'"^ggcy^y^yr fr - -/*':>?i>V'?'*" WkÈÈ ) I \ / JL.J £' > MEMOIRE f h i i SUR ;// L'UNIVERSITÉ -LAVAL AVEC PIÈCES JUSTIFICATIVES 4:£ïs*y QUEBEC TYPOGRAPHIE D'AUGUSTIN COTÉ ET Cie 1862 \ w Q3m l?U fr/>»//»■ Z3S2, AO- 3 I L'UNIVERSITÊ-LAVAL PRÉCIS HISTORIQUE L'esprit humain, laissé à la simple ressource de ses investigations particulières, peut quelquefois, s'il est heureusement doué, parvenir à la connaissance de la vérité ; mais il est bien petit le nombre de ceux qui, par eux-mêmes, s'initieront à ses mystères. A nous, la foule, il faut un guide pour diriger l'incertitude de nos pas. Qui oserait marcher seul, sans craindre d'aller se perdre dans les ténèbres de l'ignorance ou dans le vague d'une science incomplète? Cette réflexion suffisait pour maintenir au cœur des hommes éminents de notre pays, le désir qu'ils entretenaient, depuis plus d'un demi-siècle, de voir s'élever au milieu de nous une université. Us en regardaient l'établissement comme le cou- ronnement nécessaire des études classiques, et ils aspiraient après le moment où la jeunesse studieuse du pays pourrait, après avoir quitté le seuil du collège, se préparer à entrer avec honneur dans une carrière libérale. Jusqu'ici les ressources n'étaient pas abondantes. Qu'était-ce, en effet, que le bureau d'un avoué, pour applanir les dif- ficultés sans nombre qui s'accumulent sur le passage du jeune légiste ? Malgré tout le zèle du patron le plus dévoué et le mieux instruit, malgré l'application de l'élève le plus intelligent et le plus laborieux, il fallait toujours compter avec l'impérieuse exigence des clients, avec les dégoûts inséparables de l'étude d'une science très-aride. L'ensei- gnement de la médecine laissait aussi quelque chose à désirer. De l'aveu même des professeurs de l'École de Québec, on pouvait, avant la création de l'Université-Laval, demander une organisation beaucoup plus forte, pour fournir aux élèves les secours né- cessaires à la connaissance et à la pratique de la médecine. La partie intellectuelle était donc en souffrance ; mais que dirons-nous du surcroît de malaise que venaient lui susciter les mille frivolités recherchées avec tant d'avidilé par des jeunes gens qui goûtent le monde pour la première fois ? Au milieu du séjour de nos villes, les plaisirs et leurs distractions, les réjouissances et leurs entraînements, devaient avoir sur les habitudes les plus fâcheuses conséquences; la plus déplorable, sans doute, n'était pas la simple perte d'un temps toujours si précieux. — IV Eh bien, quels moyens prendre pour maintenir au chemin de l'honneur ceux qui, par respect pour la position qu'ils occuperont plus tard, sont tenus de ne jamais l'abandonner ? Quels moyens pour éclairer l'intelligence appelée à pénétrer les difficiles questions du juste et de l'injuste, ou bien à découvrir les mystérieux secrets de notre organisme ? Comment donner à l'étude de la théologie, des lettres et des sciences, cet élan qui aide à parcourir leur immense domaine ? Pour répondre à ces questions si importantes, Monseigneur Ignace Bourget, évoque de Montréal, fut le premier à réveiller le projet de la fondation d'une université sous le contrôle du clergé. Avant lui, NN. SS. Hubert et Plessis avaient bien entrevu l'époque où le pays serait doté de ce bienfait ; mais à Monseigneur de Montréal revient l'honneur d'avoir repris l'initiative avec cette énergie qui le caractérise ; à lui re- monte l'idée de charger le Séminaire de Québec de mener l'entreprise à bonne fin (1). Au désir de Monseigneur l'évêque de Montréal, vint se joindre celui de Monsei- gneur Pierre-Flavien Turgeon, archevêque de Québec, et celui des autres évoques de la province. Le Séminaire prit le vœu de ces prélats et celui de son archevêque surtout, pour un indice certain de la volonté de Dieu ; il voyait, de plus, ses revenus s'accroître avec la prospérité du pays, et il se regarda comme obligé de donner son consentement à ce que l'on demandait de lui (2). Les évoques canadiens présentèrent une supplique au souverain pontife, Pie IX, priant Sa Sainteté d'accorder au Séminaire de Québec les privilèges d'une université. Les Directeurs de l'établissement eux-mêmes, alors MM. Louis-Jacques Casault, supérieur, Antoine Parant, Joseph Aubry, John Holmes, Léon Gingras, Louis Gingras, Michel Forgues, Elzéar-Alexandre Taschereau et Edward- John Horan, s'adressèrent au gouvernement anglais pour la même fin. M. Louis- Jacques Casault, d'illustre mémoire, fut chargé de présenter au souverain pontife et au gouvernement impérial les désirs de la province ecclésiastique exprimés par les évoques. A Rome, il y eut d'abord quelques difficultés ; mais le saint père finit par accorder l'autorisation de conférer les degrés ordinaires en Théologie. A Londres grâce à la recommandation du gouvernement colonial (3), la demande fut très-bien ac- cueillie, et une charte royale, conférant à la nouvelle université les privilèges les plus amples, fut octroyée le 8 décembre 1852. Voici les principales dispositions de cette charte (4) : L'archevêque de Québec est établi Visiteur de l'Université, avec des pouvoirs Irès- considérables. C'est ainsi qu'il peut annuler tous les statuts ou règlements, dans l'espace de deux ans après qu'ils ont été adoptés par le conseil universitaire. Il nomme aux chaires de la faculté de Théologie, sur la présentation du même conseil ; son con- sentement est nécessaire pour créer de nouvelles chaires, etc. (1) Voir le* pièces justificatives Nos. I et IX. page 3 et 7 (2) Nos. II et IV, p 4. (3) Nos. XVII et XX, p. 13 et 14. (4) Annuaire de 1956-7. Le Supérieur du Séminaire de Québec est de droit Recteur de l'Université. Un conseil, composé de tous les Directeurs du Séminaire et des trois plus anciens professeurs de chacune des quatre facultés, a le pouvoir de faire les statuts et règlements qu'il juge convenables, à la seule condition qu'ils ne contiennent rien de contraire aux lois du Royaume-Uni ou à celles de la province. Ce conseil peut affilier à l'Université, aux conditions que lui-môme détermine, tout séminaire, collège ou établissement d'en- seignement spécial qui lui en fait la demande. Enfin l'Université est autorisée à conférer les trois degrés ordinaires dans les fa- cultés de Théologie, de Droit, de Médecine et des Arts, et elle est investie de tous les autres privilèges dont jouissent les ^universités du Royaume-Uni. Tous les évêques de la province saluèrent avec bonheur l'aurore de la nouvelle institution. Monseigneur l'archevêque de Québec publia un mandement pour l'annon- cer à ses diocésains et la leur faire apprécier (1). Monseigneur de Montréal fit adresser le même document aux fidèles de son diocèse, et l'accompagna d'une lettre pastorale, où le zèle du prélat pour la jeune institution se montre dans son plus beau jour. Il y dit ses espérances, il y donne ses motifs de confiance, il regarde déjà l'Université-Laval comme l'université de la province entière (2). Les collèges sont invités à réunir leurs efforts à ceux du Séminaire de Québec, pour travailler, avec un même cœur et une même âme, à la sainte cause du bien. En un mot, le sentiment qui dicta celte lettre pastorale, nous semble le même qui faisait dire au prélat, le 14 mai 1852 : «La raison qu'il faut s'unir pour donner à une pareille institution toute l'importance qu'elle peut et doit avoir, sera toujours péremptoire pour moi (3).» NN. SS. les évêques de Saint-Hyacinthe (4) et des Trois-Rivières (5) recommandèrent aussi l'Université-Laval dans une lettre pastorale, et l'on put espérer que cet appui solennel et l'encouragement particulier (6) des autres évêques permettraient aux fondateurs de l'Université-Laval de voir leur œuvre grandir rapidement. L'Université-Laval était donc fondée, et, grâce à la bonne volonté de lord Elginet de ses ministres, grâce à la faveur insigne du souverain pontife, les désirs de la province ecclésiastique de Québec allaient se voir réalisés. Cependant, il s'est trouvé un certain nombre de personnes qui ont regardé comme prématuré l'établissement d'une institution de ce genre en notre pays ; elles ont dit que notre jeune peuple n'était pas encore prêt à recevoir un enseignement qui ne semble convenir qu'aux nations déjà vieilles de plusieurs siècles. Que penser de leur opinion? Le problème,croyons-nous, est facile à résoudre. La fondation d'une université dans un pays peut être regardée comme prématurée pour trois raisons : ou bien la popula- (1) No.XLI, p 30. (2) No. XLV, p. 38. (3) No. IX, p 7. (4) No XLIII, p. 36. (5) No. XLIV, p. 38. ^6) No. XLVII et XLVIII, p. 39 et 40. — Vj — tion est trop peu considérable pour fournir le nombre suffisant d'élèves ; ou bien les élèves ne sont pas assez préparés à l'enseignement supérieur ; ou bien les professeurs font défaut. Elèves qualifiés et en nombre suffisant, professeurs habiles, que l'on puisse mettre ces deux éléments en relation, et l'on est aussitôt justifiable de créer des chaires de Médecine, de Droit, de Sciences, de Lettres et de Théologie. Eh bien, sans vou- loir exclure de l'Université-Laval les élèves qui n'appartiennent point à la religion ca- tholique, puisqu'ils y sont admis, ne croit-on pas qu'il fût très-utile à la seule popu- lation canadienne-française, aujourd'hui de plus de 800,000 âmes, de posséder une université ? Elle fournit actuellement à l'étude du Droit et à celle de la Médecine un grand nombre d'élèves. Que l'on essaie seulement jd'imprimer une direction unique à cette foule de jeunes gens, et les chaires de l'Université se verront aussitôt entourées d'un auditoire suffisant. Mais ces élèves sont-ils bien préparés à l'enseignement supérieur ? Cette simple question est presque injurieuse. Nos collèges, depuis quelques années, ont fait des efforts inouis pour élever le niveau des études classiques : croirait-on qu'ils n'ont pas réussi à développer l'intelligence de leurs enfants, de manière à les mettre en état de suivre des cours universitaires ? La difficulté de se procurer des professeurs est réelle, mais n'est pas insurmon- table : le pays peut en fournir, et l'étranger offrira des ressources pour faire face aux besoins les plus pressants. L'Université-Laval, qui ne compte encore que quelques années d'existence, a réussi à se former un personnel digne de la confiance publique, et l'on a vu plusieurs de ses anciens élèves avouer que quelques-uns de ses cours va- laient bien au moins ceux des universités d'Europe où ils ont étudié quelque temps. Ceux qui regardèrent l'établissement de l'Université-Laval comme prématuré, ne purent s'empêcher de manifester un nouvel étonnement, quand ils virent sur quelles larges proportions on en voulait jeter les bases. Edifices, pensionnat, enseignement, tout leur sembla viser au grandiose, et toucher à l'extravagance. Un étranger célèbre, M. Rameau, témoigna lui-même sa surprise, lorsqu'on lui fit parcourir les vastes appar- tements du corps principal des bâtiments universitaires. Nous pouvons bien ici faire connaître la grandeur des vues des fondateurs de l'U- niversité-Laval, puisque la tombe, hélas ! s'est déjà fermée sur plusieurs d'entre eux, et que d'autres n'y ont plus de part. Us n'ont point cru que les jours se bornaient à leurs jours ; ils ont compté sur l'avenir. Puissent-ils n'avoir point été amèrement trompés ! * Lorsque Monseigneur de Laval, dont la vue partait de si haut et s'étendait si loin, entreprenaitde fonder le Séminaire de Québec, qu'eût-il répondu aux âmes timides qui auraient voulu le dissuader de cette grande entreprise ? Sans doute, il se serait con- tenté de jeter les yeux sut cette poignée de familles qui l'entourait, et, lançant un regard dans l'avenir, il aurait dit : Nos arrière-neveux recueilleront avec usure le fruit de nos — V1J — sueurs et de nos travaux. Espérons cependant gue nos contemporains ne laisseront pas à leurs descendants tout le soin de comprendre ce que peut rendre de service l'Uni- versité-Laval. Espérons du moins que les personnes qui d'abord ont cru que c'était trop d'une université, seront les premières à reconnaître que la fondation d'un second établissement semblable serait un vrai malheur pour la cause de l'éducation. En effet, tant que la population canadienne-française ne sera pas plus considérable, les deux institutions se nuiraient l'une à l'autre. Lorsque M. Louis-Jacques Casault fut chargé d'entrer en négociation avec Son Excellence lord Elgin, gouverneur du Canada, pour obtenir sa recommandation auprès du gouvernement impérial, Son Excellence exigea qu'on lui donnât la certitude que l'Université serait mise sur un pied tel, qu'elle pût suffire seule pour tous les catholiques de la province. M. Casault faisait ob- server que, dans l'idée de ce gouverneur éclairé, il se passerait bien des années encore avant qu'on eût besoin d'un nouvel établissement, et il citait la France, où, pour une population de 38,000,000, l'Université ne compte aujourd'hui que quatre facultés de Médecine, un petit nombre de facultés de Droit et un nombre plus restreint encore de facultés de Théologie. Multiplier les facultés, ajoutait-il, c'est multiplier aussi le besoin de professeurs, et augmenter, par conséquent, le risque d'en avoir de médiocres ; c'est partager le nombre des élèves, et diminuer les motifs d'ému- lation ; c'est établir une disproportion plus grande entre les sacrifices qu'il faut s'imposer et le nombre de ceux auxquels profitent ces sacrifices. Quoiqu'il en soit, l'Université-Laval existe depuis dix ans, et depuis dix ans quatre objets principaux ont absorbé son attention et concentré tous ses efforts : l'en- seignement, les degrés, ses rapports avec les autres institutions du pays, et enfin la moralité de ses élèves, qu'elle a toujours regardée comme le point le plus important. Nous allons consacrer un chapitre particulier à chacun de ces quatre objets. I ENSEIGNEMENT Dans les vieux pays d'Europe,, l'enseignement, depuis bien des siècles, se partage en trois catégories distinctes : l'enseignement élémentaire ou des écoles, l'enseignement secondaire ou des collèges, et l'enseignement supérieur ou des universités. En Canada, jusqu'à ces derniers temps, la population française n'a connu, pratique- ment du moins, que les deux premiers de ces enseignements, celui des écoles communes et celui des collèges ; mais, comme ce dernier commençait où le premier finit et n'était suivi d'aucun autre, on s'est facilement habitué à lui donner le nom d'enseignement supérieur. De là malheureusement une certaine confusion d'idées, qui a pu contribuer peut-être à susciter à l'Université-Laval quelques-unes de ses difficultés. --- V11J — Une partie de la population instruite de notre pays, accoutumée à ne rien apercevoir au-dessus de nos collèges, n'a vu, dans la création d'une université, qu'une extension des privilèges de ces premiers établissements, que le pouvoir de conférer certains titres honorifiques, que la faculté, en un mot, de distribuer des diplômes. Nos voisins des Etats-Unis, par l'exagération ordinaire de leur nomenclature, n'ont pas peu contribué à entretenir cette erreur : assez souvent ils décorent du nom d'université un collège qui enseigne le grec et le latin, avec le pouvoir de mettre au bas d'un parchemin le nom de son chef. Cependant, en réalité, école élémentaire, collège et université, voilà trois institutions complètement distinctes l'une de l'autre : l'école est une préparation au collège, et ce dernier, à l'université. On acquiert les premiers rudiments à l'école ; on continue, au collège, à développer son intelligence par l'étude, assez légère encore, des langues, de l'histoire, de la géographie, de la littérature et des principales sciences. Parcourir rapidement le champ des connaissances, sans nous arrêter à l'une de ses parties, voilà ce que nous faisons, durant les neuf ou dix années de notre vie d'écolier; exiger plus, c'est vouloir nous faire étudier des spécialités. Ainsi, il ne faut pas l'oublier, les études collégiales forment une base commune sur laquelle un jeune homme instruit élève ensuite un édifice particulier. Quand, pour nous servir d'une expression reçue, l'on a fini ses études, on doit, suivant ses aptitudes par- ticulières, être apte à approfondir une science déterminée ; mais on est encore loin de pouvoir fournir une carrière. En France, on dit : « Ignorant comme un élève qui sort de l'école polytechnique ; » c'est comme si l'on disait que cet élève, si capable qu'il soit, ne possède encore que des connaissances préliminaires, et qu'il lui reste des études spéciales à faire, avant de pouvoir occuper une position sociale. Nous ne parlons ici ni du commerce, ni des arts purement mécaniques. Sans doute, la science ne leur nuit pas, non plus qu'une intelligence bien développée ; mais, pour s'y livrer, il suffit de certaines connaissances plutôt pratiques que théoriques, qui s'acquier- ront dans un établissement industriel, à une école d'application, ou bien dans le bureau d'un patron. Il serait injuste même de demander cet enseignement aux collèges pro- prement dits, où l'on ne doit pas viser à un but purement pratique.—Votre enfant, dites-vous, après un certain nombre d'années, passées dans une institution classique, est incapable de devenir simple commis ; il eût profité davantage aux écoles an- glaises.—Eh ! sans doute : que ne le mettiez-vous aux écoles qui préparent au com- merce ? Votre enfant a perdu son temps au collège ; il fallait le placer dans une maison industrielle, et l'empêcher de grossir le nombre de ceux qui encombrent nos classes au détriment des élèves vraiment sérieux. Mais bien des carrières s'ouvrent devant le jeune homme qui, par les longs labeurs du collège, a développé ses facultés intellectuelles : la théologie, les lettres, les sciences, le droit, la médecine, le génie civil et militaire, l'enseignement, etc. Après — IX — avoir dit adieu à ses premiers maîtres, vers qui tournera-t-il ses regards pour recevoir une nouvelle aide ? Sera-t-il abandonné à lui-même ? Nous l'avons dit, il se per- drait souvent en efforts inutiles. Le patron, avocat ou médecin, ou autre, lui tien- dra-t-il lieu de professeur ? Nous l'avons dit encore, presque toujours, le patron laissera son clerc se tirer d'embarras, comme il l'a fait lui-même, et bien souvent clients et malades feront les frais de l'expérience du nouvel adepte. Eh bien, l'Université ouvre maintenant ses portes au jeune homme incapable de se suffire à lui-même, et qui ne trouverait pas auprès d'un patron les lumières suffi- santes. Elle le reçoit au sortir du collège, à la fin de son cours complet, lui offre de couronner ses efforts de dix ans par un premier litre honorifique, se charge de le mettre en état de servir bientôt la patrie et la religion dans un poste élevé, et lui per- met enfin de voler en sûreté sur ses propres ailes. Il est facile de voir combien le rôle d'une université proprement dite est distinct du rôle d'un collège. Il ne s'agit plus d'un enseignement commun à toute la classe des hommes instruits, mais d'un ensemble d'enseignements spéciaux, différents les uns des autres, bien que se touchant par un grand nombre de points de contact, et se prêtant un mutuel appui. C'est ainsi que la Théologie est heureuse de consulter le Droit et la Médecine. Le Droit et la Médecine, à leur tour, demandent à la Théologie ou à la Phi- losophie des principes qui les guident, et les Lettres sont comme les liens délicats de ces diverses branches de la science. Que toutes ces parties remontent à la grande Unité, qui est la Vérité incréée, que jamais les enseignements humains ne soient con- traires aux enseignements de la foi, et vous aurez une idée de la force d'une univer- sité qui se développe et grandit sous les auspices de la religion catholique. Voilà le bienfait que les fondateurs de l'Université-Laval ont voulu accorder à la population canadienne-française ; ils ont essayé de satisfaire aux vœux de Monseigneur de Montréal, qui disait, dans sa lettre du 31 mars 1851 : «Quelle force nous aurions dans une pareille institution !» (1) Pour arriver à nous communiquer cette puissance, M, L. J. Casault et ses con- frères eurent à se poser deux questions : quelles seront les facultés de l'Université- Laval ? quel sera leur enseignement ? Ils résolurent d'établir quatre facultés (2) : celles de Théologie, de Droit, de Méde- cine et des Arts. C'est le nombre des facultés des universités anglaises. Ce n'est que depuis le siècle dernier, que la faculté des Arts, en France, se divise en deux autres : celle des Lettres et celle des Sciences. Ce changement a été cru nécessaire, à cause de l'immense développement qu'ont pris les sciences naturelles. Mais la seconde question était bien plus difficile à résoudre, surtout quand il s'a- gissait de déterminer l'enseignement particulier des deux facultés de Droit et de Mé- (1) No. I, p. 3. (2) No. XII, p. 9. 2 decinc. Sans doute, l'Université-Laval savait bien que tout enseignement doit com- muniquer les connaissances nécessaires aux fonctions auxquelles il prépare ; mais la loi du pays est loin de favoriser les études sérieuses, et un peu de savoir-faire et d'au- dace peut même permettre de l'éluder (1). D'un côté, elle n'exige absolument aucun cours de Droit pour l'admission à la profession d'avocat où de notaire. Il suffit d'avoir fréquenté un bureau, • pendant un certain temps, et de subir ensuite un examen, ordinairement fort peu sévère et qui est entièrement laissé à la discrétion de l'examinateur et pour le fond et pour la forme. Comment persuader aux jeunes gens de laisser de côté cette manière trop facile d'ar- river à la profession, pour prendre une autre voie plus courte, il est vrai, mais beau- coup plus laborieuse ? D'un autre côté, la loi fait semblant d'encourager ceux qui ont fait un cours clas- sique et suivi des cours de Droit ; mais elle a de graves défauts dans sa rédaction. Elle exige régulièrement cinq ans de cléricature ; elle abrège ce temps d'une année, en faveur de ceux qui ont fait un cours d'études classiques ; elle réduit même la cléri- cature à trois ans, en faveur de ceux qui, outre un cours complet d'études, ont suivi un cours de Droit dans un collège ou séminaire incorporé, conformément aux règles et statuts de ce collège ou séminaire. Nous avouons qu'il n'y a rien que de juste dans le principe qui a fait accorder ces privilèges ; mais, par malheur, la loi est tellement vague, qu'elle.peut s'appliquer à une foule de cas que la législature n'a pas voulu y com- prendre. Ainsi, elle ne définit nulle part ce qu'il faut entendre par cours classique. Supposez un collège incorporé où les langues anciennes, dites classiques, tiennent un rang bien humble ; cependant les élèves de cette institution auront absolument le même privilège que ceux d'une autre institution où l'on suit un plan d'études beaucoup plus étendu et plus conforme à l'idée que l'on attache à ce mot de classique. Nous permettra-t-on d'exposer un nouveau défaut de la loi ? Il suffit, à ses yeux, que l'on ait suivi un cours de Droit dans une institution reconnue légalement, confor- mément aux statuts de cette institution. Rien de défini quant à l'objet, ni à la durée, ni au nombre des cours, S'il plaît aux directeurs d'un collège de passer un règlement par lequel il sera établi que le cours de Droit, dans ce collège, se composera de trois leçons de Droit civil, il est vrai de dire qu'un élève de cette institution, tout en faisant sa Rhétorique ou sa Philosophie, ou même en apprenant ses déclinaisons latines, pourra réclamer les privilèges de la loi. Il sera sur le même pied qu'un élève de l'Université- Laval, qui aura entendu et analysé au-delà de treize cents leçons de Droit, et subi une dizaine d'examens sérieux sur toutes les parties de la jurisprudence romaine, civile, criminelle, commerciale et maritime ! Un vice semblable, quoiqu'un peu moins évident, règne dans la loi concernant l'admission à la pratique de la Médecine. Elle exige quatre années d'étude et la (l) No. LU, p. 50. — Xj — fréquentation de certains cours, déterminés quant à leur objet et quant au nombre de leçons. Or, comme elle ne dit rien de plus, il peut se faire que Ton suive tous ces cours en deux sessions de six mois chacune, y compris une petite vacance et quelques semaines consacrées aux examens. On suit jusqu'à six cours par jour, tout en fréquen- tant les hôpitaux eten donnant journellement deux ou trois heures à la dissection. A part ces deux sessions, les élèves passent le reste des quatre années légales au sein de leur famille, sous la direction souvent nominale d'un médecin-patron, avec lequel ils sont censés étudier. De cette manière l'étude de la médecine ne coûte pas beaucoup de temps, ni d'argent. Vaut-elle ce qu'elle coûte ? En présence de ces défauts de la loi, l'Université-Laval devait-elle adopter une explication bénigne qui diminuât les frais de son enseignement? ou bien scruter l'inten- tion du législateur, et essayer de la remplir? Au risque même de perdre un grand nombre d'élèves, efctoujours fidèle à la devise de M. Louis-Jacques Casault, la qualité et non la quantité, l'Université-Laval ne voulut point se borner au minimum exigé par la loi. Elle savait qu'agir autrement, c'était renoncer à l'avancement de la science et au progrès ; c'était renoncer à la gloire de son pays, en ôtant au vrai talent les moyens de se développer. En attendant que les autorités compétentes remédient à ces défauts de la loi, l'Uni- versité-Laval comptera uniquement sur le bon sens public et sur les sympathies qu'elle croit avoir méritées par les sacrifices qu'elle s'est imposés, pour relever le niveau des études professionnelles. On avait d'abord fixé la durée des cours de la faculté de Droit à quatre ans ; mais, la loi n'exigeant que trois ans pour ceux qui ont fait un cours classique complet et suivi ensuite des cours de Droit, on se vit obligé de répartir l'enseignement en trois ans, pasce qu'il était impossible d'obliger les élèves à prolonger leurs études au-delà du temps fixé. Actuellement la faculté de Droit compte cinq chaires, et donne sept cours différents : 1° Introduction au Droit civil ; 2° Droit civil ; 3° Institutes de Droit romain ; 4° Pandectes ; 5° Droit commercial et Droit maritime ; 6° Droit criminel ; 7° Procédure civile. Il est à espérer que la force de l'opinion publique permettra un jour à l'Université- Laval de ramener à quatre années entières l'enseignement de la faculté de Droit. La durée de l'enseignement de la faculté de Médecine est de quatre ans. On permet cependant de faire coïncider la première année du cours avec fa dernière de — Xlj — Philosophie, privilège qui est accordé par la loi, mais qui offre bien peu d'avantages et beaucoup d'inconvénients. La faculté de Médecine donne treize cours différents : 1° Anatomie; 2° Histologie ou Anatomie microscopique ; 3° Physiologie; 4° Pathologie générale ; 5° Matière médicale et Thérapeutique générale ; 6° Pathologie externe et Médecine opératoire ; 7° Pathologie interne et Thérapeutique spéciale ; 8° Tocologie ; 9° Médecine légale et Toxicologie ; 10° Hygiène ; 11° Clinique externe ; • 12° Clinique interne ; 13° Clinique des accouchements. Les cliniques se font régulièrement pendant toute l'année universitaire, l'hiver à l'Hôtel-Dieu, et l'été, à l'Hôpital de la Marine. C'est dans ce dernier établissement que se fait celle de Tocologie. Depuis trois ans, les élèves sont exercés aux opérations pharmaceutiques (1). La faculté de Théologie comptera au moins cinq chaires : 1° Dogme ; 2° Morale ; 3° Droit Canon ; 4° Ecriture sainte ; 5° Histoire ecclésiastique. Elle n'a pu encore commencer, faute d'élèves, à donner les cours ; elle le fera lors- que les besoins du ministère auront diminué, ou plutôt lorsque le nombre des membres du clergé aura suffisamment augmenté. Déjà, cependant, les élèves du Grand Séminaire et quelques prêtres de la ville ont suivi avec intérêt les leçons du P. Tailhan sur l'Histoire ecclésiastique. La faculté des Arts aura au moins onze chaires, quand elle sera complètement or- ganisée, et comprendra les matières'partagées, dans plusieurs universités, entre la faculté des Lettres et celle des Sciences. 