demie; c'est à trois heures que l'accès devait revenir. Je trouvai la petite malade assise sur son lit, dans un état d'apyrexie, et jouant avec sa poupée. J'étais heureux de penser que j'avais réussi à conjurer l'o- rage, et je me hâtai de demander à la mère, si l'en- fant avait gardé le sulfate de quinine. "Elle a ré- 17 sisté, me répondit-elle, et elle était si bien que nous n'avons pas insisté." Celte réponse inattendue me déconcerta ; je m'assis en face de l'enfant, réfléchis- sant au moyen de parer le coup. Mais, pendant que j'avais l'oeil sur la petite malade, je la vis blê- mir ; puis elle laissa la poupée échapper de ses mains, tomba à la renverse, entra en convulsions et mourut quelques heures après. Oui, voilà les fièvres pernicieuses que j'ai obser- vées depuis que je pratique en Louisiane ; rémis- sion complète, et santé parfaite dans l'intervalle des accès ; guérison invariablement sûre quand l'al- caloïde est administré, en temps opportun et à dose suffisante, sinon pour couper la fièvre, du moins pour u l'enrayer et la modifier. J'ajouterai que cette année, je n'ai pas rencontré un seul cas de fièvre pernicieuse, dans ma clientèle, tandisque j'en ai constaté seize pour le mois de Septembre dans mes fonctions de Coroner. Cela se comprend aisé- ment, puisque le Coroner n'est appelé à faire le vu du corps que des individus morts sans secours mé- dical, en raison de leur état de pauvreté. Or, j'ai vu cette année, je le dis avec une douleur molée d'indignation, des indigents de tout ûge succomber impitoyablement à une maladie qu'il eut été si fa- cile à un médecin de guérir avec quelques grains de sulfate de quinine. Maintenant, existe-il aucune ressemblance entre cette fièvre pernicieuse et la fièvre qui vient de sévir si cruellement sur nos enfants créoles ? Y 3 18 a-t-il possibilité de les confondre, y a-t-il meme place pour le doute ? Je réponds sans hésitation, non. En est-il de même quand on cherche à diffé- rencier la paludéenne catarrhale de la fièvre jau- ne 'l Qu'on se rappelle les pénibles et vains ef- forts du Dr. Faget pour découvrir quelques signes différentiels ! Que sont devenus le pouls à déclin progressif et la présence de matière catarrhale dans les vomissements ? Il les a abandonnnés pour se jeter dans cette vague proposition. " Le diag- nostic différentiel de nos enfants créoles, je l'ai basé sur l'ensemble des symptômes ; de la marche, et l'épreuve du spécifique." Or, l'ensemble des symp- tômes et la marche sont identiques dans les deux affections, comme le lecteur pourra s'en convain- cre après avoir examiné toutes les preuves, c'est-à- dire toutes les observations que je donne à l'appui, particulièrement celles des médecins honorables dé- gagés de toute prévention, n'ayant jamais pris part à la controverse qui agite le corps médical de cette ville depuis plusieurs années. Quant au sulfate de quinine comme épreuve, je ferai voir que c'est une pure illusion. Encore une fois, la difficulté de la tâche n'est pas de renverser l'échafaudage capricieux dressé par mon estimable confrère qui, d'ailleurs, a donné lui- même, les plus rudes coups de sape à la base sur laquelle il l'avait appuyé. La difficulté réelle, c'est de détruire le préjugé de nos familles créoles, pré- jugé funeste, basé sur une tradition menteuse. Il ne s'agit nullement, ici, d'un triomphe d'amour 19 propre, mais de doctrine ; or, la doctrine entraîne le traitement ; voilà où est toute l'importance de la question qui nous agite. Que le sulfate de qui- nine soit le spécifique de la fièvre pernicieuse, pas un médecin n'en doute ; qu'il soit inutile à petite dose, nuisible à haute dose, dans la fièvre jaune c'est là un fait reconnu" par tous les praticiens sans prévention. C'est donc l'intérêt des familles créoles que nous prenons en main, et quelque mauvais gré qu'elles nous sachent de leur enlever une illusion chère, nous accomplirons notre devoir, persuadé qu'avant peu, elles nous seront reconnaissantes de l'avoir fait. Nous leur dirons, d'ailleurs, pour les consoler, que la fièvre jaune offre moins de gravité chez le natif que chez l'étranger ; nous ajouterons que s'il est facile de changer le nom d'une affection morbide, il est impossible d'en chan- ger la nature, et que cette maladie qu'elles repous- sent pour leurs enfants, reparaîtra quand meme, toutes les fois que la Nouvelle-Orléans sera visitée par une épidémie de fièvre jaune. La seule diffé- rence, et elle est d'une importance colossale, c'est que, la vérité s'étant fait jour, on appliquera au mal un traitement rationnel, au lieu d'une médi- cation empirique. Bien que ce mémoire s'adresse spécialement aux hommes compétents, c'est-à-dire aux médecins, je ne perds pas de vue nos familles créoles qu'il importe aussi bien d'éclairer et d'arracher à l'erreur traditionnelle. Aussi, chaque fois que l'occasion 20 s'offrira de recourir à un argument dégagé d'ex- pressions techniques, et à la portée de tous les es- prits, je ne manquerai pas de le faire. Or, j'aurai recours ici à deux syllogismes qui seront de nature à frapper les personnes les moins initiées aux ar- canes scientifiques. Pour mieux saisir le premier, il est bon de se rappeler le célèbre aphorisme d'Hippocrate si fréquemment reproduit par mon es- timable confrère et adversaire wituram morborum indicant curationes " - c'est le mode du traitement qui indique la nature de la maladie.-Cet aphorisme qui n'est pas applicable à toutes les maladies, l'est, certes à la fièvre pernicieuse dont le sulfate de qui- nine est le spécifique. Pour la commodité de l'ar- gumentation ,je désignerai la fièvre qui sévit sur nos enfants créoles, à chaque épidémie de typhus ictérode, sous le nom fièvre épidémique. PREMIER SYLLOGISME Le sulfate de quinine est le spécifique de la fiè- vre pernicieuse. Or, le sulfate de quinine est, pour le moins, inu- tile dans la fièvre épidémique. Donc, la fièvre épidémique n'est pas la fièvre pernicieuse. La lecture des observations qu'on trouvera à la fin de ce mémoire prouve la force de ce syllogisme. D'autre part, le tableau d'enfants morts de la per- nicieuse pendant la dernière épidémie (voyez à la fin du J/ê'mozre)démontrera péremptoirement l'inef- 21 ficacité du spécifique dans une maladie qu'on s'obs- tine à prendre pour elle. Pour ma part, de tous les enfants créoles que j'ai soignés cette année, il n'en est que trois à qui j'ai fait prendre, par voie d'expérimentation, quelques grains de sulfate de quinine, et je me hâte d'ajouter que j'y renonçai au troisième jour, n'ayant obtenu que de mauvais résultats de cette médication. Ce médicament augmentait l'agitation ; dans un cas, il provoqua le vomissement. Je n'hésite pas à con- damner ce mode de traitement appliqué à la fièvre épidémique de nos enfants créoles. Le sulfate de quinine à haute dose, dans ces cas, me paraît cer- tainement plus pernicieux que la maladie elle- même. Si je ne craignais de trop grossir ce mé- moire, je pourrais citer, à l'appui de mon opinion, l'autorité d'un grand nombre de médecins instruits, compétents, ayant pratiqué tant ici, que dans les Antilles. J'aime mieux renvoyer le lecteur à l'in- téressante lettre que mon estimable confrère, le Dr. Durel, a publiée, le 27 novembre, dans le jour- nal V Epoque SEGOND SYLLOGISME La fièvre pernicieuse attaque indistinctement les sujets de tous les âges et de toutes les nationalités. Or, la fièvre épidémique n'attaque que l'enfant créole et l'étranger non acclimatés. Donc, la fièvre épidémique n'est pas la fièvre per- nicieuse. 22 II n'est, certes, pas besoin d'être érudit pour saisir toute la force de ce syllogisme. Quoi ! voilà une fièvre qui s'abat sur la population sous la forme épidémique ; elle débute comme la fièvre jaune, marche comme elle, se termine de la même manière, soit en bien, soit en mal ; moissonne à droite et à gauche en épargnant qui ? uniquement ceux qui ont déjà eu fièvre jaune, c'est-à-dire les acclimatés. Comprend-on maintenant pourquoi on ne voit pas de vieux créoles atteints du typhus ictérode? C'est qu'étant nés et élevés dans la ville, ils font leur acclimatement dans leur enfance ; et, de même qu'il y a des étrangers qui sont atteints exceptionnellement au bout de vingt ans de séjour, dans la ville et après avoir traversé quatre et même cinq épidémies, ainsi on a vu des créoles de vingt et même de trente ans être frappés exceptionnelle- ment. Circonstance bien digne de remarque, et sur laquelle j'appelle toute l'attention du lecteur, c'est que la grande majorité des enfants créoles atteints sont précisément ceux qui sont nés entre deux épi- démies. ( Voyez le tableau de la mortalité à la fin du Mémoire.) Quelques médecins objecteront peut-être qu'ils ont observé, en plein hiver, une fièvre iden- tique, ou à peu près, à cette fièvre épidémique des enfants créoles. Je n'ai qu'une réponse à leur faire, et elle sera courte. Je leur dis : Si elle n'est pas identique, ce n'est pas la fièvre jaune ; si, au con- traire, elle l'est, soyez sûr que c'est le typhus icté- rode, y eût-il quatre pouces de glace dans nos rues. 23 D'ailleurs, c'est à ces Messieurs, s'il y a une diffé- rence entre les deux maladies, à nous fournir le diagnostic différentiel, ce qu'aucun des partisans de la tradition n'a encore fait, car on ne peut ad- mettre, comme caractères différentiels pouls à déclin progressif, et la présence de matière catar- rhale dans le vomissement, caractères auxquels le chef de la doctrine traditionnelle a renoncé lui- même. Quant aux prosélytes, leur silence doit être considéré comme un aveu de leur impuissance, oserai-je dire, de leur conversion? J'arrive maintenant aux observations. Je n'en citerai ici que deux, parce qu'elles ont été prises parallèlement, l'une sur une jeune parisienne ré- cemment débarquée, l'autre sur une petite créole qui est née en ville et ne s'en est jamais absentée ; c'est la soeur de notre estimable et si estimé audi- teur des comptes, M. Péralta, mon ami. Je renvoie le lecteur à la fin du Mémoire pour les autres cas. PREMIÈRE OBSERVATION. 20 septembre 1867. Mlle X***, âgée de 21 ans, parisienne, dans le pays depuis le mois de Mai, est tombée malade hier, le 19 à midi. Je la vois ce matin, le 20, à 7 heures. Symptômes. Figure rouge; yeux brillants; céphalalgie vio- lente ; lombago ; pas de douleur à la région épigastrique ; soif ardente ; pouls à 120. Prescription. Une bouteille limonade au cit. de magnésie. 5 h. après-midi. Face très-rouge ; peau brûlante ; gencives mo- dérément rouges ; langue saburrale, rouge à la pointe ; pouls à 120 ; purgation et urine abondantes ; huit sangsues aux mastoïdes. 24 21, 7 heures du matin. Pouls à J18; peau chaude ; la cé- phalalgie a cessé depuis la saignée locale : a rejeté l'eau de Seltz ; toutes les fois qu'elle se remue après avoir bu, la malade éprouve l'envie de vomir. 6 heures après-midi. Peau encore chaude ; aucune douleur ; pouls à 112 ; langue uniformément blanche, sauf à la pointe qui est rouge ; la malade a uriné et évacué. 22, 7 heures du matin. Pouls à 106 ; état général satisfaisant. 5 heures après-midi. Peau fraîche; aucune douleur; légères envies de vomir ; sclérotique légèrement jaune ; les menstrues ont paru ; pas de soif; langue cotonneuse ; pou s à 104. 23, 7 heures du matin. Pouls à 104, malaise; respiration, suspirieuse ; faiblesse extrême ; la malade a uriné deux fois dans la nuit et a rejeté son eau de Seltz. 1 heure après-midi. Pouls à 88 ; la malade a pris du bouil- lon et se sent moins faible. 5 heures après-midi. Pouls à 100 ; état général satisfaisant ; La malade a pris un peu de bouillon et l'a gardé. 24, 7 heures du matin. Pouls à 100. 1 heure après-midi. Pouls à 100. 6 heures après-midi. Même pouls. 25, 7 heures du matin. Pouls à 120, très-dépressible ;. respi- ration suspirieuse ; tremblement si violent dans le membre infé- rieur gauche qu'il devient nécessaire de le contenir avec.les mains. Les muscles de la face sont légèrement convulsionnés ; la voix est très-faible ; l'intelligence est bonne. La malade meurt sans avoir vomi noir. Le corps est parfai- tement jaune après la mort. DEUXIÈME OBSERVATION. 19 septembre. Marie Peralta, née et élevée en ville, ne l'ayant jamais quittée, tombe malade aune heure de l'après-midi. Elie a onze ans ; elle est brune, fortement constituée et jouit habi- tuellement d'une excellente santé, l'as de frisson initial ; cépha- lalgie intense, lombago, douleur à la région épigastrique ; peau médiocrement chaude ; pouls à 128. Il est cinq heures de l'après- midi. Je la revois à 7 heures; même état. 25 d'heures de la nuit. Peau brûlante; face ronge'; pouls à 3.32. L'enfant dit ne plus éprouver de douleurs aux reins ni à 3a tête. Prescription. Huit sangsues aux mastoïdes ; purgatif : citrate •de magnésie, pour le lendemain de bonne heure; langue sa- fourrale au milieu, rouge à la pointe. 20, 7 heures du matin. Pouls à 132 ; il y a eu une éraor- rhagie copieuse provenant delà piqûre d'une sangsue qui s'est fourvoyée dans les cheveux. Figure et yeux pâles ; respiration bonne ; la petite malade a uriné. Même état de la langue. A midi. Pouls à 130 ; peau presque pas chaude ; le purgatif ■a commencé son effet. 5 heures après-midi. Pouls à 120, peau fraîche ; front un peu «chaud; pas de céphalalgie ni de douleur lombaire; la miction a été assez abondante; a purgé plusieurs fois. L'enfant se sent mieux. 21, 8 heures du matin. Pouls à 104 ; peau fraîche , plus au- cune douleur; pas de miction depuis hier; la petite malade do mande à manger. 6 heures après-midi. État général bon ; pouls a 100. 22, 8 heures du matin. État général satisfaisant ; pouls à 90 ; faiblesse très-grande. 5 heures après-midi. Pouls à 76 ; état général satisfaisant. 23, à 7 heures dû matin. Pouls à 76, ut supra, 5 bernes après-midi. Pouls à 80 ; convalescence et guérison- Dans les deux cas, les symptômes et la marche ont été les mêmes ; pas un seul grain de sulfate de quinine n'a été administré ni à l'une, ni à l'autre des deux malades. Ce qu'il y ade remarquable, c'est que le pouls, compté trois fois par jour avec une mon- tre à secondes, ne m'a pas permis de constater ce déclin régulièrement progressif dont nous a parlé mon estimable confrère. Il a été même plus irré- gulier chez l'étrangère que sur la petite créole. •1 26 Dans tous les cas, il me paraîtrait difficile d'établir un diagnostic différentiel entre ces deux fièvres, éclatant chez ces deux personnes soumises aux mêmes conditions atmosphériques, débutant par les mêmes symptômes, suivant la même marche, sauf un accident propre aux cas graves, tel que la jaunisse, et ayant à peu près la même durée, à moins qu'on invoque la mort comme signe diffé- rentiel. Du reste, on trouvera à la fin du mémoire, des observations plus complètes prises sur des enfants créoles nés et élevés en ville ; en disant plus complètes, j'entends que les accidents de la se- conde période : vomissement noir, hémorrhagie pas- sive, suppression des urines se sont manifestés, et ont été suivis de mort. Néanmoins, je dois ajouter que la maladie s'est montrée moins redoutable pour les créoles que pour les étrangers ; car, chez les premiers, ma perte a été environ d'un sur trente, et chez les derniers, à peu près, d'un sur douze. Cette différence tient-elle à la nationalité des sujets? Sans pouvoir répondre catégoriquement à à cette question, j'incline à croire cependant qu'elle est due plutôt à l'âge, car il m'a semblé que la fièvre offrait la même bénignité chez les enfants étrangers que chez les enfants créoles. Ma statistique n'est pas assez complète sur ce point pour me permettre de rien affirmer ; j'y appelle l'attention de mes confrères ; c'est par une statistique générale que l'on pourra arriver à la 27 certitude. Voilà ce que j'avais à dire sur la fièvre jaune des créoles. J'ai annoncé, au commencement de ce travail, que je ne reviendrais pas sur les différents points que j'ai traités dans mon mémoire sur l'épidémie de 1858. Je ne puis m'empêcher, cependant, de faire ici une digression au sujet de l'altération du sang dans le typhus ictérode. Vers la fin d'Août ou au commencement de"Septembre, je fus appelé en consultation par mon ami et habile confrère le Dr. Landry. Il s'agissait d'un jeune louisianais d'environ dix-huit ans, en proie à une fièvre jaune grave. L'ictère était très-prononcé, et les vomis- sements d'une ténacité inquiétante. Vous lui appli- quâmes un vésicatoire sur la région épigastrique ; les vomissements s'arrêtèrent ; mais, le lendemain, il survint une hémorrhagie gengivale abondante, et d'une persistance qui défiait les hémostatiques les plus puissants. Cette hémorrhagie, soit dit en passant, céda au bout de deux ou trois jours à de bons consommés pour toute boisson. Néanmoins, je recueillis une once ou deux du sang qui coulait des gencives. Je portai ce sang à la maison pour l'examiner au microscope solaire ; malheureuse- ment, les exigences de la profession, d'une part, et, de l'autre, le ciel nuageux que nous avions alors, ne me permirent pas de me livrer à cet exa- men. La fiole qui contenait le liquide sanguin fut déposée sur la cheminée, enveloppée dans du pa- pier ; une douzaine de jours après, je la développai, 2S et je trouvai le sang tout aussi liquide que le jour où je l'avais recueilli. Je fis le même examen quel- ques jours après et, à mon grand étonnement, au lieu de sang, je trouvai un liquide grumeleux si- mulant, à s'y méprendre, le vomissement noir. Ce sang était évidemment dépouillé de sa fibrine ; mais, dans quel état se trouvaient les globules ? C'est là ce que le microscope et l'analyse chimique auraient pu nous apprendre. Mais où est l'heureux médecin qui, en pleine épidémie, peut se livrer à de pareilles études, si propres à éclairer sur la vraie nature d'une maladie mal connue, et si mal nom- mée ? QUESTION UE L'ENDEMIE. S'il en faut croire l'intendant Ventura Morales, c'est dans l'année 1796 que la fièvre jaune visita pour la première fois la Nouvelle-Orléans. Voici comment, dans une dépêche en date du 31 octobre, il parle de cette épidémie : "Une épidémie qui a éclaté vers la fin d'Aout, et qui règne encore en ce moment, a jeté dans une terreur qui n'est pas passée, toute la population de la ville. Quelques membres de la Faculté donnent à cette maladie le nom de fièvre maligne ; d'autres assurent que c'est la maladie si bien connue, en Amérique, sous le nom de "black vomit ; " d'autres enfin, que c'est cette même fièvre jaune qui a été si meurtrière à Philadelphie, pendant l'automne de 1794. Une particularité digne de remarque, ajoute 29 l'intendant Morales, c'est que cette maladie attaque les étrangers préférence aux indigènes. " Ces détails sont puisés dans l'intéressant ouvrage de M. C. Gayarré, intitulé : "Sistory of Louisiana ; Spanish domination Rien, malheureusement, ne nous indique si la maladie fut importée ou si elle prit naissance spon- tanément dans la Nouvelle-Orléans qui n'avait alors que trente-neuf ans d'existence. Mais, un fait remarquable qui ressort de la dépêche de l'inten- dant Morales, c'est qu'à cette époque (1796) on croyait les créoles aptes à contracter la fièvre jaune, sans quoi l'intendant n'eût pas dit "qu'elle attaque les étrangers de préférence aux indigènes y Quoiqu'il en soit, depuis lors les opinions médicales sont restées divisées sur ce sujet. Il y a des mé- decins qui croient cette fièvre endémique ; d'autres soutiennent qu'elle est exotique. Le malheur est que les partisans de l'une ou de l'autre doctrine s'aheurtent à leur opinion avec une intraitable obstination. Il en coûte toujours de se rétracter d'un jugement auquel on a donné droit de domicile dans son esprit ; néanmoins, ce sont ces légitimes et honorables apostasies de l'intelligence qui cons* tituent le progrès. S'il fallait que l'homme tra- versât toute une longue vie sans modifier en rien ses idées et ses croyances, il ne serait plus qu'une momie vivante. Ce qui a rendu difficile la solution de cette question, ça été, dans le passé, l'insou- ciance du Bureau de Santé à faire respecter ses 30 propres règlements sur la Quarantaine; J'ai eu l'honneur de présider ce Bureau pendant une an- née, et j'en parle sciemment. Il y a un vice radical dans la composition de ce corps qui compte autant, si ce n'est plus, de négociants que de médecins. Or. pendant que le médecin, en raison de sa posi- tion, n'a en vue que la salubrité publique, le né- gociant, lui, se trouve placé entre deux intérêts, celui de sa famille, et celui de son commerce que la Quarantaine entrave considérablement ; tant que le premier n'est pas dans un péril imminent, il se montre indulgent aux infractions faites aux lois qui gênent le cours de ses affaires. C'est le négociant, au lieu que ce soit le médecin, qui contrôle le Bu- reau de Santé. Depuis la chute de la Confédéra- tion, c'est-à-dire depuis que la baïonnette s'est faite loi, les choses ont complètement changé. Aussi, les ordonnances de ce Bureau ont-elles été religieusement observées depuis que la force s'est substituée aux lois. Je ne dis pas cela pour glo- rifier la force, Dieu m'en garde ! je ne fais que constater un fait. On ne pourra donc plus, comme dans le passé, se rejeter sur ces fréquentes infrac- tions aux règlements de la Quarantaine pour met- tre en doute un cas qui prouve l'endémie. Or, ce cas, nous le possédons cette année. Dans les premiers jours de Juin, j'appris qu'il y avait eu une mort occasionnée par la fièvre jaune à l'Hopital de la Charité ; je m'y rendis immédia- tement, et le Dr. A. W. Smith, si avantageusement 31 connu dans la profession, eut l'extrême obligeance de rédiger, séance tenante, l'observation suivante que je traduis ; " John Cowarbs, natif d'Autriche, âgé de 29 ans, quitta Li- verpool pour la Nouvelle-Orléans où il arriva en Avril 1866. Depuis cette époque jusqu'en 1867 il a été employé comme ma- telot à bord des Goélettes qui voyagent sur le lac Ponchartrain. Ce fut alors qu'il fit son dernier voyage de Madisonville à la Nouvelle-Orléans sur la Goélette Cadoche. Vers le milieu de Mai, il s'engagea comme matelot sur la barque italienne Brésie, qui prenait alors, dans le quatrième district, un chargement de douves pour Barcelone. Cette barque était arrivée ici de la Ha- vane, dans le mois de Mars, avec un chargement de sucre. Le sujet de cette observation était en proie, depuis deux mois, à la fièvre intermittente avec frisson, et le Lundi , 3 de Juin, il avait avalé une once et demie de poudre à canon pour couper la fièvre. Mercredi le 5 du