1° Philosophie ; 2° Histoire générale ; 3° Histoire du Canada et de l'Amérique ; 4° Littérature grecque ; (1) No. LI, p. 47. — xiij 5° Littérature latine ; 6° Littérature française ; 7° Littératures étrangères ; 8° Mathématiques et Astronomie ; 9° Physique ; 10° Chimie ; 11° Histoire naturelle. Les grades de la faculté des Arts ne jouiront vraisemblablement d'aucun privilège hors de l'Université. Aussi ne doit-on pas s'attendre que les degrés supérieurs de cette faculté soient fort recherchés, si ce n'est par les jeunes gens qui se destinent à l'ensei- gnement dans les séminaires et les collèges. Ce sera bien moins par le nombre de ses gradués que par la publicité de son enseignement, que cette faculté rendra des ser- vices importants. Cette espérance de voir la faculté des Arts servir à ajouter aux lumières des jeunes professeurs de nos maisons d'éducation a déjà eu un commencement de réalisation. Déjà aussi, la ville de Québec a su apprécier les bienfaits de cette faculté : en dépit de l'indifférence qu'on lui reproche quelquefois, elle a fourni aux cours publics de sciences et d'histoire un auditoire d'élite et souvent nombreux. Voilà quelle est déjà l'organisation de nos facultés, et quelle elle sera plus tard, Deo favente. Le temps achèvera ce que le temps a commencé, avec d'autant plus de rapidité que le pays mettra plus de bonne volonté à reconnaître nos efforts et nos sacrifices. II DEGRÉS Si tous les hommes connaissaient bien le prix du travail et se laissaient guider par le seul sentiment du devoir, ils se livreraient avec ardeur à l'étude, et comman- deraient la confiance publique. Malheureusement, elle est trop grande la phalange de ceux qui bornent leurs désirs au strict exigé et passent une partie de leurs heures en des inutilités, espérant pouvoir un jour colorer leur petit avoir des apparences d'une science véritable. Il est donc bon, il est nécessaire, pour cette classe de per- sonnes, d'avoir un stimulant propre à faire violence à leur apathie et à communiquer un peu de vigueur à leur'esprit trop ami du repos. D'un autre côté, parmi ceux qui s'appliquent à cultiver avec soin toutes leurs facultés intellectuelles, tous ne voient pas leurs efforts couronnés du môme succès. La divine providence dispense ses dons avec mesure et inégalité. Cependant la so- ciété, on le comprend facilement, a droit de connaître, indépendamment de la bonne — XIV volonté apportée au travail, le succès réel, plus ou moins grand, obtenu par les amis .de la science. Encourager au travail, constater la capacité réelle, voilà le double but et le double avantage des degrés ou grades universitaires. Ainsi, se borner à les transformer en prime d'encouragement ou en appât, en faveur de tel ou tel établissement, c'est amoin- drir, par la facilité des conditions, la valeur morale et par suite la portée des honneurs académiques, puisque c'est leur enlever le caractère de brevet de capacité. De là nous pouvons tirer une double conséquence : 1° il est nécessaire de donner aux degrés uneva leur réelle, et ils doivent constater non-seulement des étude? régulières, mais encore un certain succès ; 2° il est nécessaire que le public puisse constater cette valeur, en s'assurant de l'impartialité avec laquelle les degrés sont conférés. Les degrés accordés dans les universités sont ordinairement au nombre de trois dans chacune des facultés : le Baccalauréat, la Licence ou Maîtrise et le Doctorat. Echelonnés sur la route de ceux qui suivent les divers sentiers de la science, ils sont comme les limites des différentes périodes de leur travail, et encouragent tous les efforts, depuis les humbles commencements de l'humaniste jusqu'aux investigations persévérantes du talent assez heureux pour faire quelque découverte. La réparti- lion en peut être variée suivant les pays et les institutions ; nous parlerons de celle qu'a adoptée l'Université-Laval sur la suggestion de l'homme éminent que nous nous plaisons à regarder comme le législateur de cette jeune institution,et que la mort a trop tôt enlevé à notre affection et à notre estime. Celte répartition résume', croyons-nous, ce qui se fait dans les meilleurs établissements de l'ancien monde. Les matières qui font l'objet de l'enseignement dans la faculté des Arts sont ébau- chées dans les collèges, et ces connaissances élémentaires forment, avons-nous dit, la base commune sur laquelle s'appuie l'enseignement supérieur. Il est donc naturel que le premier degré de cette faculté, ou le Baccalauréat es Arts, soit comme la porte d'entrée non-seulement aux autres grades de la même faculté, mais même aux degrés de toutes les autres. En conséquence, le Baccalauréat es Arts est placé à la fin du cours secondaire. C'est un certificat d'études collégiales complètes faites avec un cer- tain succès, et, puisque c'est un diplôme de capacité, il ne doit pas pouvoir s'obtenir par tous ceux qui font un cours d'études, mais par ceux qui réussissent dans leurs classes. En France, où le Baccalauréat es Sciences ou es Lettres est une condition néces- saire à l'admission à toutes les carrières, on s'est contenté, depuis 1852, d'en faire un simple certificat d'études suffisantes. . Comme, en Canada, la loi n'exige le Baccalauréat es Arts pour aucune profession, l'Université-Laval lui a conservé son caractère sérieux et honorifique, et, à l'exemple des universités anglaises, elle a établi' une espèce de sous- degré, Y Inscription : c'est ce qui correspond à la Malriculation anglaise. Pour être élève régulier des différentes facultés, il suffit de l'Inscription, qui ne suppose que la — XV — capacité et les connaissances ordinaires. L'Inscription et le Baccalauréat es Arts don- nent donc une entrée à tous ceux qui ne sont pas exclus par l'ignorance ou par l'insuffi- sance des talents, et établissent entre les élèves une classification qui n'est injurieuse pour personne, bien qu'elle soit plus honorable pour quelques-uns. Le Baccalauréat dans les facultés de Droit et de Médecine est, à l'Université- Laval, la récompense d'un travail quotidien, soutenu et fait avec un succès suffisant pour que, aux examens partiels de chacun des trois termes de l'année académique, l'élève ait mérité la note bien ou très-bien. Nommer un Bachelier en Droit ou en Médecine, c'est donc nommer un élève qui s'est constamment bien appliqué à l'étude successive de chacun de ses traités, pendant la plus grande partie du temps consacré à l'étude de chaque spécialité. Aussi, ce titre est-il accessible à tous ceux qui, après avoir mérité l'Inscription, veulent travailler consciencieusement. Le Baccalauréat en Théologie, sera un certificat constatant que l'on possède les connaissances qui s'acquièrent dans un grand séminaire. La loi d'un pays peut régler, jusqu'à un certain point, ce que sera le degré de Maîtrise ou de Licence, comme aussi elle peut atteindre le Baccalauréat. Lorsque la Licence est de rigueur pour l'exercice d'une profession v. g. pour être notaire, avocat ou médecin, les connaissances strictement nécessaires à la pratique peuvent suffire à l'obtention de ce degré ; mais on comprend immédiatement que le titre de Licencié perd alors de sa valeur. Ici encore, à l'Université-Laval, on a voulu conserver à ce degré sa valeur de haute récompense. Il faut donc, pour y arriver, faire preuve de con- naissances étendues sur toutes les parties de l'enseignement de la faculté dans laquelle il s'obtient. La Licence est, à proprement parler, le but de l'enseignement universitaire, et celui-ci est directement préparatoire à la Licence. Bien que le Baccalauréat soit, dans deux des facultés de l'Université-Laval, placé au milieu de cette préparation, ce n'est, comme nous l'avons vu, qu'un encouragement à l'assiduité du travail quotidien ; il ne sert qu'à constater le succès dans les examens partiels faits à la fin de chaque terme. Aussi, est-il bien peu d'élèves inscrits qui ne puissent prétendre au Baccalauréat; Il n'en est pas ainsi de la Licence : pour y parvenir, il ne suffit pas d'avoir possédé suc- cessivement chacune des parties de l'enseignement de la faculté : il faut aussi prouver que l'on a des idées claires et précises sur tout l'ensemble aussi bien que sur tous les détails de cet enseignement. Aussi n'y a-t-il que la capacité supérieure qui puisse aspirer à ce grade et l'atteindre, et l'on peut, croyons-nous, donner sa confiance au Licencié de l'Université-Laval. Cependant, comme ce degré est très-important et neut-être le plus difficile à obtenir, à cause de la grande somme de connaissances actuelles qu'il exige, on a établi une clas- sification entre les candidats heureux, en exprimant si l'examen a été subi avec grande distinction ou avec distinction ou simplement avec succès. — xvj — Le Licencié n'a plus de leçons à recevoir de l'Université. Il est venu lui demander une direction et une méthode capables de le diriger dans ses travaux subséquents : il peut donc s'y livrer à loisir et se mettre bientôt au niveau de la science actuelle dans la spécialité à laquelle il s'est livré. Bien plus, le Licencié, en conquérant son grade avec honneur, a fait preuve de talents suffisants pour que la patrie puisse attendre de lui des travaux originaux. Le champ de la science est ouvert devant lui ; on a droit d'espérer qu'il s'y lancera avec ardeur, et en rapportera de glorieuses et d'utiles conquêtes. Ici encore, l'Université, fière de son enfant, s'estimera heureuse de lui donner une nouvelle occasion de constater solennellement qu'il est réellement entré dans cette noble voie. Le degré de Docteur, titre le plus élevé dont elle dispose, fera le digne couron- nement de l'édifice élevé sur des études longues, pénibles, mais noblement soutenues. Le Doctorat ne s'obtiendra donc pas en suivant renseignement universitaire ; il ne suppose même pas un examen sur l'ensemble des connaissances d'une faculté. C'est la récompense d'un travail spécial, élaboré dans le silence du cabinet, laissé au choix du candidat et dont la matière peut être fort restreinte. Mais ce travail doit être sérieux, fertile en enseignements théoriques ou pratiques, doit apporter, en un mot, une nouvelle assise au monument de la science humaine. Telle est l'idée attachée par l'Université- Laval au grade de Docteur. En le conférant, après des épreuves en rapport avec cette haute idée, l'Université annonce solennellement et avec confiance à tout le pays, qu'il peut compter, non plus sur un élève qui connaît ce que les autres ont produit, mais sur un homme qui a conduit à maturité ses propres travaux. Ne demeurons point ici, les yeux baissés sous le voile d'une fausse modestie ; qu'il nous soit permis de jeter un regard de complaisance sur cette magnifique organisation de l'instruction publique, qui permet de recevoir et d'encourager l'en- fant presqu'au sortir du berceau, et de ne l'abandonner que lorsqu'il est allé, le front ceint de lauriers, grossir la phalange de ces hommes d'élite, la gloire et la force d'une natfon. Dans cet ensemble, elle est bien grande et bien noble la part de l'enseignement supérieur, et ils sont bien puissants les moyens employés pour stimuler l'ardeur du talent ! Qu'est-ce, à côté, que l'idée de faire d'une université une simple machine à diplômes, un simple bureau d'agence, où, en vertu de certaines considérations étran- gères à la science, on viendrait recevoir un titre sans prix comme sans valeur ? Et quelle confiance peuvent inspirer ces parchemins importés et signés par le chef d'un établissement qui ne s'occupe nullement à former aux professions libérales,» et qui veut à tout prix vous coiffer du bonno^ de Docteur ? Non, ce n'est point ainsi que l'Univer- sité-Laval comprend les degrés. Ce n'est point ainsi que les comprenait cet homme illustre auquel, il y a si peu de temps, le pays entier rendait un si légitime tribut d'é- loges et de regrets : il voulait, comme nous le voulons encore, rendre les grades uni- — XV1J — versitaires dignes de l'ambition des meilleurs talents, en ne les accordant qu'au vrai mérite ! D'après l'exposé qui précède, tout le monde admettra, nous l'espérons, que les degrés de l'Université-Laval sont de nature à exciter l'émulation, en môme temps qu'ils sont une digne récompense d'efforts sérieux. Mais le public a droit encore de demander, sur leur valeur, des garanties sûres et constantes. Jetons donc un coup d'œil sur les épreuves qui en décident et sur la confiance qu'ils méritent. Le genre d'épreuves varie avec les degrés à obtenir : le candidat au Doctorat ne peut pas, on le comprend, être interrogé comme le candidat à la Licence ou au Bacca- lauréat. Le Maître ou Licencié (1) qui veut obtenir le Doctorat peut être admis aux épreuves, deux ans après l'obtention de la Maîtrise ou Licence, s'il l'a obtenue avec grande distinc- tion, et trois ans après, s'il l'a obtenue seulement avec distinction ou d'une manière suffisante. Les épreuves consistent à soutenir publiquement, en présence des docteurs et des professeurs ordinaires de la faculté, une thèse sur un sujet pris dans la matière de l'enseignement de la faculté, et un certain nombre de propositions appartenant aux principales parties de cet enseignement. La thèse et les propositions, au nombre de trente, sont envoyées manuscrites au Recteur en même temps que la demande pour l'admission aux épreuves. Le Recteur consulte, sur le tout, la faculté intéressée, qui donne son avis sur la thèse, et ajoute d'autres propositions à celles du candidat, si elle ne trouve pas celles-ci suffisantes. Si l'avis est favorable, le Recteur, après s'être assuré que la conduite du candidat est bonne, pe'rmet l'impression de la thèse et des propositions, et indique le jour de la soutenance. Un mois au moins avant ce jour, le candidat fait remettre au Recteur, au Secré- taire et à chacun des Docteurs et des professeurs ordinaires de la faculté, une copie imprimée de la thèse et des propositions. Tous les Docteurs et les professeurs ordinaires de la faculté sont convoques pour la soutenance, et tous ceux qui s'y trouvent peuvent argumenter contre le candidat, et l'interroger à leur tour. , Durant la soutenance, qui dure trois heures, le candidat doit donner tous les déve- loppements et explications qui lui sont demandés, et répondre à toutes les objections qui lui sont faites par les Docteurs et sur la thèse et sur les propositions. L'admission s'obtient par la majorité des suffrages. Le simple exposé de ces épreuves suffit, croyons-nous, pour convaincre le publie qu'il peut être sans inquiétude sur la valeur du titre de Docteur. Il est appelé lui-même (1) Annuaire do 1859-60, p. 29. 3 — XVllj — à juger ; il peut lire et la thèse et les propositions, entendre la soutenance : rien ne peut échapper à son appréciation. Ceux qui, le 15 juin 1859, ont vu recevoir le premier Docteur de l'Université-Laval, M. H. Larue, ont conçu une haute idée de la capacité et de la science exigées pour arriver à l'honneur suprême conféré par cette institution. Les épreuves que le candidat doit subir pour la Maîtrise ou Licence sont les unes écrites et les autres orales. Les épreuves écrites de la faculté des Arts sont au nombre de quatre pour la Licence es Lettres, et dedeuxpour laLicenceès Sciences. Celles de la faculté des Lettres sont: une composition française, une composition latine, des vers latins et un thème grec. Celles de la faculté des Sciences sont prises dans la géométrie analytique, le calcul différentiel et intégral, la mécanique, l'astronomie et la physique-mathématique, ou dans la physique expérimentale, la chimie et l'histoire naturelle, selon que les éludes du candidat ont eu pour objet plus spécial, les sciences mathématiques ou les sciences physiques et natu- relles. Dans les facultés de Théologie, de Droit et de Médecine, les épreuves écrites sont au nombre de deux, et le sujet peut être pris dans une partie quelconque de l'enseigne- ment de la faculté. Les épreuves orales, auxquelles ne sont admis que les candidats dont les épreuves écrites ont été jugées au moins satisfaisantes, embrassent généralement toutes les ma- tières de l'enseignement de la faculté, Les épreuves sont dirigées et appréciées par un jury dont les membres, au nombre de cinq au moins, doivent être professeurs, docteurs ou agrégés de la faculté dont on demande la Maîtrise ou Licence. • Pour les épreuves écrites, tous les membres du jury mettent, sur des cartes sem- blables, chacun le sujet qu'il juge convenable. Les cartes sont ensuite mêlées par celui qui préside, et un des candidats est invité à venir en tirer une. Le sujet qui s'y lit de- vient l'objet du travail de^tous les candidats. Ce travail ne peut être apprécié que dans une assemblée de tous les membres du jury* Pour les épreuves orales, les mêmes membres interrogent tour à tour le candidat sur l'enseignement de la faculté. En examinant l'ensemble et les détails des examens de la Licence, à l'Université- Laval, on verra facilement combien de précautions ont été prises pour les rendre sérieux. Jusqu'ici, une certaine publicité leur a même été donnée, et nous avons vu nos premiers hommes d'état et nos premiers médecins les honorer de leur présence et assurer qu'ils étaient fort satisfaits de ce mode d'épreuves. Les séminaires de Saint- Hyacinthe, de Sainte-Thérèse et de Québec sont les trois institutions qui, jusqu'à ce jour, ont fourni à l'Université-Laval ses premiers Licenciés en Médecine et en Droit. Ce mode d'examen, à la fois écrit et oral, est sans contredit le plus propre à — XIX — rendre complète justice aux candidats, et il faut y recourir chaque fois qu'il ne s'y trouve point de trop graves inconvénients (1) ; on a cru qu'il y en aurait pour le Baccalauréat es Arts. L'Université-Laval admet à concourir pour ce degré et pour l'Inscription, tous les jeunes gens indistinctement, à la seule condition de présenter un certificat de moralité. Il est donc bien nécessaire, pour ne blesser aucune susceptibilité, que les candidats, à quelque institution qu'ils appartiennent, puissent vérifier la justice des jugements portés sur leur travail. Les difficultés rencontrées par l'Université dans ses rapports avec plusieurs des collèges du pays, montrent combien l'on a eu raison de pousser là-dessus les précautions jusqu'au scrupule. Or, verba volant, scripta manent. On a donc laissé de côté, quoiqu'à regret, l'examen oral, qui ne laisse rien que l'on puisse discuter, et l'on s'est borné à l'examen écrit. Il sera toujours facile aux jurys, en montrant les copies des élèves, de prouver jusqu'à l'évidence qu'ils ont bien jugé. D'ailleurs, il est toujours plus aisé de s'entendre sur une réponse écrite, parce que, dans le doute et l'in*- certitude, on peut la revoir et prononcer un verdict plus réfléchi. Enfin, pour rendre l'accusation de partialité tout à fait impossible, les compositions des candidats ne doi- vent pas être signées^ mais porter seulement un pseudonyme. Par suite, les correcteurs ne savent point à qui appartient le travail qu'ils examinent, et ne peuvent pas être influencés par la connaissance antérieure du candidat. Après que toutes les correc- tions sont finies, les présidents des jurys se réunissent pour faire la somme des points gagnés, et constatent le nom véritable de l'élève. Mais, dit-on, l'examen écrit est nécessairement très-restreint (2) et fait dépendre le résultat d'une espèce de hasard, puisque le candidat peut tomber sur une question de détail à laquelle il ne pourra pas répondre : c'est ce qui arrive souvent aux examens oraux ; mais alors il est facile de montrer son savoir sur d'autres questions posées par l'interrogateur. Pour répondre à cette objection, qu'il nous soit permis de rappeler ici quelles sont les matières de l'examen du Baccalauréat es Arts : elles comprennent la majorité, sinon la totalité, de celles qui s'étudient dans nos collèges. L'élève doit faire un thème latin, une version latine et une version grecque, répon- dre à des questions sur l'Histoire universelle, sur l'Histoire du Canada, sur la Géographie, sur les principes et l'histoire de la Littérature et delà Rhétorique, enfin faire une composi- tion littéraire. Dans les dernières années du cours d'études classiques, on s'applique à faire connaître la Philosophie, la Physique et la Chimie, les Mathémathiques et l'Astro- nomie, et enfin l'Histoire naturelle : ces diverses branches de la science se trouvent aussi dans le programme du Baccalauréat es Arts. Il serait impossible de lui donner (1) No L, p. 44. (2) No. XXXIX, p. 29. — XX — une beaucoup plus grande étendue, et les lettres et les sciences y sont suffisamment représentées. Mais un élève, bien préparé d'ailleurs, ne peut-il pas avoir une question toute spéciale à laquelle il ne puisse pas répondre ? Ce danger n'existe point : le hasard, on le comprend bien, n'a rien à voir aux versions, au thème et à la composition littèrairQ ; c'est à l'élève à prouver qu'il peut y réussir. Il ne peut donc être ici question que de l'Histoire, de la Géographie, des principes de la Littérature et de la Rhétorique et des matières de l'enseignement philo- sophique et scientifique. Or, à ce sujet, l'Université-Laval a fait tous ses efforts pour bien déclarer ses inten- tions: annuaires, lettres privées et officielles, pratique dans les examens, conversations, tout a été mis en œuvre. Pourquoi vouloir laisser croire encore que l'on ne connaît point la véritable nature de ses exigences? Quoiqu'il en soit, nous répétons ici ce passage du règlement concernant les degrés, et nous ne bornons point ce qu'il contient aux seules questions d'histoire, mais nous retendons aux autres matières: «Les questions sur l'histoire, y est-il dit, ont toujours pour objet des époques assez remarquables ou un temps suffisamment long, pour que les candidats puissent avoir quelque chose à répon- dre, lors même que leurs connaissances historiques ne seraient pas très-étendues. » Cet exposé est* clair. Quel est l'élève, qui, après avoir étudié un peu son histoire, n'est pas capable de dire quelque chose sur les guerres médiques ou puniques, sur les règnes de Charles-Quint, de Pierre le Grand, le gouvernement de M. de Callières, etc. ? Or tel est le genre de questions posées au Baccalauréat es Arts. Il est bien dit (1) que les questions de littérature et de rhétorique peuvent sup- poser des connaissances plus étendues que celles que l'on puise dans les traités abrégés ; mais est-il un seul collège où l'on se borne au simple mot-à-mot de ces petits ouvrages? Cependant, qu'on veuille bien le remarquer, l'observation de nos règlements ne s'ap- plique point à la nature des questions à poser, mais aux développements à donner aux réponses : les questions sont toujours de celles que l'élève doit savoir plus ou moins. Il en est de même des matières du second examen : les questions y sont générales, ou, si elles sont spéciales, comme pour les Mathématiques, leur nombre compense leur défaut de généralité. Ici encore le candidat est supposé ne posséder que des connais- sances élémentaires. Disons-le donc ouvertement : ce n'est pas la clarté dans les explications qui manque de la part de l'Université-Laval ; c'est la confiance qui fait défaut en dehors de l'Uni- versité. Espérons encore que l'histoire du passé, l'exposé de nos vues, l'engage- ment d'honneur pris devant le public en assumant toute la responsabilité de nos actes, et enfin de précieuses traditions feront revenir une confiance que nous ne croyons pas avoir jamais cessé de mériter ! (lj Annuaire 1859-60. — XX] — Nous pensons avoir justifié l'Université-Laval d'avoir adopté l'examen écrit pour le Baccalauréat es Arts. Nous sommes heureux d'appuyer sa conduite sur l'autorité d'é- tablissements très-importants de l'ancien monde. En France, depuis la réorganisation de l'Université par Napoléon I, jusqu'en 1840, les élèves avaient pour tout programme le décret suivant du 17 mars 1808 : « Les can- didats au Baccalauréat, devront répondre sur tout ce qu'on enseigne dans les hautes classes des lycées.» L'examen était entièrement oral. Les vives et nombreuses récla- mations contre l'Université déterminèrent M. Cousin, alors ministre de4'Instruction pu- blique, à introduire des programmes ainsi qu'un commencement d'épreuve écrite, une simple version latine ; mais celle-ci était éliminatoire, c'est-à-dire, qu'on n'admettait à l'examen oral que celui qui avait réussi dans la version. ' Les incontestables avantages de l'épreuve écrite engagèrent M. Fortoul à ajouter à la version une amplification fran- çaise ou latine, laissant au sort à décider. Enfin M. Rouland a imposé le discours latin. Comme on le voit, l'épreuve écrite gagne dans l'opinion des Français. Tout der- nièrement encore, un inspecteur général de l'enseignement, M. Lesieur, et le doyen de la faculté des Lettres de Dijon, M. Tissot, dans trois articles remarquables de la Revue de l'Instruction Publique, ont demandé une addition nouvelle à l'épreuve écrite et la sup- pression des programmes détaillés, comme étant nuisibles aux études et aux élèves ; ils veulent une simple indication des matières, le reste devant être laissé au bon sens des examinateurs. Jusqu'en 1859, (1) l'Université de Londres obligeait tous les élèves des collèges af- filiés à venir subir dans la capitale les épreuves écrites et orales déterminées par les rè- glements. A cette époque, l'expérience ayant démontré les inconvénients de ce mode d'examen, il fut réglé que désormais toutes les épreuves seraient écrites. Les matières de l'examen sont envoyées par les autorités universitaires, et sont les mêmes pour tous les candidats. Le travail terminé, les copies sont remises aux députés de l'Université sous enveloppes cachetées. Ceux-ci les rapportent à Londres pour y être appréciées par les mêmes juges et en même temps que celles des autres candidats des provinces et de la métropole. A cette université sont affiliés des établissements très-nombreux et répandus dans tout le royaume. Plusieurs sont dirigés par le clergé catholique, et un au moins, le collège de Stonyhurst, par les RR. PP. Jésuites. En voyant adopté par l'Université de Londres un mode d'épreuves déjà en opération, depuis plusieurs années, à l'Université-Laval, il peut nous être permis de croire que, s'il n'a pas tous les avantages désirables, il a du moins la sanction d'une haute autorité. Qu'on nous permette d'examiner quelques autres objections réveillées par nos épreuves du Baccalauréat es Arts. Une des réponses sur l'histoire doit être faite en anglais, ou plutôt dans celle des {l) No. L, p. 40. — XXlj — deux langues, anglaise ou française, la moins familière à chaque candidat. Un collège (1) a révoqué en doute là-propos de cette exigence. Par compensation, un'autre a trouvé que c'était faire à la langue étrangère une part trop minime.—Il nous semble 1° que la connaissance de la langue anglaise est nécessaire-aux professions libérales, même au clergé, et que c'est rendre un vrai service aux élèves que de leur fournir un nouveau motif de l'étudier avec plus de soin ; 2° que ce serait se montrer trop rigoureux que de refuser l'Inscription ou le Baccalauréat es Arts à quelqu'un, pour l'unique raison qu'il ne saurait pas parfaitement l'anglais. Entre ces deux opinions opposées, l'Université a cru devoir prendre un parti moyen, qui, sans négliger l'anglais, n'en exige pas cependant une science consommée. Il est une dernière objection, souvent répétée et renouvelée surtout à l'occasion d'une mesure récente de Monseigneur l'Administrateur du diocèse de Québec, qui ne veut plus admettre à l'état ecclésiastique que les jeunes gens ayant subi avec succès l'exa- men de l'Inscription. Le niveau fixé pour le Baccalauréat, dit-on, et pour l'Inscription, est trop élevé : un examen, ajoute-t-on, doit êlre très-facile, lorsqu'il devient élimina- toire. Que l'on veuille bien, avec nous, jeter un coup d'œil sur le mode de correction des devoirs, et l'on nous dira ensuite, après avoir connu les principes qui règlent la classi- fication des candidats, s'il est possible de maintenir contre l'Université-Laval le reproche d'une sévérité trop grande. Un certain nombre de points est affecté à chacun des travaux de l'examen ; ce nombre varie avec l'importance relative du travail. Voici le tableau de ces points : PREMIER EXAMEN. SECOND EXAMEN. Thème latin,.....18 Philosophie, ------ 30 Version latine, - - - - 18 Physique et Chimie, - - - 18 Version grecque, - - - - 18 Mathématiques et Astronomie, 18 Histoire et Géographie, - 24 Histoire naturelle, - - - - 9 Littérature et Rhétorique, - 24 Composition littéraire, - 36 75 138 Total pour les deux examens, 213 Pour conserver tous les points attribués au travail d'une séance, il faut répondre parfaitement à l'attente du correcteur ; pour tout perdre, il faut avoir été complè- tement malheureux dans ses efforts. L'élève a-t-il bien réussi dans les parties les plus difficiles de sa tâche? il conserve tous les points affectés en plus grand nombre à ces parties. S'est-il fourvoyé en s'aventurant dans les mêmes pénibles sentiers? Il n'aura que le mérite de sa peine ; sa recette est diminuée. On voit donc que ce système de correction est fondé, non sur le mérite relatif des élèves qui composent ensemble, mais sur le mérite absolu du travail de chacun. 11 peut bien arriver que personne ne (1) No. XXXIX, p. 29 — XXllj — parvienne au but, si aucun des candidats n'a assez de force pour s'y rendre ; mais, d'un autre côté, tous pourront y atteindre, si tous ont la vigueur suffisante : ce n'est que stricte justice ; sua sunt prœmia laudi. Le travail examiné et apprécié, on partage les candidats de chaque examen en trois catégories: 1° ceux qui ont consené les deux tiers de leurs points et au-dessus ; 2° ceux qui ont conservé entre le tiers et les deux tiers des mêmes points ; 3° enfin, ceux qui n'ont pas conservé le tiers. A ceux de la première catégorie, aux deux examens des lettres et des sciences, on donne le diplôme de Bachelier es Arts ; à ceux de la seconde, l'Inscription. Ainsi, l'on ne juge pas indigne du Baccalauréat celui qui, sur 213 points, en a perdu 71, c'est- à-dire, s'est trompé complètement 71 fois sur les matières qu'il avait à traiter. Vrai- ment, il faudrait avoir une idée bien peu relevée du titre de Bachelier es Arts pour vouloir l'accorder à des conditions plus faciles encore ! Qu'il nous soit permis de descendre à quelques détails pour expliquer ce que demande l'Inscription. Voici un élève qui désire l'obtenir : supposé qu'il soit également faible sur toutes les matières, l'Université-Laval la lui refusera, s'il se trompe entièrement plus de douze fois dans une version ou un thème où il ne pouvait se tromper que dix- huit fois ; si, dans une composition littéraire, il réussit tellement peu à rendre ses idées, qu'il perde plus de vingt-quatre points sur les trente-six qu'il avait à gagner ; si, dans 'une question philosophique, sa raison ou sa science ne lui permettent pas de con- server dix points sur trente : en un mot, l'Université-Laval ne donnera pas l'Inscription à l'élève qui, après avoir passé neuf ou dix années au collège, n'a pu s'empêcher, sur des matières qu'il a dû étudier, de perdre plus de 142 points sur 213. Nous disons plus de 142 points: car, remarquons-le bien, l'Inscription est donnée à celui qui n'en conserve que 71 sur 213 ; et nous aimons à redire que zéro correspond à un travail complètement nul sur toutes les parties. Soutiendra-t-on encore que l'Inscription est trop difficile à obtenir? Prétendra-t-on qu'un jeune homme comprend le latin ou le grec, lorsque, dans une version de dix-huit lignes, il en traduit plus de douze sans saisir la pensée de l'auteur ? Sait-il sa Philoso- phie, lorsque plus des deux tiers de sa disertation annoncent absence complète d'idées justes ? Nous ne savons pas si, parmi les personnes instruites, il en serait une seule qui voulût publiquement signer de son nom une semblable assertion. Eh bien, il est cependant encore possible qu'un élève se trouve dans ces circon- stances, et soit néanmoins inscrit : car ce qui est exigé, c'est le tiers sur la somme des points de chaque examen, et non pas le tiers sur chacune des matières; un élève peut très-bien se racheter sur une partie ou sur une autre, et arriver à l'Inscription après avoir perdu plus des deux tiers de ses points dans quelques-unes des compositions. Dira- t-on qu'il y a là une sévérité trop grande ? Toutefois, il serait ridicule d'accorder le Baccalauréat ou l'Inscription a un eleve xxiv — qui serait d'une ignorance absolue sur certaines parties de l'enseignement et qui en au- rait travaillé d'autres suffisamment pour avoir les deux tiers ou le tiers de la somme totale. C'est ainsi qu'une mémoire excellente pourrait posséder un cours abrégé d'histoire et un traité de littérature, et arriver à conserver le tiers de ses points avec ces deux parties seulement ; de même encore, si elle s'attachait à la Chimie et à l'Histoire naturelle, et laissait de côté les Mathématiques ou la Philosophie. Et n'a-t-on pas vu des jeunes gens apprendre par cœur les formules de Mathématiques sans se donner la moindre peine pour les comprendre ? Or, ce serait évidemment tromper le public, que de donner un certificat d'études suffisantes, à celui qui est dépourvu de talent au point de ne pouvoir arriver à l'Inscription que par un tour d'adresse, ou bien qui a assez peu d'amour du travail et assez peu de désir de s'instruire pour ne pas étendre son application à toutes les parties de l'enseignement. Mais jusqu'où descendra-t-on ? Voici la sévère limite assignée par l'Université-Laval. Pour être Bachelier es Arts, indépendamment des deux tiers sur la somme totale des points, et cela pour chacun des deux examens de Rhétorique et de Philosophie, il faut, sur chacune des matières distinctes, avoir conservé au moins le sixième des points as- signés. De même, pour l'Inscription, indépendamment du tiers de la somme, il faut, sur chaque matière, conserver au moins le neuvième. Exposons quelques chiffres : car on nous a fait une guerre si opiniâtre, on nous a si souvent accusés d'être déraisonnables dans nos prétentions, qu'il est important de présenter notre manière d'agir au plus grand jour désirable. Un élève peut donc être Bachelier, après avoir fait un thème qui, sur 18 lignes, n'en aurait que 3 de bonnes, ou une version qui renfermerait 15 contre-sens sur 18 phrases à traduire ; il pourra encore être Bachelier, quand même les cinq sixièmes de sa dissertation philosophique ne seraient d'aucune valeur. Quant à l'Inscription, si, sur une version de 18 lignes, l'élève est parvenu à trouver le sens de deux d'entre elles, ou si, dans une composition littéraire, il développe assez d'idées ponr conserver 4 points (c'est bien peu) sur 36, pourvu qu'en somme il conserve le tiers à ses deux examens, c'est-à-dire, 71 sur 213, l'Université- Laval ne demande rien davantage ; elle consent à dire au pays que cet élève, après trois ou quatre années d'études, pourra décider de la vie'de ses concitoyens comme mé- decin, ou de leur fortune comme avocat ou notaire, ou de leur salut éternel comme prêtre ! Ces aveux, il faut le dire, nous ne pouvons les faire sans une certaine confusion ; mais ils sont devenus nécessaires pour nous justifier. Voilà pourtant ce que l'on taxe d'excessive sévérité, de prétentions déraisonnables, etc. ! Ajoutons, pour compléter ce tableau, que le candidat malheureux qui, tout en conservant le tiers ou les deux tiers de la somme totale, serait exclu de l'Inscription ou du Baccalauréat, parce qu'il n'aurait pas le neuvième ou le sixième de ses points sur quelques matières, n'est tenu, pour réparer son échec, qu'à reprendre ces matières seulement, à une session suivante. Sans doute, l'on ne connaissait pas suffisamment les règlements de l'Université-^ Laval : voilà pourquoi on maintenait le reproche de sévérité. Il est fâcheux seulement — XXV — que l'on se soit trop facilement laissé entraîner par les préjugés, et que l'on ait trop écoulé les on-dit. Il était si facile d'aller aux sources des renseignements : tout ce que nous venons de dire se trouve en substance dans les Annuaires. Quoiqu'il en soit, le Séminaire de Québec a donné l'exemple, et, dès 1858, il a obligé tous ses élèves à subir les deux examens du Baccalauréat es Arts. Il ne s'est pas con- tenté de les y inviter: c'est un devoir rigoureux qu'il leur imposeetavec de graves consé- quences. Tout rhétoricien subit le premier examen, et, s'il n'y conserve pas le tiers de ses points, il n'est pas admis à faire sa Philosophie ; il recommencera sa Rhétorique ou quittera le séminaire. Dans ce dernier cas, il n'a droit à un certificat d'études que jus- qu'à la Rhétorique exclusivement. De même, tout élève de Philosophie doit se présenter au second examen. S'il n'obtient pas l'Inscription, le Séminaire lui refuse un certificat d'études complètes ; il sera seulement attesté qu'il a fait sa Rhétorique. Ce n'est pas tout. Les élèves du Séminaire de Québec ne sont admis au rang d'élèves à l'Université- Laval que lorsqu'ils ont obtenu l'Inscription : dans tout autre collège classique de la province, un simple certificat d'études complètes faites avec succès suffit, provisoi- rement du moins, pour avoir droit au même privilège. Enfin, en vertu du même principe, et avec l'approbation de Monseigneur l'Administrateur, le Séminaire ne présente à Sa Grandeur, pour l'état ecclésiastique, que ceux qui ont l'Inscription ; voilà cinq années que ce système est en vigueur, et l'on sait assez avec quelle inflexible rigueur il a été maintenu. Bien que cette institution ail vu, pendant plusieurs années, ses seuls élèves placés sous ce régime salutaire, elle n'a pas craint de s'exposer cependant à la perte de quelques-uns d'entre eux ; elle en a môme vu, sans s'émouvoir, un certain nombre, qui, eux aussi sans doute, trouvaient le niveau de l'Inscription trop élevé, se diriger versd'autres maisons d'éducation,où ils espéraient trouver des conditions plus faciles. Son seul souci a été de rendre les éludes plus fortes, et elle a la conscience d'avoir fait beau- coup pour atteindre ce but. Aussi remarque-t-elle un nouvel élan donné au travail depuis l'établissement de l'Université et surtout depuis que l'Inscription est obligatoire. 