même mois, il laissa la barque et se rendit à la maison de Mr. .Natales Swago, rue du Cirque près Poydras. Il n'était pas alors très malade,et même le Mardi suivant on le vit se promener dans les alentours de la maison. Le Ven- dredi matin, son état empira, et il fut obligé de se mettre au lit. Il n'avait été vu encore par aucun médecin, et le Lundi, il fut transporté à l'hôpital de Charité. Quelques heures après son admission, il se mit à vomir noir, et sa peau devint jaune. Il mourut dans la nuit à onze heures. C'était un homme forte- tement musclé; il n'avait presque pas de fièvre le jour de son entrée à l'hôpital. Il n'avait pas uriné depuis longtemps ; il éprouvait une grande sensibilité à la région épigastrique ; ses gencives étaient rouges et offraient une apparence hémorrha- gique." Le malade a été vu, et l'observation prise par le Dr. Smith, qui a reconnu là un cas de fièvre jaune. Je sais que Fon m'objectera cette fièvre intermittente avec frisson qui durait depuis deux 32 mois. Je réponds, ce que j'ai déjà répondu à la même objection, qu'on a vu bien d'autres exemples de fièvre jaune se greffant sur la fièvre intermit- tente. J'ajoute qu'il n'y a guère, dans notre ville, de médecins qui l'aient vu la fièvre intermittente se terminer par le vomissement noir, la suppression des urines et l'ictère, caractères qui appartiennent essentiellement au typhus ictérode ou à sa dou- blure. la paludéenne catarrhale. Mais que dire des autres cas qui suivirent celui que je viens de rapporter ? Qui a pu en rattacher aucun à l'importation ? Voici, d'ailleurs, un tableau hebdomadaire comparatif qui donnera une idée exacte de la marche de l'épidémie : Mois. Dates. Fièvre Jaune. Autres Fièvres. Maladies , diverses. Total. Juillet T 1 10 104 115 0 14 3 22 103 128 II 21 2 15 134 151 II 28 5 23 129 157 Août 4 9 28 102 139 Il 11 14 21 139 174 II 18 26 49 146 221 II 25 77 43 104 224 Septembre 1 129 38 114 281 8 245 39 121 405 Il 15 358 47 115 520 II 418 73 154 645 II 29 489 83 160 732 Octobre 6 431 75 170 676 Il 13 355 69 174 598 II 20 235 39 137 411 II 27 120 45 117 282 Novembre 3 72 28 128 228 Il 4 7 1 24 32 II 5 7 2 18 27 3007 750 2393 6346 33 Ainsi, en prenant les deux chiffres de la mor- talité les plus élevés, celui de 77 (25 Août) pour les premières semaines de l'épidémie et celui de 489 (29 Septembre) pour les dernières, on verra -que sa période d'accroissement a été de six semai- nes. Fièvre jaune des Campagnes. Je n'ai pas visite les campagnes cette année, comme je l'ai fait pendant l'épidémie de 1853. Quant à cette dernière épidémie, (de 1853) je l'ai vue et étudiée et je déclare que c'était identique- ment la même maladie que celle qui, dans le même moment, sévissait si cruellement sur la Nouvelle-Orléans. C'est ici le lieu de reproduire l'opinion de Mé- decins dont personne ne met en doute les lumières, et le talent d'observation ; je commencerai par celle de mon estimable confrère et ami le Docteur S. Martin. Voici la note qu'il eut l'obligeance de me fournir, à l'époque, et qui figure à la fin de mon mémoire sur la fièvre jaune de 1858. Il y a vingt-trois ans que j'exerce la médecine en Louisiane. Je compte treize ans de pratique, dans notre cité, et dix au-delà de ses limites. J'ai invariablement remarqué que la fièvre jaune sévissait à la campagne comme à la Nouvelle-Orléans. Pendant mon séjour à Donaldsonville, de 1840 à 1850, je n'ai jamais manqué de constater, comme règle, que toutes les fois qu'une épidémie frappait la population de la Nouvelle-Orléans, elle ne tardait pas à se montrer dans les campagnes, Seulement, elle y appa- raissait un mois ou six semaines plus tard, attaquant d'abord 6 34 les étrangers; les Irlandais de préférence, probablement parce que, par la nature de leurs travaux et de leurs habitudes, ils s'exposent davantage aux causes déterminantes du fléau. En second lieu, venaient les Allemands, puis les Français. Les créoles, bien que beaucoup moins sujets à contracter la maladie, étaient loin d'en être exempts. J'ai fréquemment ob- servé celle-ci, non seulement dans un centre de population, (à Donaldsonville, par exemple) où l'on pourrait alléguer des con- ditions d'agglomération, ou quelques relations avec des malades ; mais encore au milieu de la campagne, chez des indigènes qui n'avaient pas quitté la localité de toute la saison, et qui n'a- vaient nullement communiqué avec des personnes infectées. Ces cas ont -été assez nombreux, pour lever mes doutes à l'égard du typhus ictérode dans les campagnes, et trop tranchés pour qu'il me fût permis de les méconnaître. Leur invasion et leur marche ; l'ensemble et la succession des symptômes, en un mot, ne différaient aucunement, quelle que fût la nationalité, de ce que j'ai eu occasion d'observer de 1837 à 18.40, et de 1850 à 1859 dans la formidable affection qui vient périodiquement visi- ter notre florissante métropole. J'ajouterai à cette intéressante citation, une note non moins intéressante insérée également à la fin de mon mémoire sur l'épidémie de 18-38, et que je dois à l'obligeance de mon ami et habile confrère le Dr. Fortineau, ancien interne des hô- pitaux de Paris, qui a pratiqué, pendant de lon- gues années, à la paroisse St. Jean Baptiste : La première personne atteinte, (une dame)demeurait dans un endroit éloigné du fleuve, loin de l'atterrage des bâteaux venant de la Nouvelle-Orléans. Elle n'était pas sortie de la Paroisse. Elle a succombé le quatrième jour, ayant vomi noir. Efle avait pris doses de quinine. Dans un grand nombre d'autres cas analogues, en 1853, j'ai administré le sulfate de quinine, éga- lement sans succès. Ce médicament ne m'a réussi que lorsqu'il 35 y avait complication de fièvre intermittente. Je n'ai jamais vu la fièvre intermittente prendre le masque de la fièvre jaune, et lors- qu'une de ces maladies venait compliquer l'autre, il m'a presque toujours été permis de démêler les symptômes appartenant à chacune d'elles. Ils apparaissaient dans l'ordre suivant: un premier accès de fièvre, bientôt suivi d'un second, présentant les caractères de la fièvre jaune, et durant de deux à trois jours; puis venait une apyrexie de quelques heures ; ensuite, un nouvel accès ressemblant au premier. Alors seulement, le sulfate de quinine était donné avec efficacité. Il est bon de remarquer que nous avons rarement eu, comme à l'époque qui a précédé l'apparition du fiéau, aussi peu de maladies à forme intermittente. Pendant la durée de l'épidé- mie, dans notre Paroisse, les conditions atmosphériques n'étaient guèr 'S favorables à son développement ; température douce ; ciel sans nuage, radieux. Deux ans plus tard, en 1855, j'eus dans ma pratique plus de 70 cas de fièvre jaune. Je ne donnai pas de quinine à mes malades ; plusieurs ont vomi noir; six, seulement, succombèrent. La maladie était la même qu'en 1853; mais sa constitution était modifiée. La mortalité, en 1853, était de 1 sur trois ; en 1855, de 1 sur 13. Dans aucun cas, la fièvre ne m'a paru se développ :r par con- tagion. On la gagnait en venant dans une localité infectée. Un individu atteint et transporté dans un endroit sain, no do i- nait pas la maladie à ceux qui lui donnaient des soins. Généralement, à son summum d'intensité dans un lieu donné, elle gagnait le voisinage en perdant de sa force, épargnait deux, trois ou quatre maisons, puis trouvait, dans une autre localité, des conditions favorables à son développement et se comportait comme je viens de le dire. Trois milles de parcours du fleuve ont été épargnés sur une rive, quand la rive opposée était plus que décimée. Dans les fièvres intermittentes, je n'ai rien observé de pareil, à moins de circonstances particulières, parfaitement appréciables, aiu-i le voisinage de terres accidentellement inondées. 36 Voilà pour le passé ; voici, maintenant, une lettre pleine d'intérêt, que le Dr. A. Maguire vient d'adresser, à ma sollicitation, au Dr. Landry, prati- cien de la Nouvelle-Orléans déjà mentionné dans ce mémoire : Jeanneretts P. O., 11 Nov. 1867. Mon cher Docteur, Je m'empresse de répondre à votre lettre du 6. Je tâcherai de répondre de mon mieux aux différentes questions suivant leur ordre : lo Suivant les uns, un Texien d'Indianola, ayant la maladie- dont il est mort, deux jours après, à Abbeville, aurait passé une nuit à la pharmacie de Lee, et y aurait laissé le germe de la maladie ; suivant les autres, un juif du nom de Lehmann, qui a été la première victime, aurait ouvert une caisse de marchan- dises venant d'un endroit infecté. Toujours, est-il, que la ma- ladie est partie de ce petit pâté de maisons, formant le centre de la Nouvelle-Ibérie, donnant sur le Bayou, aussi sales et pleines d'immondices que possible. Ajoutez à cela l'ineptie du maire qui fait fouiller les fossés du village en plein mois d'Aoiit, les bords du Bayou dont l'eau s'était retirée lentement, laissant à découvert une boue fétide contenant en fermentation les or- dures de l'endroit, et vous aurez des causes de putridité végé- tale et animale qui devaient former un terrain de serre chaude propre à recevoir et à féconder n'importe quel germe morbi- fique. 2o La maladie a suivi le Baijou et ne s'est étendue dans les larges (endroits éloignés du Bayou) que par contagion. Le fléau a dû être bien violent, puisque des individus venant à la Nouvelle-Ibérie, en plein jour, par un beau soleil, n'y séjour- nant que quelques heures s'en sont allés, avec le sang empoi- sonné, mourir chez eux et transmettre invariablement la ma- ladie à ceux qui les soignaient. Lolo Lassalle, le major Burt ou Burke, Térence Boutté et trois français d'Abbeville, venus pour vendre des volailles à la Nouvelle-Ibérie, sont dans ce cas. 37 Quelques malades, réunis dans le même local, suffisaient, je crois, pour créer un foyer d'infection transmissible par l'air; c'est ce qui serait arrivé dans la famille d'Ovide Dugas, qui avait pris les plus strictes mesures de Quarantaine, ne laissant entrer ni sortir qui que ce soit, et qui, cependant, a été cruelle- ment atteinte par la maladie. Une famille de Bonins, résidant vis-à-vis d'eux, de l'autre côté du Bayou, mais à une certaine distance et dans une localité boisée, avait la fièvre jaune chez eux. Vous vous rappelez ce colporteur juif venant de Franklin, où le vieux Simeon Smith avait apporté la maladie, dans des lai- nages, s'arrêtant et tombant malade, en 1854, chez Léon Frilôt h. c. 1., au milieu des habitations florissantes et populeuses, à à l'époque de la famille Olivier ? La maladie a sévi, dans la fa- mille Frilot et sur ceux qui l'ont visitée à l'époque, et n'est pas sortie de ce rayon ; ce qui m'a fait croire que la maladie avait du changer de type, parce que les vieux créoles me disaient, qu'autre fois, ils recueillaient, sans danger et sans prendre de précautions, les fiévreux venus de la Nouvelle-Orléans. 3o La maladie a eu des durées diverses ; quand elle tuait, c'était généralement du troisième au quatrième jour, excepté chez les enfants, chez qui l'empoisonnement était si violent que j'en ai vu un se coucher bien portant et mourir à cinq heures du matin avec le vomissement, et devenir jaune de suite (enfant de 3 uns) ; d'autres, être pris de frisson suivi d'une forte fièvre (pouls élevé), durant 24 heures, les plongeant dans une espèce de somnolence, se réveiller pour tomber dans d'affreuses convul- sions, vomir noir et mourir de suite après, devenant jaunes en quelques heures... Toujours la même langue caractéristique que je ne n'ai jamais vue dans d'autres cas ; au début, large, nette ment séparée en deux gros faisceaux, et plus tard devenant blanche, épaisse, avec raie au milieu et bords rouges ; toujours maux de tète et de reins. 4o Les vomissements noirs sont survenus du troisième au quatrième jour, la suppression des urines pareillement ; cette dernière, presque toujours mortelle, et amenant la mort par 38 coma ; quand cc symptôme n'existait pas, la mort avait lieu, dans des circonstances, par le cœur, l'intelligence étant lu- cide jusqu'au dernier moment. 5o et Go Je n'ai jamais vu, excepte'dans les cas bénins, appelés fièvre d'acclimatement, de rémissions assez marquées pour donner la quinine Je ne m'en suis servi, au commence- ment, que dans de bien rares circonstances, et sans bon ré- sultat, rarement aussi à la fin, et plutôt pour contenter les malades ou leurs familles. Le Dr. Dupérier ne s'en est pas servi plus que moi. ïo Les corps devenaient jaunes après la mort, même, chez les individus n'ayant pas eu de fièvre. Escoubas et Labau, dans des milieux et des temps différents, ont tous deux une attaque de choléra provoquée par des imprudences. On ar- rête les évacuations ; ils n'ont pas de fièvre, mais au lieu de reprendre la santé, ils languissent quelques jours, ont des hé- morrhagies des muqueuses de la bouche et des intestins, de larges ecchymoses, et meurent en vomissant noir, et jaunis- sent quelques heures avant la mort. 80 Mon traitement a été très-simple ; dans tons les cas assez sérieux, vus au début et où il n'existait pas'de contrein- dication absolue, j'ai administré l'émétique. Dans une heure et demie ou deux, j'avais nettoyé, par le haut et le bas, le tube digestif, prêt à recevoir alors ce que les circonstances pou- vaient exiger. Le malade était jeté dans une abondante trans- piration qu'il était généralement facile d'entretenir, et je n'ai jamais vu l'irritabilité de l'estomac, ou la prostration suivre ce moyen thérapeutique. Les purgatifs mercuriels ou l'huile étaient, suivant moi, trop incertains au début, et leur aetion trop souvent entravée par un redoublement ou la violence naturelle de la fièvre. Les opiaciés réussissaient mal, leur action étant trop profonde, trop permanente, aidant l'état co- mateux, et masquant des symptômes importants. Dans les cas où il m'a fallu des calmants promptement diffusibles, tels que l'acide prussique (Scheelé's hydrocyanic acid), le chloro- forme, les eaux distillées de valériane, laurier-cerise, etc. Je crois que dans cette épidémie, particulièrement, la saignée 39 était contre indiquée. Je n'ai vu les sangsues faire du bien que chez un enfant de douze ans (Fontelieu) s'en allant dans un sommeil comateux, et jouant aux cartes ,dans son lit, deux heures après leur application. Chez J. Mestayer qui avait le pouls le plus fort que j'aie vu, elles ont été inutiles. Chez le jeune Bretts, dans les mêmes circonstances, elles n'ont pas fait de bien. Les individus les plus forts, tombaient, vers le second jour, dans une prostration grande. Je n'ai pas fait trop suer les malades, et je n'ai jamais vu d'inconvénient à les éponger avec de l'eau alcoolisée, et à leur donner du linge propre. Ce système d'emprisonner les malades dans une atmosphère viciée, dans la crainte de leur faire prendre du froid, m'a toujours paru digne des temps où. l'on traitait les aliénés comme des animaux furieux, et demande un autre Howard pour lui donner le coup de grâce. Le pcrchlorure de fer m'a été utile dans les cas d'hémorrhagie. La prudence et le choix des boissons et de l'alimentation terminent ce que j'ai à vous dire sur mon traitement. Cette instructive lettre du Dr. Maguire n'a pas besoin de commentaire ; elle porte à la fois le ca- chet d'une observation saine, exacte et éclairée. En voici une autre non moins intéressante, et remplie également de renseignements précieux sur le même sujet ; elle est due à la plume du Dr. A. Dupérier et est adressée au Dr. Huard de la Nouvelle-Orléans qui a bien voulu me permettre d'en faire usage. Monsieur le Docteur Huard, Nouvelle-Ibérie, le 7 Nov. 1867. Je regrette, vivement, que des occupations imprévues de- puis la disparition de la fièvre jaune, parmi nous, m'aient em- pêché de dresser, en réponse à l'appel du Président du Bureau de Santé, un rapport sur l'épidémie de 186Ï, dans nos campa- 40 gnes. Ce rapport, plus explicite, aurait pu suppléer à la ré- ponse imparfaite que je vais vous faire. Son but sera, s'il est possible, de constater les faits qui ont trait à l'origine de la fièvre jaune. Estelle contagieuse, oui ou non ? Les quaran- taines peuvent-elles nous préserver de la maladie sous sa forme épidémique? Voilà, selon moi, des questions de haute impor- tance pour l'avenir de notre pauvre Louisiane, déjà trop dé- vastée par le fléau de la guerre. Les faits dont j'ai été témoin cette année, n'ont rien changé de mes idées sur la transmissi- bilité du typhus ictérode, qui, je crois, est endémique, sévis- sant épidémiquernent partout où il y a des foyers d'infection et une agglomération d'individus. Dans les localités où n'exis- tent pas des foyers d'infection, les cas importés ne propagent pas la maladie, pour peu que l'on use de précautions. Un des éléments nécessaires à créer des foyers d'infection, semble être l'eau. Je sais fort bien que ceux qui sont en faveur de la contagion de la fièvre jaune, peuvent toujours se prévaloir de l'arrivée de quelqu'un ou de quelque chose, en dépit meme des Quarantaines, pour appuyer leur théorie. Exemple : à Vermillonville et St.- Martinville, Opelousas et Abbeville, où, malgré la quarantaine la plus rigoureuse, l'épidémie a sévi avec violence. A Fran- klin, grâce à la Quarantaine, dira-t-on, la maladie n'a pas en- core fait son apparition. En 1855, quoiqu'on y eût adopté les mêmes mesures de précaution, la population de ce village fut presque décimée. Cette année, la fièvre jaune arriva à Saint- Martinville. Eh bien ! la Nouvelle-Ibérie, placée entre Fran- klin et St-Martinville, ne souffrit pas, et, cependant, les me- sures quarantenaires ne furent pas établies. Les contagionistes attribuent l'origine de l'épidémie de 1867, à la Nouvelle-Ibérie, à l'arrivée d'un Texien venu d'In- dianola. Après six jours de marche, il serait arrivé ici, où il se reposa quelques heures, puis continua sa route à Vermillon, où il mourut, dit-on, de fièvre jaune, sans avoir été vu par un Médecin. Néanmoins, le typhus ictérode ne se propagea pas dans la localité où expira cet homme. Mais on la voit naître 41 deux mois après, sous la forma épidémique, à six milles de cet «'«droit. Selon mes observations, la fièvre jaune de 1867, à la Nou- velle-Ibérie, reconnaît une cause locale. Durant la guerre, ce petit village a été plus d'une fois, improvisé en une grande ville- les deux armées l'occupaient tour à tour. - En jan- vier 1864, par un des froids les plus rigoureux connus en Louisiane, l'armée du général Banks, forte de 25,000 hommes, environ, battit en retraite, après avoir occupé le poste, pendant environ quatre mois. A la suite de cette retraite, des pluies ■torrentielles arrivèrent qui ensevelirent, sous la surface de la terre, toutes les immondices de cette armée. La terre resta couverte de glace pendant près de huit jours. En Mai et Juin 1867, les champs voisins occupés par les camps de l'armée, furent labourés pour la première fois. Les rues qui, jusqu'alors avaient été négligées furent rehaussées pendant la saison chaude et pluvieuse du mois de juin. Pen- dant très longtemps des exhalations empreintes de l'odeur des camps étaient appréciables à ceux qui, après avoir séjourné quelques heures à la campagne, revenaient au village. Les habitants de la campagne qui venaient au village étaient in- variablement atteints de la fièvre. La Nouvelle-Ibérie était donc un foyer d'infection. Il est bon d'observer que l'épidé- mie lut restreinte, pendant plusieurs semaines, au quartier où l'on avait commencé l'amélioration des rues. Ce ne fut qu'a- près que les vents changèrent du Nord au Sud que la maladie se propagea partout. Dès ce moment, l'épidémie se trans- porta du Sud au Nord, remontant les cours d'eau. Je conclus, par mes observations imparfaites, il est vrai, que la fièvre jaune est une maladie endémique, qu'elle doit son origine à des miasmes qui prennent naissance dans des foyers d'infection. Cette atmosphère pestiférée peut être chassée par des courants, dans d'autres localités où elle se trouve attirée par une sorte d'attraction moléculaire. Cette atmosphère viciée, venant en contact avec le sang, dans l'ins- piration, est le poison qui détermine la fièvre jaune. c 42 Le 9 novembre 1855, je fus appelé dans un voisinage où le typhus ictérode sévissait depuis plusieurs semaines, pour se- courir une femme au neuvième jour de la maladie. Dans cette saison avancée, la garde malade, pour protéger la patiente contre l'influence du froid, conçut l'idée d'entourer la mousti- quaire d'un drap de coton très épais. Je dus m'introduire sous cette moustiquaire, qui renfermait toutes les exhalaisons d'une malade in articulo mortis depuis quarante huit heures. Je me sentis, presqu'à l'instant, malade. Quittant, de suite, celle pour laquelle je n'avais pu rien faire, je me mis en route pour mon domicile qui était à environ sept milles. Avant d'y arriver, j'eus un frisson très-violent. Six heures après l'inha- lation de l'atmosphère infecte, j'étais en proie à une attaque violente de fièvre jaune. Cela, après avoir passé l'épidémie de 1847 à la Nouvelle-Orléans. Après une longue digression, j'arrive au sujet de votre lettre. Pour moi, l'épidémie de 1867, dans nos campagnes, est la fièvre jaune telle qu'elle a existé à différentes périodes de 1839 à 1855 ; c'est la fièvre jaune de 1847 à la Nouvelle-Or- léans. S'il existe une différence, j'avoue n'avoir pas pu la constater. Je pense, comme vous, que le typhus ictérode appar- tient presqu'exclusivement à la race blanche ; en même temps, l'épidémie de 1867, nous apprend que le nègre est accessible à l'influence du poison qui engendre, chezle blanc, la véritable fièvre jaune. Seulement, la maladie, qui prend aussi le ca- ractère épidémique, ne parcourt pas, chez les noirs, toutes les phases du typhus ictérode. La fièvre, quoiqu'accompagnée, à peu près, des mêmes symptômes, est de plus courte durée ; la convalescence est courte aussi ; il existe rarement des symp- tômes gastro-entériques ; la maladie est rarement mortelle. Pendant l'épidémie que nous venons de traverser, le vomisse- ment noir a été inconnu chez le nègre. Quant à l'aptitude des créoles de nos campagnes à con- tracter la fièvre jaune, il n'en faut pas douter ; tel fut le cas dans toutes les épidémies qui ont sévi dans nos Paroisses depuis 1839. Il est bon de remarquer que, quoique la fièvre jaune n'eût pas paru à la Nouvelle-Ibérie depuis 1839, 43 tous ceux qui l'eurent alors, furent exempts de la dernière épidémie. Cela ne prouverait-il pas l'identité des deux épi- démies ? Ceux qui eurent la fièvre jaune dans d'autres