11 se trouve cependant des personnes qui insistent : «Il y a injustice, disent-elles, à exclure du clergé ceux qui n'ont point l'Inscription. Regardez donc un tel et un tel : ne sont-ce pas d'excellents curés ? qu'eussent-ils fait s'ils eussent eu maille à partir avec votre examen ? » Avant de répondre à cette objection, nous nous permettrons de faire observer qu'il y a toujours danger à distribuer un brevet d'incapacité à des personnes qui prouvent qu'elles ne le méritent point : c'est prononcer avant un examen suffisant. Mais nous sera-t-il permis de louer le temps présent, sans trop compromettre les jours de nos pères ? Tel, rien n'empêche de le supposer, a pu, il y a vingt ans. se négliger pendant son cours d'études et avoir peu de succès, malgré des talents suffisants. Qu'eût-il fait, s'il eût vu, au bout de sa Rhétorique et de sa Philosophie, un double examen nécessaire et élimina- toire ? Il se serait mis à l'œuvre comme les élèves actuels du Séminaire de Québec. Ce 4 — XXV] — n'est point l'intelligence ou l'esprit qui a grandi au milieu de la génération présente ; c'est l'ardeur du travail qui voit dresser devant soi une sanction formidable. Nos devan- ciers ne l'ont point connue ; leur eût-elle été imposée, ils l'auraient acceptée avec la même résolution que les élèves de nos jours et auraient su prouver qu'elle n'est pas trop sévère. Nous croyons avoir démontre que le niveau de l'Inscription n'est pas trop élevé. Il était naturel d'en accepter les conséquences : c'est ce qu'a fait Monseigneur de Tloa, Administrateur du diocèse. Tout récemment, avant son départ pour l'Europe, il a rendu l'Inscription obligatoire pour l'admission à l'état ecclésiastique; quelle que soit l'institution où ses diocésains aient étudié, ils y sont désormais soumis. S'il s'en ren- contre d'exclus du clergé par cette mesure, ne les pleurons pas : s'il ne peuvent avoir l'Inscription, ils feraient peu d'honneur à ce corps respectable ; s'ils refusent de se soumettre à une condition devenue indispensable, félicitons-nous d'une circonstance qui élimine naturellement un esprit privé de cette justesse et de cette droiture de vo- lonté si nécessaires à ceux qui sont appelés à diriger les grands intérêts de la religion. Nous croyons qu'il résulte de ce que nous venons de dire, que les degrés de l'Uni- versité-Laval sont honorables et dignes de l'ambition des meilleurs talents ; que les examens qui en décident sont sérieux, impartiaux, suffisants, sans être trop sévères, et que l'Inscription, exigée aujourd'hui par Monseigneur de Tloa, est accessible aux talents les plus ordinaires. III RAPPORTS DE L'UNIVERSITÉ-LAVAL AVEC LES AUTRES INSTITUTIONS DU PAYS. Nous touchons à la partie la plus délicate de notre travail. Rien n'a suscité à l'U- niversité-Laval autant de difficultés que ses relations avec les autres institutions du pays. Nos explications, à ce sujet, seront très-simples : nous exposerons ce qui a été fait et pourquoi cela a été fait. Nous dirons d'abord pourquoi le Séminaire de Québec a cru devoir se charger seul de la fondation de l'Université ; nous examinerons ensuite par quels moyens l'Université-Laval voulait faire participer les autres institutions aux privilèges de la charte ; puis quels plans proposaient ces mêmes institutions, et enfin, après avoir montré pourquoi l'Université ne put adopter ces plans, nous essaierons de faire voir que le projet suggéré par l'Université ne présente aucune difficulté sérieuse. Accoutumés à se régir par les lois d'une autonomie complète et à se regarder chacun comme égal, sinon supérieur, à tous ses voisins, les séminaires ou collèges canadiens ont vu dans l'Université-Laval, non pas un nouvel établissement fondé par le Séminaire de Québec, mais une simple extension des privilèges de ce séminaire, extension à laquelle — XXV1] — la plupart, sinon tous, croyaient avoir autant de droit que leur confrère aîné. Qu'est-il arrivé ? N'est-il pas vrai que l'on a regardé comme humiliant pour un collège d'abaisser ses faisceaux devant ceux d'un autre collège ? N'est-il pas vrai que l'on a pensé que le Séminaire de Québec, entraîné par nous ne savons quel esprit de domination, voulait s'arroger une espèce d'empire, en se parant du titre d'université ? Eh ! non, le Séminaire de Québec respecte trop sa propre indépendance, pour vouloir attenter à celle des autres. Jaloux de ses droits, il laisse à ses confrères le soin de maintenir les leurs. Mais, chargé d'établir une université, il a voulu en faire une véri- table, et, avec une générosité que personne ne lui conteste, il a dit aux autres collèges : «Nous scions vous et moi, si vous le voulez, sur un terrain d'égalité vis-à-vis le nouvel établissement : privilèges et avantages, tout sera commun, comme entre les membres d'une même famille ; seulement, si vous me le permettez, je garderai les frais pour moi. Je me réserve, il est vrai, le droit de décider quels sont ceux que l'Université pourra faire, mais je lui laisserai une entière liberté sur toutes les autres questions. » Voilà, en résumé, toute l'histoire du Séminaire de Québec par rapport à l'Université-Laval et aux autres maisons : la présenter sous un autre jour, ce serait la fausser. Le conseil universi- taire se compose actuellement de quinze membres, dont sept seulement appartiennent au Séminaire ; de sorte que la majorité du conseil se trouve prise en dehors du Séminaire. Le Séminaire de Québec n'a point convoité l'auréole universitaire. Il refusa, en 1849, de demander une charte, parce qu'il en regardait les obligations comme difficiles à remplir ; il ne revint sur son refus qu'après les instances réitérées de Monseigneur l'Archevêque. Notre vénérable prélat avait été lui-même conseillé par Monseigneur de Montréal, qui lui écrivait en 1851 : « N'est-il pas certain que le Séminaire de Québec serait, plaudentibus omnibus, choisi pour être l'Université Catholique de notre Amérique Britannique (1) ?» A la fin de Mars 185*2, Monseigneur l'Archevêque exprima l'opinion formelle que l'établissement de l'Universite*était nécessaire, et le Séminaire se décida à travailler à son établissement^). Jusque là, on avait considéré la question d'une manière abstraite et générale : faut-il établir une université catholique ? Tous l'appelaient de leurs vœux. Mais sur quel plan réalisera-t-on cette idée ? Ici déjà commence une première divergence d'opinions. La proposition faite au Séminaire de Québec en 1851, était d'établir une univer- sité provinciale, c'est-à-dire, comme l'expliquait Mgr. de Montréal^ le 4 mai 1852, un grand établissement, unique pour toute la province, et dont tous ou presque tous les collèges feraient partie. « Nos vœux étaient ici, disait ce prélat, de former une université dont la tête aurait été le Séminaire de Québec, et dont les membres auraient été les divers collèges, (1) No I, p. 3. (2) Nos. II, IV et V, p. 4 et 5. — XXV11J — que nous aurions ainsi rehaussés en les rendant collèges universitaires. Nous trouvions dans cette union catholique une arme puissante pour combattre contre toute sorte d'erreurs qu'enfante notre siècle. Nous pensions que l'établissement aîné devait jouir de son droit d'aînesse, en prenant l'héritage littéraire qu'il a si bien su conserver et augmenter dans ce pays. » Pouvait-on songer à établir une université provinciale ? A Québec, on ne fut pas de cet avis. Monsieur Holmes, si remarquable par son extrême prudence et sa péné- tration d'esprit, fit prévaloir, auprès du conseil du Séminaire et auprès de Monseigneur l'Archevêque et de son Coadjuteur, l'opinion que la création et le fonctionnement d'un pareil établissement offriraient d'extrêmes difficultés. En effet, on devait demander une charte ; à qui ? à la législature du pays, ou en Angleterre ? On ne pouvait hésiter sur le choix : il fut résolu que l'on essaierait d'obtenir une charte royale, qui assure à la fois une stabilité plus grande et une juridiction plus étendue. Mais le titre d'université provinciale devenait un obstacle considérable à l'obtention de cette faveur. C'était au temps où le bill des titres ecclésiastiques occupait tous les esprits en Angleterre, et suscitait à la cour de Rome de si graves difficultés ; c'était au temps où l'université catholique de Dublin essayaiten vain d'obtenir une existence légale. Ne devait-on pas croire que le projet d'une université catholique provinciale, présenté par tous les évêques du Canada, serait regardé comme une imitation de l'entreprise des évêques d'Irlande ? Comment espérer un meilleur succès que ces derniers prélats ? Eût-on voulu se contenter d'une charte provinciale, quelle espérance pouvait donner notre parlement canadien lui-même, où les catholiques sont en minorité ? Peut-être se serait-on exagéré la puissance de l'établissement projeté, et l'aurait-on regardé comme funeste aux universités protestantes du Canada. Rappelons-nous qu'en Belgique, pays pourtant si catholique, les évêques n'ont pas même osé continuer leurs tentatives de faire incorporer leur université de Louvain. Ces obstacles peut-être eussent été levés : soit. Mais quelles difficultés sans nombre n'aurait pas présentées le fonctionement d'une institution dont leconseil aurait été composé de membres disséminés par tout le pays 1 Comment concilier le progrès rapide de l'Uni- versité avec l'obligation de recourir à chaque instant à l'avis et à l'autorité de Nos Seigneurs les évêques, et de consulter à chaque pas les supérieurs d'un grand nombre de collèges éloignés les uns des autres ? Comment, et sur les détails et sur l'ensemble, attendre unité de vues de la part de personnes dont les intérêts et les idées peuvent être et sont réellement distincts ? Que serait-il souvent arrivé ? Ce que l'on a vu au parle- ment canadien, lorsqu'il s'est agi de choisir une capitale : on aurait pu s'accorder pour repousser certaines mesures, sans réussir peut-être à réunir une majorité en faveur d'aucune ; ou bien les mesures adoptées par la majorité du conseil auraient fort bien — XXIX--- pu être « contraires aux vues des fondateurs, » qui faisaient tous les frais de l'établisse- ment nouveau (1). Cette dernière crainte était fondée ; cependant elle n'est injurieuse pour personne. On peut, quoi qu'en aient pu penser d'estimables confrères (2), ne pas se croire « mieux qualifié que les autres pour diriger un grand établissement ; » on peut être persuadé que « les directeurs des autres collèges ont autant à cœur que soi la conservation religieuse et morale de la jeunesse » ; on peut admettre « qu'il se trouve dans les divers col- lèges un grand nombre de personnes assez bien qualifiées sous le rapport intellectuel et scientifique pour entrer dans la formation d'un conseil universitaire et y être de quel- que utilité ;» on peut, disons-nous, être convaincu de tout cela, et cependant avoir d'ex- cellentes raisons pour ne pas consentir à ce que ses vues soient contrariées dans un établis- sement que l'on a mission d'ériger. Sans se croire supérieur aux autres, on peut diffé>er d'opinion dans une foule de questions ouvertes. Toutes les personnes qui s'occupent d'éducation sont-elles d'accord sur la nature des études classiques et leur étendue? sur le plan du cours et sa durée ? sur la question si longtemps débattue des classiques payens et des classiques chrétiens? sur la simple question de l'utilité deslangues mortes? surlapré- dominance des études théoriques par rapport aux études pratiques ? sur l'enseignement universitaire ? sur la sanction des degrés, etc. ? Il y a là-dessus une grande variété d'opinions ; libre à chacun de suivre celle qu'il croit la meilleure, sans que pour cela on ait le droit de le taxer d'orgueil. Seulement, on a le droit, personne ne le contestera, de faire prévaloir ses vues sur celles «les autres, dans un établissement dont on paie tous les frais. Or telle est précisément la position du Séminaire de Québec par rapport à l'Université. Quand on est disposé à ne reculer devant aucun sacrifice pour promouvoir une entrepose, on est bien justifiable de prendre des précautions pour que les choses ne prennent pas une direction contraire à ses vues et à ses intérêts. Nous nous permettrons ici de faire remarquer qu'il y a une grande différence entre isoler une partie de phrase pour Fépiloguer, et prendre la phrase entière et son contexte. Cette première manière d'agir nous semble être celle des Messieurs de Nicolet, dont nous discutons en ce moment les idées, lorsqu'ils commentent un passage d'une lettre adressée par M. Casault à Mgr. de Tloa en 1859 (3). Il peut y avoir sot orgueil à dire simplement : « Nous voulons un établissement où nos seules vues prévalent. » Mais il n'y a que justice à dire : « Nous voulons un établissement où nos vues prévalent, pareeque nous voulons bien en faire tous les frais. » Ensuite n'est-ce pas dénaturer la pensée de M. Casault, de dire que la crainte de ne pas voir admettre les vues des Messieurs du Séminaire de Québfce fut la raison principale qui les engagea à ne point vouloir faire entrer dans le conseil universitaire les membres des autres collèges? M. Casault dit seulement que, parmi les inconvénients d'un pareil projet, celui-là n'était pas le moindre. Nous prions nos (1) NoL, p. 43. (2) No. LUI, p. 53. (3) No. L, p. 43. — XXX — lecteurs de revoir attentivement les deux documents auxquels nous faisons allusion, et nous les laissons juges. Dans tous les cas, nous avons été peines de voir une interpré- tation comme celle que nous venons de relever. Résumons: difficulté d'obtenir une charte royale pour une université provinciale demandée au nom de tous les évêques catholiques du Canada ; môme difficulté avec des avantages moindres, pour obtenir une charte provinciale ; obstacles au fonction- nement, de la part d'un conseil composé de membres dispersés, à vues et à intérêts distincts, ne se réunissant qu'à de rares intervalles : trouve-t-on ces objections au projet d'une université provinciale trop peu nombreuses ou dénuées de fondement ? Pour toutes ces raisons, il parut donc au Séminaire de Québec que le meilleur moyen d'obtenir une charte d'abord, et ensuite d'organiser l'Université, était de demander, avec desj-ecommandations suffisantes, mais sans bruit et avec le plus de célérité possible, une charte royale dans le genre de celles octroyées à quelques collèges protestants de la province. On désirait de la promptitude, afin de ne pas donner aux ennemis de nos institutions le temps de faire opposition en Angleterre. Le Séminaire, agissant seul et en son propre nom, pouvait inspirer assez de confiance, pour que la requête, ainsi restreinte, fût accordée ; en même temps cette demande faisait disparaître la défiance qu'aurait éveillée naturellement, chez nos hommes d'état protestants, une requête signée par tous les évêques. Quand nous disons que le Séminaire de Québec voulait demander la charte sans bruit, que l'on veuille bien croire qu'il ne refusait pas de prendre conseil par un sen- timent exagéré de confiance en ses propres lumières ou de défiance vis-à-vis les autres. Ricif n'a été fait sans l'avis et l'approbation formelle de notre vénérable Archevêque et de son Coadjuteur ; de plus toutes les objections que nous venons de mentionner contre le projet d'une université provinciale, ont été adressées à Mgr. de Montréal par Mgr. l'Ar- chevêque dans une longue lettre du 11 avril 1852. Avec l'approbation de ces prélats (les évêchésdeSainl-HyacintheetdesTrois-Rivières n'existaient pas encore), nous ne croyons pas qu'il fût nécessaire d'avertir les collèges avant l'obtention d'une charte, vu surtout qu'on ne les frustrait d'aucun droit. C'était cependant le désir#du Séminaire de Québec de s'expliquer avec lés chefs de ces collèges avant même de faire sa demande ; mais la nécessité d'agir promptement et sans bruit rendait le secret prudent. Nous regret- tons que les Messieurs de Nicolet n'aient vu là que de la défiance (1). m Ce n'était pas tout d'obtenir une charte civile : il fallait aussi songer à la sanction du souverain pontife. Ici il n'y avait pas à craindre de préjugés contre l'épiscopat : au contraire, le moyen le plus sûr de réussir était d'adresser au saint père une supplique signée par tous les évêques du Canada. En conséquence, Mgr. l'Archevêque, dans une circulaire adressée à tous ses vénérables collègues, après leur avoir annoncé que le Séminaire de Québec s'adresserait seul au gouvernement pour avoir une charte royale, (1) Nos LI et LUI. p. 4S et 53. — XXX] — leur demanda de vouloir bien signer la requête qu'il faisait au souverain pontife. Cette circulaire était du 12 avril (1). Mais la longue lettre écrite la veille à Mgr. Bourget, et à laquelle nous avons fait allusion plus haut, n'avait point suffi pour faire renoncer le digne prélat au projet d'une université provinciale. Aussi, sur de nouvelles instances de Mgr. l'Archevêque (2), écrivit-il sa lettre du 4 mai, dont nous avons cité un extrait (page xxvij de ce Mémoire), Sa Grandeur terminait cette lettre en disant : « Je me ferai un véritable bonheur de signer celte supplique, si telle est la volonté de Votre Grandeur. Maintenant, puisqu'il n'y a plus aucun espoir de former de longtemps une université provinciale, je me permettrai de supplier Votre Grandeur de nous accor- der son concours pour la formation d'un pareil établissement à Montréal. Il ne s'agira aussi pour Elle, que de signer la supplique que je me propose d'adresser au saint siège à ce sujet. » Evidemment il y avait un malentendu difficile à résoudre par une correspondance écrite. Mgr. l'Archevêque et le Séminaire de Québec prièrent Mgr. Baillargeon d'aller à Montréal expliquer plus clairement les desseins que l'on avait à Québec, et exposer les inconvénients graves que l'on trouvait dans cette nouvelle voie où paraissait entrer Mgr. Bourget. Voici la substance des explications données par Mgr. le Coadjuteur : Le Séminaire de Québec, en s'adressant seul au gouvernement impérial, ne préten- dait pas accaparer le monopole du haut enseignement : il employait seulement par là un moyen plus certain d'obtenir une charte. Pour que le nouvel établissement pût procurer tous les avantages qu'on attendait d'une université provinciale, on se proposait de demander une charte ne renfermant qu'un petit nombre de clauses, propres en même temps à sauvegarder les droits et obligations essentielles du Séminaire de Québec, et à laisser aux autres maisons d'éducation la plus grande liberté possible, tout en faisant participer leurs élèves aux avantages de l'Université. Au reste, la charte devait être rédigée en termes tellement généraux que l'on pût faire, du consentement deNN. SS. les évêques et avec l'avis des collèges, tous les règlements jugés les plus avantageux pour le bien de la religion. En suivant ce plan, NN. SS. les évêques conservaient la liberté de faire, chacun dans son diocèse, ce qu'ils croiraient le plus convenable pour le bien de leurs ouailles par rapport à l'éducation, sans crainte d'être gênés par l'Université, dont le rôle ne de- vait commencer qu'au point où finit celui des collèges ; les collèges eux-mêmes conti- nuaient à jouir de la plus entière indépendance, et à pouvoir nourrir les projets que chacun d'eux entretient pour l'avenir. Leurs élèves devaient trouver à l'Université les avantages et les privilèges qu'ils pouvaient, raisonnablement espérer, puisque le Bacca- (1) No. VII, p. 6. C2) No. VIII, p. 7. — XXX1J — lauréat es Arts serait donné à tout jeune homme ayant fait un bon cours dans un collège quelconque, et qui subirait des épreuves suffisantes ; chaque collège du reste préparerait ses élèves de la manière qu'il l'entendrait. Les commencements de l'établissement se- raient humbles sans doute, sans que personne eût le droit d'en être surpris; mais aussi le Séminaire de Québec, dans cet arrangement, n'aurait à craindre l'intervention de per- sonne dans ses affaires à propos de celles de l'Université, et, ayant à mouvoir une ma- chine moins lourde, pourrait lui imprimer un mouvement plus rapide. On poussa môme le scrupule jusqu'à éviter de donner à cette université un nom qui, en désignant un diocèse ou un établissement particulier, aurait semblé exclure les autres : voilà pourquoi, après mûre réflexion, on avait choisi le nom de Laval, qui rappelle en même temps le premier évèqUe du pays, le fondateur du Séminaire de Québec, un personnage cher à tous les Canadiens sans exception, et un insigne bienfaiteur de l'éducation dans cette province. Les explications de Mgr. de Tloa curent tout l'effet désiré, surtout appuyées comme elles étaient par la promesse que la charte renfermerait une clause spéciale autorisant 1 Université à s'affilier autant de collèges qu'elle le voudrait. Aussi, Mgr. de Montréal écrivit-il à Mgr. l'Archevêque le 14 mai 1852, en se désistant de sa de- mande : « Je dois protester à V. G. que je suis très-satisfait des explications que Mgr. de Tloa a bien voulu me donner sur l'université projetée à Québec.... Nos collèges pou- vant participer aux privilèges de cette institution, je serai justifiable à leurs yeux si plus tard on venait à dire que j'ai porté plus d'intérêt à un établissement étranger qu'à ceux de ce diocèse. La raison qu'il faut s'unir pour donner à une pareille ins- titution toute l'importance qu'elle peut et doit avoir, sera toujours péremptoire pour moi (1). » Cetle lettre arriva à Québec le 15 mai, jour du départ de M. Casault, supérieur du Séminaire, chargé d'aller solliciter auprès de Sa Majesté l'octroi de la charte universi- taire, et auprès de Sa Sainteté la sanction apostolique. Elle mettait heureusement fin aux inquiétudes qu'avait fait naître le malentendu, et faisait augurer le succès de démar- ches entreprises avec le concours de l'illustre prélat, qui, ayant eu l'initiative du projet, avait toujours témoigné le zèle le plus ardent pour en hâter l'accomplissement. Le succès le plus complet couronna en effet la demande faite en Angleterre (2) et à Rome, comme nous l'avons déjà vu (3). Nous avons cru nécessaire d'exposer ce qui a été fait avant l'obtention de la charte, pour justifier le Séminaire de Québec d'avoir voulu agir seul et de n'avoir point admis les membres des autres collèges à faire partie du conseil universitaire. (1) No. IX, page 7. (2) Nos. XVIII, XIX page 14. (3) Nos. XXIII, XXIV, p. 17, 18. — xxxiij — Mais il était du plus grand intérêt pour l'Université-Laval d'entrer en relation avec ces mômes collèges. Quels moyens prendre pour les faire participer aux avan- tages de la charte ? Là gisait une grande difficulté, à cause des intérêts divers à mé- nager et des vues différentes que devaient avoir un si grand nombre d'établissements. On voulait, d'un côté, respecter leur indépendance, et cependant, de l'autre, il fallait établir un centre d'action propre à maintenir entre eux tous une espèce de vie commune. On voulait, d'un côté, que leurs élèves fussent tous également admissibles à l'inscription dans les diverses facultés et aux diplômes académiques ; mais il fallait, de l'autre, veiller à ce que les épreuves nécessaires pour obtenir ces avantages fussent à l'abri môme du soupçon de partialité, et se fissent d'après des règles communes. Il était naturel que le Séminaire de Québec, plus intéressé que tout autre à la so- lution de cette difficulté, proposât le premier plan. La charte ne limite point le nombre des collèges que l'Université peut s'affilier ; mais, en même temps, elle suppose que l'on peut accorder l'Inscription et le Bacca- lauréat es Arts à tout élève qui a fait un cours classique même en dehors d'un collège affilié. Les élèves de tous les collèges pouvaient donc arriver à l'Inscription et aux degrés académiques par deux voies différentes: l'affiliation du collège où ils ont fait leurs études, ou bien, sans affiliation, un mode commun et uniforme d'examens sur les ma- tières classiques. L'affiliation, dans son acception ordinaire, suppose nécessairement d'un côté dé- pendance à l'égard de l'institution mère, et de l'autre communication par celle-ci de certains privilèges, en retour du sacrifice qui a été fait. Les-conditions peuvent en varier à l'infini ; ici encore les privilèges sont toujours proportionnés aux sacrifices. Il eût été difficile de réunir sous un même drapeau toutes les maisons d'éducation. Une d'entre elles était disposée à s'affilier aux conditions suivantes : 1° Le nombre d'années à consacrer au latin et au grec serait fixé d'un commun accord ; 2° les principales ma- tières du cours d'études seraient aussi déterminées ; 3° après un temps suffisant, les hautes classes d'humanités et celles de Philosophie ne pourraient être confiées, dans les collèges affiliés, qu'à des gradués de l'Université ; 4° des concours sur les matières principales de l'enseignement secondaire auraient lieu chaque année, sous la direction de l'Université, entre les élèves des classes correspondantes de tous les collèges affiliés. Voici maintenant les avantages que l'on .retirerait de l'affiliation : 1° Les élèves des collèges affiliés seraient admis à l'Inscription sans examen et seulement en exhibant un certificat de leur supérieur, attestant qu'ils ont fait aveesuccès un cours d'étudeseomplet ; 2° moyennant un certificat convenable, l'examen pour le Baccalauréat es Arts pourrait être, dans ces collèges, restreint à certaines matières ; 3° les membres et professeurs des collèges affiliés jouiraient, jusqu'à une époque déterminée, du privilège d'obtenir des diplômes de Maître es Arts sans examen préalable, pourvu qu'ils eussent été employés 5 — xxxiv — pendant huit ou dix ans, soit comme préfets des études, soit comme professeurs d'une classe de philosophie ou d'une classe d'humanités. Ces conditions auraient été acceptées par les séminaires de Sainte-Thérèse et de Québec ; mais l'Université-Laval différa l'affiliation de ces deux institutions, jusqu'à ce que les autres collèges eussent fait connaître leurs vues. Un autre mode, qui ne suppose pas l'affiliation, fut proposé par l'Université. Tout jeune homme, dans quelque collège qu'il eût fait ses études, pourrait être inscrit comme élève, et même parvenir au degré de Bachelier es Arts, en subissant un double examen écrit, le premier sur les matières qui précèdent la Philosophie, et le second sur les sciences qui s'enseignent durant, les deux dernières années du cours d'études. Toutes les compositions, scellées et signées d'un pseudonyme, auraient été examinées et appré- ciées par des jurys composés d'officiers ou professeurs des différents collèges de la province dans lesquels on fait un cours complet d'études classiques. Ces officiers ou professeurs auraient été désignés au Recteur par les chefs de leurs collèges. Ce projet favorisait également tous les jeunes gens de la province, et n'accordait aux élèves du Petit Séminaire de Québec rien de plus qu'aux autres. En invitant les mem- bres et professeurs des autres collèges à faire partie des jurys, on voulait prévenir tout soupçon de partialité. Enfin, dans le choix des matières, on se bornait à celles qui font nécessairement partie d'un cours d'études classiques. Ces matières n'étaient indiquées dans le projet que d'une manière générale, d'abord parce qu'avant de descendre aux détails, il fallait convenir du fond des choses, et, en second lieu, parce que l'on pensait laisser ainsi plus de liberté à chaque institution dans les méthodes à employer. Ces examens auraient été de véritables concours, très-propres à faire naître une puissante émulation. Enfin l'Université se montrait disposée à accorder aux officiers et professeurs des collèges qui auraient fait ainsi concourir leurs élèves, les degrés de Maître es Arts et même de Docteur, sans autre condition que celle d'avoir rempli, durant un certain temps, les charges de préfet des études ou de professeur des hautes classes d'huma- nités ou de philosophie (1). Voilà, en peu de mots, le plan proposé par l'Université-Laval, pour parvenir, sinon à l'affiliation, du moins à quelque chose d'équivalent, sans nuire en rien à l'indépen- dance absolue des collèges, tout en procurant à leurs élèves les avantages d'une affilia- tion régulière. Ce projet, exposé à Mgr. l'Archevêque, fut par lui communiqué à tous les évêques de la province, qui en firent part aux chefs des collèges de leurs diocèses. Dans une lettre à Mgr. Bourget, en réponse à quelques questions sur ce projet, M. Casault disait à ce prélat, le 24 avril 1854 : « Il nous semble que la première chose à faire est de se rencontrer et de tâcher de se comprendre. Pour nous, Monseigneur, (1) Nos. XXXII, XXXIII, p. 21, 23. — XXXV — nous sommes toujours disposés à adopter un plan agréable à la majorité de nos maisons d'éducation, pourvu qu'il soit propre à produire le bien que nous avons en vue, sans trop d'inconvénient pour nous. Nous n'avons aucun désir quelconque de nous immiscer dans les affaires d'autrui ; bien conduire les nôtres est déjà une tâche assez forte pour nous. Mais les membres des collèges doivent concevoir que, s'ils veulent des privilèges, ils doivent offrir des garanties que ces privilèges seront toujours mérités. « Il est à remarquer, Monseigneur, qu'en cette matière, on ne saurait guère trouver des exemples ailleurs : car, si l'on y voit des collèges affiliés à des universités, la dépendance des premiers est une condition d'existence qui leur a été imposée ou par les lois ou par la volonté de leurs fondateurs ; au lieu qu'ici, tous nos établissements sont et doivent rester indépendants. « Pourtant il existe une université dont la position n'est pas très-différente de la nôtre : c'est celle de Londres. Elle n'exerce aucune autorité sur les collèges qui lui sont affiliés ; mais aussi elle n'accorde à leurs élèves que le privilège de pouvoir se pré- senter à l'examen. » Toutes ces avances de la part de l'Universjté-Laval auraient été acceptées par le Séminaire de Sainte-Thérèse (1) et par le Collège de l'Assomption (2). Seulement, ce dernier demandait que les matières d'examen fussent déterminées sur l'avis des membres de chacune des maisons dont les élèves seraient admis au con- cours. Le Collège Masson, sans donner aussi clairement son adhésion au reste du projet, exprima la même demande (3). Le Collège Sainte-Marie de Montréal « penchait pour ne pas donner (au projet d'exa- men) une apparence trop sévère et trop difficile pour le nombre et la durée des épreuves. » Cependant tout devait « dépendre de la manière dont les législateurs interpréteraient la loi. En de si bonnes mains elle ne pouvait que tourner à la gloire de Dieu et à l'honneur du pays (4)."» Le Séminaire de Nicolet déclara n'avoir, pour le moment, ni objections, ni sugges- tions, ni réflexions à faire. Il ne nous parvint aucune réponse du Collège de Saint-Sulpice. Le Collège de Sainte-Anne regarda le plan proposé comme tout à fait incompatible avec l'indépendance des diverses maisons d'éducation (5). Enfin le Collège de Saint-Hyacinthe formula contre le projet plusieurs objections (6), auxquelles nous pensons avoir répondu dans une autre partie de ce Mémoire ; elles ont pour objet les examens du Baccalauréat es Arts. L'ensemble de cesréponses fait voir clairement que le Projet de Résolutions (7), pro- (1) No. XL, p. 29. (2) No. XXXV, p. 26. (3) No. XXXVI, p. 27. (4) No. XXXIV, p. 25. (5) No. XXXVII, p. 27. (6) Nos. XXXVIII, XXXIX, p. 28, 29. (7) No. XXXIII, p. 23. — XXXVJ — posé par l'Université-Laval, était loin de rencontrer l'approbation de tous les collèges. Des aveux, des objections, un petit nombre de suggestions, des craintes, tout laissait entrevoir que l'on devait s'attendre, sinon à une vive opposition, du moins à une neutra- lité peu encourageante. Cependant, pour être fidèle à sa promesse au gouvernement, l'Université devait entrer en opération le plus tôt possible. Le Projet de Résolutions fut discuté, ainsi que toutes les objections auxquelles il avait donné lieu, et, après avoir subi quelques modi- fications, fut adopté provisoirement le 20 juin 1853. On ne voulut point s'arrêter à une mesure définitive, pour prouver que l'on n'avait point de parti pris, et que l'on était prêt à accepter tout plan agréable à la majorité des maisons d'éducation, pourvu que ce dernier fût compatible avec les vrais intérêts de l'Université (1). En 1855, après plus de deux années d'attente, l'Université-Laval vit bien qu'il s'écoulerait probablement encore un temps assez long, avant d'arriver à une entente avec la majorité des collèges ; mais, pour ne pas priver leurs élèves de l'avantage de suivre les cours, elle accorda provisoirement l'Inscription, sans examen, à tous ceux qui présenteraient un certificat d'études complètes, faites avec succès, dans un collège classique. Mais quels sont les collèges classiques ? L'Université n'a pas voulu elle-même faire cette démarcation ; elle prit, sans en approfondir le mérite, la liste adoptée par M. le Surintendant de l'Instruction Publique, en y ajoutant le Collège de Montréal. Ainsi les élèves des collèges de Montréal, de Nicolet, de Saint-Hyacinthe, de Sainte-Thérèse, de Sainte-Anne, de Sainte-Marie de Montréal, et de l'Assomption, peuvent obtenir l'Inscrip- tion sur un simple certificat de leurs supérieurs respectifs. L'Université espérait, par cette faveur, mettre les facultés de Droit et de Médecine en état de rendre service à un plus grand nombre de jeunes gens. Cepefldant, en 1858, elle ne comptait qu'un bien médiocre accroissement dans le chiffre de ses élèves. Seulement, quelques élèves de Sainte-Anne, de Saint-Hyacinthe, de Sainte-Marie de Montréal et de Sainte-Thérèse, se présentèrent aux examens, la plupart avec un succès qui aurait dû en encourager d'autres ; mais le nombre en diminua, au lieu d'augmenter. D'où pouvait venir ce peu d'empressement de la jeunesse canadienne à fréquenter un établissement fondé pour elle, et qui, ce nous «emble, n'avait rien négligé pour se rendre digne de sa confiance? On en assigna plusieurs causes, dont la principale était la nature des qualifications exigées par l'Université pour être inscrit comme élève en Droit et en Médecine. Il faut en effet avoir suivi un cours complet et régulier d'études classi- ques dans un des collèges nommés plus haut. Par là se trouvent exclus ce grand nombre de jeunes gens qui embrassent une profession avec un commencement d'études seulement. Tant que la loi n'aura pas obvié à ce mal, le seul remède sera la force de l'opinion pu- blique. En attendant des jours meilleurs, l'Université, toujours désireuse de soustraire les (1) No. XLIX, p. 40. — xxxvij — jeunes gens aux dangers qu'ils courent pendant leur cléricature, a d'abord permis au Recteur d'accorder, non pas l'Inscription, mais la simple permission de fréquenter les cours pendant deux ans, à ceux qui auraient été admis légalement à l'étude du Droit et de la Médecine. Pour eux, le prix des cours fut augmenté de $12 par année, Mais, afin de les encourager à se mettre en-état de subir les examens de l'Inscription, et par conséquent à compléter ce qui pouvait manquer à leurs études, on leur promit que, s'ils se faisaient inscrire régulièrement avant l'expiration des deux années, ou moins de trois mois après, tout le temps qu'ils auraient suivi les cours sans être élèves, leur serait compté comme s'ils l'eussent été, lorsqu'il s'agirait pour eux de demander les diplômes. Un peu plus tard, il fut question de prolonger au-delà de deux ans cette permission de suivre les cours. La demande fut refusée par rapport aux étudiants en Droit, afin qu'ils ne pussent pas se prévaloir d'un certificat de cours complet et régulier de Droit suivi dans la faculté, pour obtenir l'avantage d'être admis à la pratique après trois ans d'étude seulement : on veut réserver ce privilège à ceux-là seuls qui auront fait un cours complet d'études classiques et pris une Inscription régulière. Cette détermination, si conforme d'ailleurs à l'esprit de la loi, n'a rien d'injuste envers ces jeunes gens, qui, en suivant l'ordre voulu par la loi, peuvent toujours parvenir à la profession d'avocat ou de notaire, sans même suivre de cours. D'un autre côté, il semble juste et convenable de réserver tous les pri- vilèges aux jeunes gens qui auront cultivé plus longtemps leur intelligence dans un collège et se seront conformés à toutes les règles pour se faire inscrire, Quant à la Médecine, la position faite par la loi aux étudiants est tout autre. La loi exige impérieusement qu'il aient suivi certains cours déterminés, sans lesquels il leur est impossible d'obtenir la permission de pratiquer comme médecin. Il fallait donc absolument que les étudiants non inscrits allassent dans une autre institution suivre les cours qui n'avaient pu leur être donnés durant les deux années qu'ils avaient passées ici. On crut qu'il valait encore mieux paraître favoriser ces jeunes gens, bien qu'ils n'aient point fait d'études classiques, que de les exposer aux dangers que courent leur foi et leurs mœurs, quand ils ne sont soumis à aucune surveillance. On leur permet donc de continuer toutes leurs études médicales ; mais ils ne peuvent prétendre à aucun diplôme universitaire. Bien que plus favorisés, en apparence, que les étudiants en Droit, ilsnesont pas cependant, vis-à-vis de l'Université, dans une condition plus avanta- geuse. Toutefois, on ne leur fait en cela aucune injustice, puisque, en subissant les examens devant le bureau provincial, ils peuvent parvenir également à la pratique de la médecine. Par cette nouvelle concession, l'Université-Laval ouvre donc ses cours à tous les jeunes gens à qui la loi permet d'étudier le Droit et la Médecine. Elle ne leur accorde, il est vrai, les honneurs académiques qu'après leur avoir fait subir des examens ; mais qui aurait le courage de s'en plaindre ? Tous peuvent profiter de l'enseignement : — xxxviij — pourquoi* donc en est-il un si petit nombre qui le veulent? Nous ne leur demandons qu'un certificat de bonne conduite, pour les admettre : qui oserait dire qu'il est de trop? Non, il y a d'autres causes que la sévérité de nos règlements, qui tiennent nos jeunes gens dans un fâcheux éloignement de notre université. Une des principales, c'est la gêne considérable où sont jetés beaucoup de parents, qui, après avoir sacrifié une partie de leurs revenus à donner l'éducation classique à leurs enfants, trouvent bien pénible de payer encore une pension assez élevée, durant trois ou quatre autres longues années. Le seul remède à cet étal précaire, c'est la fondation de bourses et de demi-bourses en faveur des élèves peu fortunés, mais bien méritants. Aussi le Séminaire de Québec a-t-il cru devoir accorder, dès les commencements de l'Université, quelques demi-pensions à un certain nombre de jeunes gens, et il peut actuellement disposer de vingt demi-bourses, qu'il continuera pendant quelques années. Comme son intention est de favoriser les bonnes études, les seuls élèves ont droit à ces largesses ; ceux-ci peuvent y participer dans l'ordre suivant : 1° les Bacheliers es Arts ; 2° les élèves inscrits après examens; 3° les élèves inscrits sur un certificat de leur supérieur. (Remarquons ici que les élèves du Petit Séminaire de Québec doivent nécessairement se trouver dans l'une des deux premières catégories, et sont exclus de la troisième.) Espérons que la générosité du Sémi- naire trouvera des imitateurs parmi les personnes aisées et amies des études sérieuses. Deux autres faveurs ont été accordées aux Bacheliers es Arts, qui conservent les quatre-cinquièmes de la somme totale de leurs points. Ils peuvent 1° concourir pour le prix du Prince de Galles (au moins £12 donnés en argent); 2° suivre gratuitement les cours d'une des facultés, tant qu'ils obtiennent la note très-bien aux examens qui se font à la fin de chaque terme. Les candidats, de quelque collège ou de quelque partie du pays qu'ils viennent, peuvent aspirer à ces lucratifs honneurs. Voilà donc ce qu'ont fait jusqu'ici, et l'Université-Laval, pour permettre aux collèges de partager les avantages de sa charte, et le Séminaire de Québec, pour soutenir et encourager, selon la mesure de ses ressources, le nouvel établissement. Revenons aux collèges. II y eut peu de correspondances écrites entre eux et l'Uni- versité, après les réponses officielles faites, en 1853, à l'occasion du projet relatif au Baccalauréat es Arts (1). Seul le Séminaire de Sainte-Thérèse demanda l'affiliation pure et simple, telle que nous l'avons exposée plus haut (2), et se montra animé du zèle le plus désintéressé pour arriver à un accord favorable à la religion et aux études. Du reste, quelques explications verbales, quelques pourparlers, généralement sans carac- tère officiel : voilà tout ce qui remplit, durant cinq années, l'histoire des rapports de l'Université avec les autres maisons d'éducation. Enfin, en 1858, il se tint à Montréal une assemblée des directeurs des collèges du diocèse. Cette assemblée n'a laissé ni résolution, ni procès-verbal qu'on puisse discuter. (1) Voir p. xxxv. (2) Voir p. xxxiij. —- XXXIX — L'Université-Laval ne fut point invitée à y envoyer de représentant ; elle ne fut pointmise en demeure d'y faire valoir ses plans et ses raisons. Tout ce que nous savons sur le ré- sultat de cette réunion, c'est que le plan proposé par l'Université a éprouvé une opposition extrême. Cest Monseigneur de Montréal qui nous l'apprend dans une lettre du mois de février, 1862. Cependant une lettre de MM. les Directeurs du Séminaire de Nicolet à Mgr. Cooke (1), en date du 8 octobre 1859, jette quelque jour sur la détermination finale de cette assemblée. Cette lettre, à laquelle nous avons déjà fait allusion et qui n'avait point pour but de rendre compte de l'assemblée, a été écrite en réponse à trois lettres importantes adressées par M. Casault, alors Recteur, à Monseigneur de Tloa, administrateur du diocèse de Québec, au commencement de juin 1859. M. Casault, après avoir exposé ce qu'a fait 1 Université jusque-là, et après s'être plaint du peu d'encouragepient qu'elle reçoit, demande à Sa Grandeur des conseils sur la conduite à prendre à l'avenir, et désire aussi connaître l'opinion des autres évêques de la province (2). « Voici, disent les Messieurs de Nicolet, les trois modes qui furent examinés pour les épreuves des candidats : «1° Etablir un seul bureau d'examinateurs à Québec, où les élèves iraient subir leurs examens. «2° Etablir un bureau ambulant, ou qui enverrait ses députés faire subir les épreuves préparées par lui, aux élèves des divers collèges. «3° Enfin établir un bureau d'examinateurs dans chaque collège, lequel donnerait les garanties convenables, et serait sous la surveillance de l'évêque diocésain. Ce bureau ferait subir les épreuves qu'il jugerait à propos sur les matières exigées par le programme de l'Université, et donnerait des certificats valables pour le diplôme de Bachelier es Arts. « Qu'il nous suffise de dire que le premier de ces plans est sujet à de tels inconvé- nients que Monsieur le Recteur lui-môme y a renoncé, et que l'Université de Londres, d'après son témoignage, a été forcée de l'abandonner. « Le second paraît aussi rencontrer de graves difficultés, dont Monsieur Granet, Supérieur du Séminaire de Montréal, a signalé quelques-unes, qu'il avait été à portée d'apprécier en France. Ce monsieur, ainsi que la plupart des autres, était si con- vaincu des embarras que rencontre un tel système, qu'il était bien décidé à ne point l'adopter. « Le troisième, seul, leur paraissait praticable. C'est aussi, Monseigneur, dans notre humble opinion, celui que nous croyons le plus propre à atteindre le but vers lequel on tend, et que nous préférerions de beaucoup voir adopter. Monsieur le Rec- teur lui-même ne paraît pas être opposé en principe à ce système, puisqu'il admet que ri) No. LUT, p 56. (2; Nos. L, Ll, LU; p. 43-50. — xl — certains collèges lui paraissent bien offrir toutes les garanties nécessaires pour assurer l'efficacité des épreuves. La plus grande difficulté qu'il paraît y voir serait dans la classification à établir, pour ne point admettre ceux dont'les études ne seraient pas assez complètes. C'est là une difficulté sérieuse, nous en convenons ; cependant Monsieur le Surintendant de l'Education l'a vaincue, pour arriver à une répartition équitable des secours pécuniaires qu'il est chargé de distribuer. Pourquoi donc serait-il impossible de la surmonter dans une circonstance analogue ? Sans doute c'est un obstacle moins grand que ceux que l'on rencontre dans les deux premiers plans, et qu'il nous serait trop long de signaler ici. » Voilà du moins qui est clair et précis, et il est à regretter que tous n'aient pas par- lé d'une manière aussi explicite. L'entente aurait fini par s'établir entre personnes qui, de bonne foi, disent de part etd'aujre ce qu'elles veulent ou ne veulent pas. Nous n'avons jamais exigé que nos idées seules fussent acceptées. Nous demandons seulement à n'être point condamnés sans appel et sans avoir été entendus. Or c'est ce qui a eu lieu à la réunion de Montréal, où notre procès a été instruit, sans que nous ayons eu d'a- vocat officiel pour plaider notre cause. Cependant les Messieurs de Nicolet « ne com- prennent point » les reproches adressés par M. le Recteur «aux membres de cette assemblée, puisqu'elle avait été convoquée par Mgr. de Montréal (1). » Il n'y a rien dans la lettre de M. Casault (2) qui indique que le reproche s'adresse aux membres de l'as- semblée ou à quelqu'autre personne nommément. M. Casault, comme Recteur de l'institution dont on discute les actes, se plaint seulement que celle-ci n'ait pas été mise en demeure de s'expliquer. Citons : «Je le dirai franchement, Monseigneur, dans une affaire de cette importance et après tout ce que nous avions fait, on aurait pu au moins se donner la peine de nous entendre et de nous réfuter. Nous n'avons jamais demandé aux autres collèges ni dépendance, ni affiliation de leur part ; tout ce que nous voulions, c'était cette bonne entente........» Encore une fois, qu'y a-t-il là de difficile à comprendre ? nous n'y voyons, pour notre part, qu'une chose bien naturelle. Nous insistons sur cette observation. La lettre des Messieurs de Nicolet renferme plusieurs passages où l'on a modifié un peu le sens de certaines phrases de M. Casault, involontairement sans douté, mais cependant de telle sorte qu'après la lecture de ce document, on reste sous la fâcheuse impression que M. Casault avait, non-seulement trop de sentiments d'autocratie, mais encore des idées que le simple bon sens rejette. Si de semblables idées se trouvaient dans les écrits de notre premier et illustre Recteur, nous serions prêts à les reconnaître et à les déplorer ; mais, de grâce, qu'on ne les y mette pas, lorsqu'elles n'y seront point ! C'est la seconde observation de ce genre que nous avons occasion de faire, et nous pourrions relever encore d'autres inexactitudes. Monsieur Casault, dans sa lettre du 1er juin 1859 (3), à Monseigneur Baillargeon,faitre- (1) No. LUI, p. 55. (2) No. LU, p. 51. (3) No. L, p. 45. — xlj — marquer que « bien des collèges ne regardent pas de si près à leur indépendance, quand il s'agit de recevoir quelques centaines de louis du gouvernement, et qu'ils se soumet- tent pour cela à des choses beaucoup plus gênantes que celles que nous demandions d'eux. » Comment ces paroles sont-elles interprétées par les Messieurs de Nicolet ? Ils disent que M. Casault regarde « comme une soumission déshonorante l'acceptation de l'aide du gouvernement en faveur des maisons d'éducation classiques. » Ils disent que M. Casault « porte, contre les collèges qui en avaient agi ainsi, la grave accusation d'a- voir vendu leur liberté. » Il suffit, croyons-nous, de mettre en regard, ces deux versions, pour faire voir combien on a détourné de leur vrai sens les paroles de M. Casault. Dans un autre endroit de sa lettre, M. le Recteur fait observer quela jeunesse, libre de toute surveillance dans nos villes, ne se perdra pas seule, mais finira par perdre le pays tout entier, et demande ensuite à Monseigneur si, à la vue de ce danger, l'Univer- sité peut attendre encore un arrangement qui recule sans cesse, « ou si, ne comptant que sur elle, et sans se préoccuper du résultat que sa conduite pourrait avoir pour d'autres établissements, elle ne doit pas prendre immédiatement le parti de remédier à un si grand mal, selon la mesure de ses forces. » Quel est le sens naturel de ces paroles ? Ecoutons d'abord l'interprétation des Mes- sieurs du Séminaire de Nicolet. Après avoir dit qu'ils ont encore confiance dans une entente prochaine, « Toutefois, ajoutent-ils, si la chose venait à manquer, nous voyons avec peine que M. le Recteur serait décidé à prendre des mesures qui mettraient les collèges et les jeunes gens qui en sortiraient, dans une position encore plus désavantageuse vis-à-vis de l'Université. Quoi ! parce que les chefs des diverses institutions classiques du Bas-Canada n'auraient pas cru dans l'intérêt des établissements qui leur sont confiés, d'accepter un arrangement qu'ils auraient trouvé trop onéreux, faudrait-il que, de dépit, on tentât d'amener la décadence des collèges canadiens, et qu'on voulût employer à cet effet une institution qui devait en être le complément et la protectrice bienveillante ? Non ! nous ne pouvons le croire, et nous aimons à nous persuader que nous n'avons pas bien saisi la pensée de ce monsieur. Non ! jamais l'Université n'adoptera de mesure qui mettrait les jeunes gens dans la dure nécessité de laisser leurs collèges avantlafinde leur cours d'étude, sous peine de se voir fermer la porte des cours universitaires. Nous ne craignons pas de le dire, une mesure aussi extrême ne pourrait que tourner au détri- ment de ceux qui y auraient eu recours.» (C'est nous qui avons souligné certains passages.) Evidemment, les MM. de Nicolet ont raison de dire qu'ils n'ont pas bien saisi la pensée de M. le Recteur ; ils ont dû croire que l'on voulait ressusciter ici les difficultés qu'éprouvaient les petits séminaires, en France, au temps de Louis-Philippe, où les lycées seuls du gouvernement pouvaient prétendre aux honneurs académiques. L'in- tention de l'Université, dont M. Casault était l'interprète, ne pouvait être de fermer la porte des cours universitaires, puisqu'il s'agissait d'y laisser passer le plus grand nombre d'élèves possible. Etait-ce d'ailleurs vouloir ladécadence des colléges,q\ie de chercher, v. g. 6 -xlij- à communiquer une vigueur nouvelle à ceux qui se montraient bien disposés en faveur de l'Université ? Non ! le dépit n'a jamais été le mobile des actes de M. Casault ; seulement il voulait ardemment le bien, et pensait que, pour y arriver, il faut en prendre les moyens. Quelle était donc la véritable pensée de l'illustre Recteur de l'Université ? Elle ne peut se trouver que dans le commentaire suivant: Les étudiants se perdent dans les villes, lorsqu'ils sont sans surveillance ; ils sont surveillés chez nous, mais y viennent en petit nombre. Devons-nous attendre encore, en laissant subsister le mal, ou bien allons-nous essayer de le diminuer en attirant les jeunes gens à l'Université ? Ceci peut se faire de plusieurs manières : nous pourrons fonder un certain nombre de bourses ; nous pourrons peut-être engager par là des personnes haut placées à en fonder d'autres ; nous pouvons augmenter tellementles avantagesde notrecours d'études que les jeunes gens, venant chez nous de préférence, se trouvent naturellement acheminés vers l'Université. Nous devrons sans doute augmenter pour cela nos dépenses ; mais au moins les ferons- nous servir à un résultat qui cessera d'être insignifiant. Il est bien vrai que cette ligne de conduite pourra avoir pour conséquence d'enlever des élèves aux autres institutions : sera-ce notre faute ? « Du reste, nous ne voulons rien faire que d'après l'avis de notre évoque, et nous serions très- heureux d'avoir sur cette importante affaire, l'opinion de NN. SS. les évêques du Bas-Canada. » On admettra, dans tous les cas, que le danger n'était point pressant, puisque la mesure extrême était soumise à l'approbation de l'épis- copat canadien. Après nous être permis cette digression, qui touche à la question que nous traitons dans ce chapitre, nous allons examiner le projet jugé seul praticable par les chefs des collèges réunis à Montréal, en 1858; nous le ferons précéder d'un autre avec lequel il a beaucoup d'analogie. Deux collèges ont exprimé l'opinion que l'Université devrait donner à nos principaux établissements d'éducation le pouvoir d'accorder eux-mêmes le Baccalauréat es Arts à ceux de leurs élèves qu'ils en jugeraient dignes (1). Disons-le franchement : comme les diplômes n'ont de valeur morale qu'en pro- portion de l'idée attachée par le public aux épreuves subies pour les obtenir, le mode suggéré nous paraît propre uniquement à leur ôter toute importance. Par la force même des choses, le Bachelier es Arts, en supposant que l'Université accorde un sem- blable pouvoir, cessera bientôt d'être, aux yeux du public, le gradué de l'Université, et deviendra le gradué de tel ou tel collège ; et, de même que l'on fait entre les établis- sements des comparaisons odieuses et souvent injustes, l'on en fera aussi entre leurs gradués. Au commencement, dans les collèges qui ont un cours d'études bien organisé les épreuves seront sérieuses ; mais qui répondra de l'avenir ? Nécessairement chaque collège voudra se distinguer par le nombre de Bacheliers qu'il fournira chaque année : c'est un désir louable et que personne ne peut blâmer. Mais aussi, insensiblement, (1) No. L, p. 45. — xliij — et surtout dans les années de disette, on se relâchera de sa ferveur primitive ; les épreuves seront de moins en moins difficiles ; le pays sera inondé de Bacheliers, gradués au nom de l'Université-Laval, et celle-ci se sera dépouillée irrévocablement du droit de remédier au mal. Il arrivera donc que souvent le diplôme de Bachelier es Arts n'aura plus, ni en réalité, ni aux yeux du public, la valeur même d'un certificat de bonnes études. Dans ce plan, l'on se prive nécessairement des avantages d'un con- cours commun, si propre à exciter l'émulation et par là même à rendre la tâche des professeurs plus facile et plus agréable. Enfin où trouvera-t-on, dans le monde civilisé, un exemple d'une université cédant ainsi à d'autres établissements, même affiliés, le droit d'accorder certains degrés, ne serait-ce que le Baccalauréat ? L'Université de Londres n'accorde aux collèges qui lui sont affiliés, que le droit de présenter leurs élèves aux*examens ; c'est elle qui règle d'une manière absolue tous les détails de ces derniers. En France, lorsque l'on eut conquis la liberté d'enseignement, après la ré- volution de 1848, les séminaires et collèges indépendants regardèrent comme une grande faveur de pouvoir, aussi bien que les lycées du gouvernement, présenter leurs élèves aux examens du Baccalauréat. Dans les nombreuses et si vives discussions sus- citées par la grande question de la liberté d'enseignement, il n'est jamais venu à l'idée de personne de demander pour les séminaires le droit d'accorder le Baccalauréat, bien que ce degré soit nécessaire pour la plupart des carrières : ce que l'on demandait, c'é- tait la faculté de pouvoir concourir, sans être obligé d'étudier dans les collèges de l'Uni- versité. Il est vrai que les circonstances locales pourraient peut-être exiger ici une rupture avec toutes les traditions universitaires. Supposons donc qu'il soit nécessaire d'ac- corder aux collèges, tout en leur laissant une entière indépendance, le privilège de donner les degrés. Tous conviennent qu'il faut tâcher de prévenir les abus. Eh bien, pour y obvier, que fera-t-on ? Le supérieur d'un collège a proposé de fournir au Recteur une double garantie: 1° lui envoyer, après la correction faite par les jurys des collèges, les devoirs des can- didats pour les soumettre à son examen ; 2° lui assurer le droit de veto sur les diplômes proposés par chaque collège. A nos yeux, ce système est impraticable, et une telle garantie serait nulle. D'a- bord voudrait-on obliger le Recteur à refaire lui seul la correction des devoirs de tous les candidats? car, pour être sérieux, le droit de veto ne pourrait s'exercer qu'en pleine connaissance de cause, et, si l'on envoie au Recteur tous les manuscrits, c'est apparem- ment pour qu'il les examine. Mais, supposé que le Recteur, aidé si l'on veut par ceux qu'il appelle/a à son secours, ait revu, avec le soin convenable, toutes ces compositions, et qu'il découvre, dans quelque cas particulier, une grave erreur : à quelles réclama- tions, à quels soupçons, à quelles plaintes ne donnerait pas lieu l'exercice pratique du droitde veto l Quel est le Recteur qui oserait jamais refuser un diplôme à un candidat — xliv — présenté par un de ces collèges qui jouissent d'une réputation honorable et méritée ? Un premier refus de ce genre, môme à l'égard d'un collège moins en réputation, ne serait- il pas le signal d'une dislocation partielle et bientôt complète d'un rouage fondé, après tout, sur un principe de liberté absolue ? Ce système est donc en réalité dépourvu de toute garantie. Le plan proposé à l'assemblée de Montréal, et admis comme seul praticable dans la lettre des Messieurs de Nicolet (1), ne diffère que par une nuance, de celui que nous venons de discuter. On veut établir, dans chaque collège présentant des garanties convenables, un bureau d'examinateurs, qui n'accorderait pas précisément le diplôme de Bachelier es Arts, mais qui donnerait des certificats valables pour ce diplôme. Comme on le voit, l'Uni- versité ne semblerait pas se départir de son privilège d'accorder les grades ; mais on comprend que la pratique conduirait au même résultat. Dans le premier plan cepen- dant, chaque collège ferait des Bacheliers, sans doute ; mais au moins ce serait à son propre compte : dans le second, le Recteur de l'Université aurait à signer, les yeux fermés, des diplômes à tous les jeunes gens porteurs de certificats sans appel. L'Uni- versité, ne faisant aucune différence entre les diplômes de tous les candidats, se trouve- rait à les prendre tous sous sa responsabilité propre, et elle n'aurait point d'autres ga- ranties que celles qui lui auraient été données une fois pour toutes, par chaque col- lège, au moment où il serait admis à jouir du privilège. Or quelles seraient ces garanties ? Les Messieurs de Nicolet, d'accord sur ce point, paraîtrait-il, avec l'assemblée de Montréal, admettent la nécessité d'un choix à faire entre les collèges. C'est admettre implicitement la nécessité d'un examen du cours d'études de chaque institution. Or, se soumettra-t-on à un programme tracé par l'U- niversité comme limite inférieure d'un bon cours d'études ? Mais il ne suffit pas d'un programme : une institution peut étaler un prospectus irréprochable, où toutes les sciences soient comprises, et cependant être très-faible dans son enseignement. Dans ce cas, il serait ridicule d'accorder à un collège le privilège demandé, uniquement sur la foi de son enseigne. Il faudra donc, si l'on est sérieux, pénétrer jusque dans le secret de l'organisation intérieure. Eh bien, nous le demandons, y a-t-il beaucoup d'établissements qui voulussent se plier a une semblable exigence, conséquence naturelle pourtant du système proposé ? Les Messieurs de Nicolet reconnaissent qu'il y a une difficulté sérieuse à vaincre dans la classification des collèges ; mais, disent-ils (2), « Monsieur le Surintendant de l'Edu- cation l'a vaincue pour arriver à une répartition équitable des secours pécuniaires quil est charge de distribuer. Pourquoi donc serait-il impossible de la surmonter dans une circonstance analogue ?» H y a une grande différence entre les motifs qui ont dû déterminer la classification (1) No. LUI, p. 55 et 56. (2) No. LUI, p. 56. — xlv — de M. le Surintendant, et ceux qui guideraient l'Université. Dans la distribution des secours pécuniaires, le gouvernemont ne doit pas tant considérer la force actuelle des collèges que leurs besoins et leur but. Du moment qu'une institution a l'intention de donner une instruction classique, n'est-ce pas là un motif suffisant pour que l'allocation soit en rapport avec son but ? Sa faiblesse même, état presque inséparable de tout ce qui commence, n'est-clle pas une raison toute spéciale de l'aider à remplir sa mission? M. le Surintendant n'avait donc qu'à consulter les intentions des collèges, et n'avait à leur demander