loca- lités furent aussi exempts. Dans mon humble opinion, tout individu, natif ou étranger, n'est a l'abri_de la fièvre jaune qu'après avoir passé par une épreuve de la maladie. Reconnaissant que la maladie est endémique, je dis que le créole qui aura constamment vécu sous l'influence d'un poison auquel son système sera accou- tumé, sera moins accessible à son influence délétère qu'un autre. Que la maladie assumera toujours une forme plus bé- nigne chez le créole qui aura continué à habiter des localités où la fièvre jaune fait des apparitions à des intervalles rap- prochés, est encore très-rationnel. Quant à votre question concernant le sulfate de quinine, je veux vous dire que je ne fais pas usage de ce médicament pour combattre la fièvre jaune, et que je n'y ai recours que dans les maladies où existe une périodicité bien marquée. La fièvre jaune, parmi nous, a toujours assumé le type continu ; au bout de 72 à 96 heures, la fièvre cédait, et ne revenait plus, à moins d'imprudence de la part des malades. Ces rechûtes avaient lieu du cinquième au septième jour, et, alors, les accidents cérébraux dominaient la scène ; rarement, dans ces cas, on a vu le vomito ; mais, quelquefois, des hémorrhagies intestinales. Dans les autres cas, le vomito arrivait du troisième au quatrième jour, et même on l'a ob- servé dès les premières 36 heures. Ce qui précède, Monsieur et très-honoré Confrère, suffit pour vous convaincre que je partage vos vues concernant le ty- phus ictérode ; mais, je veux aussi vous dire, ce qui a une signification importante, que je crois pouvoir affirmer que la mortalité, dans nos campagnes, cette année, et dans les loca- lités où les malades ont reçu des soins médicaux, a été de douze pour cent environ ; et que là où ces secours ont manqué la mort a moissonné les populations dans une proportion de 30 à 35 pour cent. 44 Aucun âge n'a été à l'abri du fléau et, contrairement à ce qui a été avancé : "que la fièvre jaune n'est pas une maladie de l'enfance," je dois vous dire que j'ai vu mourir, après avoir vomi noir, et après avoir fait toute la maladie comme un adulte un enfant âgé de seize jours, dont la mère avait péri peu avant de 1 a fièvre jaune et, cependant, j'avais fait isoler le peti t être et lui avais donné un autre lait que celui du sein mater- nel. J'ai vu, aussi, trois cas très graves, chez de jeunes enfants* guérir après de copieux vomissements noirs. A. Dupérier, M. D. Je donne ici la communication que le Dr Durel a eu la bonté de m'adresser en réponse à une ques- tion que je lui posai dans une lettre : Nouvelle-Orléans, 1er Décembre 1867. Mon cher Confrère, A votre question : Croyez-vous que la fièvre jaune puisse régner dans les campagnes ? je réponds, oui. J'ai exercé la médecine à la Nouvelle-Orléans de 1845 à 1854. J'ai étudié avec soin toutes les épidémies de typhus ic- térode qui ont frappé notre malheureuse ville pendant ces neuf années. En 1854, j'ai été m'établir dans la Paroisse Saint- Jacques, j'y suis resté jusqu'à la fin de 1862. J'ai toujours observé que la fièvre jaune se montrait dans nos campagnes toutes les fois qu'une épidémie régnait en ville. En septembre 1854, j'ai vu en consultation avec le Dr Lafaye, M. G. A., fils d'un de nos planteurs les plus estimés et les plus aimés. G. A., revenant de Bladon, avait traversé la Nouvelle- Orléans quatorze jours avant de tomber malade. Je le trouvai mourant ; il avait la fièvre jaune. Le Dr Lafaye, médecin de la famille, avait annoncé, avant mon arrivée, que la maladie de G. A. était la fièvre jaune, fait que j'ignorais lors de ma visite, et cependant, mon diagnostic fut le même que celui de mon confrère. (Le Dr Lafaye avait exercé sa profession pendant plus de dix ans à la Martinique.) 45 Le lendemain, G. À. était mort, après avoir présenté à notre observation les symptômes caractéristiques du typhus ictérode : teinte ictérique générale, nombreux vomissements noirs, marc de café, abondantes hémorrhagies passives, suppression des urines, agitation extrême, délire furieux, etc. Pendant les trois premiers jours de sa maladie, G. A. a pris plus de deux cents grains de sulfate de quinine. Voici les renseignements que je tiens de sa famille. M. V. A., sa dame et son fils, G. A., sont revenus de Bladon, Alabama, vers le 2 de septembre 1854. M. V. A. et sa dame ne sont pas entrés en ville ; partis des bords du lac Pontchartrain, ils ont été par les bois, sortir à douze ou quatorze milles au-dessus de la Nouvelle-Orléans ; M. G. A. seul traversa la ville. Le lende- main, toute la famille était à St.-Jacques. Quelques jours après, M. F. F., beau-frère de G. A., qui n'avait pas quitté l'habita- tion, tomba malade de la fièvre jaune. Trois ou quatre jours plus tard, Mme A. était prise à son tour, et enfin G. A„ prenait le lit pour ne plus se relever. Le jour même de l'enterrement de ce malheureux jeune homme, un autre de ses beaux-frères, était aussi frappé ; mais, heureusement, il guérit. Un mois après, vers la fin d'octobre, M. S. F., beau-frère aussi de G. A., m'en- voyait chercher, il avait la fièvre jaune. Il guérit sans pren- dre un seul grain de sulfate de quinine. Il resta tellement fai- ble pendant plus d'un mois, qu'il lui était impossible de vaquer à ses affaires. Deux de ses enfants et un de ses neveux avaient eu la même maladie en 1853 ; le Dr Lafaye affirmait que c'était la fièvre jaune. Ces trois enfants, hommes aujourd'hui, ont passé les étés de 1865, 1866 et 1867 à la Nouvelle-Orléans. Us ont traversé l'épidémie de 1867, sains et saufs, ce qui con- firme le diagnostic du docteur Lafaye. Voici ce que je trouve dans mes notes de 1855 : Fin d'Août, fièvre jaune sévissant dans la Paroisse St-Jacques, à la partie inférieure de la rive droite, sur une grande étendue de la rive gauche, et dans le petit village de St-Michel. 15 septembre : Fièvre jaune au Couvent du Sacré-Cœur, situé dans le village de St-Michel. 46 Pendant l'épidémie de fièvre jaune qui a dépeuplé ce Couvent, j'ai passé au moins six heures, par jour, en consultation avec le Dr Palmer, médecin de l'établissement. La maladie était bien la fièvre jaune, telle que je Fai observée à la Nouvelle-Orléans, de 1845 à 1854 ; telle que je l'ai revue en 1867. C'était aussi l'opinion du Dr Palmer et celle du Dr Lafon qui nous avait été adjoint. Les symptômes caractéristiques du typhus ictérode ont tous été constatés ! Dans l'espace de 15 à 20jours, seize ou dix-sept dames religieuses sont mortes. Le sulfate de qui- nine n'a pas été épargné. Je retrouve dans mes livres le nom de quelques-unes de ces dames qui ont succombé : Mme Pratt, Supérieure; Mme Barbarin, Maitresse-générale ; Mme Boet, les deux sœurs Champeau, les sœurs Lemieux, Potoff, Boileau, Long, Caro, Catherine. En 1853, j'ai constaté des cas de fièvre jaune à la partie infé- rieure de la rive droite, j'y ai vu plusieurs malades, avec le doc- teur Chabaud. Depuis mon retour en ville, j'ai été appelé à St-Jacques pour deux malades ; ils avaient tous deux la fièvre jaune, et ils en sont morts, l'un en 1865, l'autre en 1867. Agréez, cher confrère, l'assurance de ma haute considération. Durel, D. M.P. Voici une dernière communication, sur le même sujet, que m'adresse, à ma sollicitation, mon ami et confrère, le Dr Landry, ancien interne des hôpi- taux de Paris, et l'un des médecins les plus distin- gués de la Louisiane, à coup sûr. Nouvelle-Orléans, 10 Décembre 1867. Pendant les premières années de mon séjour aux Attakapas, j'ai toujours entretenu la conviction que la fièvre jaune ne dé- passait jamais les limites de la Nouvelle-Orléans ; qu'elle ne se communiquait ni par infection, ni par contagion ; conséquem- ment, qu'on ne la voyait jamais à la campagne à l'état d'épidémie, et que toutes les affirmations contraires ne reposaient que sur des faits mal observés, sur des erreurs de diagnostic. Cette opi- 47 nton, je l'avais rencontrée à l'état de vieille tradition fortement «établie et solidement implantée dans l'esprit des populations ; tradition fort respectable, d'ailleurs, puisque, jusqu'à cette épo- que, elle semblait avoir reçu la sanction des faits. Les épidémies de 1837 et 1839 avaient bien quelque peu dis- crédité cette vieille et consolante croyance. L'opinion des Mé- decins qui les avaient traitées était bien qu'ils avaient eu affaire à de véritables fièvres jaunes. Des doutes s'étaient produits, mais le plus grand nombre n'en adhérait pas moins à l'ancienne croyance, si rassurante d'ailleurs. Mes opinions, à ce sujet, ne subirent aucun changement jus- qu'en 1853, époque à laquelle j'eus à donner des soins à un grand nombre de personnes atteintes d'une maladie dont les symptômes étaient tels, que, malgré des préventions fortement enracinées, il me fut impossible de la rattacher à un cadre autre que celui de la fièvre jaune. Je constatai, en outre, à mon grand étonnement, qu'en plus d'une occasion, les parents ou amis venus de points différents, et souvent opposés, pour donner leurs soins à ces malades, contractaient auprès d'eux le germe de la même maladie, rentraient chez eux, pour prendre le lit, communiquaient la même maladie à la plupart de ceux qui rési- daient sur la même habitation, et que si, à leur tour, ils rece- vaient des soins d'autres personnes venues du dehors, quelques- unes de ces dernières éprouvaient aussi le même sort, l'épidémie pouvant s'irradier ainsi à de grandes distance, par la dissémination d'une foule de foyers differents, émergeant d'un point unique. A cette époque, les communications avec la Nouvelle-Orléans étaient nombreuses et incessantes et, s'il m'a été impossible de constater qui avait été le premier atteint, j'ai pu, du moins, m'assurer que ceux qui avaient été chercher l'infection à sa source étaient, en assez grand nombre, pour expliquer la rapide propagation du fléau. La même maladie reparut en 1855, à St-Martinville. Cette fois-là je n'eus pas de peine à en découvrir le point de départ. Le premier décès eût lieu le 3 septembre. La victime était un français, âgé de 25 à 30 ans. Je le vis après sa mort. Le 48 corps était d'une teinte jaune orange. II avait vomi noir pen- dant vingt-quatre heures avant de succomber. Le lendemain, je fus appelé auprès d'un autre jeune homme du nom de Pé- rion, âgé de 20 ans, créole de naissance, résidant à six milles au- dessus du village. Il succomba ainsi que trois autres de ses frères et sœurs. Tous eurent avant de mourir : jaunisse, vo- missements noirs, hémorrhagies passives. Une famille voisine vint leur donner des soins. De cette famille, presque tous les membres furent atteints; plusieurs moururent après avoir pré- senté les mêmes symptômes que ceux qu'ils étaient allés se- courir. A cette époque, le steamer Jean- Webre faisait les voyages de la Nouvelle-Orléans aux Attakapas. Un individu, employé ou voyageur, était mort, à bord, d'une fièvre jaune contractée à la Nouvelle-Orléans. Lorsque le Jean' Webre entra dans le port de St-Martinville, où il séjournait, constamment, plusieurs heures, le cadavre s'y trouvait encore. Périon était allé à bord. Le français mort le 3 septembre y était allé aussi et, avec lui, peut-être une centaine d'autres. Trois ou quatre jours après, les premiers cas de fièvre jaune faisaient leur apparition. Mes observations, pendant le cours de cette épidémie, dont la durée a été de plus de deux mois, ont achevé de lever tous mes doutes, et m'ont amené aux conclusions suivantes : lo La fièvre jaune, telle qu'elle existe à la Nouvelle-Orléans, peut se propager dans les campagnes, aussi bien dans les villa- ges que sur les habitations, et nous avons eu, en 1855, dans la Paroisse St-Martin, une épidémie de fièvre jaune présentant pour caractères principaux : la jaunisse, les vomissements noirs, les hémorrhagies passives et la suppression des urines. 2o Dans la fièvre jaune, telle que je l'ai observée à la cam- pagne, les cas qui demeurent isolés, sans communication à l'entourage, - ces cas là s'observent, - mais ce sont les plus rares. La contagion est la règle ; le contraire est l'exception. 3o Le sulfate de quinine est absolument sans action sur la marche de la maladie. Je l'ai administré pendant le premier mois à presque tous mes malades, sans jamais, toutefois, dé- 49 passer 30 grains par 24 heures. Il a souvent produit des vomis •sements; toujours les symptômes de l'intoxication quinique ; ja- mais la moindre amélioration. J'ai fini par l'abandonner. 4o Les nègres et les mulâtres sont sujets à la fièvre jaune. Seulement, elle est, chez eux, beaucoup moins grave que chez les blancs. En 1855, la population de St-Martinville était, je crois, de 1200 à 1500 âmes, dont la moitié, de blancs, l'autre moitié com- posée de personnes de couleur libres ou esclaves, de nuances di- verses. Sur ce nombre, 85 sont morts de la fièvre jaune, dont 82 blancs et 3 mulâtres (1). Le mot nègre ne s'applique, à proprement parler, qu'aux noirs, et j'ignore, si dans l'opinion de mes confrères, les mulâtres parti- cipent à la même immunité. Quoiqu'il en soit, sur les trois qui sont morts, en 1855, je me rappelle en avoir soigné deux : l'un, mulâtre de 20 à 22 ans, appartenant à M. Alcide Fuselier; l'autre, mulâtresse libre de 16 ans, fille de J. B. Brade. Tous deux ont vomi noir en ma présence. L'immense majorité de la population, blancs et gens de leur, a essuyé les attaques de cette épidémie, - avec des ris- ques divers, c'est vrai, - mais presque tous lui ont payé leur tribut. Une des maisons du village était habitée par vingt personnes : quatre blancs et seize domestiques d'âge et de sexes différents. Les quatre blancs et quinze domestiques furent atteints. Une seule fut exceptée, c'était une mulâtresse, née et élevée à la Nouvelle-Orléans. Une de ces domestiques, grif- fonne (fille d'un mulâtre et d'une négresse,) eut des hémorrha- gies par les gencives et se rétablit lentement. De ces dix-neuf personnes, elle fut la plus malade. Aucune ne succomba. Je sais bien que la maladie dont il est question est considérée par un certain nombre de médecins, dont le nom fait autorité, comme étant essentiellement paludéenne et que des arguments (1) On admet généralement, et on a répété un peu partout que le vomissement noir ne s'observait jamais chez les nègres. 50 et des faits d'une haute valeur ont été allégués à l'appui de cette opinion. Mais, je dois me borner à vous fournir quelques notes et ne prétends nullement entrer dans la discussion de cette thèse qui a été soutenue, il faut en convenir, avec une rare vigueur et un incontestable talent. Qu'il me soit permis, toute- fois, d'exposer les raisons-qui m'ont conduit a adopter des con- clusions opposées. lo Une maladie que je considère comme la fièvre jaune, a paru dans les campagnes à l'état épidémique, en 1837, 1839, 1847, 1853, 1854, 1855 et 18G6, sept fois en trente ans, et toutes ces années-là, elle a régné à la Nouvelle-Orléans. Lors- qu'elle sévit ici, elle ne se répand pas toujours dans les campa- gnes ;- jamais, --lorsqu'elle n'existe pas à la Nouvelle-Or- léans. U y a là, convenons-en, un rapport de coïncidence qui ressemble, à s'y méprendre, à un rapport de cause à effet. Il serait étrange que les miasmes paludéens choisissent invariable- ment, pour se faire le Sosie de la fièvre jaune, les années où elle est épidémique à la Nouvelle-Orléans. 2o La maladie que j'ai observée se propage évidemment par contagion ou infection, quelque nom que l'on veuille donner à cette forme de la transmission morbide, circonstance qui exclut l'idée d'une affection paludéenne. 3o Les blancs, les mulâtres et les noirs sont exposés à ses atteintes ; mais, elle n'est, en réalité, dangereuse que pour le blanc. Eh bien ! lorsque, dans un village où les deux popula- tions sont égales en nombre, une épidémie, affectant toutes les formes, toutes les allures de la fièvre jaune, enlève 85 victimes dont 82 blancs, 3 mulâtres et pas un noir, je ne comprends pas qu'on puisse voir autre chose que de la fièvre jaune dans une maladie qui a les mêmes origines, les mêmes symptômes, la même marche, les mêmes préférences et les mêmes terminai- sons. Cette note si précise, rédigée avec une logique qui ne laisse rien à désirer, jointe aux communica- tions également si exactes des docteurs S. Martin, 51 Fortineau, Maguire, Dupérier, etc., doit suffire, ce me semble, pour dissiper les doutes les plus ré- calcitrants. Maintenant, pour clore le chapitre de la lièvre jaune des campagnes, et pour ajouter plus de force encore, si elles en avaient besoin, aux communi- cations précédentes, je vais donner ici une intéres- sante observation que je dois à l'extrême obligeance de mon estimablê confrère, le Dr Huard ; observa- tion qu'il a recueillie avec d'autant plus de soin et de zèle que la jeune personne dont il y est ques- tion était alliée à sa famille. Elle était née à deux milles au-dessus de Carollton, sur une plantation où elle a toujours résidé. Rien n'y manque : selles et vomissements noirs ; teinte ictérique ; albumine dans les urines, suppression de ces dernières, etc. Ce seul fait, fût-il unique, suffirait pour prouver que le typhus ictérode peut se développer sponta- nément à la campagne. Marie Désirée Arnoult, âgée de 15 ans, née à deux milles au-dessus de Carrollton tombe malade le mardi, 19 Novembre 1867, à neuf heures du matin. Alors, la maladie débute par un frisson violent, d'une heure de durée, suivie de fièvre ar- dente et de trois vomissements bilieux. La malade se plaint de maux de tête, de reins et de douleurs dans les extrémités inférieures. Contre ces symptômes, les parents dirigent une mé- dication simple, mais pas de purgatif ni de préparation quinique. Le lendemain, 20 Nov., deuxième jour, pas d'amélioration. Le 21 Novembre, troisième jour, je fus demandé cinquante et une heures après le début de la maladie. C'est alors que je vis la malade pour la première fois et que je commençai à noter, visite Par visite, la marche de l'affection. Voici le tableau de 52 l'état de la patiente, lors de la première visite : Il y a eu, ce matin, trois vomissements de matières bilieuses, et pas d'é- vacuations alvines depuis que dure la maladie ; yeux brillants et injectés ; nausées fréquentes ; pouls à 104, petit ; deux heures de sommeil la nuit dernière ; un peu d'agitation ; teinte- ictérique légère; céphalalgie, rachialgie et douleurs des extrémi- tés inférieures peu accentuées ; la malade dit se sentir mieux portante; elle demande un peu de nourriture, du vin, ce que je refuse; la peau est très sèche, il n'y a jamais eu de sueurs; l'épigastralgie existe parfois ; la respiration est lente et suspi- rieuse ; la langue est très limoneuse. (fitéi-sulfite de Soude; 10* grains chaque heure; potion calmante; lavement simple; pédi~ luves sinapisés.) Pronostic grave. Le 22 à 10 heures du matin, quatrième jour ; a dormi à di- verses reprises, environ trois heures, la nuit dernière ; tous les médicamens ont été gardés; plus de nausées; urine abon- dante et très jaune qui, traitée par l'acide azotique, donne un dépôt abondant d'albumine qui a été vu par les docteurs Lambert, Sabin Martin, Durel, et Bayon ; peau sèche ; soif assez vive ; pas de douleurs ; yeux moins injectés et moins brillants ; pouls à 90 ; respiration lente ; langue limoneuse» rouge sur les bords et à la pointe. ( Bi-sulfite de Soude; 10 grains toutes les heures; limonade.') A 3 heures, la malade est calme, lorsque elle a plusieurs nausées et un vomissement noir très abondant. Trois heures plus tard, une selle de matières noires comme de l'encre. On me fit appeler, et je passai toute la nuit près de la jeune malade. Cette nuit a été caractérisée par de fréquentes nausées'; sommeil nul; douleurs atroces à l'épigastre, que la malade compare à un énorme morceau de plomb qu'elle au- rait dans l'estomac ; quelques coliques intestinales. A dix heures du soir, deuxième selle noire. A minuit l'agitation commence, et ne permet plus un instant de repos à la pauvre enfant ; urines très albumineuses. Le 23 Novembre, à 4 heures du soir, je revois la malade. Le pouls est petit à 80; depuis ce matin il y a eu deux vomissements 53 noirs (marc de café); pas de selles; les nausées continuent; l'agitation est extrême ; les sclérotiques sont très jaunes ; la •soifpeu ardente ; teinte ictérique du corps un peu plus prononcée; mains très-fraîches ; respiration anxieuse, et parfois la malade pousse des cris. {Lavements aux teintures de Castoréum et de musc ; potion anti-vomitive de Rivière.} Le 24 novembre, à 9 heures du matin- sixième jour. - La nuit dernière a été horrible. A 7 heures du soir, un vomis- sement noir (marc de café) ; l'agitation a été extrême, accompa- gnée de cris perçants, et de délire furieux. La malade voulait mordre tous ceux qui l'entouraient, et il a fallu les forces réu- nies de trois messieurs pour la contenir dans son lit. C'était une véritable lutte, pendant laquelle la patiente voulait absolument quitter le lit. Il n'y a plus eu de selles noires, mais une hémor- rhagie anale s'est déclarée. Les sclérotiques et la surface cutanée sont jaunes ; des pétéchies existent au front et' -aux parties latérales de la poitrine. La malade n'a pas uriné depuis plus de 18 heures. A 2 heures de l'après-midi, elle rendit le dernier soupir. Le cadavre est extrêmement jaune, moins les parties déclives- Après les témoignages de tant de médecins qui ont vu et étudié la maladie, sera-t-il permis de prétendre, désormais, comme le veut la tradition, que la fièvre jaune ne visite jamais nos campagnes? Tous ces médecins se trompent-ils, ou bien conspi- rent-ils contre la vérité ? C'est cependant à l'une de ces deux hypothèses qu'il faut forcément s'ar- rêter. Je ne puis résister ici au désir de faire une courte digression au sujet de la contagion. J'y suis invité par la divergence d'opinions qui existe entre les estimables confrères dont je viens de rapporter les bienveillantes et précieuses communications. 