rien de froissant. En réalité, ce sont les institutions elles-mêmes qui, dans leur demande de secours, se classent parmi les collèges classiques ou parmi les collèges industriels. Mais, lorsqu'il s'agit du Baccalauréat, il ne suffit plus de cons- tater les intentions et les espérances des collèges, puisque des espérances, même fon- dées, coïncideraient peut-être avec un cours actuel très-faible. Nous pouvons donc ap- prouver complètement la classification de M. le Surintendant, sans l'admettre au point de vue de l'Université. Si, comme nous, depuis sept ans que nous l'avons acceptée pro- visoirement et sans la discuter (1), les Messieurs de Nicolet avaient à écouter les plaintes, peut-être légitimes, des institutions qui se croient lésées, ils diraient sans doute avec nous : La difficulté reste tout entière : la solution serait pénible pour l'Université, et extrêmement gênante, sinon humiliante, pour les collèges. Ce second système, si simple et si facile en apparence, est.donc aussi impraticable que le premier, parce qu'il ne produirait que la mésintelligence ; or c'est la paix et l'union la plus cordiale que nous désirons. Mais supposons cette première difficulté résolue, et le choix des collèges fait à l'amiable, de manière à satisfaire parfaitement : quelles sont les garanties données pour l'avenir ? Les Messieurs de Nicolet, d'accord avec l'assemblée de Montréal, offrent de placer le bureau d'examinateurs de chaque collège sous la surveillance de l'évêque diocésain. Constatons, avant d'aller plus loin, que celte offre est, sous une autre forme, une reconnaissance explicite de la nécessité d'une garantie ; la garantie ne doit pas être seulement nominale, mais réelle. Eh bien, examinons à quoi se réduirait laserveillance episcopale. Quelles seraient les fonctions du bureau d'examinateurs de chaque collège ? Il y en aurait trois : 1° choisir les devoirs, 2° surveiller le travail des candidats, 3° faire la correction. Veut-on que l'évêque choisisse lui-même les composilions du Baccalauréat ? Non : car, malgré la science la plus incontestable, à moins de s'être occupé d'une manière toute spéciale des détails de l'enseignement, il serait sans doute moins propre à faire ce choix qu'un jeune professeur. Que pourrait-il donc faire, sinon constamment admettre le choix fait par le bureau ? Nous ne disons pas qu'il aurait tort de l'approuver ; seule- ment la surveillance episcopale serait ici complètement nulle. Veut-on, en second lieu, que l'évêque fasse lui-même les fonctions de surveillant, et soit dans l'appartement (1) Voir p. xxxvj de ce mémoire. — Xlvj — des candidats ? Evidemment non : ce serait l'exigence la plus déraisonnable, et telle n'a pu être la pensée de l'assemblée de Montréal, ni des Messieurs de Nicolet. Comment s'exercerait donc, pendant le travail des candidats, la surveillance episcopale ? Reste la correction des devoirs. L'évêque fera-t-il partie du bureau d'examinateurs ? nous ne croyons pas que ce soit là le sens du projet que nous examinons ; supposons-le cepen- dant. On sait que la correction des compositions exige une certaine pratique d'abord, puis la présence à la mémoire d'une foule de petits détails qu'on ne retient bien que lorsqu'on en fait son occupation spéciale. Serait-il raisonnable d'exiger de l'évêque diocésain une étude particulière de toutes les matières du Baccalauréat ? Et, s'il n'a. pas cette connaissance actuelle, qui ne se trouve ordinairement que dans les professeurs en exercice, à quoi se réduira la surveillance episcopale, sinon à donner son assentiment à tout ce que décideront les autres membres du jury ? Enverra-t-on les copies à l'évêque, en consentant à ne donner de certificats qu'à ceux qui auront son approbation ? C'est encore moins possible : est-ce que l'on veut obliger l'évêque à recommencer toutes les corrections ? Cette surveillance sera donc nulle dans le choix des matières, nulle pendant le travail des candidats, nulle pour la correction des compositions : elle sera nu[le par- tout. La garantie proposée est donc purement nominale et n'existe réellement, pas. Nous croyons avoir droit de conclure que les deux plans proposés sont sujets aux plus graves inconvénients pour nous, et à la gêne la plus désagréable pour les collèges, et nous avons «jouté qu'ils ne présentent aucune garantie pour l'avenir. Or n'oublions pas qu'une garantie a été jugée nécessaire par l'assemblée de Montréal, puisque c'est la plus grande et la plus respectable autorité du diocèse qu'elle fait briller aux regards pour en tenir lieu. Jetons donc encore un coup d'œil sur le plan suggéré d'abord par l'Université-Laval, et pesons avec soin les.avantages et les inconvénients qu'on y trouve. La Baccalauréat et l'Inscription ne sont que des ce.rtificats, l'un d'études faites avec succès, l'autre d'études suffisantes. Les matières de l'examen prises dans le cours d'études, supposent, il est vrai, un cours complet, mais rien de plus que ce qui s'enseigne dans la plupart des séminaires, collèges, lycées, etc. Elles ne sont indiquées que par leurs titres généraux, parce qu'un programme détaillé serait nécessairement spécial et moins favorable aux candidats ; mais il y a l'assurance formelle que les ques- tions sont générales et élémentaires. Chaque collège est donc complètement libre dans sa méthode, dans le choix des auteurs, dans la prédominence qu'il pourrait lui plaira de donnera certaines parties du cours, dans la durée des études, etc., Pourvu qu'il enseigne à ses élèves ce que tous les collèges se proposent pour but commun : le latin, le grec, la langue maternelle, française ou anglaise, et un peu l'autre, l'histoire, la géographie, la littérature, les éléments de la philosophie et des sciences. Y a-t-il là la moindre gène pour l'indépendance des collèges? Les épreuves, étant communes, devien- nent le plus puissant élément d'émulation entre tous les élèves, à l'avantage des fortes # — xlvij — études. Comme tous les jeunes gens peuvent concourir à ces examens, quels que soient le lieu et la manière dont ils aient fait leurs études, quand même ils auraient tra- vaillé dans leurs familles ou avec des maîtres particuliers, on évite la presque insurmon- table difficulté du choix des établissements. Ce ne sont pas les collèges qui sont jugés, mais les élèves ; ceux-ci sont tous placés sur le môme rang, soumis aux mômes épreuves, le môme jour partout, et jugés d'après des règles communes que les examinateurs ne peuvent pas changer. Ces examinateurs, dont trois au moins sont nécessaires pour former un jury, sonf choisis parmi les officiers, professeurs ou agrégés de l'Université et parmi les officiers ou professeurs des différents collèges de la province. Pour assurer l'impartialité de la correction, les compositions portent une fausse signature, et les noms des candidats ne sont connus qu'après la correction faite et signée. Afin d'éviter des frais aux élèves des institutions qui sont hors de Québec, il leur est permis de faire leurs compositions dans leur propre collège, sous la surveillance d'un député de l'Université ; seulement, pour éviter tout soupçon de connivence de la part de ce dernier, il doit être choisi en dehors du collège. Les compositions, mises sous enveloppes cachetées, sont apportées à Québec et jugées parles jurys, composés comme nous venons de le dire. Enfin un même jury doit corrigeriousles devoirs d'une même espèce, afin que tous les candidats soient bien pesés à la même balance. Voilà le plan proposé par l'Université pour faire participer les jeunes gens de la province aux avantages de la charte. Bien que toutes les dispositions de ce plan, comme on voit, soient motivées, nous sentons cependant le besoin d'insister davantage sur quelques-unes, et de répondre à quelques objections. Le dernier article du règlement provisoire pour le Baccalauréat était conçu en ces termes : « Les jurys devront se conformer pour les détails des examens aux règles qui seront adoptées par le conseil de l'Université ; et, quant aux matières des examens, ils ne pourront en substituer aucune à celles qui auront été déterminées par le Recteur ou par le Doyen de la faculté des Arts.» Cet article est un de ceux qui ont suscité le plus de réclamations, parce qu'il fut regardé comme attentatoire à l'indépendance des collèges. Pourtant le projet de règlement envoyé à tous les évêques et par eux transmis aux collèges, était accompagné d'une lettrede M. Casault, danslaquelle il dit (1) que la liberté des maisons d'éducation demeure intacte, chacune pouvant continuer à régler son ensei- gnement suivant les besoins de sa localité ou le but particulier qu'elle se propose, sans être gênée par le programme de l'Université. Après une déclaration aussi formelle et aussi nettement exprimée, il semble que, s'il y a quelque chose d'obscur ou que l'on ne comprenne pas bien dans le règlement, il faut l'interpréter conformément à cette déclaration, qui est claire. Eh bien, chose éton- nante ! on a fait tout le contraire : ainsi les Messieurs de Sainte-Anne commencent par interpréter le dernier article du règlement provisoire de manière à y voir une obliga- (1) No. XXXVII, page 28. — xlviij — # lion pour les collèges de renoncer à leur programme particulier; puis ils en concluent, en termes polis sans doute, mais qui n'en sont pas moins formels, que cet article ne peut pas s'interpréter par les paroles de M. Casault, et que les maisons qui veulent conserver leur liberté intacte ne peuvent se soumettre à un semblable arrangement. Cherchons donc en quoi l'indépendance des collèges se trouve compromise par l'article en question. Nous supposerons que l'on tient compte des autres articles du règlement, aussi bien que de la lettre d'envoi. Les examinateurs donc ne peuvent pas changer les matières de l'examen. La raison d'abord de cette précaution, c'est qu'il est très-important de rendre les" épreuves communes, et d'empêcher toute connivence entre examinateurs et examinés. Or la liberté des collèges sera-t-elle détruite, parce que les jurys ne pourront pas remplacer un thème par un autre, etc ? Est-ce que dans tous les collèges on ne montre pas à faire des thèmes et des versions? est-ce qu'on n'y enseigne pas l'histoire universelle, l'histoire du Canada, la géographie, les principes et l'histoire de la littérature, les éléments de la philosophie et des sciences? En quoi donc le Recteur pourra-t-il gêner l'enseignement des collèges, puisque le règlement lui fixe des limites qu'il ne peut pas dépasser? Le Recteur feu* peut-être des questions qui supposent des connaissances trop étendues. 1° Le règlement dit que non; 2° M. Casault, comme Recteur, interprète de la pensée du conseil universitaire, dit que non à plusieurs reprises et en termes les plus formels : 3° la pratique depuis huit ans dit que non. Que faire pour rassurer ? C'est pour nous une chose extraordinaire que celte persistance à ne tenir aucun compte des affir- mations les plus solennelles, les plus positives, appuyées sur des règles publiques et sur une pratique constante de plusieurs années. Mais, insisle-t-on, sans le vouloir et sans même s'en apercevoir, le Recteur, qui est toujours le supérieur du Séminaire de Québec, ne pourra s'empêcher de choisir les questions en vue du cours fait à Québec; et par conséquent, si les jurys ne peuvent en changer, il faudra bien, pour concourir, que les collèges conforment leur programme à celui de Québec. Nous n'admettons pas que ce dernier, au moins quant aux matières qui forment la base des études classiques, diffère de celui des autres collèges du Canada ou d'Europe. Quant à la méthode, aux détails de l'enseignement, chaque collège, pensons- nous, cherche et doit chercher ce qu'il y a de mieux; comme là-dessus il y une grande variété d'opinions, chacun abonde dans son sens, et n'a point tort. Le Séminaire de Québec ne fait pas exception à cet égard ; il cherche les meilleurs procédés, ou du moins ceux qu'il croit tels, et il les essaie avec le plus grand soin. Nous pouvons même affirmer qu'il n'épargne aucune peine pour que son cours d'études devienne déplus en plus fort, c'est-à-dire pour que ses élèves puissent, s'ils le veulent, bien savoir ce quU'enseigne, et subir les examens avec honneur; mais voilà tout. Comment donc le Recteur pourrait- il, par le choix de questions dont aucune ne suppose une méthode plutôt qu'une autre, obliger les collèges à changer leur cours ordinaire? Ce qui est demandé pour le Bacca- — xlix — lauréat, ce n'est pas une marche particulière, c'est un résultat. Si, par exemple, on de- mande aux candidats de démontrer le théorème du carré de l'hvpothénuse, il suffit qu'ils donnent une démonstration raisonnée,. quand même ils l'inventeraient, pourvu qu'elle conduise au but : peu importe donc la méthode usitée à Québec. Est-il nécessaire que nous répondions à l'objection de ceux qui trouvent que les élèves des autres collèges sont nécessairement dans une position d'infériorité par rapport à ceux de Québec ? Nous ne le croyons pas ; car., après tout ce qui précède, nous n'au- rions qu'à répéter ce que nous avons dit bien des fois : les questions sont générales, etc. D'ailleurs, nous pousserons la franchise jusqu'à dire, qu'il est arrivé qu'à certains exa- mens pour le Baccalauréat es Arts, le Séminaire de Québec n'a fourni aucun candidat heureux, tandis que ceux d'autres collèges obtenaient leurs diplômes. Enfiu il faut de la confiance quelque part, etn'est-il pas naturel qu'on la mette dans le chef de l'établissement? Quelques personnes ont demandé un programme détaillé, disant que les collèges sauraient à quoi s'en tenir, et pourraient préparer leurs élèves avec plus de facilité. C'est bien alors que l'on croirait son indépendance menacée. Un programme, pour n'être pas la cause d'études tout à fait superficielles, doit entrer dans les détails : il s'en suivrait donc que l'on serait en tout obligé de le suivre, et, comme il devrait embrasser tout le cours d'études, ce serait une assimilation des autres institutions avec le Séminaire de Québec. Si l'on a de la peine à accepter un choix de matières tout à fait inoffensif, que dirait-on de ce dernier projet ? Au reste comme les inconvénients d'un semblable programme sont pour les collèges plus que pour l'Université, si l'on y tenait, il suffirait de le demander pour l'obtenir. L'article du règlement provisoire qui a donné lieu aux remarques qui précèdent, dit encore que « les jurysdevront se conformeraux règles adoptées par l'Université (1). » Celte partie de l'article a pour objet le mode de correction, le détail des points affectés à chaque composition, la classification des candidats, en un mot tous les détails de l'examen. Nous avons vu que quelques collèges ont manifesté le désir que les devoirs du Bac- calauréat fussent choisis sur l'avis des membres de chacune des maisons dont les élèves seraient admis au concours. Mais, comme ce choix ne pourrait être fait que dans une assemblée préliminaire avant les examens, outre une prolongation de séjour au lieu de la correction, ou deux voyages consécutifs, n'y aurait-il pas de danger qu'un secret livré entre tant de personnes ne fût trahi, même sans mauvaise volonté ? Qu'on nous permette un petit détail d'intérieur : à Québec, le Recteur ne confie ce petit secret à aucun des membres du Séminaire, et les députés envoyés pour présider ailleurs au tra- vail des candidats, non-seulement ne savent rien, mais sont tenus de ne briser le cachet des diverses compositions qu'en présence des candidats, au commencement de chaque séance. Ajoutons que jamais les membres du Séminaire ne se sont plaints de ce secret (1) No. XXXIII, p 25. 7 gardé à leur égard : ils l'ont regardé, non comme un acte de défiance, mais comme une mesure de prudence. Que nos confrères dans l'enseignement veulent bien n'y point voir autre chose. D'ailleurs, après les longs détails dans lesquels nous sommes entrés, nous ne croyons pas que ceux qui ont formulé cette demande aient d'objection aujourd'hui à accepter les matières proposées par M. le Recteur. L'Université, pour donner aux autres des garanties d'impartialité ainsi qu'à elle- même, veut choisir les membres des jurys d'examens parmi les officiers et professeurs des collèges aussi bien que parmi les siens propres ; déjà même plusieurs professeurs du Séminaire de Sainte-Thérèse sont venus partager nos travaux d'examens. Eh bien, il n'y a pas jusqu'à cette marque de bonne volonté qu'on n'ait blâmée ; et quelle objection y voit-on ? on nous dit que les professeurs ^es collèges ne consentiront pas à perdre une partie de leurs vacances pour venir à Québec apprécier le travail des candidats. Mais rien de plus facile à résoudre. L'Université croyait en cela non-seulement donner une garantie d'impartialité, mais aussi procurer une satisfaction aux professeurs et aux élèves. Si les professeurs trouvent le sacrifice trop grand et aiment mieux s'en rapporter à l'Université, nous tâcherons de trouver du temps, et nous nous efforcerons de répondre à la confiance qu'on voudra bien reposer en nous. Ajoutons cependant que, si l'on pouvait compter sur le concours de tous les collèges, il serait facile de former autant de jurys qu'il y a de séances, et alors la besogne de chaque jury pourrait être terminée en moins de deux jours. Nous ne pouvons terminer cet article des rapports de l'Université avec les autres insti- tutions du pays, sans parler d'une demande d'affiliation, que fit, en 1860, l'Ecole Cana- dienne de Médecine de Montréal. Elle désirait le privilège d'accorder des diplômes de Licencié et de Docteur, et exempter par là ses élèves de se présenter devant le Bureau de Médecine. D'après les informations fournies à l'Université-Laval par Monsieur le président de l'Ecole Canadienne, il se trouva une très-grande différence entre la durée des cours, le nombre des leçons et celui des examens, la nature des qualifications exigées pour les degrés, dans les deux établissements ; c'eût été, croyons-nous, enlever complètement les élèves à notre faculté de Médecine, que de consentir, sans condition, à l'affiliation pure et simple de l'Ecole Canadienne. Quel élève, pouvant recevoir à Montréal le grade de Licencié ou de Docteur, avec une facilité beaucoup plus grande qu'à Québec, serait venu suivre nos cours ? Nous prions nos lecteurs de voir la lettre (1) que M. le Recteur adressa, le 9 janvier 1861, à M. le Dr. Beaubien, pour lui exposer les raisons qu'avait l'Université-Laval de refuser l'affiliation telle que demandée. L'Ecole Canadienne, invitée à faire ses suggestions pour surmonter la difficulté, n'en a encore présenté aucune. (1) No. LIV, p. 58. -Ij- IV MORALITÉ DES ÉLÈVES Après l'exposé que nous venons de faire, nous pouvons dire que notre institution offre à la jeunesse de tout le pays un enseignement en rapport avec les besoins du Canada, et un stimulant puissant pour le travail. Elle favorise toutes les maisons d'éducation, et, sans nuire à leur indépendance, leur accorde tous les avantages néces- saires pour donner un vif élan aux études sérieuses. Ces éléments fournissent la vie à la plupart des universités. Mais nous ne pouvons pas, nous, nous en contenler ; une pensée d'un ordre beaucoup plus élevé a déterminé la fondation de l'Université-Laval : il ne nous suffit pas d'instruire la jeunesse ; nous voulons surtout la conserver et la diriger au milieu des dangers auxquels elle est exposée. Si important que soit l'enseignement des lettres et des sciences, son développement sur une grande échelle serait un véritable malheur pour le pays, s'il avait pour compa- gnes la diminution de la foi et la dépravation des mœurs. Or les universités doivent être dans les centres de population : là seulement elles peuvent trouver des ressources suffisantes. Mais que d'inconvénients dans les villes pour les jeunes gens ! A part les occasions sans nombre de dissipation, qui les empêchent de se livrer aux études sérieuses et soutenues, que de périls de la part des compagnies dangereuses ! que d'habitudes vicieuses ne sont-ils pas exposés à y contracter ! Ce sont là des inconvénients inhérents au séjour des villes. Que sera-ce, si l'on y attire, par l'appât d'un enseignement relevé et des honneurs académiques, une jeunesse nombreuse, déjà instruite, dans l'âge des passions, com- mençant à jouir d'une liberté dont elle est d'autant plus jalouse qu'elle n'en voit pas les dangers ? Si l'on consulte l'histoire des universités d'Europe, on voit bien souvent leurs élèves partager tous les rassemblements populaires, fomenter toutes les discordes poli- tiques, et commencer alors, au profit de la démagogie, ce qu'ils exécuteront plus tard lorsqu'ils auront fait leur triste apprentissage. Malheureusement ce n'est là que le moindre mal : on serait encore heureux de n'avoir à redouter qu'un peu d'effervescence de la part des jeunes gens. Chercherons-nous donc à réunir autour des chaires de notre université des pha- langes serrées, au risque de fomenter une corruption de mœurs dont le venin ira ensuite se répandre sur tout le pays ? Non certes. Disons-le hautement : si nous ne pouvions qu'à ce prix donner l'instruction, il vaudrait mieux ne point travailler à éclairer notre -lij- population selon la mesure de nos forces. Un peuple peut être vertueux, et par con- séquent heureux, sans la connaissance des sciences humaines ; mais le bonheur s'en va avec le déclin des vertus. La moralité des élèves, voilà donc un point tellement important, que ce doit être, il nous semble, une condition absolue d'existence pour notre établissement. Quels seront les moyens à prendre pour la procurer ? On pourra en proposer plusieurs : une discipline sévère, punissant avec rigueur, lorsque les faits deviennent publics ; des associations religieuses et littéraires, habile- ment dirigées par l'autorité ecclésiastique, dans lesquelles les jeunes gens s'enrôlent volontairement et s'encouragent mutuellement à suivre les sentiers de l'honneur ; des instructions spéciales faites pour la jeunesse par des prêtres capables et zélés ; la dis- tribution des jeunes gens dans des familles respectables et dignes de toute confiance. Nous ne nions pas que tous les moyens énumérés ici puissent avoir le plus souvent une heureuse influence : mais, pour mieux atteindre notre but, nous avons cru néces- saire l'établissement d'un pensionnat régulier, où les étudiants soient soumis à une surveillance, sinon semblable, au moins analogue à celle des collèges. Telle a été, dès le commencement, l'opinion bien arrêtée du Séminaire de Québec ; aussi son pre- mier soin, avant même de terminer les grands édifices destinés à l'enseignement, a été de faire construire un vaste bâtiment pour le logement des élèves. Bien que la plupart des lecteurs de ce mémoire aient été à même de juger person- nellement la manière dont les jeunes gens sont traités au pensionnat de l'Université- Laval, nous ne croyons pas inutile de dire quelques mots sur les idées qui ont présidé à l'arrangement matériel de l'édifice, aussi bien qu'au règlement disciplinaire de la com- munauté. Disons d'abord que l'Université exige que tous les étudiants qui ne demeurent point chez leurs parents, ou chez des personnes qui leur en tiennent lieu depuis plusieurs années, logent dans un pensionnat spécial établi par le Séminaire de Québec. A part cette obligation imposée aux élèves par l'Université, celle-ci n'a plus rien à faire avec le pen- sionnat, qui est entièrement sous le contrôle du Séminaire de Québec. Aussi esjt-ce improprement qu'on dit le Pensionnat de l'Université. Sans doute les pensionnaires sont tenus, comme les externes, d'obéir aux règles de l'Université, et la discipline du pen- sionnat ne devra point leur être contraire ; mais, pour le reste, c'est le Séminaire de Québec seul qui a la charge et la direction du pensionnat. Aussi cette dernière fonction n'est-elle pas une fonction universitaire. Comme ceux qui habitent le pensionnat doivent, dans-un avenir assez prochain, occuper un rang élevé dans la société, il est bon qu'ils commencent à prendre ce respect extérieur d'eux-mêmes qui devra les accompagner partout, lorsqu'ils auront cessé d'être élèves. Pour atteindre ce but, il ne faut pas sans doute leur donner des idées de luxe, ni les habituer à un régime qu'ils ne seront peut-être pas en état de continuer plus tard ; mais aussi est-il à propos de leur donner comme un avant-goût d'un établissement qui, pour être modeste, ne laisse pas d'avoir ses petits attraits. Le Séminaire a, dans cette pensée, essayé de donner tout le comfort que l'on peut attendre de la modicité du prix de la pension. L'article de la nourriture, qu'il est si difficile de remplir, n'excite, croyons-nous, aucune réclamation de la part de nos élèves. La discipline a un double but : favoriser le travail, et sauvegarder les mœurs. Les pensionnaires ont la liberté d'aller en ville tous les jours, durant la récréation du midi, et les jours de dimanche et fêtes d'obligation, depuis le déjeuner jusqu'à 5 heures trois quarts de l'après-midi, le temps des offices et du goûter non compris. Quant aux sorties du soir, elles ne s'accordent que bien rarement, pour plusieurs raisons. Dans notre société actuelle, où, paraît-il, on a le temps de dormir pendant le jour, on a pris l'habitude de commencer les veillées à 9 heures du soir, pour les terminer le lendemain. Irons-nous consentir à ce que nos jeunes gens, qui n'ont pas la permission de rester oisifs le jour, parce que l'ouvrage presse, "aillent se fatiguer en pure perte et sans compensation ? ce serait de la cruauté. Disons ici cependant, à la louange d'un certain nombre de bonnes familles québéquoises, que plusieurs d'entre elles veulent bien, en faveur de nos élèves, et pour s'accommoder aux nécessités de l'étude, faire non pas des soirées d'apparat, mais de ces bonnes soirées de famille d'au- trefois, qui, pour commencer et finir à des heures commodes, n'en sont peut-être que plus joyeuses et plus cordiales. Les directeurs du pensionnat ne sont point opposés à ce que leurs jeunes gens paraissent quelquefois dans des. sociétés de ce genre, pourvu cependant que cela ne soit pas répété trop souvent : car, de l'aveu même de plusieurs élèves qu'on ne peut nullement soupçonner d'exagération, ces veillées elles-mêmes lais- sent dans leur imagination tant de causes de distraction, que souvent une journée entière ne suffit pas pour les dissiper, et que, par suite, l'étude en souffre notablement. Cet article du règlement est celui qui a suscité et suscite encore le plus de réclama- tions. Cependant, comme le Séminaire à montré que, sur ce point aussi bien que sur le reste, sa détermination était bien arrêtée, l'ordre et la discipline ont toujours prévalu dans l'établissement. Nous ne prétendons pas toutefois empêcher tout le mal. La loi elle-même est un peu contre nous : elle oblige chaque élève à suivre un bureau, et il faut avouer qu'on en abuse. Espérons que le concours des patrons et de tous les bons citoyens permettra d'exercer un contrôle tout à fait efficace, malgré la liberté que nous devons laisser aux élèves pour satisfaire à leurs obligations. En atten- dant, si nous ne pouvons nous flatter de produire tout le bien que nous voudrions, nous avons la consolation de pouvoir affirmer que nous empêchons beaucoup de mal. Nos jeunes gens en effet, outre cette surveillance générale exercée constamment sur eux par deux prêtres qui résident au pensionnai, sont tenus deremplir leurs devoirs religieux, et ils savent qu'une négligence notable à cet égard, étant regardée comme incompatible avec leur séjour, les expose à être renvoyés. Les blasphèmes, les paroles obscènes, la liv — lecture des mauvais livres, les actions et les propos qui pourraient faire juger un élève Coupable d'irréligion ou d'immoralité, ou compromettre l'honneur de l'Université, exposent à la même peine ; la fréquentation des théâtres, des maisons de jeu et de celles où l'on vend à boire, est rigoureusement interdite, de môme que l'entrée de celles dontla réputa- tion serait mauvaise ou équivoque. Il est aussi défendu aux élèves de s'abonner à aucune bibliothèque, ou de fréquenter les salles de lecture de la ville, vu qu'ils ont à leur disposition la bibliothèque de l'Université, qui renferme les ouvrages dont ils ont besoin. Inutile de dire qu'ils ne peuvent entrer dans les-chambres les uns des autres môme pour un instant, sans la permission expresse du directeur, etque cette permission ne s'accorde que pour de graves raisons. Enfin les élèves catholiques, tant externes que pensionnaires, reçoivent des instructions religieuses spéciales pendant le carême ; ils font tous les ans, pendant la semaine sainte, une retraite préparatoire à la commu- nion pascale, et à laquelle nous avons le plaisir de voir assister un bon nombre d'an- ciens élèves et de'jeunes gens de la ville. Or tout le monde peut constater que ces dispo- sitions disciplinaires ne sont pas une lettre morte, et qu'elles donnent lieu à des résultats positifs très-consolanls. Nous avons la satisfaction de voir que la plupart des anciens élèves qui ont terminé chez nous, jouissent d'une réputation que nous croyons méritée, et qui les fait rechercher avant même qu'ils nous^ aient quittés. Plusieurs de ces jeunes gens, heureux d'avoir trouvé chez nous la paix que procure l'accomplisse- ment des devoirs du chrétien, nous ont remerciés avec effusion, de les avoir préservés du vice, ou de leur avoir tendu une main aussi bienveillante en réalité, que sévère peut- être en apparence, pour les aidera sortir de l'abîme. Cependant, nous l'avouons avec chagrin, nous ne faisons pas encore tout ce que nous souhaitons. Mais que serait-ce sans le pensionnat, si, malgré cet ensemble de précautions qui résume à peu près tout ce qui se fait partiellement ailleurs, tant de choses encore nous échappent ? Au lieu donc d'affaiblir l'effet moral de notre établissement, en tenant compte seulement du mal qu'il n'empêche pas, espérons que, en considération du bien qu'il produit, tous les gens de bien réuniront leurs efforts aux nôtres pour en procurer le développement. Nous savons qu'un obstacle à notre pensionnat se trouve dans le prix de la pension, qui paraît un peu plus cher que dans certaines maisons privées. Cet obstacle cessera en partie par la fondation de bourses. Mais qu'on nous permette de consigner ici une remarque faite, il n'y a pas longtemps, par un père de famille qui a connu par expérience que la pension à l'Université, bien que plus élevée en apparence, revient en fin de compte moins cher que certaines pensions privées : c'est que, dans l'état de liberté complète, un jeune homme se trouve exposé à faire une multitude de petites dépenses, que son séjour dans le pensionnat lui épargne. Après tout, la différence ne peut pas être très- grande, et trouve bien sa compensation dans les avantages qu'en retirent les jeunes gens, tant au point de vue de l'étude, qu'à celui de la morale. La connaissance de ces avantages commence à se répandre ; un bon nombre de — lv — parents chrétiens, qui tiennent avant tout à préserver leur enfants autant que possible, sont venus supplier de prendre les leurs, malgré la résistance de ceux-ci. Nous avons de temps en temps, parmi nos pensionnaires, un certain nombre de jeunes gens qui y sont malgré eux, et seulement pour obéir à la volonté formelle de leurs parents. Natu- rellement' ce n'est pas de ces jeunes gens que nous devons attendre de la reconnaissance, encore moins de l'affection ; quelques-uns jie cachent pas qu'ils feront tous leurs efforts, en décriant le pensionnat, pour détourner leurs connaissances de venir chez nous. Les récriminations contre notre régime se sont renouvelées sous tant de formes depuis l'éta- blissement de l'Université, que cet état de lutte contre les idées de la jeunesse est, pour ainsi dire, devenu pour nous un état normal ; mais il ne nous empêche pas d'avoir pour elle le même dévouement. D'ailleurs nous sommes heureux de pouvoir dire que la plupart de nos anciens élèves, comprenant que nous avons cherché leurs véritables intérêts, ont toujours parlé en faveur du pensionnat et s'en sont montrés de zélés avocats. iApu commencement, plusieurs personnes ont douté de notre succès : ce jugement porté à priori a été heureusement contredit par les faits. Cependant il faut bien recon- naître que l'apparente sévérité de nos règlements, dont les dispositions ont été montrées nécessaires par une expérience de plusieurs années, a fait donner au pensionnat une réputation peu propre à attirer les jeunes gens trop amis d'une liberté sans contrainte. Des élèves nous ont avoué que, forcés par leurs parents de venir chez nous, ils s'étaient résignés comme à demeurer dans une espèce de prison ; mais ils ont été, paraît-il, agréa- blement surpris. Il en serait de même sans doute de tous les jeunes gens qui n'ont pas encore goûté aux trompeuses jouissances de la liberté, c'est-à-dire, à la plupart de ceux qui viendraient chez nous au sortir même du collège. On nous a répété bien souvent que, si notre règlement était moins sévère, et sur- tout si chacun était libre d'être externe, même sans demeurer chez ses parents, nous aurions le double d'élèves, à cause des avantages qu'offre notre enseignement. Il est donc évident que la répugnance des jeunes gens pour le pensionnat tel qu'il est, est communiquée aux parents ; et, si ces derniers ne se font pas une obligation de conscience de résister là-dessus à leurs enfants, c'est qu'ils ne réfléchissent pas suffisamment aux immenses dangers auxquels ils les exposent en les abandonnant sans surveillance. CONCLUSION Une double pensée a donc présidé à l'érection et à l'organisation de l'Université- Laval : 1° retirer les jeunes Canadiens des dangers que courent leur foi et leurs - lvj - mœurs, soit en allant ailleurs chercher des diplômes, soit en demeurant sans surveillance dans nos grandes villes; 2° élever autant que possible le niveau des études classiques et professionnelles. C'est à la suggestion et sur les instances de NN. SS. les Evoques de la province, que les Directeurs du Séminaire de Québec se chargèrent, de cette grande entreprise, dont ils ne se dissimulaient point les nombreuses difficultés. Ils ne reculèrent devant aucun sacrifice, pour élever un établissement capable de faire honneur à la religion et au pays, et de répondre aux besoins de la jeunesse studieuse. En même temps que l'on mûrissait les plans de trois grandes bâtisses destinées à l'enseignement ou à l'habitation des élèves, l'Université organisa les facultés, et détermina par des règlements les devoirs et les attributions des officiers. Tous ces règlements furent communiqués à NN. SS. les Evêques de la province, et ne furent définitivement adoptés qu'après avoir reçu l'ap- probation la plus flatteuse aussi bien que la plus formelle (1). Les vénérables prélats ne bornèrent point à cette approbation privée les marques d'adhésion à l'Université : dans des mandements destinés évidemment à exercer, au besoin, une influence considérable sur les collèges, ils se rejouissaient d'avance de l'empressement avec lequel ceux-ci cher- cheraient à profiter des avantages qui leur étaient offerts. Serait-on curieux de savoir à quels énormes sacrifices les Directeurs du Séminaire de Québec se sont condamnés, pour créer cet établissement : que l'on jette les yeux sur le tableau suivant des dépenses faites par le Séminaire depuis la fondation de l'Uni- versité-Laval, et uniquement pour promouvoir les intérêts de cette institution. Les bâtiments ont coûté......................... $208,421.90 La bibliothèque a augmenté en valeur de........... 13,146.06 Le musée de médecine a coûté.................. 