54 Dr S. Martin : ''J'ai fréquemment observé celle- ci (la fièvre jaune), non seulement dans un centre de population (à Donalsonville, par exemple), où l'on pourrait alléguer des conditions d'aggloméra- tion ou quelques relations avec les malades ; mais encore, au milieu de la campagne, chez des indi- gènes qui n'avaient pas quitté la localité de toute la saison, et qui n'avaient nullement communiqué avec des personnes infectées." Dr Fortineau : Dans aucun cas, la fièvre jaune ne m'a paru se développer par contagion. Dr Maguire ; "La maladie a suivi le Bayou et ne s'est étendue dans les larges que par contagion." Dr : "Les faits que j'ai observés cette année, n'ont rien changé à mes idées sur la trans- missibilité du typhus ictérode .... Dans les loca- lités où n'existent pas des foyers d'infection, les cas importés ne propagent pas la maladie. Dr Durel : "En septembre 1854, j'ai vu en con- sultation, avec le Dr Lafaye, M. G. A.... en reve- nant de Bladon, il avait traversé la Nouvelle-Or- léans quelques jours avant de tomber malade. Je le trouvai mourant ; il avait la fièvre jaune Quelques jours après, un des beaux-frères de G. A., qui ne l'avait jamais quitté, tomba malade. J'ai donné mes soins à M. S. F., autre beau-frère de G. A., tombé malade un mois plus tard ; il avait la fièvre jaune." Le Dr Martin se tient sur la réserve et ne décide rien ; il constate seulement, ce qui est important, 55 que le typhus ictérode "peut prendre spontané- ment naissance au milieu de la campagne, chez des indigènes gui riavaient pas quitté la localité de toute la. saison, et gui riavaient nullement communiqué avec des personnes infectées. Le Dr Fortineau est plus explicite, sans être, toutefois, affirmatif 4'dans aucun cas la fièvre jaune ne m'a paru, etcne m'a paru n'est pas une affir- mation. Le Dr Maguire affirme, lui, la contagion. Le Dr Dupérier la nie et y substitue l'infection. Le Dr Durel ne juge pas la question ; mais, la conta- gion, ou l'infection, ressort évidemment de son texte. Quelques réflexions sur ce conflit d'opinions, et j'aurai terminé le chapitre de la fièvre jaune des cam- pagnes. Les deux opinions extrêmes sont celles des docteurs Fortineau et Maguire ; dans aucun cas, la fièvre jaune n'a paru, au premier, se développer par contagion, tandis que pour le second, elle ne s'est étendue, dans le pays, que par contagion. On ar- rive forcément à la conclusion qu'il doit y avoir un peu d'exagération dans ces deux manières de voir si opposées. Il paraît impossible que la vérité se trouve exclusivement d'un coté ; le vice n'est pas dans la maladie qui ne saurait se comporter d'une manière si différente ; il doit exister dans l'inter- prétation des faits. Je demande pardon à mes estimables confrères de cette petite critique faite au nom de la vérité ; amicus Plato, amicus Socra- 56 tes, sed magis arnica veritas. D'ailleurs, c'est une tendance naturelle à l'esprit humain de pencher plus complaisamment vers les faits qui confirment, que vers ceux qui infirment une opinion arrêtée ; si bien, qu'avec la meilleure foi du monde, on exa- gère la valeur des premiers, pendant qu'on dimi- nue celle des seconds. Pour me servir d'une ex- pression de Montaigne, c'est une piperie de l'a- mour-propre dont on n'a même pas conscience. Mais, d'autre part, n'est-il rien qui rende compte de cet antagonisme d'esprits, d'ailleurs si distingués? Voici comment je me l'explique. Si l'on prenait la peine, après chaque épidémie, de faire le relevé des personnes non acclimatées qui ont échappé au fléau, on en trouverait peut-être quinze cents ou deux mille pour la Nouvelle-Orléans ; en vertu de quelle loi? C'est là un mystère cpie je ne chercherai pas à approfondir, mais je constate le fait, sauf l'er- reur qui peut exister dans le chiffre mentionné. Supposé, maintenant, que trois ou quatre de ces personnes invulnérables, se trouvantàla campagne, soient appelées à porter des soins à un malade de la fièvre jaune transporté de la Nouvelle-Orléans, n'est-il pas plus que probable, pour ne pas dire évident, qu'elles ne contracteraient pas le mal, puisqu'elles ne l'eussent pas contracté en ville, c'est-à-dire, au milieu d'un immense foyer d'infec- tion ? Or, quelle conclusion, surtout, si le fait se ré- pète deux ou trois fois, va tirer le médecin appelé à soigner le malade? A coup sûr, que la maladie 57 n'est ni contagieuse, ni infectieuse. Supposé que l'inverse arrive, c'est-à-dire que le patient soit abordé par des personnes vulnérables ; le médecin ne manquerait pas de conclure soit à la contagion, soit à l'infection. Notre esprit est rétif, et n'aime pas à faire de nouveaux frais d'étude pour corriger une croyance qu'il a une fois adoptée. Je ne doute aucunement de l'entière sincérité des docteurs Fortineau et Maguire ; mais, je crois que ni l'un, ni l'autre, n'est entièrement dans le vrai. La fièvre jaune, comme toutes les maladies contagieuses ou infectieuses, a des conditions de transmissibilité que l'on découvrira, peut-être, un jour, mais qui jusqu'ici nous sont inconnues. Si mon opinion était de quelque poids, je me prononcerais pour l'infec- tion, en acceptant la distinction de mon savant confrère de la Havane, le Dr H. Dumont, lorsqu'il dit "que le terme contagion implique J'idée de vnrus, celui infection, l'idée de miasme. Mainte- nant, quelles sont les conditions propres à engen- drer l'infection? Suffit-il d'un seul malade? En faut-il plusieurs? Je crois qu'un seul suffit, si la chambre et le lit où repose le patient ne sont pas suffisamment ventilés, si, d'autre part, la personne qui l'approche est vulnérable : témoin, le cas rap- porté par le Dr Maguire, et qui lui est personnel. Question de l'Acclimatement: La fièvre jaune a cela de commun avec certaines maladies éruptives (variole, scarlatine, etc.) qu'elle 8 58 ne frappe l'individu qu'une seule fois dans sa vie, à de rares exceptions près. Bien que les miasmes qui engendrent ces affections morbides doivent être essentiellement différents, toujours est-il, qu'ils offrent un point de contact dans leur mode d'action sur l'économie, c'est-à-dire, qu'ils modifient celle- ci, soit en totalité, soit en partie, de manière à an- nuler, dans l'avenir, leur propre influence sur elle. En supposant que le typhus ictérode soit du à un miasme ou à un ferment qui s'use lui-même, dans le cours du travail morbide, il est permis de dire que l'acclimatement n'existe, qu'autant que le miasme, ou ferment, se soit, pour ainsi dire, sui- cidé dans les profondeurs de l'organisme, en lé- guant à l'économie le privilège de l'immunité dans l'avenir. Voilà le véritable acclimatement qu'on pourrait appeler : acclimatement par épreuve. C'est le seul sûr, et qui permette à l'individu d'être ras- suré quand éclate une nouvelle épidémie. D'autre part, il est un bon nombre de sujets qui traversent une longue vie sans avoir jamais contracté la fièvre jaune, bien que ayant été plon- gés, à différentes reprises, dans une atmosphère épi- démique. Ici, c'est dans quel moment, au bout de combien d'années, ces personnes-là peuvent-elles dire aveccertitude : Nous sommes acclimatées? J'ai eu occasion de visiter des malades qui avaient franchi impunément, les uns, une ;les autres, deux ; quelques-uns, trois épidémies. Ce qui suppose un intervalle approximatif de cinq 59 ans pour les premiers, de dix pour les seconds et de quinze pour les troisièmes. Ces cas sont, je crois, plus communs qu'on ne serait porté, de prime abord, à le supposer ; c'est là ce qu'on pourrait appeler tardif. Dans quelques cas, c'est longtemps après cette dernière période de 15 ans que la maladie se déclare. Voici, à ce sujet, une observation des plus intéressantes que je dois à mon estimable confrère, le Dr Marmillon : M. II. P., âgé de 63 ans, né en Allemagne, et habitant la Nouvelle Orléans, depuis environ 23 ans, a toujours joui d'une excellente santé, et dit n'avoir jamais éprouvé la moin- dre petite indisposition pendant les fortes épidémies des an- nées 1853, 1854 et 1858. Le lundi soir, 29 juillet, il est pris d'une forte fièvre précédée d'un frisson qui a duré une partie de la nuit. Je le vois pour la première fois, le lendemain à midi. Il a passé une mauvaise nuit, et dit souffrir considérablement de la tête, des reins et d'une lassitude générale. La face est animée, et les yeux fortement injectés sont sen- sibles à l'action de la lumière. La langue est naturelle, soif ardente, pas de nausée ; douleurs très vives à la région épi- gastrique et augmentant par la pression ; abdomen souple ; constipation ; la sécrétion urinaire se fait bien. Le pouls à 90, plein et régulier, peau chaude et sèche. 24 sangsues aux apophyses mastoïdes. Pilules drastiques, limonade. A la visite du soir, même état ; le malade se plaint toujours vivement de la tête et jette parfois des cris assez perçants pour attirer l'attention des passants. Il dit n'avoir éprouvé aucun soulagement par les sangsues. Le purgatif n'a produit aucun effet. Lavement purgatif, bain de pieds synapisé, applications froides sur la tête, limonade. 60 Deuxième jour, visite du matin : nuit agitée, sommeil sou- vent interrompu par des rêves, douleurs de tête et des lombes toujours insupportables ; langue sèche au centre et rouge sur les bords, douleurs de la région épigastrique moins fortes que la veille ; pas de nausée, pas d'évacuation par les pilules; soif toujours ardente. Pouls à 90, régulier, peau chaude et sèche. Pilules drastiques, applications froides sur la tête, limo- nade. A la visite du soir, rien de bien notable comme améliora- tion dans l'état du malade : il se plaint toujours vivement de la tête et des lombes, et le visage est encore très animé, mal- gré les évacuations abondantes et nombreuses produites par les pilules. Applications froides sur la tête, bain de pieds synapisé, limonade. Troisième jour, visite du matin : agitation excessive pen- dant la nuit, douleurs de tête et des reins toujours très intenses. Pouls à 80, plein et résistant ; peau moins chaude que les jours précédents, mais toujours sèche ; ventre libre, urines rares ; les yeux toujours fortement injectés, présentant une coloration jaune très prononcée ; langue sèche sur toute sa surface, soif ardente, pas de nausée. Une bouteille limonade purgative au citrate de magnésie, applications froides sur la tête, orangeade. A la visite du soir : même état. Potion calmante. Quatrième jour, visite du matin : Agitation et délire pen- dant une grande partie de la nuit. Le malade se plaint encore de la tête et des reins. Pouls à 80, petit et régulier; peau fraîche et sèche. On aperçoit sur les sclérotiques de même que sur toute la surface du corps une teinte ictérique très prononcée. On aperçoit éga- lement sur le visage, sur la partie antérieure du thorax et sur les bras, un nombre considérable de tâches ressemblant à des piqûres de moustiques. Langue sèche, urines très rares. 61 Potion nitrée, limonade, applications froides sur la tête. A la visite du soir, le malade est très agité et veut, à toute force, sortir du lit; il respire avec difficulté; rien dans les poumons. Potion calmante, limonade. Cinquième jour : Nuit très mauvaise, agitation continuelle avec délire ; respiration gênée, vomissements fréquents de matières ressemblant à du marc de café ; hoquet très fatigant; pouls petit et parfois insensible, sueur visqueuse, sur toute la surface du corps, extrémités glacées, quelques mouvements convulsifs et la mort à 6 heures du soir. E. B. Marmillom, D. M. P. Le Dr. Marmillon m'a mentionné un autre cas dont il n'a pu me fournir l'observation faute d'avoir pris des notes. Il s'agit d'un Mr. Lister, qui de- meurait rue de la levée No 5. Il est venu à la Nouvelle-Orléans à l'âge de 15 ans, et l'a toujours habitée depuis, sauf une ou deux courtes absences dans les campagnes, jusqu'au moment où il est tombé malade en Septembre dernier. Il est mort après quelques jours de maladie, ayant présenté tous les symptômes delà première et de la seconde période du typhus ictérode. Il avait alors quaran- te-cinq ans, ce qui constitue une résidence de trente ans dans la ville. Certes, ce malheureux avait bien le droit de se considérer acclimaté par exemption. Question de la récidive. Nous ne pouvons pas plus nous rendre compte de la récidive de la fièvre jaune que nous pouvons nous expliquer celle de la scarlatine, de la rougeole, 62 de la variole etc; mais, toutefois, elle est réelle, et les faits qui suivent suffiront pour dissiper tous les doutes. En septembre dernier, j'ai été appelé en consul- tation par mon ami et confrère le Dr. Avila pour voir M. Rosalino Tramontana, italien, âgé de 45 ans. Il a déclaré, en ma présence, qu'il avait eu, en 1853. une fièvre jaune déclarée grave par le Dr. Beu- gnot qui lui avait donné des soins. Deux jours après ma visite, il a été également examiné par le Dr. S. Martin qui a reconnu, comme le Dr. Avila et moi, un vrai cas de typhus ictérode. Il est mort après dix jours de maladie, ayant vomi noir une demi heure avant d'expirer. Le huitième jour, l'ictère et l'hémorrhagie passive avaient fait leur ap- parition. Le talent du Dr. Beugnot est trop bien établi parmi les médecins et le public Orléanais, pour qu'il soit permis de concevoir le moindre doute sur son diagnostic ; il a pratiqué, à peu près pen- dant vingt-cinq ans, à la Nouvelle-Orléans. Voici maintenant deux observations de récidive que je dois à la bienveillance de mes estimables confrères, les Drs. Capdevielle et Chastant. Bertrand, âgé de 50 ans, né à Oloron, département des Basses-Pyrénées, France, demeurant à la Nouvelle-Orléans depuis son arrivée en 1852, bien portant d'habitude, mais abusant quelquefois des boissons alcooliques, a eu, pendant l'épidémie de 1853, au mois de juillet, une atteinte des plus graves delà fièvre jaune. Pendant sa maladie, il a reçu les soins d'un éminent prati- cien, M. le Dr Barbe. 63 Le 8 octobre 1867, à 8 heures du soir, il est pris subitement de violente céphalalgie, de nausées, de fièvre sans aucun fris- son préalable. La nuit se passe dans cet état. Le 9 au matin : Le malade m'apprend que les douleurs qu'il ressent sont les mêmes que celles qu'il a éprouvées en 1853, au début de sa fièvre jaune. L'expression de sa physionomie est saisissante ; son visage est rouge ; la frayeur est peinte sur ses traits ; ses yeux sont larmoyants, brillants, injectés ; ses lèvres sont fortement co- lorées ; sa langue recouverte d'un enduit morbide, rouge à ses bords et à sa pointe, est tremblotante. Tous ces accidents sont accompagnés de soif ardente, d'a- mertume à la bouche, de dégoût pour les aliments et, surtout, pour le vin et les liqueurs alcooliques. Il y a une sensibilité extrême à l'épigastre, augmentant par la pression ; les régions dorsale et lombaire sont en proie à des douleurs qui jettent le malade dans sun état d'ex- trême agitation ; les membres supérieurs et inférieurs ne sont pas étrangers à cet état de souffrance. Le ventre est souple ; pas de sensibilité à la pression ; constipation opiniâtre (qui a résisté à plusieurs lavements) ; miction difficile, presque nulle ; chaleur sèche de la peau, intense, uniforme sur toute la surface du corps ; pouls à 120. Prescription : Limonade purgative au citrate de magnésie. Le 9 au soir : Agitation, la même ; aux nausées ont succédé des vomissements bilieux mêlés de mucosités ; la constipation a cédé à la limonade purgative ; l'intensité de la fièvre n'a point éprouvé de variation ni sous le rapport de la tempéra- ture de la peau, ni sous le rapport du nombre de pulsations. Prescription : Limonade ordinaire pour boisson ; lotions sur tout le corps avec eau 1, alcool 1[2, vinaigre et jus de citron aa Le 10 au matin : La nuit a été mauvaise ; il y a eu délire, accompagné de mussitation continuelle ; plusieurs vomisse- ments contenant des stries sanguinolentes. 64 Le malade a des impatiences dans les membres, repousse à chaque instant ses draps ; l'épigastralgie est insupportable; la soif immodérée ; la langue rouge ; les gencives très injec- tées, offrant le liseré blanc ; miction nulle ; peau toujours brûlante ; pouls toujours à 120 Le 10 au soir ; Même état ; même pouls ; même chaleur ; même intensité de la douleur à la région épigastrique ; pas de vomissement depuis la visite du matin ; sensibilité extrême à l'hypogastre ; rétention d'urine. Le malade repousse le cathétérisme ; cataplasme émollient sur la région hypogastrique ; boisson nitréc. Le 11, au matin : Dans la nuit, diurèse suivie de calme et bientôt de sommeil ; céphalalgie et rachialgie nulles ; tempé- rature de la peau moins élevée, presque dans les conditions normales ; pouls moins fréquent, avec une dureté qui cède à une pression assez faible, à 100. Le 11 au soir : Le mieux commence à se faire sentir; moins la douleur à l'épigastre qui persiste ; les urines sont abondan- tes et de couleur foncée ; pouls à 88. Le 12 au matin : Epistaxis légère ; pas de signe d'affec- tion d'aucun organe ; pouls à 80; Le 12 au soir : .Gencives saignantes (sang pâle et ténu); pas d'hémorrbagie nasale dans la journée ; retour des nau- sées ; légers efforts de vomissement après l'ingestion d'un bouillon, que le malade prend avec répugnance. Prescription : Usage du bouillon suspendu ; eau de Seltz. Le 13 au matin : Pas de douleur à l'épigastre ; vomisse- ments contenant des grumeaux noirs ; urines noires comme de l'encre ; prostration des forces ; pouls à 72. Prescription : Limonade avec eau de Rabel ; glace dans la bouche ; cognac avec eau. Le 13 au soir : Vomissements arrêtés ; retour de l'épistaxis; le malade demande du bouillon. Le 14 au matin : Le malade se sent bien, mais très faible; trouve le bouillon bon et en demande une plus grande quan- tité ; pouls à 68. 65 Le 15 au matin : Le mieux se soutient ; pouls à 64. Le 16 au matin : La convalescence est assurée ; le malade veut manger ; pouls à 60. Le 17 ; La déclinaison du pouls continue. Le 19 : Il est à 48. Le 20 • le pouls commence à remonter ; guérison. Capdevielle, D. M. P. Le 7 Octobre je fus appelé pour voir un individu du nom de William Leahog âgé de 37 ans haquetier de profession, (dray- man), demeurant rue Roman, malade depuis la nuit - Le même homme avait eu déjà en 1858 une fièvre jaune bien caracte'risée, traitée par moi, et constatée par les docteurs Deléry et S. Martin - A ma première visite, il présente les symptômes suivants; céphalalgie intense, douleurs musculaires générales, et surtout dans la région lombaire - Grande préoccupation de son état. La face est vultueuse; les yeux brillants ; chaleur moi" dicante de la peau ; pouls à 130 pulsations. La langue sabur- rale, rouge sur les bords et à la pointe ; les gencives sont rouges, turgescentes, recouvertes d'une sorte de liseré blanc dentelé, et très adhérent - Vomissements bilieux, soif modérée, urine rare et colorée. Le 8, persistance des mêmes symptômes auxquels viennent s'ajouter 3 épistaxis abondantes. Le 9, grande amélioration dans l'état général du malade, pourtant il a encore 2 épistaxis moins fortes que la veille. Le 10, la fièvre a presque disparu ; plus de céphalalgie ; plus de douleur lombaire. La langue reste saburrale, et la rougeur des bords et de la pointe persiste. Le gonflement des gencives a diminué ; elles sont couvertes de quelques débris blanchâtres du liseré dont j'ai parlé plus haut. Le 11, il parait entrer en convalescence et commence à pren- dre un peu de nourriture. 66 Le 14, tous les symptômes du premier jour réapparaissent ; l'agitation et l'inquiétude morale sont extrêmes. On me raconte alors qu'il a été vivement impressionné en ap- prenant, par des amis, qu'il avait eu une seconde fièvre jaune, et, que c'était à partir de ce moment que son état avait changé. Le 16 au matin, le malade meurt. Dr. A, Chastant. Influence de la gelée blanche sur l'épidémie. La croyance populaire est que la gelée blanche l'épidémie ; encore une grave erreur qu'il est de la plus haute importance de détruire. A la date où j'écris ces lignes (7 Décembre), le Bureau de Santé signale cinq décès occasionnés par la fièvre jaune, en dépit de plusieurs gelées blanches, dont les premières remontent à deux ou trois semaines et dont la dernière, très-forte, a eu lieu ces jours derniers. Il est bon de noter que le choléra sévit également en ce moment, (six ou huit cas de décès par jour, jusqu'à seize dans les 24 heures, la se- maine dernière) ce qui suffit déjà pour opérer une baisse dans la mortalité occasionnée par la fièvre jaune, car toutes les fois que les deux maladies ont fait leur apparition simultanément, ou à quelques jours d'intervalle, il y a eu, entre elles une sorte de compromis en vertu duquel l'une a cédé le pas à l'autre. Le même fait s'est produit l'année dernière ; les deux fléaux ont éclaté presque si- multanément, et le dernier venu, le choléra, a fait place au typhus ictérode. Cette année c'est l'inverse qui a lieu. Voici ce qu'écrivait, en 1839, sur 67 F influence des gelées, notre regretté confrère, le Dr Edouard Fortin : Dans les pays où règne habituellement la fièvre jaune, la naissance, la durée et l'intensité des épidémies, sont-elles, en raison directe du dégré d'élévation de la température? Quoi- que le mois d'Octobre, et surtout celui de Novembre se fas- sent remarquer, à la Nouvelle-Orléans, par des vents du nord secs et piquants, néanmoins, l'épidémie poursuit le cours de ses ravages qui se ralentissent ou s'exaspèrent, tour-à-tour, pour ne s'arrêter définitivement qu'après un froid de 0 degré ou, au moins, à une température longtemps voisine de ce chiffre. En 1830, j'ai vu l'épidémie qui avait cessé de sévir vers le 15 Octobre, reparaître le 5 Novembre, etmoissonner en quelques jours, un assez grand nombre d'Européens attirés à leur poste par une trompeuse apparence de salubrité. L'af- freuse épidémie de 1811 s'est prolongée dans toute son inten- sité jusqu'au commencement de Décembre, et des praticiens dignes de foi assurent avoir quelquefois observé des cas de fièvre jaune (rares et isolés à la vérité), jusqu'au mois de Janvier. Voici ce qu'on lit dans le Courrier des Opélousas (Louisiane), du 16 Novembre 1867 : Nous comptons plus de cas de fièvre jaune dans cette Pa- roisse, actuellement, qu'il y en avait avant les gelées blanches. Nous avons entendu mentionner plusieurs cas de cette ma- ladie à Washington et dans quelques endroits où la fièvre jaune ne s'était pas manifestée avant la tombée de la gelée blanche, et où elle sévit maintenant avec intensité, surtout dans la région du Bayou-Tèche, à quelques milles seulement des Opélousas, et dans d'autres localités qu'un mille, à peine, sépare de notre village. Je pourrais multiplier les preuves à l'appui de mou opinion, mais je crois que celles que je viens 68 de donner suffisent pour convaincre les plus incré* dules. Il est bien regrettable de voir le Bureau de Santé proclamer, vers la fin de chaque épidémie, sans réserve aucune, que la maladie a cessé d'être épidémique. Qu'en résulte-t-il ? C'est qu'une mul- titude de personnes inacclimatées se hâtent de rentrer en ville, appelées par leurs affaires, et se re- posant entièrement sur la déclaration vague et mal interprétée du Bureau de Santé. Or, les deux tiers de ces personnes tombent malades peu de jours après leur arrivée, et l'on peut calculer, à peu près à coup sûr, qu'il en meurt de huit à neuf pour est vrai que le Bureau de Santé aurait, un jour, une réponse victorieuse à faire à ces victimes, si elles venaient l'interpeler sous la forme de revenants ; il leur dirait ; "dans notre proclama- tion, nous n'avons mentionné que la fièvre jaune épidémique, nullement la sporadique ; or, c'est à cette dernière que vous avez succombé ; notre res- ponsabilité est donc à l'abri." Je terminerai ce cha- pitre en reproduisant les paroles du Dr E. Fortin : "L'épidémie ne s'arrête définitivement qu'après un froid de 0 degré, ou à une température longtemps voisine de ce chiffre." Si cette vérité était univer- sellement connue et acceptée, des centaines d'exis- tences seraient sauvées à chaque épidémie de typhus ictérode. 69 ObSERVATIONS DE FIÈVRE JAUNE SUR LES CREOLES DE LA VILLE. Aimée A.... demeurant rue Claiborne No. 335, née à la Nlle- Orléans et n'ayant jamais quitté la ville, est prise le 17 octobre 1867, vers huit heures du matin, d'un violent frisson, bientôt suivi de fièvre, de vomissements bilieux mêlés de mucosités; de douleur à la tête, aux lombes et aux extrémités inférieures. On donne une limonade purgative dont la moitié seulement est gardée et produit plusieurs évacuations. lî Octobre, 1er jour. Je ne vois la malade que dans la soirée et je la trouve dans l'état suivant : face animée, yeux brillants, conjonctives injectées ; céphalalgie violente ; ra- chialgie et douleur aux extrémités augmentées ; douleur au dessous de l'hypochondre droit ; respiration normale; pouls mou, à 112 ; peau chaude et mordicante, température uni- forme ; langue large, humide, presque naturelle, gencives intactes ; plus de vomissements, mais nausées fatigantes ; miction abondante.-Limonade gommée à petites doses, glace en petits fragments, pédïluve, sinapisme à V épigastre, compresses d'eau fraîche au front. 18 Octobre, 2me jour : La nuit a été agitée et le sommeil presque nul, accompagné de subdelirium, de lipothymies et d'accès de suffocations : la petite malade porte ses mains à la poitrine comme pour en arracher quelque chose, puis s'affaisse haletante, épuisée. Le matin : .Animation de la face et rougeur des yeux sen- siblement augmentées ; peau sèche, toujours même degré de chaleur à toutes les parties du corps ; pouls à 116 ; langue légèrement limoneuse au centre, soif vive, quelques vomisse- ments des boissons. Un peu de lait qu'on a cru pouvoir donner n'est pas gardé.-Eau gommée, glace, compresses Jroides, cataplasmes sur Vabdomen, purgatif suivant : calomel, 10 grains, résine de scammonée, 10 grains. 19 Octobre 3me jour : Nuit plus agitée que la précédente, délire excessif, paroles incohérentes, nausées moins incommo- 70 des, plusieurs évacuations n'offrant rien de particulier ; urines comme la veille. Le matin : Dépression extrême des forces ; decubitus dorsal : toute autre position provoque des nausées ; pouls à 112 , face rouge, conjonctives en quelque sorte boursoufflées ; sclérotique jaune, teinte ictérique apparente même à travers la conjonctive ; chaleur cutanée toujours élevée : elle n'a pas varié depuis ma première visite. Je n'ai, par conséquent, jamais constaté la moindre rémission. A trois heures : Il survient un vomissement noir ; on me mande en hâte, mais étant absent, le Dr. Ch. Deléry a l'obli- geance de me remplacer et reconnaitla nature caractéristique des matières rejetées. Il prescrit aussitôt un vésicatoire à l'épigastre et recommande la continuation des moyens déjà mis en usage. A six heures : Je me l'adjoins en consultation. Dans l'inter- valle des deux visites, il y a eu plusieurs vomissements et déjections ressemblant à de la suie, à cette différence près, dans la consistance, que les matières alvines sont plus épaisses et liées ; le pouls est à 112; la respiration est préci pitée, saccadée : cet état est passager et n'a lieu qu'à la suite de fortes nausées, de vomissements ou d'un changement de position au lit ; le subdelirium continue ; toutefois les réponses de la malade sont justes quand on l'interroge vivement.- Potion fortement acidulée avec eau de Rabel, à prendre à doses rapprochées,limonade glacée, glace, compresses froides, fyc A huit heures : Pas de vomissement, trois évacuations de matières noires ; pouls à 108; du reste, même état à part la respiration qui n'est nullement troublée. 20 Octobre, jour ; Pendant la nuit grande agitation, trois évacuations de même nature que les précédentes, pas de vomissement. Le matin : Animation de la face diminuée ; même chaleur, seulement, peau moins aride ; pouls à 104, même état de la langue : il est à remarquer que l'aspect de cet organe n'a que très-peu varié ; douleur abdominale moindre ; pas de 71 changement du côté des troubles cérébraux, ictère plus pro- noncé ; les urines traitées par l'acide nitrique donnent un précipité albumineux qui représente, en volume, environ le quart de la masse urinaire, Prescription : ut suprà. Midi : Nous apprenons en consultation que deux autres vomissements noirs et autant de selles mêlées de grumeaux de même couleur ont eu lieu ; pouls dépressible, à 100, même chaleur générale, excepté aux mains qui, pour la première fois, sont fraîches ; respiration bonne ; faciès bien moins animé, traits notablement altérés ; agitation et délire crois- sants ; la petite malade divague incessamment, chante et récite ses leçons ; l'émission des urines n'a pas cessé de se faire régulièrement-Bain, 2 vésicatoires aux jambes. J'étais convenu avec mon honorable confrère et ami le Dr. Deléry de revoir la malade à 5 heures, lorsque les pa- rents, sans doute, alarmés de notre pronostic, jugèrent à propos de la remettre aux mains d'un autre médecin qui mit, pour condition, et, cela sans examen préalable, qu'il en serait seul chargé, attendu qu'il n'y avait pas d'accord possible entre lui et nous, en fait, et de diagnostic et de thérapeu- tique. Quoiqu'il en soit d'une divergence d'opinions qu'apprécie- ront les hommes compétents, la maladie n'en poursuivit pas moins son inflexible marche. Aux troubles que j'ai signalés dans cette observation, et qui ne tardèrent pas à s'aggraver, s'ajouta une hémorrhagie passive intestinale des plus inten- ses, et l'infortunée victime d'un fléau dont notre ville et nos campagnes garderont, longtemps, le douloureux souvenir, succomba dans la matinée du 22. Comme attestation ultime de l'irrécusable caractère de la maladie, le cadavre présentait la teinte ictérique la plus générale et la mieux prononcée qu'on puisse rencontrer dans le cours d'une épidémie de typhus ictérode. A moins de se refuser aveuglément à l'évidence, ce fait un des plus complets qu'il y ait, devrait suffire, fut-il le seul, 72 pour régler d'une façon définitive la question de l'aptitude des créoles de la ville à contracter la fièvre jaune. Sabin Martin, D. M. P. P. S.-J'ai vu cette petite malade trois fois, la première seul, en l'absence de mon estimable con- frère le Dr. S. Martin, deux fois en consultation avec lui. Dans ces trois visites, nombre indispen- sable pour savoir si une fièvre est rémittente ou non, je n'ai constaté aucune rémission. Ch. Delery, D. M. P. J'ai donné mes soins, cette année, à deux sœurs, enfants nées à la Nouvelle-Orléans, et nièces de mon excellent ami et honoré confrère, le docteur L.... F...., qui, lorsque ces deux petites filles firent leur maladie, était absent de la ville. Ces deux enfants habitaient, chez leur grand-père, M. Alex. Lesseps, une pro- priété située immédiatement après les Casernes et à quelques centaines de pieds d'une infirmerie où sont morts de fièvre jaune, cette année, un grand nombre de soldats américains. Je commencerai par l'observation de l'enfant qui est tombée malade la dernière, car c'est la plus complète : Estelle F.-, petite fille âgée d'environ 11 ans, née à la Nouvelle-Orléans, tombe malade, le 28 septembre 1867, vers midi. Son père me fit appeler, et, peu après, voici ce que je constatai: visage vultueux ; yeux extrêmement injectés, lar- moyants, douloureux à la lumière ; pouls plein, vibrant, dépres- sible, à 140 ; peau sèche, très chaude, communiquant une sen- sation mordicante au toucher ; respiration anxieuse ; céphalalgie intense ; rachialgie et épigastralgie moins marquées, mais accu- sées ; douleurs contusivcs aux extrémités inférieures (genoux surtout) ; langue large, cotonneuse, rouge sur les bords et à la pointe ; soif vive ; quelques nausées rares. (Pédïluves sinapi- ses; boisson acide ; 30 grammes d'huile de Ricin ; compresses d'eau fraîche sur le front; thé de feuilles d'oranger parfois.} 73 Le 29 Septembre, deuxième jour : La malade a vomi le pur- gatif, mais un autre a été administré qui a déterminé plusieurs selles. Le sommeil a été presque nul ; les douleurs de tête et des membres inférieurs sont moindres; toutefois, la rachialgie est plus forte que hier. Le pouls est à 130 ; la face moins vul- tueuse ; la soif vive ; la peau toujours sèche et très chaude ; les yeux moins animés. {Bisulfite de soude : un gros en 6 paquets ; prendre le contenu d'un paquet chaque heure ; limonade ; pedi- luves sinapisés.) Le 30 Septembre, troisième jour: Pouls à 96, serré ; quelques nausées; a eu deux selles durant la nuit; température de la peau, ordinaire ; peu de sommeil la nuit précédente; urines jaunes et rares contenant une grande quantité d'albumine ; res- piration légèrement suspirieuse. {Meme médication.} Le 1er Octobre, quatrième jour : L'enfant a eu trois heures de sommeil ; elle est plus calme ce matin ; le pouls est filiforme, à 60 ; la température des extrémités est très fraîche, presque froide; soif moins vive; l'urine moins rare, brunâtre. En somme, la malade, qui est arrivée à la soixante-huitième heure de sa maladie, semble, sous certains rapports, être mieux ; néanmoins, l'état du pouls ne me permet pas de donner à la famille toutes les consolations qu'elle désire. {Bouillon, par cuillerée à bouche. ) Le 2 Octobre, cinquième jour : La scène a changé ; le mieux apparent signalé, hier matin, était trompeur ; l'agitation a com- mencé dès hier soir ; la malade ne conserve pas une même posi- tion plus de deux ou trois secondes; les plaintes sont inces- santes ; parfois des cris perçants ; la respiration est anxieuse ; il y a eu trois vomissements de mucosités contenant des stries de sang et une selle noire-, les nausées sont permanentes ; la soif insatiable ; le poids ne peut plus être compté, on ne le trouve pas à la radiale ; les extrémités sont froides ; les scléro- tiques jaunâtres ; le sommeil impossible; des pétéchies nom- breuses se sont déclarées sur la face antérieure des avant-bras, sur le front et le visage; des hémorrhagies buccale et gengivale sont survenues ; le sang s'accumule sur les commissures des 10 74 lèvres ; la langue est que peu humide et noirâtre, et, une légère écorchure qui existe à gauche de la fossette du menton, est une voie par où suinte du sang. Une plaie, déterminée, deux jours avant le début de la maladie, par l'avulsion de la dent incisive supérieure latérale droite donne issue, aussi, à du sang qui se coagule en couches légères sur les lèvres de la pauvre enfant et s'amasse en plus grande quantité dans le sillon mento labial de la lèvre inférieure. Le pourtour de cette plaie est mou, et le sang qui en sort est noir et d'une fluidité extrême. Au milieu de tout ce désordre, l'intelligence est conservée; mais les urines deviennent tellement rares que les personnes qui entourent la malade réclament vivement toute mon attention sur ce symp- tôme; enfin, la peau est légèrement ictérique. de soude, 1 gramme ; eau, 60grammes ; une cuillerée à café chaque 1/2 heure ; immédiatement après, meme dose de jus de citron ; puis lavements avec teinture de musc ; et prendre, chaque heure, une goutte de laudanum de Sydenham sur une houle de sucre', sinapisme aux extrémités.) Le 3 Octobre, sixième jour : Nous sommes arrivés à la cent seizième heure de la maladie (à peu près cinq jours pleins). Il y a eu encore une déjection noire ; les vomissements n'ont pas continué ; mais, les nausées tourmentent beaucoup la malade ; la glace ne les calme pas ; la respiration est suspirieuse ; le som- meil nul ; urines toujours très rares ; pouls à 50, misérable ; ex- trémités froides ; les hémorrhagies passives continuent. {Même médication; plus : poudre composée avec acétate de plomb et opium en quantité minime.) Le 4 octobre, septième jour : Un peu plus d'urine qui contient beaucoup d'albumine ; le pouls est à 60 ; les extrémités moins froides ; mais tous les autres symptômes énumérés, hier, sont présents ce matin. ( Même médication, moins les poudres-, un peu de punch faible.) Le 5 Octobre, huitième jour : L'enfant a été plus calme, hier, durant la journée; elle a dormi cinq heures la nuit dernière ; ce matin, le pouls est à 70 et est un peu résistant ; les symptômes gastriques sont apaisés ; il y a toujours de l'agitation. La chaleur 75 de la peau est normale partout; les hémorrhagies des gencives ont cessé mais la petite plaie, à gauche de la fossette du menton, permet encore la sortie de quelques rares gouttelettes de sang. Un accident nouveau attire mon attention : l'enfant se plaint d'une douleur très vive à la vulve. J'examine les parties et je constate l'existence d'une vulvite purulente des plus intenses' contre laquelle j'ordonne des applications émollientes et quel- ques injections d'eau blanche. ( Bouillons, punch.') Le 6 Octobre, neuvième jour : Tout va mieux ; mais la vul- vite, par la douleur qu'elle détermine, fait que l'enfant hésite à uriner. Le 7 Octobre, dixième jour : L'inflammation vulvaire n'est plus douloureuse ; les urines ont coulé abondamment ; le som- meil a été bon; le pouls est petit et à 70 ; la température de la peau est normale ; plus d'hémorrhagies ; plus de nausées ; du sourire ; la faiblesse est grande, mais l'enfant a faim ; elle est guérie ! Le 2 Novembre : Plus de trois semaines après, on me de- manda pour revoir ma petite malade. La faiblesse des extrémités inférieures était toujours grande, effet si commun des maladies pestilentielles. Je prescrivis des frictions stimulantes et une médication tonique. Huard, D. M. P Jeanne F...., âgée de sept ans et quelques mois, née à la Nouvelle-Orléans, devint malade le 21 Septembre 186Ï. Le 22 Septembre : Je la vois pour la première fois et la trouvai dans l'état suivant :-face vultueuse ; céphalagie intense ; rachialgie et douleurs des extrémités inférieures, peu fortes ; pouls, à 130 ; température de la peau, élevée ; sueurs non exagérées ; yeux très-injectés, légèrement lar- moyants ; respiration anxieuse ; soif ardente ; douleur à l'épi- gastre. La veille de ma visite, il y avait eu plusieurs vomisse- ments bilieux ; et la mère de la malade avait administré dix grains de sulfate de quinine. ( Un purgatif huileux ; frictions citronnées ; peu à boire, et chaque heure : dix grains de sulfite de soude.) 76 Le 23 Septembre, commencement du troisième jour r Pas d'amélioration ; pouls à 120, dépressible ; sommeil nul, agité; a peu uriné ; a eu quelques selles, en apparence, bilieuses.- ( Continuer la médication ; glace par fragments ; pédiluves si- napisés.) Le 23 au soir : Pouls à 115 ; respiration moins anxieuse; moins de douleurs partout. (Lavements simples ; pédiluves,) Le 24 Septembre, commencement du quatrième jour : Pouls à 96; température de la peau, moins élevée, presque nor- male ; respiration lente et suspirieuse ; urines, rares ; nausées, parfois ; sclérotiques légèrement jaunâtres. Le 24 Septembre, soir : Pouls misérable à 64 ; céphalalgie très-intense ; agitation extrême ; vomissement de mucosités contenant des stries de sang ; deux selles semblables ; nausées fréquentes ; peau très-fraîche pour ne pas dire froide ; sus- ceptibilité de l'estomac, telle, qu'il ne faut pas penser à rien introduire dans ce viscère ; soif ardente ; épigastralgie vive ; faciès hippocratique. Je cède aux instances des parents et ordonne d'administrer trois lavements contenant, en tout, 60 grains de sulfate de quinine, qui sont immédiatement rendus. On fait, aussi, des frictions, avec autant de ce sel. (Acétate de plomb : 6 grains; poudre d'opium : 1 grain-faites 6 pa- quets et prendre le contenu d'un paquet chaque heure ; sina- pisme à Vépigastre ; lavements avec teinture de musc.) Le 25 Septembre, commencement du cinquième jour : La nuit a été très-mauvaise ; les sclérotiques sont plus jaunes ; la peau est froide et légèrement ictérique ; les urines toujours rares ; pas de selles ; agitation extrême ; pouls à 60, environ, très-petit. (Continuer la médication?) Le 26 Septembre, commencement du sixième jour : II y a eu, la nuit dernière, deux heures de sommeil, et une selle con- tenant des grumeaux, bien évidents, de sang altéré. (Les nausées sont moindres. (Bouillons, eau de seltz.) Le 26 Septembre, soir : Amélioration. Pouls un peu résis- tant à 65 ; trois heures de sommeil, aujourd'hui. (Cesser toute médication, bouillons, vin.) 77 Le 27 Septembre, commencement du septième jour : Cinq heures de sommeil la nuit dernière ; pas de nausées; plus d'a- gitation ; plus d'irritabilité gastrique ; gaieté revenue un peu ;faim-convalescence. Huard, D. M. P, Ernest d'Aquin, natif de la Nouvelle-Orléans, âgé de 23 ans, demeurant rue des Ramparts, entre Canal et Douane, a toujours résidé en ville, à l'exception des années 18G2, 1863 et une partie de 1865 qu'il a passées en Europe. De retour à la Nouvelle-Orléans, il s'y était toujours très-bien porté jus- qu'au matin du 9 octobre, où il se sentit p;is subitement d'un violent mal de tète et de douleurs dans les membres qui le forcent à se mettre au lit. Je le vis pour la première fois le jour même à 10 heures du matin, et je constatai les symptô- mes suivants : Céphalalgie violente, douleur à l'épigastre, douleurs articu- laires; les yeux sont brillants et injectés ; la langue est blanche, la peau est sèche et chaude ; le pouls mou, ondulent bat 120 fois à la minute. Prescription : Vomitif d'Ipeca et de tartre stibié ; frictions d'eau sédative, compresses sur le front, limonade et diète. Le 10 : Le vomitif a donné quelques vomissements aqueux presque sans bile. La céphalalgie persiste ainsi que les dou- leurs des membres ; la langue est saburrale, le pouls à 112, présentant les mêmes caractères que la veille ; transpiration nulle, pas de sommeil la nuit. Prescription : sulfate de qui- nine, 30 grains, limonade frictions. Le 11. Le sulfate de quinine a été gardé. Céphalalgie moins violente que les deux jours précédents ; la langue est limoneuse, les gencives sont rouges et bordées l'une et l'au- tre d'un liseré blanc, large et adhérent à la muqueuse ; le malade se plaint de douleurs à l'épigastre, il éprouve une fatigue considérable de tout le corps et accuse des envies de vomir ; la peau est moite ; le pouls donne 104 pulsations et il est très-dépressible ; pas d'évacuation. Prescription: Sulfate 78 de quinine, 20 grains ; frictions, limonade; une dose deSedlitz pour le lendemain. Le 12. Le mal de tête s'est presque dissipé ; la langue est chargée ; des vomissements aqueux et de fréquentes nausées tourmentent le malade ; le pouls marque 80 ; il est mou et ondulent ; les urines traitées par l'acide nitrique donnent un dépôt énorme d'albumine ; la débilité est extrême et la dou- leur épigastrique s'exagère à la pression. L'eau de Seltz, prise le matin a donné plusieurs selles liquides, brunes et odoran- tes. Prescription : Lavement au bi-sulfite de soude, solution de bromure de potassium à 1 gros pour 8 onces d'eau à pren- dre par cuillérée à bouche de 2 en 2 heures ; limonade, friction d'eau sédative. Le 13. Apparaît une coloration jaunâtre des sclérotiques: la face est violacée, la peau est refroidie ; le malade accuse une faiblesse si grande qu'on n'ose le remuer de son lit ; il a eu plusieurs syncopes dans la nuit ; le pouls est à 92, la langue moins chargée, les gencives et le pharynx sont rouges ; quel- ques excoriations scrotales ; abondant dépôt d'albumine dans les urines traitées par l'acide nitrique. Prescription : Lave- ment de quinine et de bi-sulfite de soude ; eau rougie comme boisson. Le 14 : Je trouve mon malade présentant la même colora- tion violacée de la face, les yeux sont au contraire plus jaunes, le liseré des gencives persiste; celles-ci sont rouges et sai- gnantes au toucher ; l'estomac est douloureux à la pression qui détermine des nausées ; le malade a vomi un peu d'eau rougie qu'il avait bue. Le pouls est à 84, mou et dépressi- ble ; flots d'albumine dans les urines, faiblesse moins considé- rable que la veille. Prescription: même traitement que la veille. Le 15 : La nuit a été bonne, les yeux sont jaunes ; la lan- gue est moins chargée, pas de nausées, pas de vomissement; diminution de la douleur épigastrique, soif modérée, gencives moins rouges ; la peau est fraîche, le pouls à 16 ; urines tou- jours fortement albumineuses. Prescription : Bouillon, eau rougie, lavement de quinquina et de bi-sulfite de soude. 