8,120.00 Le cabinet de physique a augmenté en valeur de..... 6,264.20 Il a été déboursé pour les professeurs envoyés en Eu- rope et pour les voyages occasionnés par l'Université 19,066.25 Les professeurs ont reçu jusqu'à ce jour............ 41,343.16 (2) $296,361.57 £ 74,090 7 10| Nous permettrons à nos lecteurs de pénétrer plus avant encore dans les détails de nos affaires pécuniaires, et nous leur soumettrons le tableau de la dépense et de la recette de l'année académique 1860-61: nos financiers n'y trouveront point leur compte. Nous ne parlerons point ici du pensionnat, qui n'a pu encore rencontrer ses frais. (1) Nos. XLV, XLVI, XT.VII et XLVIII. p. 38—40. (2) Sur cette somme, $2,737.19 seront remboursées plus tard par les profefseurs laïques qui sont passés en Europe. — lvij — DÉPENSE. Payé aux professeurs de Droit.................... $ 3,600.00 « « « Médecine......,............ 5,233.33 « « « des Arts................... 873.33 Iptérêts payé sur les sommes empruntées........... 2,365.20 Serviteurs et employés............ 600.00 Assurances..................... 138.00 Cotisation pour l'eau.............. 400.00 Chauffage....................... 1,181.97 Eclairage...*.................. 234.98 . $14,626.81 RECETTE. Les élèves réguliers ont donné.....................«$ 1,000.83 « non réguliers.......................... 2,072.50 $ 3,083.33 Sur la somme fournie par les élèves non réguliers, il a été pris pour demi-bourses................ 390.00 Dépense $14,626,81 Recette 2,693,33 Déficit #11,933,48 Partagez cette différence entre les 71 élèves qui ont suivi les cours l'année 1860-61, et vous trouverez que chacun d'eux coûte au Séminaire la somme de $168.07 ! C'est rappeler l'histoire d'un célèbre professeur de philosophie, payé par le gouver^ »emenl français à 10,000 fr. par année, pour donner un cours public, en présence de combien d'auditeurs ? quelquefois d'un seul, et encore celui-ci était-il sourd! Vous riez. Cependant le gouvernement français avait raison d'encourager le talent de cet homme éminent : c'est le public qui avait le tqrt immense de ne pas comprendre quelle utilité il pouvait tirer de son enseignement. Quelques années encore, le Séminaire est disposé à faire les mêmes sacrifices et de plus grands s'il le faut, toujours dans l'espérance de voir le clergé de la province et le peuple canadien français revenir à une meilleure entente. C'est le Séminaire de Québec flui seul a fait tous les frais du nouvel établissement, et qui, outre les vingt demi-bourses qu'il vient de fonder, a bien voulu en accorder jusqu'ici trente-trois autres aux élèves peu fortunés. Il n'a pas regardé dans quelles institutions ces jeunes gens avaient étudié : — Iviij — cinq demi-bourses ont été accordées aux élèves venant du Séminaire de Nicolet, huit â des élèves du Séminaire de Sainte-Thérèse, une à un élève du Collège de Sainte-Anne, une à un élève du Collège de Montréal, une à un élève du Collège de l'Assomption, trois à un élève du Séminaire.de Saint-Hyacinthe, et les autres à ceux de Québec. C'est encore le Séminaire de Québec qui a entretenu et entretient encore en Europe de jeunes pro- fesseurs destinés à l'enseignement secondaire et supérieur. Parmi eux, se trouve un ancien élève du Séminaire de Saint-Hyacinthe, M. Langelier, et un autre du Séminaire de Sainte-Thérèse, M. Simard. Que pouvaient faire de plusles fondateurs de l'Université- Laval pour montrer leur bonne volonté et leur esprit de conciliation ? Ne doivent-ils pas espérer que leur œuvre sera désormais mieux comprise ? Tandis que les ennemis de tout bien et Je tout ordre savent s'unir si parfaitement pour opérer le mal et venir à bout de leurs projets subversifs, serait-il donc tou- jours impossible que ceux qui veulent le bien et qui y consacrent leur vie entière ne pussent s'entendre pour mener à bonne fin une entreprise faite pour la gloire de Dieu et le maintien de la foi et des mœurs de jeunes gens destinés à occuper un rang élevé dans la société ! • Mais le moyen de remédier au mal et d'engager un plus grand nombre de jeunes gens à fréquenter l'Université catholique ? Pour le moment, le moyen est bien simple et ne coûterait pas grand'chose. Si Nos Seigneurs les Evêques veulent engager les directeurs des collèges de leur diocèse à favo- riser le passage de leurs élèves à l'Université, après les études classiques finies, plusieurs de ceux qui sont allés ailleurs courir d'immenses dangers, viendront ici se mettre à l'abri. Si les pasteurs des âmes font comprendre aux parents chrétiens la grande responsabilité qui pèse sur ceux qui laissent leurs enfants exposés aux dangers de perdre la foi et les mœurs, bientôt on verra plusieurs pères sacrifier avec joie quelques louis par année, pour sauver leurs enfants du naufrage et leur procurer le bien inestimable d'une éduca- tion professionnelle plus complète et parfaitement chrétienne. Tel était notre vœu le plus sincère ; tel était celui de M. Louis-Jacques Casault, vœu ardent qui l'a consumé et qui peut-être a hâté la fin de ses jours. En présence de sa tombe, environnée des supérieurs ou des députés de tous nos collèges, il nous a semblé qu'une lumière se ferait et permettrait de mieux apercevoir la grandeur et la pureté des vues de notre premier Recteur. La mort, a-t-on dit, est une grande institutrice. Puisse-t-elle nous avoir appris à tous que la force se trouve, non dans les petites rivalités humaines, mais dans la sainte union d'une charité chrétienne, 1 c^SPir^ PIÈCES JUSTIFICATIVES ! ! PIÈCES JUSTIFICATIVES i, Extrait d'une lettre de Mgr. Bourget, Éveque de Montréal, a Mgr. Turgeon, Archevêque de Québec. « Montréal, 31 mars 1851. « Votre Grandeur croirait-elle que le Concile devrait s'occuper de la formation d'une université et de l'érection régulière des collèges, dépendant de cette maison mère d'éducation ? Ne serait-il pas temps de prendre le devant, et de nous faire constituer légalement maîtres de l'enseignement catholique ? Pourrait-on refuser au Bas-Canada ce que l'on a accordé au Haut ? Le Gouvernement ne serait-il pas forcé, par la nécessité des choses, de nous accorder les privilèges ordinaires aux universités, lorsque l'on ne lui demanderait aucuns fonds provinciaux pour la dotation de notre institution, qui nous mettrait sur le pied d'égalité avec McGilVs University et Queeris Collège ? . . . . N'est-il pas certain que le Séminaire de Québec serait, plaudentibus omnibus, choisi pour être l'Université Catholique de notre Amérique Britannique ? Quelle force nous aurions dans une pareille institution, après que nous en aurions obtenu, comme de droit, la sanction — 4 — pontificale? C'est une idée comme une autre, que j'envoie à la bonne aventure. Elle fera ou ne fera pas son chemin : c'est une autre chose. Je la dépose pour ce qu'elle est aux pieds de Votre Grâce. » IL Extrait du Registre des Délibérations du Conseil du Séminaire de Québec. « Assemblée du quatre avril mil huit cent cinquante-un. « Les Supérieur et Directeurs du Séminaire étant assemblés en conseil, M. le Supérieur a donné lecture d'un extrait de lettre écrite à Mgr. l'Archevêque de Québec par Mgr. l'Evêque de Montréal, sur la nécessité d'établir une université catholique. Il a été résolu : « Que le Séminaire partage les craintes exprimées par Mgr. de Montréal, et aussi son opinion quant aux résultats qu'aurait la création d'une université catholique ; que, pour ce qui le regarde, tout ce qu'il peut dire pour le présent, c'est que Nos Seigneurs les Evêques le trouveront toujours disposé à faire ce que pourra exiger de lui le bien de la religion et du pays. » III. Extrait du Décret XV du Premier Concile Provincial de Québec «Août 1851. « . . . . Nqbis verô nihil non emoliendum erit, ut catholici, jura sua retinentes, scholis sibi propriis sicut et collegiis, universitatibusque, in totâ nostrâ provinciâ fruantur.... » Extrait du Registre des Délibérations du Conseil du Séminaire de Québec « Le dix-neuf mars mil huit cent cinquante-deux, les Supérieur et Directeurs étant assemblés en conseil. « Après mûre délibération sur la proposition de Mgr. l'Archevêque, d'établir une université catholique provinciale, il a été résolu que le Séminaire consentirait à se — 5 — charger d'un pareil établissement, si Monseigneur croit qu'une telle institution est nécessaire pour le bien de la religion. » V. Le Supérieur du Séminaire de Québec a Mgr. l'Archevêque. «20 mars 1852. « Monseigneur, « Après avoir fait tout ce que nous croyions nécessaire pour obtenir les lumières du ciel, nous avons pris hier en sérieuse considération le projet d'ériger le Séminaire en université, et j'ai été chargé de rendre compte à Votre Grandeur du résultat de notre délibération. Tous les Directeurs du Séminaire sont persuadés que l'existence d'une université catholique dans le pays serait une chose excellente pour la gloire de Dieu ; mais ils ne sont pas aussi sûrs que le bien de la religion et celui de notre maison demandent que ce soit le Séminaire de Québec qui devienne cette université. Ils ne peuvent se cacher qu'avec des moyens pécuniaires assez bornés, un personnel insuffisant même pour l'œuvre dont ils sont maintenant chargés, il leur serait impossible, d'ici à bien long- temps, sans une protection toute particulière de Dieu, de remplir les devoirs que leur imposerait le grand nom d'université. De plus, si le projet s'effectue, ils le savent, ce ne sera qu'avec une grande opposition : des intérêts rivaux se croiront lésés ; la préférence accordée au Séminaire sur les autres collèges du pays, froissera certains sentiments d'amitié et de reconnaissance ; enfin, des intérêts de localité feront qu'il n'y aura peut-être que les citoyens de Québec qui estimeront l'université bien placée chez nous. « Votre Grandeur trouvera peut-être étranges toutes ces objections après la réponse que lui a faite le Séminaire au mois d'avril dernier ; mais nous la prions de considérer que les circonstances ne sont plus celles sur lesquelles nous comptions alors. Lorsque nous fîmes cette réponse, nous avions lieu de croire que l'établissement d'une université se ferait après délibération du concile et par son autorité. Nous aurions eu là la plus rassurante garantie de la volonté de Dieu sur notre maison, en même temps que l'appui le plus fort pour braver toutes les oppositions. Maintenant que le concile n'a pas cru devoir s'occuper du sujet ; que celui d'entre Nos Seigneurs les Évoques qui le premier avait suggéré le projet de l'Université, semble s'en être repenti, sans doute à cause des obstacles qu'il y a vus, il nous paraîtrait téméraire de conserver la confiance que nous avions au printemps dernier. Cependant, afin qu'on ne nous accuse pas d'avoir, par notre défaut d'énergie et notre manque de confiance dans la providence, fait échouer — 6 — un projet propre à procurer la gloire de Dieu, nous déclarons que, si Nos Seigneurs les Évêques de la province, après avoir considéré le projet, jugent que, dans l'intérêt de la religion, il est à propos que le Séminaire devienne université, non-seulement nous y consentirons, mais que nous ferons encore, pour répondre à leur désir, tous les efforts que pourront nous permettre les moyens que nous avons à notre disposition. « Nous désirons cependant qu'il soit bien entendu que, dans tout ce qui sera fait, le Séminaire prendra toutes les précautions nécessaires pour qu'en aucun temps il ne puisse être empêché de remplir les obligations dont il est maintenant chargé d'après la volonté de son fondateur, et pour le maintien des principales règles qui ont régi l'institution depuis sa fondation. » VI. La lettre suivante a été écrite au nom du Séminaire en conséquence d'une nouvelle instance de Mgr. l'Archevêque. Le Supérieur du Séminaire a Mgr. l'Archevêque. « Québec, 30 mars 1852. « Monseigneur, « Nous nous sommes occupés depuis longtemps de la question, si importante pour l'avenir de notre maison, de l'établissement d'une université catholique. Je puis main- tenant informer Votre Grandeur que, sans oser prendre sur nous la responsabilité de demander l'érection du Séminaire en université, nous sommes cependant disposés à faire tout ce qui dépendra de nous pour satisfaire les désirs de Nos Seigneurs les Évêques, s'ils pensent que cette érection soit pour la plus grande gloire de Dieu. Je dois néanmoins ajouter que le Séminaire met une condition à son consentement, c'est qu'il demeurera, même comme université, sous la seule dépendance de Votre Grandeur et de ses successeurs. » VII. Extrait d'une circulaire de Mgr. l'Archevêque a NN. SS. les Evêques de la Province. |« 12 avril 1852. Après avoir exposé que le Séminaire se propose de s'adresser seul au Gouvernement pour avoir une charte, Mgr. l'Archevêque continue ainsi : « J'aurais à cœur que la demande faite au Souverain Pontife fût faite par tous les évêques de la province... Je désire savoir, Monseigneur, si Votre Grandeur voudra bien me prêter l'autorité de son nom pour la demande qu'il est question de faire à ce sujet au saint siège...» — 7 — VIII. Extrait d'une lettre de Mgr. l'Archevêque a Mgr. l'Evêque de Montréal. « 27 avril 1852. « Le Séminaire ne prétend point accaparer le monopole du haut enseignement, et Son unique but est d'obtenir le commencement d'une université, en s'y prenant de façon à obtenir une fois ce qui pourra être obtenu plus tard pour d'autres maisons. Et, en attendant cette obtention, on l'a fait remarquer, aucun des élèves des autres maisons d'éducation ne serait privé de l'avantage de prendre les degrés. « Ma demande aux évêques de la province se réduit à solliciter leur concours dans la supplique au chef suprême de l'Eglise, pour obtenir une université qui ne portera pas le titre d'Université Provinciale, et ce dans la crainte de donner à nos ennemis l'occasion de nous faire obstacle. Nous ne croyons pas même, et pour cette même raison, devoir la qualifier d'Université de Québec : il faudra que nous lui trouvions un autre nom.» IX. Extrait d'une lettre de Mgr. de Montréal à Mgr. l'Archevêque. « 14 mai, 1852 Monseigneur, « En réponse à l'honneur de vos lettres des 7 et 10 mai, je dois protester à V. G. que je suis très-satisfait des explications que Mgr de Tloa a bien voulu me donner sur l'université projetée à Québec, lesquelles se trouvent confirmées par sa dernière. Nos collèges pouvant participer aux privilèges de cette institution, je serai justifiable à leurs yeux, si plus tard on venait à dire que j'ai porté plus d'intérêt à un établissement étranger qu'à ceux de ce diocèse. La raison qu'il faut s'uuir pour donner à une pa- reille institution toute l'importance qu'elle peut et doit avoir, sera toujours péremptoire pour moi.» X. L'Archevêque de Québec a Lord Elgin. «3 mai 1852. «My Lord, « Les Directeurs du Séminaire de Québec, comprenant toute l'importance de la mission qui ietir est confiée* se proposent de demander à la Reine une Charte qui — 8 — accorde à leur établissement les avantages et les privilèges propres d'une université. Mais ils ne voudraient faire cette démarche qu'autant qu'ils auraient la certitude qu'elle rencontrerait l'approbation de Votre Excellence. « Ayant à cœur que le Séminaire de Québec, qui est entièrement sous ma juridiction, devienne de plus en plus capable de rendre service à la religion et à la société, je m'inté- resse vivement au succès du projet qu'il a formé. C'est pourquoi j'ose prier Votre Excellence de vouloir bien l'appuyer de sa puissante recommandation auprès du Ministre des Colonies. Je puis assurer en même temps Votre Excellence que l'appui qu'elle voudra bien donner à la demande de MM. les Directeurs, ne peut manquer de faire plaisir au clergé et au peuple catholique de toute la province. » XI. • Le Secrétaire Provincial a l'Archevêque de Québec « Bureau du Secrétaire, « Québec, le 8 mai 1852. « Monseigneur, « J'ai reçu ordre de Son Excellence le Gouverneur-Général d'accuser réception de votre lettre en date du 3 de ce mois, par laquelle Votre Grandeur prie Son Excellence de vouloir bien appuyer auprès du Ministre des Colonies la demande que les Directeurs du Séminaire de Québec se proposent de faire à Sa Majesté, d'une Charte qui accorde à leur établissement les avantages et les privilèges d'une université. « Avant de prendre cette demande en considération, Son Excellence désire obtenir des renseignements plus étendus sur le plan projeté, les moyens actuels ou disponibles de le mettre à exécution, les diverses facultés et divisions particulières de ces facultés dans lesquelles des chaires sont ou seront établies, et l'époque à laquelle on espère que l'institution ainsi augmentée en utilité et en importance sera en pleine opération. « Son Excellence désire aussi être informée si l'on se propose d'étendre à tout le Bas-Canada les avantages attendus, et si l'on espère une coopération dans les autres parties de la Province, » XII. L'Archevêque de Québec au Secrétaire Provincial. « Archevêché de Québec, « 10 mai 1852. « Monsieur, « A la réception de votre lettre du 8 du courant, je me suis mis immédiatement en rapport avec les Directeurs du Séminaire pour être mis en possession des documents — 9 — que vous me demandez dans cette lettre de la part de Son Excellence le Gouverneur Général sur l'Université projetée, et je m'empresse de vous faire connaître le résultat des conversations que j'ai eues avec eux à ce sujet. « Les Directeurs du Séminaire désirent d'abord faire observer à Son Excellence qu'ils ne sont pa.> en état de donner d'une manière complète les renseignements qu'elle désire. Ils attendent pour régler beaucoup de détails qu'ils aient par devers eux les informations que leur Supérieur est chargé de recueillir dans les principales Universités de l'Europe. Voici cependant ce qui a été arrêté jusqu'ici par le Séminaire relativement au plan en contemplation. « Administration. « L'autorité principale résidera dans un Conseil composé des Directeurs du Séminaire et de deux ou trois professeurs de chacune des facultés. Ce Conseil, qui sera présidé par le Supérieur du Séminaire, ou, en son absence, par l'un des assistants supérieur, fera les statuts et règlements, nommera et révoquera les professeurs, conférera les degrés, prononcera en dernier lieu sur toutes les matières importantes, etc. Il ne pourra cepen- dant faire aucune dépense ou prendre aucune résolution qui léserait les justes droits du Séminaire, le Supérieur et les Directeurs de cette maison devant rester les seuls adminis- trateurs de ses biens. « Chacune des Facultés aura aussi son Conseil dont les attributions seront réglées par les statuts de l'Université. « Enseignement. « L'enseignement se donnera dans quatre facultés qui seront celles de Théologie, de Droit, de Médecine et des Arts. « La faculté de Théologie pourra entrer en opération dès que l'organisation de l'Université sera effectuée. « La faculté de Droit commenc >ra probablement à donner ses leçons l'hiver prochain. Deux chaires devront suffire d'abord ; plus tard le nombre en sera sans doute augmenté. « La faculté de Médecine devant nécessiter de grandes dépenses dès son début, ce sera une raison de n'en pas presser l'établissement. Une autre raison de le différer est qu'il existe dans cette ville une école de médecine à laquelle le Séminaire ne voudrait pas faire compétition. Cependant, s'il arrive qu'elle cesse, le Séminaire devra être pré- paré à la remplacer. a La faculté des Arts se composera des chaires d'Histoire, de Littérature, d'Elo- quence, de Philosophie et de deux ou trois chaires pour les sciences Mathématiques et Physiques. D'autres chaires seront ajoutées aux précédentes, quand les circonstances le demanderont. Toutes les chaires ne pourront pas être remplies prochainement"; on espère cependant que quelques-unes seront prêtes à commencer leur enseignement dès — 10 — l'hiver prochain. Les leçons de cette faculté seront, sinon tout-à-fait publiques, du moins accessibles aux personnes capables d'en profiter. « Aucun Collège ne sera sous la dépendance de l'Université, mais les Elèves de toutes les maisons d'éducation du pays pourront, en exhibant un certificat d'études et de bonne conduite, être admis à subir l'examen pour le Baccalauréat ès-Arts et obtenir ensuite ce grade, s'ils sont jugés le mériter. Cependant comme on pourrait désirer par la suite que l'Université s'affiliât quelques Collèges, une clause de la Charte pour- rait lui conférer le pouvoir de le faire. « Il n'est peut-être pas inutile de dire que tout ce qui précède ne doit être regardé que comme le développement du projet du Séminaire et nullement comme la matière d'un engagement qui l'obligerait plus tard. Le Séminaire ne peut s'obliger qu'à une seule chose, c'est de faire ce que lui permettront les circonstances ; autrement, il s'ex- poserait à se voir dans la nécessité de manquer soit à ses nouveaux engagements, soit à ceux de sa fondation. « Moyens qu'a le Séminaire pour exécuter ce plan. « Ces moyens se réduisent aux ressources pécuniaires; car avec cela, il est facile de se procurer le personnel, les bâtiments et toutes les choses nécessaires pour l'exécu- tion du projet. Or, les revenus actuels du Séminaire n'excèdent pas de beaucoup ses dépenses ; mais ils augmentent assez rapidement, et la prospérité croissante de la Pro- vince fait espérer qu'ils arriveront avant bien des années à un montant qui pourra suf- fireaux frais d'un grand établissement II est en outre à remarquer que les professeurs des facultés de Théologie et des Arts devant être pris généralement parmi les membres du Séminaire, ces deux facultés n'occasionneront pas un fort surcroît de dépenses. « Epoque à laquelle l'institution sera en pleine opération. « Elle sera d'autant plus rapprochée que les revenus du Séminaire s'accroîtront plus vite. Comme ces revenus proviennent en grande partie de plusieurs seigneuries que possède cette maison, il faudrait connaître de quelle manière sera réglée la question de la tenure seigneuriale pour indiquer avec quelque probabilité l'époque à laquelle l'Uni- versité pourra entrer en pleine opération, « Comme je l'ai dit plus haut, rien n'empêchera que les autres établissements d'édu- cation delà Province ne puissent participer aux avantages attendus, s'ils le désirent, et j'ai lieu de croire qu'ils seront disposés.à s'affilier à la nouvelle Université dès qu'ils y seront préparés. « Tels sont les renseignements que je puis vous donner pour répondre au désir de Son Excellence. J'ai lieu d'espérer qu'ils suffiront à bien faire comprendre le plan du Séminaire et les moyens qu'il a de les réaliser.» — 11 — XIII. L'assistant Secrétaire Provincial a l'Archevêque de Québec « Bureau du Secrétaire, «Québec, le 13 mai 1852. « Monseigneur, « J'ai l'honneur de vous transmettre ci-inclus, par ordre du Gouverneur-Général, copie d'un ordre en Conseil, contenant le résultat de la délibération de Son Excellence en Conseil sur les lettres de Votre Grandeur à Son Excellence, en date des 3 et 10 mai courant, à l'effet d'obtenir l'approbation de Son Excellence à la démarche que doivent faire les Directeurs du Séminaire de Québec, pour obtenir une Charte Royale confé- rant à leur institution les avantages universitaires.» XIV. Extract, &c, 12th May, 1852. « On the letter of His Grâce the Archbishop of Québec, requesting that Your Excel- lency may be pleased to support with your recommendation the application which the Deputy of the Seminary of Québec intends making to Her Majesty the Queen for a Royal Charter conferring to their Institution the advantages and privilèges of a University. « The Committee hâve no hésitation in acknowledging the justice and propriety of securing to the numerous and important body of Catholics in Lower-Canada, the benefit of a University which they hâve been until now deprived of ; and they will be prepared to consider with a favorable eye any matured and well defined plan for carrying into effect the object in contemplation by the Seminary of Québec, and to recommend the same to the Impérial Authorities when it is made apparent that this institution is in a position and with means equal to the important task they propose to undertake. « (Certified) Wm. H. LEE, « Act. C. E. C.» XV. L'Archevêque de Québec au Gouverneur Général. « Archevêché de Québec, « 13 mai 1852. « My Lord, « Je viens de recevoir une lettre de M. l'Assistant Secrétaire Parent me transmettant de la part de Votre Excellence une copie d'un ordre en Conseil au sujet de la demande — 12 — que je lui ai faite de donner son approbation à la démarche que doivent faire les direc- teurs du Séminaire de Québec pour obtenir une Charte Royale conférant à leur institu- tion les avantages et privilèges universitaires. « Je remercie bien sincèrement Votre Excellence de ce qu'elle veut bien reconnaître la justice et la convenance d'accorder aux catholiques du Bas-Canada les avantages d'une Université. Mais je ne puis me dispenser de lui témoigner en même temps ma crainte que l'admission de ce principe ne soit pas suffisante pour engager le Gouverne- ment Impérial à accorder la Charte demandée par le Séminaire. En effet, pour que cette Charte soit octroyée, il importe de démontrer que l'institution qui la réclame est en état d'en remplir les charges. Or, Votre Excellence voudra bien me permettre de lui dire que l'Ordre en Conseil ci-dessus mentionné laisse subsister à cet égard un doute qui ne peut être que fatal à la demande du Séminaire. Il s'en suit donc que si cet ordre en Conseil était la seule recommandation qui pût être offerte à l'appui de la demande du Séminaire, cette institution n'aurait en toute probabilité aucun succès à attendre de sa démarche « Pour mettre Votre Excellence en élat d'aider d'avantage à la réalisation du projet du Séminaire, je crois devoir lui transmettre une copie de la Charte qu'il se propose de soumettre à l'approbation de Sa Majesté. Je me serais fait un devoir de lui en faire part plustôt si j'eusse pensé qu'il était utile de le faire. « Je n'hésite pas, Mîlord, à assurer Votre Excellence que le Séminaire de Québec est prêt à remplir dès à présent les charges propres d'une Université, qu'il est disposé à s'en imposer de nouvelles, à proportion de l'accroissement de ses ressources et que, dans tous les cas, il s'acquittera avec avantage pour le pays des obligations qu'il se sera imposées. Sur tous ces points je puis dire en toute sûreté à Votre Excellence que je ne crains d'être contredit par personne et que, s'il en était besoin, les hommes du pays les plus influents par leur intelligence s'empresseraient de confirmer par leur témoi- gnage ce que je viens de dire en faveur d'une maison qui a tant de titres à la recon- naissance du pays. « En conclusion, je prends la liberté de demander à Votre Excellence de vouloir bien prendre de nouveau en considération la demande que j'ai eu l'honneur de lui faire en faveur de mon Séminaire diocésain. Je me flatte qu'elle voudra bien la recommander d'une manière spéciale au Secrétaire d'État de Sa Majesté pour les Colonies. « Le Supérieur du Séminaire partant pour l'Angleterre, par le prochain steamer et l'affaire de l'Université étant une des principales qu'il aura à y régler, j'oserais prier Votre Excellence de vouloir bien répondre le plustôt possible à ma nouvelle demande.» — 13 — XVI. Le Secrétaire Provincial a l'Archevêque de Québec « Secrétariat Provincial, « Québec, le 5 juin 1852. « Monseigneur, « J'ai l'honneur, par ordre du Gouverneur Général, de vous transmettre ci-inclus copie d'un ordre en Conseil en date du 4 courant, contenant le résultat d'une délibéra- tion ultérieure de Son Excellence en Conseil sur la demande de Votre Grâce au sujet de l'octroi d'une Charte Royale que vont demander les Directeurs du