79 Le 16 : Le malade a dormi. Teinte jaunâtre plus marquée des sclérotiques, en même temps que les tissus de la face et du cou commencent à prendre la même nuance : légère hé- morrhagie de la gorge provenant de quelques ulcérations du pharynx ; pouls à 68 : plus résistant ; urines chargées d'albu- mine. Prescription : Viande à sucer, eau vineuse. Le 17 : L'hémorrhagie de la gorge est plus abondante que la veille; cependant la nuit a été tranquille, l'ictère se dessine de plus en plus ; le pouls bat 64 fois, il est résistant ; les uri- nes sont abondantes et moins albumineuses. Même prescrip- tion. Le 18 : Le saignement de la gorge a diminué ; la teinte ictérique est générale ; le pouls est à 60, résistant ; il n'y a plus que quelques légères traces d'albumine dans les urines ; il s'y montre au contraire un précipité de biliverdine. Le 19 : La nuit a été bonne; l'ictère est général et plus marqué, l'hémorrhagie de la gorge est arrêtée ; la langue est bonne, les gencives reprennent leur coloration naturelle ; le pouls est à 60 ; pas d'albumine dans les urines qui sont for- tement colorées en vert. Le 20 : L'état général du malade est satisfaisant ; la jau- nisse persiste, le pouls est à 64 ; la langue est humide, les gencives ont repris leur couleur naturelle ; les urines sontju- menteuses ; précipité de biliverdine par l'acide nitrique, pas d'albumine. Le 21 : Pouls à 60; état général bon; jaunisse diminuant. Le 22 : Pouls à 52 ; langue un peu chargée ; convalescence. Une bouteille de Sedlitz. H. Bayon. D. M. P. John Meyer, âgé de huit ans, né à la Nouvelle-Orléans et n'étant jamais sorti de son enceinte, est pris, le 23 septembre, à 2 heures après midi, d'un frisson bientôt remplacé par une chaleur vive, qui s'accompagne d'une céphalalgie déchirante, d'une rachialgie intense, de lassitudes dans les membres ; la langue est large, humide, blanchâtre, animée à ses bords ; la soif est nulle ; la région épigastrique est en proie à un senti- 80 ment de fatigue ; les nausées sont fréquentes et sont bientôt suivies de vomissements de mucosités filantes ; l'abdomen est indolent et souple ; la constipation date de vingt-quatre heures ; la respiration est naturelle ; le pouls fréquent, facile à déprimer, donne 120 pulsations à la minute. Prescription : Infusions chaudes • lavement simple ; huit grains de sulfate de quinine en cas d'apyrexie ou de rémis- sion pendant la nuit. 24 Septembre au matin : L'intensité de la fièvre n'ayant fait qu'accroître, la quinine n'a pas été donnée. Le sommeil a été pénible ; l'enfant a été réveillé à chaque instant par des cauchemars ; l'agitation est extrême ; la frayeur est em- preinte sur les traits du malade ; le sentiment de fatigue siégeant à la région épigastrique s'est transformé en douleur aigrie arrachant des cris à l'enfant ; les vomissements de mu- cosités claires et filantes continuent ; la constipation ne cède pas ; la langue, recouverte d'un enduit muqueux, est rouge à ses bords et à sa pointe ; la soif est presque nulle ; le pouls est à 130 ; la chaleur de la peau est mordicante, son aridité extrême. Prescription : Limonade purgative au citrate de magnésie. Le 24 au soir : L'état de l'enfant ne s'améliore pas ; le pouls ne tombe pas, le nombre de ses pulsations est au même chif- fre ; la chaleur et la sécheresse delà peau sont les mêmes; la constipation cède au purgatif, les selles sont grisâtres. Prescript. : Eau de Scltz édulcorée, prise en petite quantité. Le 25 au matin : Légère amélioration du côté des fonc- tions digestives ; même état du côté de celles de la circula- tion et défia calorification. Le 25 au soir : Les vomissements se sont arrêtés et sont remplacés par le calme et le repos ; le pouls est à 120, la chaleur moins intense. Le 26 au matin : Disparition de toutes les douleurs ; calme complet ; pouls à 110 ; chaleur de moins en moins intense. 26 au soir : Le mieux continue; pouls toujours à 110 pulsa- tions à la minute. 81 Le 27 au matin : Pouls à 100 ; l'enfant n'est plus indifférent, répond parfaitement aux questions qu'on lui pose, demande à .s'asseoir dans le lit. Le 28 au matin : Le malade dit, lui-même, qu'il est bien et qu'il veut prendre des aliments. Il accuse un sentiment de gène aux fosses nasales ; le pouls est à l'état normal. Le soir, l'en- fant saigne du nez. Le 29 au matin : L'enfant a pris une petite quantité de lait, et menace de se fâcher si on ne lui en donne pas en plus grande quantité. Le nombre des pulsations est au-dessous de celui de l'état normal. Le 30 : Le pouls est à 64 ; la diète est moins sévèrement observée. Le 1er Octobre : Le pouls remonte, les aliments sont per- mis ; l'enfant est en convalescence. * Le 2 : Pouls presque celui de l'état de santé; guérison. Capdevielle, D. M. P. Le 15 Octobre : Ch. Chaery, né et élevé en ville, âgé de 7 ans, est pris, le matin de bonne heure, et sans symptômes précurseurs, de fièvre accompagnée de douleurs générales. Ail heures, état suivant : Face rouge ; conjonctives in- jectées et larmoyantes; œil brillant; langue légèrement sabur- rale, animée à la pointe ; soif presque nulle ; nausées ; grands efforts de vomissements ; céphalalgie ; douleur à l'épigastre ; rachialgie ; douleurs continues dans tous les membres ; abdo- men souple, sensible àla pression vers l'ombilic, constipation; pouls à 140 ; chaleur et sécheresse de la peau. Le 15 au soir : Langue limoneuse, rouge à ses bords et à sa pointe ; gencives injectées (vomissements aqueux après Fingestion de quelques cuillerées d'eau) ; céphalalgie, gas- tralgie et rachialgie arrachant des plaintes au malade ; cons- tipation ; pouls à 140 ; chaleur mordicante Prescription : Limonade au citrate de magnésie, à 25 grammes. Le 16 au matin : Vomissements incessants ; agitation ex- trême ; insomnie complète ; urines rares ; pas de déjections u 82 alviiies, malgré le minoratif ; pouls de 140 à 150 ; peau ar- dente et d'une aridité extrême. Prescription : Cataplasme sur l'abdomen ; lavement émol- lient ; petite quantité, souvent répétée, d'eau glacée. Le 16, à midi : Même état ; persistance de la constipation. Prescription : Limonade au citrate, à 50 grammes, par 1[6 de verre, toutes les heures, jusqu'à effet purgatif. Le 16 au soir : Vomissements fréquents, contenant des mu- cosités claires ; agitation moindre ; urines noires et en abon- dance ; é\acuations copieuses ; pouls à 140 ; chaleur moins intense. Le 17 . Epistaxis ; vomissement contenant quelques stries sanglantes ; même intensité des phénomènes de la circulation et de la calorification. Le 17, à midi : Epistaxis répétées ; même état général. Le 18 au soir : Fosses nasales dilatées, mais non en proie à des hémorrhagies; pouls de 135 à 140 ; persistance de la chaleur au même degré ; sommeil. Le 18 ; Calme ; légère coloration de la sclérotique; injec- tion et gonflement des gencives ; pouls de 125 à 130 ; cha- leur de la peau diminuée à un faible degré. Le 18 au soir : Gencives douloureuses et saignantes à la pression ; même pouls ; même chaleur. Le 19 : calme complet ; intensité de la chaleur considéra- blement diminuée; pouls à 100. Le 19 au soir : Le mieux continue ; pouls de 88 à 92 ; chaleur presque nulle. Le 20 : L'enfant reprend sa gaieté, demande des aliments, entre en convalescence ; pouls à 80 ; chaleur nulle. Le 21 . Pouls à 76. Le 22 : Pouls de 68 à 72. Les 23, 24 et 25 : Pouls à 64 ; guérison. Capdeveille, D. M. P. Je suis appelé, le 16 août, à dix heures du soir, pour donner mes soins à M. V..., âgé de 19 ans, créole de cette ville, d'où il n'était jamais sorti. Il venait d'être pris, une heure aupara- 83 vant, d'une très forte fièvre précédée d'un léger frisson. Cépha- lalgie toujours croissante avec douleurs lombaires intenses ; vomissements des aliments pris à son dîner, puis de matière glaireuse et ensuite bilieuse ; les yeux sont fortement injectés, et la face rouge et brûlante ; la chaleur de la peau est ardente malgré une transpiration abondante; le pouls à 120, plein et résistant ; la langue saburrale. Prescription : 30 grains de sulfate de quinine, et 1 bouteille limonade purgative au citrate de magnésie ; sinapisme au creux de l'estomac ; orangeade. Je le revois le lendemain matin de bonne heure : La nuit a été très fatigante et très agitée à cause des vomissements ; le malade se plaint toujours de la tête et des reins ; il ne vomit plus ; le pouls est à 100, toujours plein et résistant ; la peau chaude et sèche, la langue rouge sur ses bords et saburrale au centre; le purgatif n'a rien produit. Prescription : 1 bouteille limonade purgative au citrate de magnésie; 20 grains de sulfate de quinine pour midi. A la visite du soir, il est plus tranquille ; la céphalalgie est moins intense, ainsi que la douleur des lombes; le pouls est tombé à 90 ; la peau est moins chaude, avec une légère trans- piration sur toute la surface du corps ; les yeux restent toujours injectés sans aucune sensibilité ; la sécrétion urinaire se fait abondamment; selles nombreuses parle purgatif ; le malade se dit fortement incommodé par le bourdonnement des oreilles, effet de la quinine. Prescription : Orangeade. Deuxième jour, visite du matin: Le malade a passé une mau- vaise nuit, absence totale de sommeil ; il se plaint encore de la tête et d'une lassitude générale ; le pouls à 90 ; chaleur nulle; moiteur de la peau. Prescription : Orangeade et applications froides à la tète. A la visite du soir : Même état. Prescription : Bain de pieds sinapisé et potion calmante. Troisième jour, visite du matin : Le malade a passé une bonne nuit ; mais, quoiqu'il ne se plaigne de rien, il paraît, 84 cependant, inquiet de son état et respire avec difficulté ; Ta tête- est fraîche ; les yeux toujours injectés, présentent, maintenant, une teinte ictérique très prononcée; la langue est blanche sur toute sa surface, et rosée sur ses bords; le pouls à 80, régulier et petit; il y a eu plusieurs évacuations pendant la nuit. Prescription : Orangeade. A la visite du soir: Même état. Quatrième jour, visite du matin : La nuit a été très calme ; le malade se dit beaucoup mieux et demande, avec persistance, à manger. Prescription : Orangeade. A la visite du soir, le m dade est agité ; il ne trouve pas de position agréable dans son lit, et veut à toute force se lever ; le pouls à 80 ; peau fraîche. Prescription : Potion calmante pour la nuit. Cinquième jour, visite du matin Le malade a eu le délire toute la nuit, et a été très tracassé par une douleur aiguë à la région épigastrique, avec nausées fréquentes, suivies de vomis- sements noirs ; teinte ictérique très prononcée sur toute la sur- face du corps ; hémorrhagie nasale légère ; gencives spongieuses et saignant assez facilement pouls petit et fréquent ; peau fraîche et humide ; suppression d'urine. Prescription: Un grand vésicatoire au creux de l'estomac ; potion anti-vomitive de Rivière ; lavements au quinquina. A la visite du soir ; Le malade est très agité ; il vomit con- tinuellement des matières noirâtres et parfois sanguinolentes; il a eu plusieurs évacuations d'une substance ressemblant beau- coup à du goudron ; le pouls petit et parfois insensible. Prescription: Lavements toniques et anti-spasmodiques. Sixième jour ; Délire et vomissements noirs dans la nuit, avec plaintes réitérées ; transpiration abondante ; extrémités glacées ; pouls imperceptible ; convulsions, et la mort à 8 heures du matin. A. Marmillon, D. M. P. A. B, âgé de 14 aus, né à la Nouvelle-Orléans au plus fort de l'épidémie de 1853, a toujours demeuré en ville. 85 Dans la soirée du 10 Novembre, il est pris d'une forte fiè- vre, sans frisson, avec douleurs insupportables dans la ré- gion épigastrique. Je le vois pour la première fois le lende- main à 8 heures du matin ; il avait alors une très-forte fièvre, pouls à 120, régulier, fort et développé ; peau sèche avec cha- leur intense, langue naturelle, soif ardente, pas de nausées; douleurs dans les membres, mais plus particulièrement dans la région épigastrique, laquelle est fortement tendue. Les yeux légèrement injectés sont sensibles à l'action de la lu- mière; céphalalgie intense, intelligence bonne. Prescription : 30 grains sulfate de quinine, lavements purgatifs et orangeade. Je le revois à 8 heures du soir : il est plus tranquille et se plaint moins de la tète. La douleur de la région épigastrique a entièrement disparu à la suite de quelques évacuations abondantes. Peau brûlante et sèche, pouls à 110. Prescription : 20 grains de quinine, potion calmante pour la nuit, bain de pieds sinapisé, orangeade. Deuxième jour, visite à 8 heures du matin : Le malade a passé une mauvaise nuit, se plaignant considérablement de la tête et des reins ; il dit éprouver de forts bourdonnements dans les oreilles. La respiration est fréquente et difficile ; pas de toux, pas de bruit anormal dans les poumons. La peau toujours chaude et sèche, pouls à 100, mais moins fort que le jour précédent. Prescription : 1 bouteille limonade purgative au citrate de magnésie, applications froides sur la tête, orangeade. A la visite du soir, le malade se sent mieux : il dit ne plus souffrir de la tête, et demande à manger. Le pouls à 100, peau fraîche et agréable. La médecine a produit d'abondan- tes évacuations. Rien pour la nuit. Troisième jou r, visite du matin : Le malade a été excessi- vement agité pendant une grande partie de la nuit, avec délire, et ce n'est que vers le jour qu'il lui a été possible de prendre un peu de repos. Le pouls à 100, langue sèche au 86 centre et rouge sur ses bords, soif ardente ; céphalalgie aussi intense que le premier jour. Prescription ; Applications froides sur la tète, orangeade. A la visite du soir, il n'y a aucune amélioration notable. Malgré les fréquentes évacuations produites par la médecine de ce matin, le malade se plaint toujours vivement de la tête et des lombes. Le pouls est à 100, peau sèche mais moins bridante. Prescription : Orangeade, bain de pieds sinapisé, applica- tions froides sur la tête. Quatrième jour, visite du matin : Agitation et délire pen- dant toute la nuit. Douleurs de tête insupportables vers le front et les tempes. La face est animée, les yeux fortement injectés ne peuvent supporter l'éclat de la lumière. La langue est blanche et humide, soif ardente, urines rares. Le pouls régulier à 90, peau chaude et sèche. Prescription : Potion nitrée, orangeade, applications froi- des sur la tête. Même état à la visite du soir. Cinquième jour, visite du matin : La nuit a été très-orageu- se, le malade a eu continuellement le délire ; cependant il ré- pond encore avec lucidité à toutes les questions qui lui sont adressées. Le pouls à 80, régulier mais très faible, peau fraîche et sèche. La respiration est génée avec des soupirs profonds et fréquents. Légère hémorrhagie nasale. On aper- çoit distinctement une coloration jaune des sclérotiques ; cette teinte ictérique est également visible sur toute la surface du corps. Prescription : Limonade. A la visite du soir, le malade est tranquille, mais très-abattu. Prescription : Potion au carbonate d'ammoniaque. Sixième jour, visite du matin : Agitation et délire toute la nuit. La tête est fraîche ainsi que toute la surface du corps. Le pouls à 10, très-faible et disparaissant parfois sous le doigt. L'ictère a considérablement augmenté. Le malade ne ré- pond plus aux questions qui lui sont adressées, et ne veut plus rien prendre. L'hémorrhagie nasale est abondante. 87 Prescription : Deux grands vésicatoires aux cuisses, lave- ments de quinquina. Même état à la visite du soir. Septième jour, visite du matin : Agitation toujours consi- dérable pendant la nuit, avec délire. Le malade n'a plus de connaissance. Hémorrhagie nasale abondante, mouvements convulsifs des muscles de la face, nausées continuelles avec vomissements de matière noirâtre ressemblant beaucoup à du marc de café. Cette même substance est également rendue par l'anus. Le pouls presque insensible, la peau froide et humide, la respiration fréquente. Cet état s'est maintenu jus- qu'à cinq heures du soir, heure à laquelle le malade a rendu le dernier soupir, après avoir eu une forte convulsion qui a duré quelques minutes. E. B. Marmillion. D. M. P. Mon Cher Confrère :- Noüvelle-Orleans, Novembre 18(H. Les deux observations que je vous envoie, peuvent être classées parmi les cas, où, comme le disent les auteurs du rapport de 1839, " les désordres apportés dans la santé des sujets, n'ont de commun avec la fièvre jaune des auteurs, que la série des symptômes appartenant à la première période de cette affection."-Je note, seulement, que j'ai traité ces deux enfants de la même manière, convaincu que tous les deux étaient des natifs de notre ville. Au troisième jour de la ma- ladie de l'un d'eux, j'ai appris qu'il était né en France et qu'il n'était arrivé ici que depuis dix-huit mois ; quant à l'autre malade, il est né, a été élevé en ville, et n'en est jamais sorti. Ainsi donc, voilà deux enfants, l'un né en France, l'autre à la Nouvelle-Orléans, qui ont fait leur fièvre jaune exactement de la même façon. Votre tout dévoué, A M. le Dr. C. Delery. P. Durel. D. M. P. Le jeune Mâge de 15 ans, est pris subitement le 11 Octobre 1867, à onze heures du matin, d'un violent frisson accompagné de douleurs dans les reins et les articulations' 88 tellement intenses, qu'il lui est impossible de retourner chez lui à pied. Je le vois à une heure de l'après-midi. C'est un garçon bien constitué, d'un tempérament bilioso-sanguin. La face est animée, vultueuse ; les yeux brillants, injectés, lar- moyants, avec picotements ; langue naturelle, pas de soif ; céphalalgie des plus intenses, douleurs lombaires excessives, douleurs contusives des membres inférieurs; peau brûlante et sèche, pouls à 130, dur, régulier. (Purgatif, citrate de magné- sie, pédiluves sinapisés, thé d'oranger.) 12 octobre, 2me jour, matin. La nuit a été mauvaise, pas de sommeil, soif vive, face colorée, yeux très-injectés, langue légèrement saburrale ; céphalalgie toujours très intense, les douleurs de reins et des articulations moins pénibles, peau toujours très-chaude, pouls à 130, moins dur. Plusieurs selles bilieuses; le purgatif agit encore. Soir, G heures. Même état ; un peu d'agitation, douleur à la région épigastrique; éructations, peau un peu moins chaude, pouls à 124. (fPotion de 4 onces avec un gros de bi- sulfite de soude à prendre en 4 doses.) 13 Octobre, 3me jour, matin. Pas de sommeil, céphalalgie moins forte, toutes les autres douleurs très-supportables, la face est beaucoup moins colorée, les sclérotiques légère- ment jaunes, moins de soif, la peau moins chaude et un peu moite. Pouls à 100. (Continuer le bi sulfite de soude.) Soir, six heures. La peau n'est presque plus chaude, moi- teur, pouls souple à 90. 14 Octobre, Une jour. La nuit a été assez bonne, le meil a été cependant parfois interrompu ; plus de douleurs, la peau est bonne, plus de chaleur, le pouls à 80. (Bouillons, etc.) 15 Octobre, 5me jour. La journée et la nuit précédentes se sont bien passées; la convalescence s'annonce franchement, la peau est naturelle, le pouls à 64. (Un peu de nourriture, cognac, etc. ) 16 Octobre, Gmejour. L'enfant est bien; il se plaint seule- ment d'être faible, le pouls toujours à 64. 89 Je suis appelé, le 1er Septembre 1867, pour le jeune C....> enfant de quatre ans et demi. Je le vois à 7 heures du matin. Il a été pris, pendant la nuit, d'une fièvre violente. La face est ani- mée, vultueuse; les yeux bri'lants, légèrement injectés; forte douleur de tête ; rachialgie ; douleurs dans les membres inférieurs ; l'enfant dit que tout son corps lui fait mal ; la langue est humide, légèrement blanche ; peu de soif ; la peau est brû- lante et sèche; le pouls dur, vibrant, de 120 à 124 ; la respira- tion normale. (Purgatif au citrate de magnésie ; bain de pieds sinapisé ; compresses d'eau froide sur la tête ; frictions cam- phrées ; thé d'oranger ; diète complète.') Soir. Le purgatif a bien agi, cinq ou six selles bilieuses ; la peau est toujours aussi chaude ; pouls de 120 à 124 ; soif ; face toujours animée; yeux plus injectés que le matin. 2mejour, 2 Septembre, matin. L'enfant n'a pas dormi; toutes les douleurs persistent ; la soif est plus vive; la langue blanche, un peu sèche ; face toujours rouge et animée ; yeux larmoyants ; peau très chaude; pouls de 116 à 120; le purgatif agit encore. (Même traitement.') Soir, 9 heures. Même état ; un peu de douleur au creux de l'estomac ; langue blanche sur toute la surface ; pouls de 116 à 120. grains bi sulfite de soude dans une potion de 4 onces à prendre en trois doses.} 2me jour, 3 Septembre, matin. Pas de sommeil ; un peu d'a- gitation ; peau chaude ; pouls de 104 à 108; moins de douleurs de tête, de reins et des membres ; langue blanche, cotonneuse. (Continuer le bisulfite de soude.} Midi. Quelques éructations ; même état. Soir. Peau moins chaude; pouls de 96 à 100; visage moins ani- mé; les douleurs beaucoup moindres ; quelques nausées légères. (Même traitement, glace.) Imejour, 4 Septembre, matin. L'enfant a dormi, mais se ré- veillant souvent ; les yeux ont perdu leur brillant ; les scléro- tiques sont jaunes ; légère teinte ictérique générale ; soif mo- dérée ; plus de douleurs ; pouls souple de 80 à 84 ; peau moite ; 12 90 plus de nausées. ( Tisane d'orge coupée avec du lait ; bouillon de poulet.} Soir, 9 heures. L'enfant se trouve beaucoup mieux ; peau moite ; température ordinaire ; pouls de 70 à 74 ; le corps est couvert d'une éruption d'urticaire. Smejour, 5 Septembre. L'enfant va de mieux en mieux; la peau est bonne; pouls de 64 à 70; il se plaint d'être faible. nourriture légère.) J'ai revu cet enfant six ou huit jours après, il va bien ; l'ap» pétit est bon, mais la faiblesse est toujours marquée ; l'éruption ne fait que paraître et disparaître. Les forces ne sont revenues qu'un mois après. P. Durel, D. M. P. Lætitia B...„ âgée de 15 ans, réglée depuis six mois, est née à la Nouvelle-Orléans, y a été élevée, n'en est jamais sortie ; santé habituellement bonne ; excellente constitution. Je suis appelé auprès d'elle, le 30 Octobre dernier, 1867, à 11 heures du matin, et la trouve dans l'état suivant : La fièvre, qui a débuté le matin, est ardente ; la peau sèclie; le pouls à 168; elle accuse un assez fort mal de tête, mal de reins, douleurs de brisement dans tous les membres ; les con- jonctives sont légèrement injectées ; la fièvre a débuté brusque- ment, sans frisson ; la langue est souple, naturelle ; la malade a eu, spontanément, dans la matinée, trois évacuations liquides, fort modérées. Prescription : Bain de pieds très chaud ; boissons fraîches, à discrétion. Le 31, à 11 heures du matin : Le pouls est à 144 ; la peau est toujours chaude et sèche; mais, grâce à un bain de pieds, qui a été administré la veille, la jeune fille a éprouvé une abondante transpiration, à la suite de laquelle la céphalalgie, les maux de reins et les douleurs dans les membres ont complètement disparu. La nuit a été sans sommeil ; pas d'évacuatiou depuis la veille ; langue naturelle ; pas d'agitation ; état général, satisfai- sant. 91 Pour toute prescription, je me borne à ordonner des boissons fraîches. 1er Novembre, 11 heures du matin: Pouls à 125 ; peau tou- jours chaude et sèche ; insomnie ; langue recouverte d'un léger enduit gris ; la malade ne souffre pas et insiste pour que je lui permette de manger. Même prescription que la veille. 2 Novembre, 11 heures du matin: Pouls à 110; peau tou- jours chaude et sèche ; la langue est recouverte d'un enduit grisâtre, peu épais, mais plus prononcé et plus épais que celui que j'avais observé 24 heures auparavant; la malade accuse de légères nausées; la céphalalgie, les douleurs des reins et des membres ont reparu, moindres, cependant, qu'au début. Prescription : Limonade purgative au citrate de magnésie. 