Séminaire de Québec, conférant à leur Institution les avantages et les privilèges universitaires.» XVII. Extract of a Report of a Committee of the Honorable the Executive Council on Matters of State, dated 4th June, 1852; approved by His Excellency the Governor Ge- neral in Council on tue same day. « On the application of the Directors of the Seminary of Québec, through His Grâce the Archbishop of Québec, praying His Excellency to recommend the application which they intend to make for a Royal Charter conferring upon their Institution the privilèges and advantages of a University. « Having seen the letters addressed to the Governor General by His Grâce the Arche- bishop of Québec on the 13th ultimo, submitting the draught of a Charter such as the Seminary of Québec would wish to obtain for the purpose of conferring upon that Insti- tution the privilèges of a University ; having also seen the report of the Attorney Ge- neral of Lovver Canada, stating that there is nothing therein contained répugnant to the Laws of the Country ; having taken into considération the assurance given by the Arch- bishop that the Seminary is prepared immediately to. place that Institution upon the footing of a University, and having ascertained that it already possesses extensive libra- ries and valuable collections of philosophical and other apparatus for assisting in im- parting a knowledge of the sciences, the Committee would respectfully recommend to the Impérial authorities that a grant such as sought for be conferred on that Institution. « Certified, « (Signed) WM. H. LEE.» — 14 — XVIII. Le Sous-Secrétaire des Colonies au Supérieur du Séminaire, alors a Londres. « Downing Street, «7th July, 1852. « SlR, « I am directed by Secretary Sir John Pakington to acquaint you thatsince I had the honor of communicating with you on the 26lh June, Sir John Pakington has received a report from the Governor of Canada, on the subject of granting a Royal Charter to the Seminary of Québec, and that as the Governor and a Committee of His Executive Council, are in favor of conferring upon this Institution the privilèges and advantages of a University, Sir John Pakington has had much satisfaction in advising the Queen to comply with the prayer of the Pétition of which you were the bearer. « The usual officiai course of proceeding will, therefore, shortly be adopted for preparing the hoyal Charter, and I hâve to request that you would at your convenience call upon Mr. P. Smith of this Office, to pay certain charges which are conséquent upon ail instruments of this description.» XIX. L'aide-de-camp du Gouverneur-Général a l'Archevêque de Québec «Québec, August 9th, 1852. « My Lord, « I am directed by the Governor General to transmit to Your Grâce the copy of a despatch received by His Excellency from Her Majesty's Principal Secretary for the Colonies, on the subject of the grant of a Royal Charter conferring on the Seminary of Québec the privilèges of a University.» XX. Sir John Pakington a Lord Elgin. « Downing Street, « 16th July, 1852. « My Lord, « I hâve received Your Lordship's despatch No. 49 of the 12th June, transmitting a minute of the Executive Council of Canada, together with copies of a correspondance — 15 — which has ensned upon the subject of the application of the Directors of the Seminary of Québec for the grant of a Royal Charter conferring on that Institution the privilèges of a University. « The recommendation of Your Executive Council, in the propriety of which I un- derstand Your Lordship fully to concur, in favor of a compliance with the wishes of the Seminary, has justilîed me in at once advising the Queen to grant the desired Charter, and I hâve the satisfaction of apprizing Your Lordship that Her Majesty has been gra- ciously pleased to signify her approval of that advice. « The necessary measures'will therefore be immediately taken for the préparation of the Charter, and I hâve requesled Mr. Casault who is now in England to defraythe ex- penses incidental therelo.» XXI. Le Secrétaire de l'Archevêque de Québec a l'Aide-de-Camp du Gouverneur Général. « Archevêché de Québec, «10 août 1852. « Monsieur, « Je suis chargé par Monseigneur l'Archevêque de Québec d'accuser réception d'une copie de la dépêche du principal Secrétaire de Sa Majesté pour les Colonies à Son Excel- lence le Gouverneur Général, en date du 16 du mois dernier au sujet de l'octroi d'une Charte Royale, conférant au Séminaire de Québec les privilèges d'une Université, la- quelle dépêche vous avez transmise hier à Sa Grandeur de la part de Son Excellence. « Monseigneur vous prie de présenter au Gouverneur Général l'expression de sa vive reconnaissance pour la part qu'il a eue dans le succès prompt et complet de cette négo- ciation. Cet heureux événement ne peut manquer d'ajouter un nouveau titre à l'affec- tion et à la gratitude que doivent à Son Excellence toutes les institutions d'éducation de cette Province et en particulier celles des catholiques. La joie qu'en éprouvera toute la population, dont elle remplit les désirs, ne peut sans doute être exprimée plus convena- blement que par son chef spirituel. Sa Grandeur n'oubliera jamais le bienfait que ce Diocèse en particulier et toute la Province Ecclésiastique ont obtenu par l'entremise de Son Excellence et de l'avis de son Conseil Exécutif. « Vous voudrez bien, Monsieur, prier Son Excellence de faire parvenir au pied du Trône de Sa Majesté l'hommage du profond respect de Monseigneur l'Archevêque, et de faire agréer à Sa Majesté l'assurance que le nouvel acte de bienveillance royale dont les catholiques du Canada viennent d'être l'objet, leur fournit un motif puissant d'attar chement à sa personne sacrée.y — 16 — XXII Supplique adressée au Souverain Pontife. «Mai 1852. « Beatissime Pater, « Ad pedes Beatitudinis YestraB provoluti Archiepiscopus et Episcopi Provineiae Ecclesiasticse Quebecensis suppliciter expostulant ut sibi liceat humillimam petitionem proferre. « Jamdudum in dicta provincia existunt plura Seminaria et Collegia sub regimine ecclesiastico florentia : nulla verô invenitur institutio calholica in quâ juventus Cana- densis possit sub alis sanctae nostree religionis gradus academicos obtinere. « Eô magis hujusce rationis desideratur institutio, quôd jamjam, hâc in regione, existunt universitates a protestantibus sectis condita? et erectae, apud quos catholica juventus quœrere potest et reipsa quaerit facultales haud alibi in Canada inveniendas. Quinetiam pertimescendum est ne laïci, spiritu novitalis huic nostrœ eetati proprio im- buti, nisi via prsecliidatur, tentent academias instituere inquibusverâ rcligione absente, studiosa juventus quoad doctrinam et mores periclitaretur. « Jamjam in Metropolitanâ hujus provineiae urbe viget institutio à primo Quebecensi Episcopo, auxiliante congregatione Extranearum Missionum fundata. Preedicta insti- tutio sub nomine Seminarii Quebecensis nota, ab origine tenet collegium et majus Semi- narium quae diu in Canadas regionibus exclusive alumnos ad sacrum ministerium exer- cendum instruxerunt, et etiam hodiè quadringentos alumnos numerosumque professo- rum cœtum continent ; prœtereà amplissimos redilus, copiosam bibliothecam et appa- ratus ad scientias naturales edocendas necessarios possidenl. « Archiepiscopus et Episcopi supra dicli arbitrantur Seminarium Quebecense, si erigeretur in Universitatem, favenle auctoritate ecclesiaticâ et annuentibus potestatibus civilibus, fore institutionem statui provineiae accommodatam et religioni utilem. « Ea propter Archiepiscopus et Episcopi suprà dicti admirantes zelum Apostolicum, a Vestrâ Beatitudine manifestatum in promovendis institutionibus academicis apud quasdam catholicas nationes nuper erectis, spiritui et antiquis usibus Ecclesiaa inhœrere cupientes, suppliciter Vestram Bealitudinem rogant ut prœdictum Seminarium Que- becense in universitatem vclit erigere, huicque concedere privilégia et favores hujusce g^neris institutionibus ordinariè erogata, et prœsertim potestatem conferendi gradus in — 17 — Theologiâ et Jure Canonico, statuendique, cum approbatione Archiepiscopi Quebecensis, leges et régulas ad prosperitatem institutionis augendam et majorem Dei gloriam pro- movendam. (Signé) « f P. F. Archieppus Quebecensis. « f Ig. Epus Marianopol. « f Jos. Eugenius Epus Bypolitan. « f Patritius Epus Charrensis Admor. Aplius Regiopol. « f Carolus Franciscus Epus Tloanensis. Note.—L'érection de St. Hyacinthe et de Trois-Rivières en diocèses séparés est pos- térieure à cette supplique, ayant eu lieu le S juin suivant. XXIII. Le Supérieur du Séminaire de Québec au Secrétaire de la Propagande, a Rome:. « Séminaire de Québec, 21 janvier 1853. « Monseigneur, « Vous vous souvenez, sans doute, que, la dernière fois que j'eus l'honneur de vous voir, vous me conseillâtes de faire immédiatement les démarches nécessaires pour ob- tenir une charte civile, parce que, disiez-vous, le Souverain Pontife pourrait plus fa- cilement accéder à la demande de Nos Seigneurs les Evêques du Canada, lorsqu'il n'au- rait plus à craindre de voir les privilèges qu'il nous aurait accordés devenir inutiles par le mauvais vouloir de l'autorité civile. Me conformant à vos conseils, je quittai Rome aussitôt pour retourner en Angleterre où je trouvai le Ministre des Colonies dans les dispositions les plus favorables. La charte ne put être préparée assez tôt pour que je l'emportasse avec moi ; mais oh me promit qu'on me la ferait parvenir bien vite. Nous l'avons, en effet, reçue depuis quelques jours, et Monseigneur l'Archevêque en a fait faire une copie pour S. E. le Cardinal Préfet de la S. C. de la Propagande. J'espère que ce document sera trouvé satisfaisant et qu'il déterminera Sa Sainteté à nous accor- der la faveur qui lui a été demandée pour nous. « Il n'est peut-être pas inutile, Monseigneur, de vous rappeler ici quelque chose que j'ai déjà eu l'honneur de vous dire de vive voix à Rome ; c'est que le Séminaire de Québec est une congrégation de prêtres séculiers, moins importante, à la vérité, mais semblable à d'autres égards, à celles des Mission? Etrangères et de Saint-Sulpice de Paris. Quoique chargée du Grand et du Petit-Séminaire du diocèse, elle peut encore avoir la principale part dans l'administration et l'enseignement d'une Université, sans 3 — 18 — que ces établissements se confondent. Ils pourraient, au contraire, n'avoir ensemble aucun rapport quelconque. A la même date, Mgr l'Archevêque adressait au Cardinal préfet de la Propagande une lettre pour appuyer cette demande. L'induit que nous publions ci-après fut accordé à la suite de ces instances. XXIV. Indult de S. S. le Pape Pie IX, accordant a Mgr. l'Archevêque de Québec le droit de conférer les degrés en Théologie. « Ex audientia SSmi habita die 6â martii 1853. « SSmus Dominus Noster Pius Divinâ Providentiâ PP. IX, referente me infrascripto Sac. Congregationis de Propagande Fide Secretario, attentis precibus RR. PP. DD. Archie- piscopi Quebecensis atque Episcoporum Provineiae Canadensis ; ad religionis bonum promovendum, atque ut Ecclesiastici viri, ad sacras disciplinas rite addiscendas exci- tentur impensiùs, ac demùm Catholicae Universitati prospiciatur, bénigne annuit ut Quebecensis Archiepiscopus pro tempore existens Lauream doctoralem et gradus in Sacra Theologiâ cum juribus et privilegiis consuetis conferre valeat iis qui vitee inte- gritate ceteroquin praestantes, postquàm litteris ac philosophiae sedulô vacaverint, in studia sacra plures in classes distributa apud Scholas Seminarii Quebecensis rite incu- buerint, quoad Lauream verô saltem per quatuor annos, omnes insuper profectûs sui preeclarum edant experimentum, servatis servandis, atque imprimis emissâ Fidei Ca- tholicae professione juxtà formulan a S. M. Pio IV, editam ; Contrariis quibuscumque haud obstantibus. « Dat. Romae ex iEdibus die, Sac, Congregationis, die et anno quibus suprà. » Lf S. «Al. Barnabô a Secretis. » XXV. Extrait d'une Circulaire de Mgr. l'Archevêque a NN. SS. les Evêques de la Province. « 1er Février 1853. « V. G. aura déjà sans doute appris par les journaux que Sa Majesté a bien voulu accorder au Séminaire de Québec les privilèges d'Université, en ce qui concerne l'en- seignement des sciences profanes.... «---Le Séminaire prépare en ce moment un projet de résolutions par lesquelles il est fait une large part dans les privilèges de l'Université aux établissemens d'éducation — 19 — de la Province. Ce projet sera transmis à V- G. afin qu'elle veuille bien l'examiner et le faire examiner par les maisons d'éducation de son diocèse. Le Séminaire sera heureux de recevoir les suggestions qu'on voudra bien lui adresser et il se fera un de- voir de modifier son projet de manière à rencontrer tous les désirs raisonnables. « Une fois les choses en voie de s'arranger, je me propose d'annoncer par un man- dement à mes diocésains, la nouvelle Université. Je serais heureux que chacun de mes vénérables collègues de la province voulût bien en faire autant dans son diocèse, puis- que toute l'Eglise du Canada est intéressée au succès de cette Institution. Nous donnons ici par ordre de dates les réponses faites à cette circulaire i XXVI. Extrait d'une lettre de Mgr. de Cydonia a Mgr. l'Archevêque. « 1er février 1853. « La retraite momentanée de Mgr. de Montréal n'empêchera pas Sa Grandeur de porter à la nouvelle Université de Québec le profond intérêt que mérite la création d'une Institution qui doit influer si puissamment sur nos destinées Catholiques. » XXVIÏ. Extrait d'une lettre de Mgr. l'Evêque de Trois-Rivières a Mgr. l'Archevêque. « 4 février 1853. «................... Rien de plus flatteur que la Charte donnée par Sa Majesté la Reine, au Séminaire de Québec. On ne pouvait espérer davantage. Le pays, nos maisons d'éducation et le clergé doivent recevoir avec joie cette bonne nouvelle. Je ne manquerai pas de faire mon possible pour engager notre Séminaire à profiter des avantages que cette Charte et les offres généreuses du Séminaire de Québec, lui pré- sentent. » XXVIIL Extrait d'une lettre de Mgr. l'Evêque de St. Hyacinthe a Mgr. l'Archevêque. « St. Hyacinthe, 6 février 1853. « Monseigneur, « J'avais déjà appris avec une grande satisfaction l'obtention de Lettres-Patentes pour la formation d'une Université Catholique à Québec, mais la communication que Votre Grandeur a la bonté de me faire, par sa lettre du 1er février, de la Charte Royale — 20 — heureusement octroyée le 8 décembre, me fait apprécier bien davantage le bienfait de cette mesure, et me donne l'espoir le plus heureux d'en voir prochainement compléter l'organisation. Nul doute que la cour de Rome n'applaudisse à ce prompt résultat et que vous n'ayez bientôt les pièces officielles du St. Siège qui sanctionneront et béniront l'œuvre. Je m'en réjouis de tout mon cœur, et parce que c'est une digne reconnaissance des travaux et du mérite du vénérable Séminaire de Québec, et parce que c'est un avantage réel et un honneur bien dû au Siège Métropolitain. D'ailleurs, notre Province Ecclésiastique toute entière en recueillera de précieux fruits ; j'en ai la pleine confiance. Je recevrai donc avec reconnaissance tous les autres renseignements et documents qu'il plaira à V. G. de me communiquer sur cette affaire et je m'empresserai d'en faire part aux membres de mon Séminaire et aux fidèles de mon Diocèse, quand le moment en sera venu.» XXIX. Extrait d'une lettre de Mgr. l'Evêque de Montréal a Mgr. L'archevêque. « St. Colomban, 10 février 1853. « Monseigneur, « Rien ne m'est plus agréable que labonne nouvelle que m'apprend V. G. de l'heu- reuse issue des démarches prises pour l'érection d'une Université, dans le Séminaire de Québec. Votre Grandeur peut croire que j'y concours de toutes mes forces.» XXX. Extrait d'une lettre de Mgr. l'Evêque de Bytown a Mgr. l'Archevêque. « 17 février 1853. « Monseigneur, « J'applaudis de tout mon cœur au succès qu'a obtenu le Séminaire de Québec, mais il me semble qu'il est permis encore davantage d'applaudir aux diverses clauses de ce bill. J'ai été vraiment surpris de la libéralité extraordinaire dont a fait preuve le Gou- vernement anglais. Nous avons donc une Université Catholique indépendante et toute dirigée par les principes catholiques ; que Dieu en soit béni ! » XXXI. Extrait d'une lettre de Mgr. de Montréal a Mgr. l'Archevêque. « 16 Mars, 1853. « J'ai eu l'honneur de votre dernière du 1er courant, avec copie de celle de Mr. le Supérieur du Séminaire de Québec à Votre Grâce, concernant certaines résolutions, — 21 — qui doivent être proposées, dans l'Assemblée du conseil de l'Université de Québec en avril prochain. Je n'ai pas reçu ces résolutions ; mais on m'iuforme que l'on en fait des copies pour toutes les institutions du diocèse. « Je vois par la lettre de Mr. Casault, que ces résolutions sont très libérales ; et j'en conclus qu'il sera facile à tous les Collèges et Séminaires de participer aux avantages de cette grande institution. Je serai à temps à Montréal, pour recueillir les suffrages de nos maisons d'éducation, au sujet des offres si généreuses de votre Université et les transmettre à V. G. avant l'assemblée d'avril.» XXXII. Lettre écrite par le Supérieur du Séminaire de Québec a Monseigneur l'Archevêque de Québec et communiquée a tous les Evêques de la Province et par ceux-ci aux Séminaires et Collèges de leurs Diocèses. « Séminaire de Québec, 18 février 1853. « Monseigneur, « Lorsque, d'après les conseils de Votre Grandeur, nous nous déterminâmes, mes confrères et moi, à faire les démarches nécessaires pour obtenir que le Séminaire de Québec fût érigé en Université, notre intention n'était pas de procurer à nos élèves des avantages dont ceux des autres Collèges seraient privés. Nous voulions, au contraire, , bien décidément que les uns et les autres pussent parvenir aux honneurs universitaires sans aucune autre condition que celle des talents, du savoir et d'une conduite irrépro- chable. Ne pouvant alors nous entendre avec les membres des autres maisons d'éducation, parce qu'il fallait nous hâter, pour ne pas laisser aux ennemis de nos institutions le temps de nous susciter des obstacles, nous dûmes nous efforcer d'obtenir une charte assez libérale pour être en état de satisfaire les désirs raisonnables de tous ceux qni s'emploient à l'éducation de la jeunesse. Celle qui vient de nous être octroyée renferme une clause qui autorise le conseil universitaire à accorder les grades aux élèves de toutes les maisons d'éducation de la Province, qu'elles soient ou non affiliées à l'Université. Une autre clause permet en outre au même conseil d'affilier celles des institutions qui le désireraient. « Nous avons cru devoir demander ce dernier privilège parce qu'il pourrait être utile pour des écoles spéciales, et surtout parce qu'un des Vénérables Suffragans de Votre Grandeur y attachait de l'importance ; mais nous ne pensons pas en avoir besoin à l'égard des Collèges dont aucun probablement ne voudrait obtenir par l'affiliation, des avantages qu'il peut avoir en conservant son entière indépendance. Les effets de l'affiliation, par rapport aux élèves, se borneraient nécessairement ici, comme partout ailleurs, au droit de se présenter aux examens et à celui de suivre ensuite les cours des — 22 — facultés pour y prendre des degrés. Or, c'est précisément ce que nous sommes disposés à accorder indistinctement aux étudiants de tous les Collèges et même aux jeunes gens qui n'auraient fait que des études particulières, pourvu qu'elles aient été sérieuses. Les membres des Collèges n'auront donc point ici le principal motif qui détermine ailleurs les établissements d'éducation à s'affilier à une Université. Il est à présumer par conséquent qu'ils ne voudront pas contracter un engagement qui contrarierait peut-être les projets qu'ils forment pour l'avenir et qui les gênerait même dès à présent, sans une compensation suffisante. « C'est dans cette supposition qu'a été préparé le projet de résolutions que je transmets à Votre Grandeur. Nous espérons qu'on y verra la preuve de notre désir sincère de ne mettre aucune différence entre nos élèves et ceux des autres institutions, dans la distribution des faveurs dont nous sommes devenus les dépositaires, on pourra remarquer que nous avons voulu que les uns n'eussent pas à redouter plus que les autres l'ombre môme de la partialité. « Dans le choix des matières des examens, nous nous sommes bornés à celles qui font nécessairement partie d'un cours d'études classiques, et qui s'enseignent maintenant dans les collèges de tous les pays. Nous n'avons indiqué ces matières que d'une manière générale, parce que nous voulons laisser aux institutions le choix des moyens qu'elles croiront les plus propres à procurer à leurs élèves les connaissances que nous exigeons pour le Baccalauréat-ès-Arts et l'admission à fréquenter les cours de l'Université. « Les examens, s'ils sont faits comme nous le supposons, seront de véritables concours entre les élèves des différens collèges et devront, ce nous semble, faire naître une émulation qui contribuera puissamment à rendre les études plus fortes qu'elles ne le sont aujourd'hui. « Nos résolutions ne contiennent rien touchant les institutions qui devront maintenant ou qui pourraient plus tard donner des cours spéciaux de théologie, de droit etc. c'est que nous ne croyons pas pouvoir régler ce qui les concerne avant que les facultés soient elles-même organisées. Je puis cependant assurer Votre Grandeur que nous sommes très disposés à fournir aux jeunes gens qui suivront ces cours, les moyens de parvenir aux degrés. « Enfin, Mgr. il est une autre chose dont nos résolutions ne disent rien pour la raison que je viens de donner et à l'égard de laquelle nous aimons néanmoins que nos intentions soient connues ; je veux parler des conditions auxquelles les membres actuels des Collèges obtiendront les degrés dans la faculté des Arts. Nous concevons très bien que des hommes distingués par leurs talents et leur science, comme chacun de nos Collèges en renferme, ne doivent pas être soumis aux épreuves que nous exigeons pour leurs élèves : aussi sommes-nous résolus à leur offrir de tout autres conditions. Nous espérons qu'elles seront acceptées, au moins par la plupart d'entre eux et que notre Université — 23 — aura bientôt l'honneur de les compter au nombre de ses gradués. Je dois diie ici que les degrés, surtout celui de Docteur, ne seront pas uniquement des titres honorifiques, car nous prétendons faire à ceux qui les auront une part assez considérable dans la conduite des affaires de l'Université. « Voilà nos vues, Mgr., mais nous n'y tenons pas plus qu'il ne convient. Avant de rien décider et régler définitivement, nous désirons beaucoup avoir les avis de V. G. et ceux de NN. SS. les évêques de la Province, ainsi que les remarques et les objections de toutes les maisons de haute éducation. Avec ces secours, nous pourrons, j'espère, modifier nos résolutions de manière à satisfaire tous ceux qu'elles peuvent intéresser et adopter ensuite d'autres mesuies propres à rendre les privilèges que nous venons d'obtenir, utiles au plus grand nombre possible de nos compatriotes. XXXIII. Le document qui suit accompagnait la lettre précédente. Nous croyons utile de le reproduire dans sa forme primitive quoiqu'il ait subi plus tard diverses modifications dans les détails. Voir l'Annuaire de 1859-60, page 22, et celui de 1861-62, page 24. (année 1853.) Résolutions qui seront proposées â l'adoption du Conseil de l'Université-Laval dans le mois d'avril prochain, et qui, si elles sont adoptées, devront être insérées, quant à la subs- tance, dans les statuts de V Université. « I. Nul ne sera admis au grade de Bachelier-ès-arts, ni inscrit comme élève d'une des Facultés, à moins qu'il n'ait prouvé qu'il possède les matières qui font ordinaire- ment l'objet de l'enseignement dans les collèges. « II. A cet effet, tout canditat au Baccalauréat ou à l'inscription devra subir deux examens: l'un après avoir fait sa rhétorique et l'autre, après avoir terminé son cours de philosophie. « III. Pour être admis à l'un ou l'autre de ces examens, le candidat devra en avoir obtenu la permission du Recteur de l'Université, auquel il en aura fait parvenir la de- mande par écrit au moins quinze jours avant la première séance de l'examen. Cette demande contiendra en toutes lettres le nom, le prénom, l'âge et le lieu de la résidence du candidat, ainsi que le nom de l'Institution où il aura fait ses humanités ou son cours de philosophie. Le candidat devra de plus joindre à cette demande un certificat de bonnes mœurs, signé par le chef du collège où il aura étudié en dernier lieu, et un autre signé par son curé ou ministre, s'il ne fréquente aucun collège depuis plus de deux mois. « IV. Les examens se feront par écrit, soit en français, soit en anglais, au choix de . chacun des candidats, et leur travail sera distribué en six séances à l'un et l'autre examen. — 24 — « V. Les séances du premier examen dureront : les trois premières, trois heures ; la quatrième et la cinquième, quatre heures ; la dernière, cinq heures. Elles seront employées comme suit : « La première, à faire un thème latin ou des vers latins ; « La seconde, à faire une version latine ; « La troisième, à faire une version grecque ; « La quatrième, à répondre à trois questions, dont une sur l'histoire universelle, une sur l'histoire du Canada, et une sur la géographie ; « La cinquième, à répondre à deux questions sur les principes de la littérature, et à deux autres sur les préceptes de la rhétorique ; « La sixième, à faire une composition française ou anglaise, au choix du candidat. « (Plus tard, il y aura une séance pour un thème grec, et après 1856, une des ré- ponses sur l'histoire devra être faite dans celle des deux langues française et anglaise qui sera la moins familière au candidat.) « VI. Les séances du second examen seront de quatre heures chacune, excepté la dernière qui ne durera que deux heures, et elles seront employées de la manière suivante : « La première, à faire une dissertation ayant rapport à la logique ; « La seconde, à en faire une sur un point de métaphysique générale ou particulière ; « La troisième, à en faire une sur un point de morale ; « La quatrième, à répondre à des questions sur la physique et sur la chimie ; « La cinquième, à résoudre des problêmes et à répondre à des questions sur les mathématiques et sur l'astronomie ; « Enfin la dernière, à répondre à des questions sur l'histoire naturelle. « (Les questions sur les sciences ne devront supposer que des connaissances élémen- taires. Il suffira, pour les mathématiques, que le candidat sache l'arithmétique, l'al- gèbre, la géométrie et la trigonométrie rectiligne, telles qu'on les enseigne maintenant dans les collèges.) « VII. Des jurys, nommés comme il est dit ci-après, examineront le travail des can- didats, et détermineront, à la pluralité des voix, le nombre de points auquel chacun d'eux aura droit. Ce nombre ne pourra, dans aucun cas, excéder le maximum fixé comme suit : « Dix-huit points pour le travail de chacune des trois premières séances du premier examen ; « Vingt-quatre points pour celui de la quatrième, et autant pour celui de la cin- quième ; « Trente-six points pour la composition française ou anglaise ; « Dix-huit points pour le travail de chacune des cinq premières séances du second examen ; « Neuf points pour le travail de la dernière. — 25 — «VIII. A la fin de l'un et l'autre examen, les jurys additionneront les points gagnés par les candidats et distribueront ceux-ci en trois catégories, ayant soin d'inscrire les noms des deux premières par ordre de mérite. « La première catégorie sera composée de ceux qui auront gagné au moins les deux tiers des points que chacun pouvait gagner ; « La seconde, de ceux qui, n'ayant pas gagné les deux tiers, en auront gagné au moins un tiers ; « La troisième enfin, de ceux qui en auront gagné moins d'un tiers. «IX. Les candidats qui auront été placés dans la première catégorie, à l'un et l'autre examen, obtiendront seuls le diplôme de Bachelier-ès-arts. Ceux de la seconde ealé^ gorie pourront suivre les cours de l'Université, mais ils n'obtiendront dans aucune Fa^ culte, un degré supérieur à celui de Bachelier, tant qu'ils n'auront pas été admis à ce- degré dans celle des Arts. Enfin ceux de la dernière catégorie n'obtiendront aucun privilège ; ils pourront cependant se présenter de nouveau aux examens. « X. Il n'y aura qu'un jury pour le premier examen. Deux autres se partageront le second, de manière que l'un ait à examiner les candidats sur la philosophie intellectuelle et morale, et l'autre sur les sciences mathématiques et physiques. Cependant, la même personne pourra faire partie de deux jurys ou même de trois. « XI. Les jurys seront nommés par le Recteur de l'Université et composés d'un of- ficier ou professeur de chacun des collèges de la Province dans lesquels on fait un cours complet d'études classiques. Ces officiers ou professeurs seront désignés au Recteur par les chefs de leurs collèges. « XII. Le quorum de chacun de ces trois jurys sera fixé à cinq. Lorsque ce nombre ne sera pas complet ; le Recteur le complétera, « XIII. Les jurys devront se conformer pour les détails des examens aux règles qui seront adoptées par le Conseil de l'Université ; et, quant aux matières des examens, ils ne pourront en substituer aucune à celles qui auront été déterminées par le Recteur ou par le Doyen de la Faculté des Arts. Voici, selon Vordre des dates, les observations faites par les Collèges qui ont jugé à propos de répondre à la communication qui leur avait été faite de la lettre du 18 février et du projet de résolutions. XXXIV. Lettre du R. P. Recteur du Collège Sainte-Marie de Montréal a M. le Secrétaire de l'Éveché de Montréal. « 16 mars 1853. « J'ai reçu la communication que vous avez eu la bonté de m'adresser de la part de Mgr. de Montréal au sujet du plan proposé par le conseil de l'Université-Laval. Je me 4 — 26 — réjouis avec tous les bons catholiques de la gloire qui rejaillira sur la religion par suite de cette royale faveur. « Le conseil qui va former les réglemens est plus à même que qui que ce soit de bien concevoir l'ensemble de son plan et d'en coordonner les parties. Je pencherais pour ne pas lui donner une apparence trop sévère et trop difficile pour le nombre et la durée des épreuves. Les candidats timides pourraient peut-être s'effrayer et ne vouloir pas hasarder la dépense d'un voyage et d'un séjour prolongé dans la capitale. « Il est clair que tout dépendra de la manière dont les législateurs interpréteront la loi ; en de si bonnes mains, elle ne peut tourner qu'à la gloire de Dieu et à l'honneur du pays. » XXXV. Lettre de M. le Préfet des études du Collège de l'Assomption au Supérieur du Séminaire. «23 mars 1853. «C'est avec plaisir que nous avons reçu la série des résolutions qui doivent être soumises au conseil de l'Université-Laval, dans le mois d'avril prochain. Avant tout, nous saluons respectueusement la première Université du Bas-Canada, en lui souhaitant d'être aussi bienvenue dans toutes les parties de la Province qu'elle l'est parmi nous. « Nous n'avons qu'à vous féliciter d'avoir eu l'heureuse pensée de travailler à l'établissement de cette belle institution, à l'ombre de laquelle les sciences, en Canada, vont bientôt prendre un nouvel essor. La marque d'estime que vous donnez à vos confrères des autres maisons d'éducation, en voulant bien leur faire part de privilèges que vous auriez pu réserver pour vous seuls, ne mérite pas moins nos éloges et notre reconnaissance. « Nous n'avons de même qu'à louer la sagesse du projet