3 Novembre, midi ; Le purgatif a provoqué quelques vomis* sements et donné lieu à trois ou quatre évacuations ; toutes les douleurs de la tête et des membres ont disparu : le pouls est à 110 ; langue nette ; la malade se trouve bien et se croit en état de manger. 4 Novembre ; Pouls à 86 ; même état que la veille. 5 Novembre : Pouls à 70. Quelques gouttes d'acide nitrique versées dans environ un tiers de verre d'urine font apparaitre, en quelques instants, une couche d'albumine coagulée d'un quart de pouce d'épaisseur. Je permets a la malade de prendre quel- ques cuillerées de bouillon. J'ai revu cette enfant, le 30 Novembre. Son pouls m'a donné 86 pulsations. Le 5 Novembre, sixième jour de la maladie , le pouls était donc à 16 pulsations au-dessous du rythme normal. A. Landry, D. M. P. 1er Octobre 1867. Je fus appelé à cette date pour voir Cécile Brooks, petite fille de couleur, âgée de 5 ans et demi, née et élevée en ville. Elle a été subitement prise, hier soir, d'une violente céphalalgie, de douleur aux lombes et à la ré- gion épigastrique ; pouls à 134 ; peau très-chaude ; liseré 92 blanc très-marqué à la sertissure des dents ; langue saburrale au milieu, rouge à la pointe. Prescription : Bain de pieds sinapisé, purgatif au citrate de magnésie ; lotions d'eau fraîche sur le corps. 5 heures de Vaprès-midi : Peau brûlante ; pouls à 128 ; a vomi le purgatif ; langue ut supra ; sub delirium. Prescription : Poudre, calomel et j;4ap. 2 Octobre, 7 heures du matin : Vomit tout ; a cependant eu quelques bonnes évacuations à la suite d'un lavement purgatif ordonné comme en cas. Langue toujours la même, pouls à 112 ; l'enfant a uriné ; presque pas de sommeil ; agi- tation et un peu de délire. 3 Oct. 7 heures du matin : Pouls à 104; peau encore chaude. Prescription : Un grand bain simple d'un quart d'heure à une demi-heure. 4 Octobre, 7 heures du matin : L'enfant est resiée une demi-heure dans le bain ; pouls à 96 ; peau fraîche. La petite malade se déclare mieux et demande à manger. 5 Octobre, 5 heures de Vaprès-midi : Pouls 'à 92 ; état gé- néral très-satisfaisant-convalescence et guérison. C. Delery, D. M. P. Marie C...., âgée de 6 ans, née au Kansas, venue à la Nouvelle-Orléans à l'âge de trois ans et demi, tombe malade le 20 Septembre 1867. Douleur de tête violente ; photopho- bie intense ; épigastralgie ; figure vultueuse ; peau brûlante ; somnolence ; pouls à 140 pulsations ; langue rouge à la pointe, saburrale au milieu. Je la trouve dans cet état à ma première visite, à 7 heures et demie du soir. Même prescription que pour C. Brooks, en dépit des remon- trances de la mère, qui penche fortement pour l'emploi du sulfate de quinine. 21 Septembre, 7 heures du matin: Même état général ; pouls toujours à 140 ; même état de la langue. Prescription : Bain de pieds sinapisé ; purgatif au citrate de magnésie. 93 11 heures du matin : Même état général, pouls à 120 ; a eu quelques évacuations. Prescription : Eau de Seltz pour boisson. 5 heures de V après-midi ,• Pouls à 120 ; moins de chaleur à la peau ; toujours un peu de photophobie. 22 Septembre, 7 heures du matin : Pouls à 120 ; état géné- ral à peu près le même.-Continuer l'eau de Seltz. 23 Septembre, 7 heures du matin : Pouls à 12 ; amélioration générale. A partir de ce moment l'enfant entre franchement en convalescence-Guérison. C. Delery, D. M. P. Le 9 Septembre dernier, je fus appelé pour le petit Robert Arnoult âgé de cinq ans et demi, né aux Opel ou sas (Loui- siane), eu ville depuis deux ans, jouissant habituellement d'une bonne santé, d'un esprit vif et pétulant. Il était tombé malade la veille ; la maladie avait débuté par un violent mal de tète, douleur aux reins et grande sensibilité à la région épigastrique. Quand je vis l'enfant, la figure était vultueuse, la peau brûlante, la langue saburrale au milieu, rouge aux bords et à la pointe. Le pouls marquait 160 pulsations à la minute ; il y avait une photophobie intense qui obligeait l'enfant à tenir les yeux constamment fermés, ou à les refer- mer, dès qu'il les avait ouverts à la demande du médecin. Prescription : Bain de pieds sinapisés ; compresses d'eau froide sur le front ; purgatif au citrate de magnésie ; eau de Seltz pour boisson. 10 Septembre: J'ai vu l'enfant trois fois ce jour là ; aucune amélioration dans son état ; pouls à 140 ; photophobie toujours intense ; agitation extrême ; par moments, état de somnolence; l'enfant ne répond qu'avec répugnance aux questions qu'on lui pose, et en tenant toujours les yeux fermés. Prescription : Sinapismes aux jambes ; compresses d'eau froide sur la tête. 11 Septembre : A peu près le même état ; pouls à 120 ; l'en- fant est très-agité, ne dort pas, quoiqu'il paraisse assoupi; urines rares. 94 Prescription : Un grand bain d'eau tiède qui diminue l'a- gitation. 12 Septembre : L'enfant s'agite, se soulève brusquement et se jette avec violence d'un côté et d'autre, ne trouvant de repos dans aucune position. Vers les 11 heures, trois heures après ma première visite du matin, les parents me font de- mander à la hâte ; l'enfant venait de vomir noir ; (la matière vomie m'a été montrée). Immédiatement après avoir vomi, il est devenu tout jaune. Prescription : Vésicatoire à la région épigastrique ; per- chlorure de fer étendu d'eau à prendre par cuillérées à bouche, d'heure en heure. 13 Septembre : L'enfant meurt avec une suppression d'u- rine qui datait de 36 heures. C. Delery. D. M. P. Ces trois observations suffiraient à elles seules pour prouver, contrairement à l'opinion du Dr. Fa- get, que la fièvre jaune est aussi une maladie de l'enfance. Voici une dernière observation prise par le doc-' teur Huard, sur une griffonne, et qui prouve que la race noire, bien que, généralement parlant, exempte du typhus ictérode, peut, néanmoins, en être frappée, exceptionnellement, et que son apti- tude à le contracter est d'autant plus prononcée que le sujet se rapproche davantage de la race blanche. Amanda Jones, griffonne, âgée de 18 ans, née dans l'Etat de l'Alabama, depuis trois ans à la Nouvelle-Orléans, habite rue St.-Joseph, entre Camp et Magasins, chez Mme Morrisson, dont elle est la domestique de confiance. Le 13 Septembre 1867, à 3 heures du soir, elle tombe malade. Je la vois deux heures 95 après, et constate ce qui suit : La maladie s'est déclarée subi- tement ; yeux très injectés ; céphalalgie et rachialgie très dou- loureuses, la dernière surtout; peau chaude ; pouls plein, dépres- sif, à 108; douleurs intenses dans les membres inférieurs ; trans- piration très profuse. {Huile de Ricin, 30 grammes ; limonade avec tamarin et casse ; pédiluves sinapisés, répétés toutes les trois heures ; compresses d'eau légèrement fraîche sur le front ; peu couvrir la malade. ) Le 14 Septembre, matin : Soif ardente ; insomnie, la nuit dernière ; douleurs, les mêmes ; la malade a eu cinq selles provoquées par le purgatif ; transpiration toujours abondante; langue lancéolée, limoneuse, empreinte de la partie posté- rieure des dents sur les bords de la langue ; pouls à 96. (Même médication.) , Le 15 Septembre, troisième jour : Céphalalgie, rachialgie et douleurs des extrémités, faibles ; pouls petit, à 62 ; trans- piration très abondante, perlée ; a eu plusieurs selles ; intelli- gence bonne ; n'a pas uriné, depuis hier, à 3 heures du soir ; sclérotiques jaunes. {Potion nitrée; eau de Seltz édulcorée avec sirop de Scille : 60 grammes.) Le 16 Septembre, quatrième jour: La malade a été très agitée la nuit dernière ; ce matin, il y a eu un peu d'urine pour la première fois, depuis le 14, à 3 heures du soir ; la vessie, après percussion, semble n'en pas contenir ; le pouls est à 60, faible ; peau fraîche; éruption miliaire très confluente sur- venue brusquement. (Cette éruption que j'observe pour la première fois dans la fièvre jaune, ainsi que cette transpira- tion excessive et continue sont mentionnées dans le livre de M. le docteur Dutroulau ; et le docteur Alfred Duperrier, qui s'est si noblement dévoué, cette année, à la Nouvel le-Ibérie, m'a dit que cette éruption avait été quelquefois remarquée par lui, à la campagne, spécialement chez les enfants atteints de fièvre jaune ) Sclérotique jaune foncé ; diaphorèse peu abondante ; nausées fréquentes. {Potion de Rivière ; glace par petits morceaux.) 96 Le lî Septembre, cinquième jour : Pouls à 65, mais doué de plus de force ; plus de diaphorèse ; urines abondantes ; l'érup- tion miliaire a disparu après une durée de sept heures ; selles- copieuses; sommeil réparateur la nuit dernière ; la malade a- faim ; convalescence. Dix jours après, cette femme était encore faible. Huard, I). M. P. Ces observations sont intéressantes à différents points de vue : quelques-unes sont des cas légers où la maladie ne franchit pas la première période; on en rencontre d'analogues chez les étrangers en temps d'épidémie de fièvre jaune. Dans les deux catégories, le déclin progressif du pouls auquel la doctrine traditionnelle avait d'abord attaché une si haute importance, se manifeste d'une manière identique. Quant aux cas mortels (observations S. Martin et Marmillon), le début de la maladie, la marche, les symptômes graves sont tellement sem- blables à ceux des cas analogues observés chez les étrangers, qu'il me paraîtrait puérile d'en faire un parallèle détaillé. Le lecteur compétent ne man- quera pas de remarquer ce fait significatif, à savoir: que le sulfate de quinine n'a pas été administré à la plupart des enfants qui ont guéri, tandis qu'il n'a été d'aucune efficacité dans les deux observa- tions fournies par le Dr. Marmillon. 97 TABLEAU DES NATIFS DE LA NOUVELLE-ORLEANS Morts de ta Fièvre Jaune en 1S61. Du 29 Juillet au 1 Novembre. Noms. a ® 3 x = O Q 02 S s a ® 'g x .2 a> c OQ a* a c o Blancs. ® ? a -g • O Q Date de la mort. Peter J y rail.... 1 6 1 29 juillet Patrick Burns. . 7 août Joseph Horan.. 1 4 1 27 août H G Coffee.... 1 3 1 3 sept. Chariot. Stanton 1 2 1 3 sept. W C Darneron. 1 9 1 3 sept John Murphy.. 1 8 1 3 sept. H Dese 1 3 1 7 sept John Feeney.. 1 5 6 sept. Albert Brand. . 1 1 10 1 7 sept. Marg. Kern.... 1 31 1 Marceli. Vergés. 1 18 1 4 sept. J Hickey 1 8 1 4 sept. Emilie Daniel. . 1 7 1 7 sept. R Carring'on.. 1 3 1 7 sept. H Lambeton. . 1 2 1 8 sept. Bob. Hanning.. 1 2 8 1 8 sept. Mary Clark.... 1 7 9 sept. L A Dick 1 8 1 9 sept. Edg. Joice 1 6 1 10 sept. E de J Gertruel. 1 6 1 10 sept. Mar / Kelley. .. 1 14 1 11 sept. Agnes Coffee.. . 1 3 1 10 sept. Lilia A Kerel. . 1 2 10 1 10 sept. Eleanor Quinn. 1 3 11 10 sept. Lilly Priés 1 4 11 sept. W H Byrne... 1 1 1 1 11 sept. Joseph Garvey. 1 5 6 11 sept. M. Turlong.... 1 6 11 sept. H Fulkerson... 1 1 12 sept. H O'Leary 1 7 1 12 sept. Kate O'Leary. . 1 5 1 12 sept. M A Manion. . 1 10 1 12 sept. J T Sulivan.... 1 13 1 13 sept. J Mulligan 1 6 1 13 sept. Sarah Casey... 1 8 1 13 sept. M Robinson.. .. 1 4 1 13 sept. Albert Duperet. 2 1 13 sept. Carol. Echelaub. 1 3 1 13 sept. 98 Noms. c H § u m V2 cS a Sexe féminin. m o 0 O -< « *5 Blancs. De couleur. Date de la mort. M Cabannes... 1 8 1 14 sept. John Fox 1 6 1 14 sept. F H Riildie.... 1 11 1 15 sept. M Haggarty 1 4 6 1 16 sept. W Kelly 1 13 7 1 16 sept. J Dowan 1 5 1 16 sept. C Keller 1 4 1 16 sept W Custhne.... 1 14 1 16 sept. H. Pratt 1 4 1 16 sept. L Pratt 1 9 1 16 sept. G Benderer.... 1 4 1 16 sept. H F'uller 1 23 1 16 sept. M J Daly 1 21j 1 17 sept. F Pratt 1 7 1 17 sept. M Baie T 3 1 Ad J Haie 1 5 1 17 sept. A Kuhn 1 2 1 18 sept T B Riddie.... 1 2 18 sept, A Vanderbord.. 1 15j 1 19 sept. M Kelly 1 12 1 P Concanon.... 1 1 10 1 19 sept. Al Bengaman... 1 4 19 sept. M Barrett I 10 1 21 sept. W Hemerling. . 1 1 6 1 sept. T J Van Slooten 1 7 6 1 20 sept. J F Murray.... 1 7 1 20 sept. R Ullen 1 9 1 20 sept. C ESaunders.. 1 16 1 22 sept. F L Fowler... . 1 2 22 sept- J A Mabin 1 7 2 1 22 sept. M E Maroney.. 1 3 1 22 sept. W F Hill 2 1 22 sept. T Farrall 1 3 1 22 sept. J E Benédict.. 1 8 I 23 sept. J B Ennis 1 3 1 23 sept. M Jadel 1 5 1 23- sept. M Donagan.... 1 5 2 1 23 sept. A Hamburger.. 1 3 1 22 sept. M J Tarhman.. 1 1 3 1 22 sept. Ed Clark 14 13 sent. P Henry 3 14 sept. H B Lang 1 6 1 28 sept. D Conner 1 6 24 sept. E Kohlmann.. . 1 1 8 1 24 sept. J Maginnis 1 19 1 24 sept M G Chandler.. 1 6 1 24 sept. G Schaffner.... 1 19 1 24 sept. 99 Noms. Sexe masculin. • .s m a C H a JD o en O fl a H De Couleur. Date de la mort. W Cramer 1 2 1 24 sept. Henry Nicks .. 1 4 1 25 sept. W Krauss 1 7 1 26 sept. W W ermer.... 1 9 1 26 sept. Mary Adolph.. 1 7 6 25 sept. M Hays 1 7 25 sept. Maiyat Fechan. 1 3 25 sept. B C Elliott.... 1 1S 1 26 sept. L Stevenson 1 1 26 sept. J Calvey 1 27 1 26 sept. J B Cock 1 4 5 1 Rosa Foucher.. 1 10 1 26 sept. Rosa Battle.... 1 4 1 2 ? sept. G A Kelly.... 1 1 9 1 26 sept. W Manson.... 1 1 6 1 26 sept. J Hoffmann... 1 1 6 1 27 sept. Th. M King... 1 8 1 27 sept. Mary Harman. 1 6 1 27 sept. Ed. Donigan... 1 7 27 sept. Elisa Keenan.. • 1 21 1 27 sept. M V MacCaffrey 1 3 3 1 27 sept. J Connor 1 13 Marie Garnié... 1 2 2 1 27 sept. Albert Shorn .. 1 5 1 27 sept. Imoy Greding. 1 5 1 27 sept. Fred Reisnyer. 1 10 1 27 sept. Marie Ferdinan. 1 18 1 27 sept. A M Julia Otto. 1 3 1 28 sept. J M Snider.... 1 7 1 28 sept. J Capperiets... 8 28 sept. Jnlia Jean 1 1 1 28 sept. Ellen M Baker. 1 10 1 29 sept. Alex. Marjac... 1 4 1 29 sept. GWNeutz.... 1 6 1 29 sept. Alfred Finley.. 1 6 1 29 sept. Cari. A Schen.. 1 3 2 1 30 sept. M Ann Murphy. 1 2 6 30 sept. Joseph Evans.. 1 2 30 sept. Elisa Kenney.. 1 4 1 30 sept. Fred. Wagner.. 1 7 1 30 sept. Ch. Burt 1 2 6 1 30 sept. C. Dumberger. 1 6 1 30 sept. J Murphy 1 7 1 30 sept. Mary Delaney.. 1 6 9 1 30 sept. Susan Stephens. 1 11 1 30 sept. J Kenney 1 16 6 1 30 sept. Bernard Fox.. 1 30 1 30 sent. 100 Noms. Sexe masculin Sexe féminin. OQ ■ 'O a a C M Blancs. De couleur. Date de la mort F Uemann.. . 1 7 I 30 Sept. A Schuler 1 6 1 30 sept. A C Otto 1 1 10 1 30 sept. G Wahn 1 4 6 1 30 sept. J 0 Coffey 1 6 1 30 sept. J Suttleton.... 1 17 1 1er octobre. C Doneily 1 3 1er octobre. M Clérk 1 3 1 1er octobre. D Murphy.... 1 1 8 1 1er octobre. E Wedenberg. . 1 1 1er octobre. C Forstall 1 24 1 1er octobre. L Boutté 1 7 1 1er octobre. L B Carter 1 1 7 1 ' 1er octobre. J J Kucheval.. 1 2 6 1 1er octobre. J A Blanc 1 21 1 1er octobre. E Braun 1 6 1 1er octobre. H C Clark 1 6 1 1er octobre. N Meyer 1 7 1 2 octobre. H Du mange.. . . 1 8 1 2 octobre. F Hoffliemier... 1 1 6 1 2 octobre. G McPherson. 1 5 1 2 octobre. G Vichorne... . 1 7 1 2 octobre. S Hoan 1 4 10 1 2 octobre. G Menne 1 9 1 2 octobse. J Tompson .... 1 6 6 1 3 octobre. H Williams.... 1 15 1 3 octobre. J Fitzpatrick.. . 1 3 9 1 3 octobre. B G Bloomlield. 1 7 1 3 octobre. M Laddy...... 1 3 1 3 octobre. M T Cher 1 5 8 1 3 octobre. J M ngan 1 1 3 octobre. J Hawkins.... 1 5 3 octobre. F Marets...... 1 4 1 4 octobre. A Habres. .. . 1 24 1 4 octobre. M E Daly.... 1 1 1 4 octobre. R C Hough. ... 1 31 1 4 octobre. J Miller 1 4 1 4 octobre. R Boucher .... 1 4 6 1 5 octobre. W Verret 1 18 1 5 octobre. N Villars 1 3 1 5 octobre. .J Bams 1 5 1 5 octobre. M Williams ... 1 1 1 5 octobre. Th Williams 1 2 7 1 5 octobre. M Laughen.... 1 2 1 5 octobre. F Mai tin 1 13 1 5 octobre. P Conroy. .... 1 4 1 5 octobre. F Hirch 1 3 1 5 octobre. 101 Noms. Sexe masculin K H £ a «a tn fl fl » o M Blancs. M O O Date de la mort. GJ Hent 1 2 3 I 6 octobre. T II Hyatt... . 1 5 1 6 octobre. W Dengel I 2 2 1 6 octobre. B Dane 1 12 1 6 octobre. D Johnson 1 10 1 6 octobre. B Faber 1 2 1 6 octobre. P Fitsgerald.... 1 8 1 6 octobre. B Brown 1 10 1 6 octobre. K W Kennedy.. 1 25 1 6 octobre. € Wilson L 1 6 1 6 octobre. E H Knollmann 1 11 1 7 octobre. MAL Kelly... 1 7 1 7 octobre. E Meylor 1 8 1 7 octobre. E Nicolai 1 7 3 1 J McKenna .... 1 7 1 8 octobre. A Casey 1 10 1 8 octobre. J Kane > 1 7 1 8 octobre. C Brenn 1 4 1 8 octobre. M E Runel .... 1 8 1 8 octobre. E Labarre 1 8 1 8 octobre. A Musgrove (1) 1 22 1 8 octobre. J Waiter 1 4 1 8 octobre. A Keller 1 4 1 8 octobre. C E Thibaut... 1 10 1 9 octobre. J E Flanagan.. 1 6 6 1 9 octobre. E Davis 1 7 9 1 9 octobre. C Higgins 1 1 8 1 9 octobre. M A Murphy... 1 25 1 9 octobre. 0 Michel 1 7 6 1 9 octobre. F J Rries 1 3 6 1 9 octobre. J Schn 1 3 1 9 octobre. AI Johnson.... 1 6 10 octobre. E Van Slooten.. 1 2 i 10 octobre. E Wilt 1 6 4 i 10 octobre. A 0 Fowler .... 1 6 i 10 octobre. J Murphy 1 5 i 10 octobre. C Macqiure .... 1 7 i 10 octobre. J Scally 1 4 i 11 octobre. T Lor 1 9 i 11 octobre. E Shéridan.... 1 7 i 11 octobre. J Dowd 1 13 i 11 octobre. L S Barnelt .... 1 2 9 i 11 octobre. J W Aierlie .... 1 6 8 i 12 octobre. B Haggorly 1 1 0 i 12 octobre. J Donahue.... 1 2 9 i 12 octobre. V Schneider .. 1 13 i 12 octobre. L Hamilton.... 1 2 9 i 13 octobre. 102 Nom». fl M O a» as 02 rt a Sexe féminin. rô fl fl o s 02 fl ce S c « I fl O O Date-de la mort. Julia Battle.... 1 1 5 1 13 octobre. Alfred Klein.. 1 4 1 13 octobre. Viola Mekel.... 1 5 1 13 octobre. G Fry. 1 5 1 13 octobre. Horace Beer... 1 2 6 1 13 octobre. Math Forchenier 1 10 4 I 13 octobre. Mary Urban... 1 8 1 14 octobre. Am. Gourville.. 1 4 1 14 octobre. Cat. Weskamper 1 16 1 14 octobre. J K Burk 1 >1 I 14 octobre- Aiary Oarsy «... Anna Wolf.... 1 1 1 18 2 1 1 14 octobre. 14 octobre. Paul Metzler... 1 5 I 14 octobre. Elisabeth Kuhn. 1 10 1 14 octobre. Emile Larodet.. 1 2 1 14 octobre. G Burtlett 1 6 1 15 octobre. L Hilenbrand. . 1 1 1 15 octobre- W Dengeler. . . 1 3 1 15 octobre. J Jones 1 3 10 1 15 octobre- W J Trim. 1 22 I 16 octobre. G Lathinan.... 1 4 1 16 octobre. K Claverie 1 3 2 16 octobre. W A Eddleston. 1 6 1 17 octobre- L P Jollissaint. 1 6 6 1 17 octobre. Louisa Degens... 1 1 17 octobre. J Murphy.... 1 10 1 17 octobre- KelaKelley.... 1 7 10 1 17 octobre. M A McKernan. 1 2 8 1 18 octobre- G Grobel 1 3 2 1 18 octobre. R. Gaffrey 1 1 1 1 18 octobre. Ph. Stifft 1 9 1 19 octobre. G. Callahan.... 1 5 8 1 19 octobre. Ch. A Martinez. 1 2 3 1 19 octobre- T Macker 1 2 I 19 octobre. Ed Garman.... 1 6 1 19 octobre. Ed Simpson.. . 1 5 1 19 octobre. Julia Delage... 1 27 1 20 octobre. J Deloy 1 2 1 20 octobre- Mary Butchard. 1 1 10 1 20 octobre- W Halley 1 2 1 20 octobre. Th. Hutchinson. 1 7 1 20 ocrobre- W. H Fowler... 1 13 1 20 octobre. Aug. Poudras.. 1 19 1 20 octobre. Jo. Cadiz 1 1 21 octobre. Mary Howell .. 1 7 1 22 octobre. W. Pragge.... 1 17 1 22 octobre. Son of C Myers. 1 9 1 22 octobre. 103 Noms. a ® 25 X s 0) o " g 1 1 Sexe féminin. Années. .2 o « O a 3 S De Couleur. Date de la mort. A S Knolmann. 1 3 4 1 22 octobre. Mary Winter.. . 1 8 1 22 octobre. Ch. Bertut 1 2 6 1 22 octobre. Edith Bishop. .. 1 1 1 23 octobre. Angele Maglier. 1 2 6 1 23 octobre. M S M Day.... 1 7 1 1 23 octobre. Evelina Walker. 1 2 24 octobre. J Sitzmann 1 9 9 1 24 octobre. W Schoenberg. 1 7 2 1 25 octobre. H H Homelleck. 1 9 1 25 octobre. F F Fortier .... 1 9 1 25 octobre. R B Berthelot. . 1 4 1 26 octobre. E A Crâne 1 13 1 26 octobre. Rodgen Riley.. 1 7 1 26 octobre. Ellen Gibney... 1 6 1 27 octobre. W Wells 1 20 1 27 octobre. Anne Deakin .. 1 7 7 1 27 octobre. Gregoria Smith. 1 2 1 27 octobre. H T Chapman.. 1 2 2 1 27 octobre. (1) E Musgrove. 1 10 1 28 octobre. M E Philips.... 1 1 10 1 28 octobre. J Lawrence. ... 1 7 1 30 octobre. J Brown 1 1 1 30 octobre. L A Doltnes. ... 1 2 1 4 novembre Augustine Barlo. 1 5 1 4 novembre W Boring 1 7 3 1 5 novembre G Deloy 1 6 1 5 novembre Cecilia Nobles.. 1 2 1 5 novembre Sophie Fuchs, . 1 4 1 7 novembre (1) Parmi les certificats qui ont servi à faire ce tableau, il en est deux (relatifs aux deux frères Musgrove, le premier âgé de 22 ans, le second de 10), qui sont signés du Dr. P. A Lambert, avec les annota- tions suivantes: *' est toujours restc en ville, moins cinq ANNéES qu'il a PASséES en Angleterre" pour le second, âgé de dix ans "est Né en ville et ne s'en est jamais ABSENTé." Le nom du Dr. Lambert, en si haute estime parmi la population Louisianaise, et une si grande au- torité dans le corps médical, rend tout commentaire inutile. Le Dr. Lambert a 35 ans de pratique à la Nouvelle-Orléans. i, il en est N. B.-Le tableau ci-dessus, copié des archives du Bureau de Santé, est fait d'après des certificats fournis par 110 médecins. 104 TABLEAU des natifs de la nouvelle-orlêans morts pendant l'épidémie de FIÈVRE JAUNE DE 1867. LISTE DU BUREAU DE SANTÉ. Total des morts du 29 Juillet au 7 Novembre 1867.. 306 Sexes. Blancs. Couleur. Total. Masculin 165 2 167 Féminin 130 3 133 295 5 300 Sexe non mentionné 6 306 Age. Sexe Maso. Sexe Fémin. Total. Au-dessous d'un an 9 9 18 De 1 à 2 ans 22 18 40 De 2 à 3 ans .... 18 23 41 De 3 à 4 ans .... 19 10 29 De 4 à 5 ans.... 13 9 22 De 5 à 6 ans.... 15 10 25 De 6 à 7 ans.... 24 5 29 De 7 à 8 ans.... 10 9 19 De 8 à 9 ans.... 9 1 10 139 94 238 Nombre total des morts. ... 306 Blancs des deux sexes jusqu'à l'âge de 9 ans. 228 Couleur, des 2 sexes 5 -- 233 Morts au-dessus de 9 ans .... 73 306 306 105 Je dois faire observer que ce tableau ne saurait être considéré comme très exact, car beaucoup de médecins ayant négligé de mentionner, dans les certificats de décès qu'ils ont signés, la nationalité d'un grand nombre de très jeunes enfants morts de la fièvre jaune, nous avons dû ne pas compter ces décès comme appartenant à la population native ; toutefois, nous •croyons qu'il y a eu plus de 500 enfants emportés parla fièvre jaune cette année. Le tableau précédent est emprunté au travail du Dr Huard, publié dernièrement dans le journal X Epoque, Les réflexions si justes qui l'accompa- gnent appartiennent également à ce confrère. TABLEAU «GÉNÉRAL DE LA MORTALITÉ, DU 7 JUIN AU 31 DÉCEMBRE, d'aPRES LES ARCHIVES DU BUREAU DE SANTÉ. Juin 3 Juillet 2 Août 255 Septembre.. 1637 Octobre 10Ï2 Novembre 103 Décembre 26 Total 3098 Je mentionne, ici, en passant, que le Bureau de Santé a constaté quatre décès, occasionnés par la fièvre jaune, le 29 décembre. Il est infiniment probable que nous n'aurons plus que quelques cas rares, à partir de cette date (10 janvier), attendu qu'il y a eu de la glace aujourd'hui. En tenant compte de lapériode d'incubation généralement de huit jours, il n'y aurait rien d'étrange qu'il se manifestât, ça et là, dans le courant de cette semaine, quel- ques cas, chez des sujets déjà imprégnés du prin- cipe morbifique. 14 106 Liste des enfants morts, du 7 Juillet au 7 NovembreT de fièvres dites paludéenne, congestive, paludéenne hémorrhagique, paludéenne-cholérique, pernicieuseT d'après les archives du Bureau de Santé, Ces décès sont ceux d'enfants nés à la Nouvelle- Orléans depuis V épidémie de fièvre jaune de 1858. Nom». en o> O a p ◄ O S © TT X o O QQ QQ cS- S Sexe féminin 00 O fl S S De Couleur. Date ète la mort. G Blanchard... 9 1 1 1er juillet. E Blanchard ... 2 1 1 1er juillet. M Bnske 1 11 1 1 1er juillet- M Bertille ..... 6 1 1 9 juillet. M Moi aies 7 1 1 11 juillet. E Michel 7 1 1 12 juillet. B Chourcau.... 22 j 1 1 13 juillet. J L Gonzales... 3 11 1 1 14 juillet. G Wilson 10 1 1 14 juillet. L Selmoder.... 4 1 1 21 juillet. M Jacques 6 1 1 29 juillet. M Monay 1 2 1 1 1er août. H Jones 10 1 I 29 juillet. H Loventhall... 9 1 1 3 juillet. M H Mallet.... 3 1 1 .3 juillet. F Leroy 5 1 1 1er juillet- S Hul 6 1 1 29 juillet. S Girodeau.... 6 1 1 6 août. G Warmann ... 2 7 1 1 14 août. M Scanlan 2 1 1 17 août. J A Cazanavette 2 1 1 16 août. J D Cazanavette 2 2 1 1 16 août. E Gevigé 2 4 1 1 18 août. R Richard 2 6 1 1 22 août. M Roux 5 1 1 25 août. G Dohnan 4 1 1 27 juillet. E Scoffield 2 1 1 25 juillet. J Broussard.... 2 1 1 28 août. A Doluch 2 1 1 1er sept. J A Rûet 1 8 1 1 2 sept. P Lemore 3 1 1 3 sept. L Jones 3 1 1 4 sept. M Détat...... 1 1 1 4 sept. J B Bellocq.... 7 1 1 9 sept. G Schederer.... 1 5 1 1 2 sept. 107 Noms. £ 2 3 ◄ j| o Sexe masculin Sexe féminin. Blancs. De couleur. Date de la mort. JD Demellan. . 6 5 1 1 2 sept. J Plaggio 1 8 1 1 2 sept. Os. Turpin 3 1 1 2 sept. Elisa Kelly .... 7 1 1 9 sept. J Mure 21j 1 1 7 sept. M Marks 4 9 1 J E Bacliemin... 8 1 1 7 sept. W Maunsell... 2 1 1 12 sept. E R Mène.... 5 6 1 1 12 sept. J Bronklee .... 1 10 1 1 13 sept. Ad. Bi et 7 1 1 13 sept. W Wanturer. .. 2 1 1 14 sept. M L Delavigne. 3 1 1 15 sept' M Duclos 3 3 1 1 16 sept. Liza Freitas... 6 1 1 16 sept. Mary Folger.. 5 6 1 1 16 sept. Jos Henry 2 1 1 17 sept. Nicolas Schmidt 1 10 1 1 18 sept. J Bulnoy 7 1 1 20 sept. Th Cretz 1 g 1 0 Sidegelez.... 3 1 1 20 sept. Fred. Geier.... 2 6 1 2 23 sept. Susanne Vallée. 1 3 1 1 22 sept. Willie Burtag.. 2 1 1 23 sept. Fanny Hentecly 5 1 1 16 sept. Fannie Sauvinet 1 11 1 1 23 sept. Michel Boyce. . 8j 1 1 23 sept. E M Glyne.... 1 9 1 1 25 sept. Mary Coy .... 1 1 1 25 sept. G Reinhart... . 2 1 1 24 sept. Fernand Villars. 6 1 1 26 sept.. Joseph Murphy. 4 1 1 26 sept. James Stanton. 1 4 1 1 27 sept. J Auliffe 1 8 1 1 27 sept. W Botton ... 3 1 27 sept. H T Kemp .... 2 1 1 27 sept. Georgina Henle 1 4 1 1 23 sept. Blanche Bonnot 1 5 1 1 24 sept. Rosa Pitre .... 7 1 1 30 sept. L Weisemhman. 2 1 1 X 30 sept. J Archinard.... 5 1 1 1er octobre. Leonard Miller. 11 1 1 1er octobre. Mary Keller... 5 1 1 1er octobre. F Bettie 5 1 1 A RodoHch... 5 1 1 2 octobre. P L Garidel.... 1 6 1 1 3 octobre.] E Debuys .... 1 2 1 1 3 octobre. 108 Noms. Années. Mois. Sexe masculin Sexe féminin. Blancs. : d O O Date de la mort. M Gardner 6 2 1 I 1er octobre. R Demetrieri . . 8 1 8 octobre. M A Kegan. 3 1 1 1 8 octobre. J Rosen 7 1 1 8 octobre. A Volhecht. 3 1 1 8 octobre. N Modby 8 2 1 1 8 octobre. M Catalini 10 1 1 9 octobre. M Menseman . . 9 1 1 10 octobre. L C Lange 5 1 1 10 octobre. M Dupré 2 1 1 11 octobre. J Foley... 9 1 1 11 octobre. C Holquint 4 1 1 11 octobre. R Jones 4 1 1 13 octobre. M Becker 7 1 î 13 octobre. C Dreyfus 2 1 1 15 octobre. A Tranquina. .. 2 1 1 15 octobre. A Roans 4 1 1 15 octobre. C Candide .... 9 1 1 18 octobre. H Grayson .... 3 8 1 1 19 octobre. H Schumaker. . 1 6 1 1 22 octobre. A Scharman . . 5 1 1 22 octobre. F Asner 5 6 1 1 22 octobre. C Wetzel 6 6 1 1 24 octobre. F Hetecle .... 2 6 1 1 25 octobre. E Peres 8 1 1 26 octobre. A Stisman 5 1 1 27 octobre. S Ceeflia 3 1 1 27 octobre. G W Smith.... 4 8 1 1 28 octobre. M S Frendel.. . 1 6 1 1 30 octobre. L Thomas 3 1 1 30 octobre. J Lapene 7 1 1 4 novembre. L A Daquin.... 9 1 4 novembre. J Schensen. 5 1 1 5 novembre. A Rovorich.... 1 1 2 novembre. P Boglon 11 1 1 2 novembre. J Crâner 5 1 1 2 novembre. J Barres 1 7 1 1 2 novembre. A Patin 7 7 1 1 2 novembre. B Wilhem 5 5 1 1 2 novembre. C Holman 1 1 4 novembre. N Modesta .... 2 2 1 1 7 novembre. U Perret 5 5 1 1 7 novembre Je ne puis m'abstenir de faire quelques ré- flexions au sujet de ce tableau. Les certificats de 109 «décès de ces cent vingt-quatre enfants portent qu'ils sont morts : les uns de la fièvre paludéenne ; les autres de la fièvre congestive , les troisièmes, de la fièvre paludéenne-hémorrhagique, etc., etc. Or, toutes ces fièvres entrent dans la classe des intermittentes ; celles, précisément, contre les- quelles le sulfate de quinine est considéré comme un remède ''héroïque,' etque les partisans outrés de cet alcaloïde déclarent en être le critérium. S'il en est ainsi, n'est-il pas étrange de voir tant de victi- mes, en dépit du spécifique, des soins dévoués des médecins appelés auprès des petits malades, et de l'empressement que les parents, en temps d'épi- démie, mettent à demander les secours profession- nels? Un pareil résultat ne peut manquer de jeter du doute dans l'esprit, surtout quand on réfléchit que bon nombre des médecins signataires profes- sent hautement que les enfants créoles ne sauraient avoir la fièvre jaune, et que leur diagnostic est, en quelque sorte, posé par avance, basé qu'il est sur la nationalité du petit malade. Le doute aug- mente, quand on considère que ces enfants sont nés dans l'intervalle de deux épidémies, celles de 1858 et de 1867. 110 Tableau des Vents, du Temps et des degrés thermo- métriques, du 29 Août au 29 Septembre 1867, période d'augment de Vépidémie. MOIS. VENTS. TEMPS. THERMOMETRE (Fareshbit). <n 3 <D «O 2 00 S JD CO F 9 <D «O 29 Août s.-o. Nuageux. 81 85 86 84 30 a N.-E. Nuageux. 79 83 85 83 1er septembre. S.-O. Beau. 80 86 85 81 2 u N.-E. Pluie. 82 87 81 81 3 u N.-E. Pluie. 78 81 80 77 4 Cl S--E. Pluie. 81 80 79 78 5 ti S.-E. Pluie. 80 75 78 76 6 II S.-O. Pluie. 75 82 78 76 7 II S.-O. Nuageux. 78 83 83 82 8 u N-O. Nuageux. 79 85 83 80 9 Cl N.-E. Nuageux. 80 85 83 81 10 II N.-E. Nuageux. 81 87 82 77 11 Cl N. E. Pluie. 77 83 78 77 12 a N.-O. Pluie. 80 80 80 77 13 u S.-O. Nuageux. 81 85 82 80 14 u N.-E. Nuageux. 81 86 83 81 15 u S.-E. Nuageux. 83 85 84 SI 16 Cl S--E. Nuageux. 82 82 80 81 17 II S.-E. Pluie. 80 78 79 81 18 Cl S.-E. Beau. 80 86 83 79 19 II N.-E. Pluie. 80 86 80 79 20 IC S.-E. Nuageux. 80 86 80 79 21 II S.-E. Nuageux. 82 88 85 76 22 II N., N.-E. Nuageux. 78 84 84 80 23 II N., N.-O. Pluie. 78 85 85 75 24 Cl N.-E. Pluie. 76 83 79 79 25 Cl N.-E. Nuageux. 76 82 80 75 26 II N.-E. Nuageux. 77 83 80 76 27 II N.-E. Nuageux. 77 83 80 76 28 II N.-E. Nuageux. 77 84 82 77 29 Cl N.-E. Nu.igeux. 77 84 83 79 Maintenant, en analysant ces différents tableaux, ainsi que celui des pluies, par le Rév. Père Cam- biaso, nous remarquons que le vent duS.-E. a régné 111 quatre fois et celui du N.-E. quinze, dans le cours du mois d'Août. La quantité de pluie tombée dans le meme laps de temps, se monte à 116,860 litres; la température moyenne a été de 77-72, 81-36 88-45, 84-9 3[5 (1), et la mortalité de 255. Dans le courant de Septembre, les memes vents du S.-E. et du N.-E. ont soufflé, les premiers, huit fois; les seconds, quatorze. Il est tombé pour la même période de temps, 283,568 litres d'eau. La température moyenne a été de 79-13, 83-36, 81- 36, 78-50, et la mortalité de 1,637. Quelle conclusion tirer de ces données, relative- ment à la marche de l'épidémie? Les vents ont-ils exercé une influence quelconque sur la mortalité comparative des deux mois en question? Nous voyons que le vent du S.-E. a soufflé quatre fois, et celui du N.-E. quinze, dans le mois d'Août : le premier, huit fois ; le second, quatorze, dans tout septembre. Cette différence mérite, à peine, d'être notée. Quant à la quantité de pluie, elle a été, il est vrai, plus du double en Septembre qu'en Août. Il ne me semble pas qu'on puisse attribuer, ration- nellement, ni au vent, ni à la température cet aug- ment régulièrement progressif de l'épidémie. La température a été, à peu près, ce qu'elle est, tous les ans, à pareille époque. Reste donc les pluies qui ont été deux fois plus abondantes en septembre qu'en Août. Cette circonstance suffit-elle pour expliquer la plus grande mortalité en septembre (1) La température moyenne a été : En Août 1«56, 81-93, 85-55, 84-19. '• 1857,80-16,83-06,82-19. 1858, 81-64, 85-64, 84-10. En Septembre 1856, 77-40, 80-46, 79-13. " 1857, 77-46, 82-20, 80-60. " 1858, 77-46, 81-70, 80-73. La mortalité a été de 74 pour septembre 1856 et de 2,204 pour septembre 1858. 112 que clans aucun des autres mois? II serait utile, ici, de posséder les statistiques pluviales des années précédentes ; mais, l'on peut, je crois, arriver à une conclusion satisfaisante en se bornant à l'étude comparative des pluies pour les différents mois de l'année 1867. S'il est vrai que celles-ci influent, dans le sens de la recrudescence, sur la marche de l'épidémie, il est évident que le mois où les pluies auront été les plus abondantes, sera précisément celui où la mortalité devra être la plus forte. Or, nous voyons qu'en Juin, où la mortalité a été seu- lement de trois, il est tombé 394,632 litres d'eau, environ un tiers de plus qu'en Septembre dont la mortalité a atteint le chiffre énorme de 1,637. Il ressort, évidemment, de toutes ces considé- rations que l'épidémie a une marche fatale, indé- pendante des circonstances atmosphériques qui l'environnent (1) ; qu'elle existe virtuellement dans l'atmosphère, procédant d'un germe, qui obéit, dans un moment donné, à la loi universelle de tout ce qui naît, croît et meurt. On pourrait aller plus loin en se lançant dans le champ si large des conjectures, et dire : tout ce qui naît, croît et meurt, appartient infailliblement au règne, soit animal, soit végétal, et conclure ainsi : la cause morbifique qui engendre la fièvre jaune est, ou un animalcule, ou un microphyte : je réclame toute l'indulgence du lecteur pour ce néologisme. (1) La gelée répétée et la glace sont les seuls phénomènes météo- rologiques qui exercent une action puissante sur le germe pathogéni- que ; elles le stérilisent jusqu'au retour des conditions favorables à son développement. 113 Quantité de Pluie touillée à la Orléans sur un mètre carré de surface. Pluviomètre à 70 pieds du sol. Mars 1867. -Jours de pluie. Quantité-Titre*. 7 8 9 18,760 10 0,308 Il 0.370 14 2,320 15 3 088 19 , 14,000 20 36,700 26 2254 27 3,264 29 15,424 30 51,200 31 50,752 Total du mois, .14 jours de pluie198,440 litres d'eau. 4 8,128 •8 30,080 15 3,264 24 7,904 Avril 1867. Total du mois- 4 jours de pluie.49,376 litres d'eau. Mai 1867. Du 1 au 8 54,624 20 34,784 21 12,000 24 17,504 25 14,144 28 4.000 29 9.760 Total du mois.. 8 jours de pluie ..133,056 litres d'eau. 16 IT4 Juin 1867. Jours de pluie. Quan tit é.-Li très , 2 .... 34.000 16 8.000 17 - - 7.104 18 .... 6.560 19 3.200 23' T9 840 25 25 280 27 . ... . .... 13216 28 29 30 .... 18,176 Total du mois.. 11 jours de pluie394,632 litres d'eau- Juillet 1867. 1.. ....... .. 18.000 2.. .. 33.120 8.. .. 17,120 9,. .. 3 552 10.. 1,760 14.. ...... .. 50 080 15 . 0 325 17.. '176 19.. .. 29.824 24.. . . . r 2,208 27.. 5.600 Total du mois.. 11 jours de pluie .. 167.765 1) lit.] d'eau. Août 1867. 3 6.240 5 17.344 8 6.720 19 23 21,436 11,872 24 35.616 26 27 17,632 Total du mois.. 8 jours de pluie116.860 litres d'eau. (1) J'ai démontré plus haut que les pluies n'avaient aucune in- fluence au point de vue de la recrudescence, sur la marche de l'éoi- démie. Il est facile de se convaincre qu'elles n'influent en rien, dans le sens de la diminution, comme on peut le voir en comparant la mortalité et les quantités de pluie pour Juillet et Octobre ; 176,765 litres d'eau pour Juillet ; 168.784 pour Octobre: deux cas de mortalité pour le premier de ces deux mois; 1072 pour le second. 115 Septembre 1867. Jours de pluie. 2 Quan ti té.-Li tre«. 13,536 3 32.000 4 52,000 5 20.000 6 53,376 10 1,984 11 60.000 17 33 360 19 5.632 21 11,680 Total du mois. .10 jours de pluie 283,568 litres d'eau. Octobre 1867. 2 24.000 4 80,000 24 25 54,784 Total du mois.. 4 jours de pluie108,784 litres d'eau. Novembre 1867. 9 1.700 21 4.000 25 1.440 27 4.328 28 9.770 Total du mois.. 5 jours de pluie 21,228 litres d'eau.. Total général, de Mars à Novembre inclusi- vement 1,298,273 litres d'eau. Nota-Les jours moyens sont comptés de midi à midi. Il m'a été impossible de me procurer le tableau hygrométrique ; je le remplace par le tableau des pluies que je dois à l'extrême bonté du Révérend père Cambiaso, dont la grande érudition n'est sur- passée que par sa modestie. 116 TABLEAU THERMOMÉTRIQUE (FaienheitJ Innée ISG1, >- O Q CC 'I C. i'i c; K - c c x o t< JUIN. *1 *> -I M X -I X '1 M 'I 'I <f -1 X -T -T oo X ©C CW © ©T.© M X * © O © © © 6 heures du matin. ç oowœxMoooooooooooôœooœooooob »- -u a x 4-'i m <x x o; >x « x »-i qs J.i i. ? 3 heure» a,f rès-m di c L 3 9? ! 7g!J PS ~ ! 00 œ oo » 00 g° m <x> ~x ce r. oo C e te © oo Oi 4* Cl - C - Q X X x 6 heures du soir. 1 a OeO4t©t©tqt>Jt>5t©tv»-'i- - «-'i-- t-i4-h»> O X-IC5 XX-■ o cp x -t ci 4- c© te -■ o cp -.i ci ce JUILL1 T. 00 CO 00 00 00 X 00 00 00 CO "l 'I -r oo CO -T -T -( 00 -t -l -> -I c - w x te x u - c: © o c x -1 © c o c e c 6 h mes du ma in. © oococooooooooooc coôocpcoMOogpoooooooooooooooo ©U Ut -M ■»! ©5 OO 00 Ci Ci Ci Ce CP CJ. X ©e î© Ç4 pï Cî Ci 04 N ah os œ x x x o c x © x x > c© -i 4* ce ~ © te - eu - o ~ t© ce » t x >- qq i-i © ç> ç w » heures a: n's m; i. > B 00 00 00 00 c CP co cp 00 CO x- 00 X -1 oo oo ~ r -1 -I on o - > 00 Ci 4X t© CD CO © 00 Q <75 00 'O ife- t-' ©J ©i -I çp -I qo «0 -- CP t© 6 faiures du soir. r o©-4Ci4»wwt-'O©MPC x x te o © x »i e. ci x te -• AOUT. -100 CO -t -1 ■! -1 -1 -1 X X X X X X X X X X X X X X X X © OX © © X ©© Ç -■ O Ç O © M o Ç> O - O © 6 heu es du ma'in. © xœ -t x x x XX ocQoxooaoaeooootwoooooooooocooooc w en en *. en te w en -t -t ci cp © © co ©. ©n qo oo ©i co tyi -t > itii. | ÿ et oc oo oo ~r oo oo »tx x qo a cpcpcpcpxxoocpxx'xxx pipi ». W* ©H © 7 M - K5 O w© ©»j >-< c; Qi U © M 8 heure» uprès-n idt à =. X X T XX X X-I XX X X 7 00 00 X OC 00 7 X X X X X X W4*<©Wt©»'-*4-CO4»-©a5C3»T'->-'-Irf*C©<3i>fiqphh»i£.©O0©i 6 heures du soir. ? cc w te te te tete te te te te te - >-> - - -. r- -> ►- »-. MOOæsffiCi^wwt-■ © c© x 'O o en 4» ce t© - o cp x ci en 4- cc t© r-> OCTOI RE. ■ - o< Ci en ci ci © ©i Ci ~t -i x Ci © x ce ci © ©c x "i -r -t -t -r x ~t x j. »~ï -<r WMZ4>tSM©w-iooa'-i7 0i4.œwo©o--wwwe-i->©c 6 he res du matin. s O Ci O ©. C> H-l -1 H X t ~T -T -1 -1 -t -1 © i'! X X -1 - 1 -1 X X X X X 7 oo C X te C C' C te C. © © © ©' Cl X © O © - ■ - X Ci O' 4- © O' - - Midi 1 Os' ci © ci Ci © ~t ~i ~r ~r -t -r -1 -t -<i -t -t -t © -t -t -1 -t x v a ~i x ©<©>Ci- 8 heu es ap ès midi d © ci p o c.'t *t't c't »<- t c.-t *t- t o © * *t'i-t-t-t'i-t-t-t x a - 6 heures du soir. V 1 Le tableau thermométrique de Septembre figure à la page 110. 117 Dans le tableau analytique des vents, du temps et des degrés tliermométriques, je n'ai parlé que des vents du S.-E. et du N.-E. Je mentionne, ici, ]e vent du N".-O. qui a soufflé neuf fois en Août et quatre fois en Septembre. Cette particularité ne suffit, certainement, pas pour rendre compte de la grande différence de mortalité qui existe entre ces deux mois. DIRECTION DU VENT: TEMPS. MAI. JUIN. JUILLET. c ■*-> Vent*. Temps. 5 Q Vents. Temps. 0) c Venfs. Temps, 1 N.O. Clair. 1 S.E. Pluie. 1 S.O. Pluie. 2 N.O. 1 2 S.O. Nuag. 2 s.o. Nuag. 3 N.O. II 3 N.E. Variable 3 s.o. Pluie. 4 S.E. a 4 S.O. il 4 s.o. a 5 S.E. Pluie. 5 S.O. II 5 N,N.E. IC 6 N.E. Il 6 N.E. II 6 S.E. Clair. 7 N., N.E. Clair. 7 N.E. II 7 E. Pluie. 8 S.O. Il 8 S E. II 8 N.E << 9 s.o. u 9 S.E. II 9 S.O. II 10 S.O. << 10 SO. II 10 S.O. h 11 s.o. u 11 S.O. Nuag. 11 S.E. Nuag. 12 s.o. Brum. 12 S.E. Pluie. 12 S.O. Pluie. 13 s.o. Clair. 13 S.O. Nuag. 13 S.E. U 14 N.O. ** 14 S.O. Il 14 S.E. U 15 N.O. Variable 15 S.O. Pluie. 15 N.E. II 16 S.O. Pluie. 16 S E. Il 16 NE. Clair. 17 s.o. Nuag. .7 S.E. Nuag. 17 N.E. Il 18 S.E. 1. 18 N.E. Pluie 18 S.O. Pluie. 19 S.E. u 19 N.E- Nuag. 19 s O. Clair. 20 S.E. Pluie. 20 N.E. H 20 S.O. •< 21 N.O. Il 21 N.E. II 21 S.O. a 22 N.O. Clair. 22 N.E. II 22 S.O. Pluie. 23 S.E. U 23 S O. Pluie. 23 S.E. Il 24 SE. Pluie. 24 S.O. Clair. 24 S.E. Cl 25 N. Il 25 S.O. Cl 25 S.E. Nuag. 20 S.E. II 26 N.E. Pluie. 26 S.E. H 27 S.E. Nuag. 27 S.O. Clair. 27 S.O. Pluie. 28 N. Pluie. 28 S.O. Pluie. 28 S.O. Il 29 N. U 29 S.O. Il 29 S.E. Nuag. 30 S.E. V. et N. 3< s.o. II 30 N.E. Il 31 S.E. U 31 S.O. Cl 118 AOUT. • SEPTEMBRE. OCTOBRE. 1 Vents. Temps. Vents. Temps. C Vent». Temps. 1 N-N-E. 1 S O. Clair 1 N-E 2 N-E. Z N-E. Pluie 2 N-E Pluie 3 N-E. 3 N-E. II 3 S-E Nuag. l4 N-E. Pluie 4 S-E. II 4 S-E Pluie 5 S-O. 5 S-E. II 5 N-N E. Nuag. 6 N-E. Pluie 6 S-O. II 6 N-N E. 7 S-O. Variable 7 S-O. Nuag. 7 E-S E. Clair 8 S-E. 8 NO. 8 E-S-E. 9 N-E. Pluie 9 N-E. 9 S-E. 10 N-E. U 10 N-E. 10 N 11 N-E. 1 1 N-E. Pluie H N-E 12 N-E. 12 N-O. II 12 N-0 13 N-E. 13 S-O. Nuag. 13 N-0 14 S-O. 14 N-E. 1 1 N-E 15 S-O. 15 S-E. 15 N-E 16 S-O. 16 S-E. 16 N-E 17 N-E. 17 S-E. Pluie 17 N-E 18 N-E. S-E. Clair 18 N-E 19 S-O. 19 N-E. Pluie 19 N-E 20 S-E. 20 S-E. Nuag. 22 N-E 21 S-O. Pluie 21 S-E. 21 N-E Variable 22 S-O. a 22 N-N-E. 22 N-E 23 S-E. Clair 23 N-N-O. Pluie 23 N-N-0 2 1 S-O. II 24 N-E. II 24 N-E 25 S-E. Pluie 25 N-E. Nuag. 25 S-E Nuag. 26 N-E. Nuag. 26 N-E U 26 S-E Pluie 27 N-E. 27 N-E. II 27 N-E II 28 S-E. Pluie 28 N-E. il 28 N-N-0 Clair 29 S-O. Nuag. 29 N-E. 29 30 N-E. 30 N-E. 10 31 N-E. 11 résumé. lo Les créoles de la ville sont aptes, comme les étrangers, à contracter la fièvre jaune. Le fait : lo que la fièvre épidémique (prétendue paludéenne- catarrhale) ne se montre, chez eux, que pendant les épidémies de fièvre jaune ; 2» que les vieux créoles en sont exempts, en raison, uniquement, de ce qu'ils ont fait l'acclimatement par épreuve, ou par exemp- tion, pendant leur enfance, suffiraient, à la ri- gueur, pour prouver la vérité de cette assertion. Maintenant, les observations des Dr. Capdevielle, Huard. S. Martin, Bayou, Durel, Landry, et les certificats des cent dix médecins qui constatent que 306 enfants créoles sont morts, cette année, du typhus ictérode ne permettent plus le doute, ex- cepté aux yeux de ceux qui couchent toutes les observations de leurs adversaires, sur le lit de Procruste, pour les allonger ou les raccourcir sui- vant le besoin de leur cause. 2o L'inaptitude de la race noire, si sujette aux fièvres intermittentes, à contracter la fièvre épidémi- que • d'autre part, les succès obtenus dans la fiè- vre épidémique des enfants créoles par ceux qui n'ont fait aucun usage du sulfate de quinine, mè- nent à la conclusion que la fièvre épidémique n'est 120 pas la pernicieuse, pas plus que la prétendue palu- déenne catarrhale, laquelle n'est, elle-même, autre chose que la fièvre jaune, méconnue en raison d'un respect servile pour une tradition véreuse. En dernier lieu, les deux cas d'insuccès signalés par le Dr.Marmillion, endépitdel'administration du suif. ite de quinine, ne prouvent pas Yhéroïsme du critérium. 3» Le fait de John Cravvford est un fait àe fièvre jaune endémique, ayant pris spontanément nais- sance à la Nouvelle-Orléans. Vers le milieu de Mai, Crawford s'engage, comme matelot sur la barque italienne Brésie, arrivée ici de la Havane dans le courant de Mars. A supposer que cette barque fut entrée dans notre port le 31 Mars (concession libérale), il s'y serait donc engagé qua- rante-cinq jours après son arrivée à la Nouvelle- Orléans : or, si elle avait porté, dans ses flancs, le germe de la maladie, est-il rationnel de supposer que ce germe aurait tant tardé à se manifester, épargnant, d'ailleurs, tous les visiteurs, et toutes les personnes du voisinage, pour frapper le mal- heureux Cravvford qui l'avait laissée le 5 juin pour se retirer chez M. Natales Swago où il passe six jours (pas très-malade, dit le Dr. Smith), et de là se rendre à l'hôpital où il meurt avec tous les symptômes du typhus ictérode. 4o La propagation de la fièvre jaune dans les campagnes, toutes les fois qu'elle existe épidémi- quement dans la ville, est prouvée par les témoi- gnages des Drs. Valetti, Beugnot, Logan, S. Martin, 121 Fortineau, Landry, Durel, Piussan, Romer, Daret, Rouanet, Lafaye, Maguire, Dupérier, &c., &c., ayant tous, moins deux ou trois, eu l'occasion d'étu- dier la maladie en ville aussi bien qu'à la campa- gne. Affirmer le contraire, sans même pouvoir s'appuyer sur l'expérience comparative, c'est mon- trer, pour l'opinion de ses confrères, un dédain que rien ne justifie, à moins de prétendre imprudem- ment à l'infaillibilité médicale. 5 o- Les faits relatés dans ce travail prouvent qu'il existe trois sortes d'acclimatement : celui par épreuve (le seul sûr), celui par exemption (incertain) et Vacclimatement tardif. Les deux cas rappor- tés par le Dr. Marmillion, ceux de H. P. et de Lis- ter, le premier, atteint après 23 ans de séjour dans la ville, le second après trente ans, ne tendent nullement à démontrer que la bénignité de la ma- ladie soit en raison de la longueur du séjour dans la localité. Tous les résultats a l'état brut qu'on peut livrer, n'ont que peu de valeur aux yeux de l'observateur sérieux qui demande des faits, et des faits bien constatés. 6or La récidive est un fait exceptionnel, mais réel, et mis hors de doute par les observations rapportées au chapitre Récidive. 7q' Les faits consignés dans ce mémoire prou- vent, comme l'a très bien dit le Dr. Fortin: ''que l'épidémie ne s'arrête définitivement qu'après un froid à 0 degré, ou à une température longtemps voisine de ce chiffre." ERRATA. Page 15, ligne 14 - au lieu de "inprudemment" lisez imprudemment. Page 21, ligne 22 - au lieu de "segond" lisez second. Page 26, ligne 8 - au lieu de "qu'on invoque" lisez qu'on n'invoque. Page 32, ligne 5 - au lieu de "qui n'ait" lisez qui ait. Page 66, ligne 2Ï - au lieu de "choléra" lisez typhus ictérode. Page 66, ligne 28 - au lieu de "typhus ictérode" lisez choléra. Page 46, ligne 15 - au lieu de "1853" lisez 1858. TABLE DES MATIÈRES. Fièvre jaune des créoles de la ville 7 Sulfate de quinine comme épreuve». 14 Question de l'endémie 28 Fièvre jaune des campagnes 33 Question de l'acclimatement 57 Question de la récidive 61 Influence de la gelée 66 Observations de fièvre jaune sur les créoles de la ville. 69 Tableau des natifs de la Nouvelle-Orléans, morts de la fièvre jaune en 1867 100 Récapitulation du tableau précédent 104 Tableau général de la mortalité {occasionnée par la fièvre jaune}, du 7 juin au 31 décembre 105 Liste des enfants morts du 7 Juillet au 7 Novembre de fièvres dites paludéenne, congestive, &c., &c 106 Tableau des vents, du temps et des degrés thermométri- ques, du 29 Août au 29 Septembre, &c., &c 110 Tableau des pluies 113 Tableau thermométrique 116 Direction du vent : temps 117 Résumé 119