de règles que nous avons sous les yeux : cependant, comme les membres des collèges, auxquels vous avez fait l'honneur d'envoyer copie de ces résolutions, sont invités à vous transmettre toutes les modifications qui leur paraîtraient convenables ; nous croyons pouvoir user de cette liberté pour vous faire observer que la XHIe clause nous a paru embarrassante pour les élèves des autres maisons qui seraient admis à concourir avec ceux de votre collège pour les degrés universitaires. Cependant, nous avons été bientôt rassurés par une lettre de votre main que Sa Grandeur Monseigneur de Montréal nous a communiquée. Car vous dites en substance, dans cette lettre, que vous n'avez point voulu fixer les points spéciaux qui feront l'objet du concours, afin que chaque collège puisse Continuer d'enseigner les matières qui font nécessairement partie d'un cours d'études classiques, suivant sa coutume et les besoins de sa localité, sans que ses élèves soient pour cela privés de l'avantage de concourir avec ceux de votre maison ; ce qui fait comprendre — 27 — que les matières spéciales des examens se détermineront sur l'avis des membres de chacune des maisons dont les élèves seront admis au concours. « Nous nous permettrons donc de vous demander humblement que la XlIIe clause soit modifiée, ou du moins entendue conformément à la tenure de cette lettre ; et nous accepterons avec une vive reconnaissance le plaisir et l'honneur que vous nous laites en voulant bien traiter nos élèves sur le même pied que les vôtres. «C'est encore avec une bien douce satisfaction que nous voyons par votre lettre que vous êtes disposés à mettre au nombre de vos gradués les membres actuels des Collèges, sans les soumettre à des conditions qui auraient paru humiliantes. « Nous terminons en souhaitant plein succès à l'Université-Lavàl, ainsi qu'aux hommes intelligents «et amis de notre nationalité dont les nobles eftorts ont doté le pays d'une institution qui nous élève d'un seul coup de plusieurs degrés dans l'échelle du monde littéraire. » XXXVI. Lettre de M. le Directeur du Collège Masson au Supérieur du Séminaire. «2 avril 1853. « J'ai reçu, par l'entremise de Monsieur Paré, chanoine de la cathédrale, les résolutions concernant l'Université-Laval. Je n'y vois qu'une observation à faire. Elle touche à la dernière partie de la XlIIe et dernière résolution. Cette observation, j'ai lieu de croire, a été faite également par quelques autres. Il s'agit des matières des examens, lesquelles sont laissées à l'entière discrétion du Rectenr de l'Université ou du Doyen de la faculté des Arts. Est-ce que les jurys ne pourraient pas déterminer eux-mêmes ces matières ? « Du reste, Monsieur le Supérieur, je n'ai que des vœux à faire pour l'entier succès de l'Université projetée. La religion et les fortes études y trouveront, nous devons l'espérer, une puissance de plus pour le bien. XXXVII. Lettre de M. le Supérieur du Collège de Ste. Anne a Mgr. l'Archevêque. «2 avril 1853. « Monseigneur, « Je satisfais un peu tard aux vœux exprimés dans la lettre de Votre Grandeur et dans celle de M. le Supérieur du Séminaire de Québec, en présentant quelques remar- ques que nous avons faites en commun au sujet des résolutions qui,doivent être propo- sées au Conseil de l'Université-Laval. Je crains qu'elles ne soient pas trouvées assez — 28 — explicites ; mais il nous était difficile d'émettre une opinion sur des matières nouvelles pour nous, privés comme nous le sommes de l'avantage de pouvoir conférer de vive voiv. avec les membres du Séminaire de Québec et des autres institutions du pays ; et de plus, ayant quelque sujet de penser que nous ne connaissons encore qu'une partie des dispositions qui devront régir l'Université. « Nous voyons, en effet, dans la lettre de M. le Supérieur, qu'il sera fait aux Gradués et surtout aux Docteurs des Collèges non affiliés une part assez considérable dans la con- duite des affaires de l'Université et rien dans la Charte et dans les statuts projetés ne nous éclaire sur ce point. « On nous demande des remarques sur les résolutions en question. Des difficultés ont été faites sur quelques-unes en particulier, par exemple, suf l'opportunité d'un double examen ; mais la dernière surtout a donné lieu à de grandes objections en ce qu'elle nous a paru menacer les libertés des maisons indépendantes de l'Université et nous n'avons pu la concilier avec un passage de la lettre de M. le Supérieur. « Nous ne comprenons pas, en effet, qu'en admettant la clause suivante de la XlIIe résolution. « Quant aux matières des examens, les jurys ne pourront en substituer au- « cune à celles qui auront été déterminées par le Recteur ou par le Doyen de la faculté « des Arts» ; on puisse l'interpréter par ces paroles de la lettre de M. le Supérieur : « La liberté des maisons d'éducation demeure intacte. Chacune pourra continuer « à régler son enseignement selon les besoins de sa localité' ou le but particulier qu'elle « se propose, sans être gênée par le programme de l'Université. « Si le Recteur ou le Doyen de la Faculté des Arts peut, sans le concours des maisons d'éducation indépendantes, déterminer le programme de l'examen, la conclusion qui nous paraît inévitable, c'est que : « 1° Tous les Collèges devront, pour leurs études (toujours dirigées en vue des ex- amens) Renoncer à leur programme particulier et prendre celui que le Recteur imposera pour l'examen. « 2° Cette disposition, si nous l'entendons bien, constituera un véritable mo- nopole auquel ne pourrait se soumettre une maison qui tient à conserver sa liberté intacte.» XXXVIII. Lettre de Mgr. l'Evêque de St. Hyacinthe a Mgr. l'Archevêque. «8 avril 1855. « Monseigneur, « Pardonne'z-moi d'avoir retardé jusqu'à ce jour à répondre sur le Projet des Résolu- tions concernant YUniversiiê Laval ; mais réellement ce n'est que ces jours-ci que les Messieurs du Séminaire de St. Hyacinthe ont pu me remettre leurs notes, que je vous — 29 soumets en toute humilité, et que je prie Votre Grandeur de communiquer aux membres y intéressés du Séminaire de Québec. Ces observations leur sont présentées avec toute la confiance et l'intime cordialité qui existent entre ces deux excellentes maisons ; j'ai donc l'assurance qu'elles seront bien accueillies. « Pour ma part, je n'ai qu'à témoigner de nouveau ma sincère estime envers tous les Membres du Conseil Universitaire, et à présenter à Votre Grandeur l'assurance---» XXXIX. « Les observations mentionnées dans la lettre précédente se trouvent ainsi résumées dans la lettre du 1er juin 1859, ci-après No. L.— 1° Les examens par écrit ne rendent pas suffisamment justice aux Candidats ; 2° On exige des connaissances historiques trop étendues ; 3° Pourquoi demander une réponse en anglais, de tous ceux dont le français est la langue maternelle ? Nous regrettons de n'avoir pu retrouver le texte de ces observateons qui embrassaient quelques autres points dout nous ne pouvons nous souvenir. Nous donnons ici ce résumé tel quel, afin de rendre aussi complète que possible l'exposition des objections faites contre le plan proposé par l'Université. XL. Lettre de M. le Supérieur du Séminaire de Ste. Thérèse au Supérieur du Séminaire de Québec « 15 avril 1853. «D'après les documents touchant l'Université-Laval que vous avez fait tenir à Monseigneur de Montréal, et que votre intention était de faire parvenir aux Collèges du diocèse, vous trouverez sans doute que le Petit-Séminaire de Ste. Thérèse est en retard pour répondre aux avances si avantageuses et si libérales du Séminaire de Québec. Pour nous excuser, mes confrères et moi, nous devons vous dire, Monsieur le Recteur, qu'il n'y a que bien peu de temps que nous sommes en possession de tous ces documents, et que d'ailleurs des circonstances pénibles nous ont empêchés d'y donner d'abord toute notre attention. . « En outre, ne pouvant nous occuper d'une manière spéciale des questions qui doivent être la matière de l'examen et de la discussion du conseil de l'Université-Laval ; n'ayant point en conséquence de remarques importantes à lui adresser, nous venons peut-être assez tôt ; car nous n'avons qu'à exprimer nos sentiments et nos dispositions sur la formation et l'existence de votre Université. — 30 — « Nous croyons qu'elle procurera de grands avantages au Bas-Canada ; qu'elle contribuera beaucoup à fortifier les études dans nos établissements de haute éducation, et à développer les talents dans notre pays. « Nous apprécions hautement l'honneur et les avantages de l'affiliation ; et en conséquence, sachant bien qu'elle requerra certaines obligations et conditions, nous aimerions à les connaître, quand il sera possible, ou du moins à connaître les vues du conseil à cet égard. « Nous supposons que s'il n'y a pas de livres obligatofres pour l'enseignement dans les Collèges affiliés, du moins il y aura des livres désignés comme propres et suffisants pour la préparation au Baccalauréat ; que de tels livres n'auraient besoin que d'être approuvés par le conseil ; et que les différents établissements d'éducation auraient la faculté de soumettre à son approbation les livres qu'ils aimeraient à garder dans leurs classes, « Nous n'ajouterons rien d'avantage* sinon que nous concourons cordialement à votre noble entreprise d'ériger une Université.» XLI. Analyse et extraits de la Lettre Pastorale de Mgr. l'Archevêque de Québec, annonçant l'érection de l'université-laval. «8 décembre 1853. Mgr. VArchevêque expose d'abord ce que l'Église Catholique et les Souverains Pontifes ont pensé de la nécessité de la science véritable ; les efforts qu'ils ont faits pour la répandre, surtout par la fondation des Monastères et des Universetés les plus célèbres. Passant au Canada, il fait remarquer combien la religion a veillé attentivement, dès les premiers temps de la colonie, à ce que la jeunesse Canadienne pût s'abreuver sans peine et sans danger aux sources de la science. Malheureusement cette facilité de parvenir aux études classiques a dégénéré en abus ; beaucoup de jeunes gens destitués de talents convenables ont été arrachés de l'humble mais utile condition de leurs pères pour venir encombrer et déshonorer les pro- fessions libérales. Le Prélat donne de sages avis aux parents pour éviter ces graves inconvé- nients. Il ne faut pas non plus tomber dans l'excès opposé qui consiste à regarder comme perdu le temps consacré à l'étude des langues classiques, car elles présentent de nombreux et inappréciables avantages. « Voilà, continue-t-il, ce que nos illustres prédécesseurs avaient compris, lorsqu'ils prenaient sous leur protection spéciale, et favorisaient de tout leur pouvoir ces institu- tions où l'on se familiarise avec les auteurs classiques de Rome et d'Athènes. Bien loin de chercher à abaisser le niveau des études collégiales, quelques-uns d'entr'eux, et particulièrement Monseigneur Hubert, dont la sollicitude s'occupait de tous les besoins de son vaste diocèse, auraient désiré leur donner plus d'éclat et plus d'extension, par 31 — l'établissement d'une Université catholique à Québec. Ce projet fut abandonné dans le temps, par suite des nombreuses difficultés qui s'élevèrent ; mais les circonstances étant devenues plus favorables, le même projet a été de nouveau agité, depuis quelques années. C'est en effet avec regret que l'on voit la jeunesse catholique forcée de passer dans des pays étrangers, soit pour y obtenir des grades académiques, soit pour se livrer à l'étude de la médecine ou de la jurisprudence. On conçoit quelles doivent être les inquiétudes de parents religieux, en songeant à leurs enfants livrés à eux-mêmes, sans aucune surveillance et environnés de mille dangers pour leur foi et pour leurs mœurs. Hélas î dans les circonstances actuelles, la situation de ceux qui viennent se préparer dans nos villes catholiques, pour entrer dans les professions libérales, est souvent aussi déplorable. « A la vue de ces nombreux et graves périls que court une partie si précieuse de leurs troupeaux, les Pères du Premier Concile Provincial de Québec émirent le vœu que les catholiques pussent dans toute l'étendue du pays, jouir d'écoles, de collèges et d'U- niversités adaptés à leurs besoins et à leurs croyances : Nobis vero nihil non emolien- dum erit ut catholici jura sua retinentes, scholis sibi propriis, sicut et collegiis Universita- tibusque, in totâ nostrâ provinciâ fruantur. {Con. Prov. Queb. Dec. XV ) « Le respectable Séminaire de Québec, entrant dans la pensée des Pères du Con- cile, a entrepris de la mettre à exécution, en établissant une Université, où la jeunesse catholique pourra fortifier ses études, et se préparer à recevoir les degrés académiques, sans s'exposer à perdre sa foi et ses mœurs. Déjà, l'année dernière, une charte royale fut octroyée pour l'établissement de cette institution, par notre Très-Gracieuse Souve- raine, la Reine Victoria ; et nous avons aujourd'hui le bonheur d'annoncer que, sur la demande de tous les évêques de la province ecclésiastique, le Saint-Siège a daigné lui conférer des privilèges précieux, comme gages de sa bienveillance. « L'Université-Laval, ainsi nommée en mémoire du vénérable fondateur du Sémi- naire de Québec, ayant reçu la sanction et du pouvoir ecclésiastique et de l'autorité civile, nous invitons la jeunesse studieuse de notre diocèse à profiter des avantages qu'elle lui offre, non pas pour acquérir une gloire mondaine, mais pour se rendre'utile à la religion et à la patrie, et pour procurer la plus grande gloire de Dieu parmi les hommes. « Nous espérons que cette création devra produire un redoublement d'efforts dans nos maisons de haute éducation, En effet, le Conseil Universitaire a déjà offert à toutes, en faveur de leurs élèves, les avantages que la charte lui permet d'accorder à la jeu- nesse du pays. Toutefois, pour les obtenir, il faudra s'en rendre digne par de bonnes études, et le prouver par des examens convenables. Il n'est pas douteux que les Sémi- naires et les Collèges de notre diocèse et des diocèses voisins ne s'empressent de profiler de ces offres. El bientôt, nous aurons la satisfaction de voir régner entre les différentes maisons d'éducation une émulation louable, qui tournera au profit des études ; chaque — 32 — année, entre les élèves, se renouvelleront des luttes pacifiques, toujours d'une grande utilité, même pour ceux qui n'y trouveront pas la victoire. « Au sein de l'Université, nos jeunes compatriotes, guidés par des maîtres chrétiens, pourront boire les eaux de la science, sans craindre d'y trouver mêlés les poisons de l'erreur. Là, le jeune lévite pénétrera dans les profondeurs de la théologie, éclairé dans sa marche par le flambeau de la foi ; là, le jurisconsulte ne s'occupera pas à créer de vaines théories, mais il étudiera les grands principes du droit qui découlent de la justice éternelle ; le médecin y apprendra à reconnaître dans l'homme, non la matière organi- sée par le hasard, mais le roi de la terre, le chef-d'œuvre du créateur, l'image créée à sa ressemblance et l'objet de ses plus chères prédilection^ ; le philosophe s'accoutumera à adorer la main du Dieu Tout-pUissant, dans les merveilleux secrets de la nature. Tous y pourront puiser, avec les nobles inspirations de la science, cet aniour de la Patrie qui rend le savant utile à ses compatriotes, ces vertus chrétiennes qui ornent les plus belles intelligences, cette foi pure et ferme qui empêche l'esprit humain de s'égarer dans les voies du doute et de l'irréligion. « En nous réjouissant, N. T. C. F., des heureux résultats que promet l'établisse- ment de la nouvelle Université catholique, nous aimons à proclamer hautement l'impor- tance des services que le Séminaire de Québec a rendus, et qu'il rend encore à la cause de la religion et de la patrie ; sa démarche actuelle est une suite bien naturelle des efforts constants qu'il a faits, pour répandre parmi les Canadiens les bienfaits d'une instruction supérieure, basée sur les principes de la saine morale. Les difficultés d'un pareil établissement seront sans doute nombreuses ; mais le dévouement, le patrio- tisme et la foi chrétienne de Messieurs les Directeurs du Séminaire, sauront les vaincre, comme déjà ils en ont vaincu bien d'autres. « Nous avons la ferme confiance que tous nos diocésains comprendront l'impor- tance de cette œuvre nationale et religieuse, et qu'ils seconderont de tout leur pouvoir les généreux fondateurs de l'Université-Laval, pour la faire prospérer, et la rendre de plus en plus utile aux grands intérêts de l'ordre, de la morale et des saines études. « Puisse la Divine Providence répandre ses bénédictions sur cette glorieuse institu- tion, et lui faire produire des fruits abondants de salut, non-seulement pour la jeunesse studieuse, mais encore pour tout le peuple de la Province Ecclésiastique de Québec ! » XLII. Extraits de la Lettre Pastorale de Mgr. de Montréal publiant une Lettre Pastorale de Mgr. l'Archevêque de Québec, annonçant l'érection de l'Université Laval. «27 décembre 1853. « Nous avons donc enfin, N. T. C. F., une Université Catholique. C'est la joyeuse nouvelle que nous annonce notre Vénérable Métropolitain, dans sa belle lettre du huit — 33 — décembre courant, et dont vous entendrez la lecture, Dimanche prochain ; car il nous a permis de la publier, dans notre Diocèse, comme déjà elle l'a été dans toutes les Eglises de la Métropole. « Il nous dira lui-même ce que c'est qu'une Université, et quels en sont les précieux avantages. Pour nous, nous n'avons rien autre chose à faire que de la saluer avec amour, et de lui donner une pleine et entière confiance ; c'est l'unique but que nous nous proposons, en vous adressant cette Lettre. « D'abord remarquons,N. T. «G. F., que c'est quelque chose de bien consolant, pour nous tous, que d'apprendre que notre jeune Canada se trouve maintenant doté d'une de ces grandes Institutions, qui font la gloire littéraire des vieux pays de l'Europe ; et c'est pour la Religion de notre Pays, toujours si Catholique, un inestimable bonheur que de fonder encore pour la Patrie ce précieux établissement, qui couronne si heureusement tous ses sacrifices pour l'Education. « Cette Institution naissante porte le nom d'Université-Laval, nom célèbre, inscrit sur son Frontispice, et qui ne'peut manquer de fixer les regards des élèves, chaque fois qu'ils en franchiront le seuil, et de les remplir d'une noble ardeur ; et déjà il inspire à ceux qui le lisent de loin, une juste confiance. Car qui doute que les enfans du Pays, qui vont fréquenter les Cours de cette Université, ne soient continuellement et puissam- ment excités à travailler de toutes leurs forces à s'illustrer, sous les douces et vives influences de ce Nom chéri, qui donna à l'ancienne France tant de grands hommes, et qui rappelle à la Nouvelle tant de ravissants souvenirs. Celte Université va être dirigée par l'esprit du Fondateur de l'Eglise du Canada, dont elle porte le nom ; et c'est là surtout ce qui fait sa gloire et assure son succès. Car elle est confiée à des hommes pieux et savants, qui ont reçu de leur Père le feu sacré de l'enseignement religieux, lequel entre leurs mains ne s'est jamais éteint. Toujours ils ont été les dépositaires fidèles de la science sacrée, et du zèle ardent que les élèves du Sanctuaire n'ont cessé de puiser à cette source abondante.... «Or, N. T. C. F., c'est aces hommes, aussi habiles que dévoués, qu'est dévolue aujourd'hui la noble tâche de diriger l'éducation universitaire. Notre jeune Université, ainsi conduite par ce Père expérimenté de nos Séminaires, s'élancera donc avec toute l'ardeur de la jeunesse, dans la brillante carrière des hautes études, qui lui est ouverte. Peut-on douter, qu'avec du temps et des sacrifices, elle n'atteigne son noble but ? « Tous ceux qui ont à cœur l'honneur de notre Pays, applaudissent, N. T. C. F., au choix que l'on a fait du Doyen de nos Séminaires pour diriger la nouvelle Université, parce qu'ils estiment avec raison, que c'est une récompense grandement méritée, pour les services immenses qu'il a rendus aux Lettres. Mais ce sont surtout les Maisons d'Education qui en "bénissent la Divine Providence ; car elles n'oublient pas l'accueil encourageant que leur fit ce Séminaire, dans le temps qu'il se trouvait seul dépositaire 5 des sciences sacrées et profanes. En effet, il comprit à temps le besoin de multiplier graduellement lés Maisons d'Education. «Il encouragea en conséquence les hommes de dévouement, qui s'offraient à partager les peines et les mérites de l'enseignement ; il se prêta à tout de bonne grâce, fournissant des Professeurs, et donnant les autres secours en son pouvoir, afin d'aider ces nouvelles Institutions, qui, elles aussi, sont parvenues à obtenir leur juste part de la confiance publique, en rendant d'importants services à la Religion et à la Patrie. . « Mais si ce bon esprit porta, à différentes époques, le Séminaire de Québec à applaudir aux travaux et aux succès des nouvelles Maisons d'éducation, l'on peut dire qu'il en est aujourd'hui bien récompensé, par les vives sympathies qu'elles lui portent, en voyant avec bonheur son front auguste ceint de la couronne Universitaire. Et que d'heureux résultats n'avons-nous pas à attendre de cette harmonie, qui va régner entre Y Université et tous les Collèges de la Province ! «Or, c'est pour l'honneur de la Religion, la gloire de la Patrie, et le bien de vos enfants, N. T. C. F., que tous ces établissements ne feront qu'un cœur et qu'une âme,- pour vous aimer tous plus tendrement ; et qu'ils vont se donner la main pour travailler tous plus utilement à votre avantage « Vous en devez donc bénir la Divine Miséricorde, en demandant que l'ennemi de toiit bien ne puisse jamais troubler ces harmonieuses dispositions. «D'ailleurs, tous trouveront déplus grands avantages dans celte intime union. Car les rayons lumineux qui jaillissent de ce brillant Diadème dont la Religion et l'Etat viennent de couronner cette Antique Institution, doivent se refléter sur les nouvelles, pour les faire toutes briller d'un éclat nouveau. C'est un héritage de famille religieuse et civile, qui n'est entre les mains du Père que pour le partager aux enfants. On doit ajouter que la peine et les sacrifiées seront pour le Père, et les avantages pour les enfants. De cette intime union, résultent, il n'en faut pas douter, une force et une puissance irrésistibles pour le bien. «Il ne faut donc pas s'étonner, N. T. C. F., si tous saluent avec un joyeux enthou- siasme, l'Université-Laval, et lui souhaitent bonheur et prospérité. L'Episcopat y trouve une grande école pour l'enseignement religieux ; le Clergé, des Chaires de Théologie, pour le développement des Sciences Sacrées ; le Barreau, des Chaires de Droit, pour l'encou- ragement des connaissances légales ; la Médecine, une Faculté, pour l'avancement des études médicales. « La Religion et la Patrie se réunissent donc pour installer, avec solennité, cette grande Institution, sur laquelle reposent leurs espérances pour l'avenir. « De tout ce que Nous venons de dire, il suit, que le jour qu'est née Y Université- Laval, doit faire Epoque dans notre histoire. Or, remarquez-le-bien, N. T. C. F., c'est pour le monde entier un des jours les plus heureux ; car c'est celui où la Glorieuse Marie fut conçue sans la tache du péché originel. En effet, chose admirable ! les Lettres — 35 — Patentes, qui donnent une existence et des droits civils à cette Université, furent signées, l'an dernier, par Notre Gracieuse Souveraine, le huit décembre. Cette année, à pareille date, le Rescrit Pontifical, qui bénit la Nouvelle Institution, et la dote de glorieuses prérogatives, est solennellement proclamé par le Métropolitain de la Province Ecclésias- tique de Québec. Cette Université doit être la Sorbonne de la Nouvelle-France ; or l'on sait que cette célèbre Faculté Théologique de Paris professa constamment des doctrines en tout favorables au glorieux privilège accordé à Marie, dans son Immaculée Conception ; et qu'elle imposait à ses Docteurs, sous serment, l'obligation de le défendre. « Frappé de ces coïncidences providentielles, le Séminaire de Québec a cru que c'était la volonté de Dieu que Y Université-Laval fût placée sous le Patronage de Marie conçue sans péché. Après mûre délibération, il s'est agenouillé aux pieds de la Vierge Immaculée, et lui a consacré cette grande Œuvre, en la priant de vouloir bien en être la Souveraine Dame et Maîtresse, La Pureté Virginale de notre Mère va donc être, pour la nouvelle Institution, une lampe toujours ardente, à la lueur de laquelle devront écrire tous ses Docteurs ; Lampas inextinguibilis. Elle sera aussi pour ses élèves, il faut l'espérer, un baume sacré qui les préservera de la contagion du siècle. Car sa vie, plus pure que celle des Anges, et qui illustre toutes les Eglises, conservera, dans leur innocence, les jeunes cœurs qui, dans cette Institution, lui seront dévoués. « Cujus vita inclyta cunctas illustrât Ecclesias.t) « Réjouissons-nous donc, N. T. C. F., de ce qu'il y a, dans notre Pays, une nou- velle Institution, composée d'hommes pieux et savants qui vont consacrer leurs talents è la gloire de Marie, en s'engageant à soutenir, de toutes leurs forces, le privilège de son inviolable pureté, dont Elle est plus jalouse que de tous les autres. «Nous vous avons donné, N. T. C. F., les motifs de notre confiance, dans Y Université-Laval que depuis longtemps Nous appelions de tous nos vœux, et qui enfin Nous apparaît aujourd'hui, sous les plus heureux auspices. Jusqu'ici, Nous vous avons parlé, comme Evoque, de cette Vénérable Maison, qui vient d'être érigée en Université ; souffrez maintenant que Nous vous en parlions en fils dévoué. « En ellet, c'est au Séminaire de Québec que Nous devons le bienfait de notre Education ; et toujours Nous nous sommes senti incapable d'acquitter cette dette sacrée, contractée par Nous, pour cet insigne bienfait. Nous nous contentions donc de Nous rappeler avec attendrissement, les jours heureux que Nous passâmes sous ces voûtes antiques, qui abritèrent nos jeunes années, et d'en bénir la Divine Providence........ « Vous entendrez Dimanche prochain, la lecture de la Lettre Pastorale de notre Vénérable Métropolitain, à laquelle Nous n'ajoutons rien, parce qu'elle se recommande assez d'elle-même. Pour Nous, en vous.écrivant aujourd'hui Nous n'avions qu'un but ; c'était de témoigner publiquement de toute la confiance que Nous portons à Y Université- Laval, et Nous avons tâché de le remplir, en vous faisant observer que tout dans cette "rande OEuvre est de nature à rassurer. Car son organisation est régulière ; son .Yom — 36 — est influent ; sa Vocation est sublime ; ses Professeurs sont habiles ; ses Protecteurs sont puissants ; son but est Divin ; et Elle a pour la diriger du haut du Ciel, la Bienheu- reuse Vierge Marie, qui y brille de tout l'éclat de son inviolable pureté, et qui sera pour elle la véritable Étoile de la Mer, conduisant sûrement au Port tous ceux qui tiennent leurs regards tendrement fixés sur cet. Astre lumineux. « Sera la Présente Lettre Pastorale lue au Prône de toutes les Eglises, dans les quelles se fait l'Office Public, le premier Dimanche après sa réception ; et celle de Sa Grâce Monseigneur l'Archevêque de Québec, le Dimanche suivant.....» • XLIII. Extrait d'un mandement de Mgr. J. C. Prince, Evêque de St. Hyacinthe, en date du 18 janvier 1854. «......Notre but en ce moment, n'étant que de porter à votre connaissance les faits religieux qui vous intéressent et qui se sont passés dans le cours de l'année der- nière, nous nous bornerons à vous mentionner celui de l'érection du Séminaire de Québec en Université Provinciale, sous le nom d'Université-Laval, Pour que vous puis- siez apprécier davantage cette grande œuvre catholique, nous vous citerons quelques passages de la savante lettre pastorale que notre vénérable métropolitain, Monseigneur l'Archevêque de Québec, adressait à son diocèse, le 8 décembre dernier, en lui annon- çant officiellement cette érection. « Après avoir démontré que l'Eglise Catholique a toujours été la gardienne et la protectrice des lettres et des sciences par tout l'Univers, le digne métropolitain nous donne un intéressant aperçu des efforts que firent les premiers fondateurs de la Colonie et surtout les Ecclésiastiques du Séminaire de Québec, pour procurer au pays, avec les lumières de la foi, le bienfait d'une éducation collégiale et supérieure. « Dans notre Canada, dit-il, le clergé catholique n'a point méconnu sa mission. « A peine quelques maisons étaient-elles groupées, sur les bords du St. Laurent, au- « tour de l'habitation de Champlain, fondateur de la Colonie, que déjà la Religion « s'occupait d'élever un temple aux lettres et aux sciences. Les enfans de St. Ignace, « dès l'année 1635, jetaient les fondements du Collège de Québec, qui, entre leurs « mains pieuses et habiles, jouit bientôt d'une réputation bien méritée. En 1663, Mgr. « de Laval fondait son Séminaire destiné surtout à promouvoir les études ecclésiastiques. «Pendantun siècle ces deux institutions marchèrent ensemble, se soutenant l'une « l'autre, donnant au pays de zélés missionnaires et des citoyens utiles et éclairés. Au « grand regret de toute la colonie, le bel établissement des Jésuites tomba, après la « prise de Québec par les troupes anglaises. Heureusement pour les Canadiens, le Sé- « minaire de Québec voulut continuer l'œuvre commencée ; à force de patience, de — 37 — » dévouement et de sacrifices, il réussit à conserver au milieu de nous les traditions des « bonnes lettres et des sciences.» « Il était donc très naturel, N. T. C. F., qu'avec l'augmentation de la population et le développement des besoins, la généreuse maison de Québec devînt la première Uni- versité Catholique dans le Canada. Or, grâces à Dieu, c'est ce qui vient de s'accomplir par le zèle et les travaux des savants directeurs de ce Séminaire ; et c'est aussi un des heureux résultats du premier Concile Provincial qui avait porté un décret spécial à cette fin. : Nobis vcrd, etc., Décret XV. (Voyez ci-dessus page 4.) « L'Université-Laval, nous dit encore Mgr. l'Archevêque, dans un autre endroit de « sa lettre pastorale, est ainsi nommée en mémoire, etc.......parmi les hommes.» [Voyez ci-dessus, page 31.) « Nous aussi, N. T. C. F , nous invitons, nous pressons nos jeunes compatriotes à recueillir les nobles et salutaires enseignements de cette savante Université. Ce n'est pas seulement pour les cours de haute philosophie intellectuelle et naturelle, mais en- core pour les facultés de Médecine et de Droit qu'il y aura des professeurs habiles et religieux, et que ces chaires d'un enseignement irréprochable en tout point, seront cons- tamment occupées par des hommes de savoir et de mérite. « Mais en invitant ceux de nos diocésains qui sont aptes à profiter de ces cours uni- versitaires, notre dessein n'est pas, N. T C. F., de détourner de nos grandes maisons d'éducation les élèves qui les fréquentent, puisque tous les collèges de la Province peuvent, à certaines conditions, participer aux privilèges de la Grande Université ; encore moins voulons-nous déprécier les études d'un ordre inférieur sous quelque rapports, mais d'une utilité et d'un profit bien supérieur sous le point de vue de la généralité. Par- faitement d'accord en ceci, comme sur tout le reste, avec notre illustre métropolitain, nous vous disons comme lui : « Nous concevons que les Collèges ne doivent pas être trop multipliés, si l'on veut « que ces institutions soient maintenues sur un pied assez respectable pour produire « tout le bien qu'on en attend. Or, certainement, deux établissements de ce genre ne « sont pas trop pour les besoins de notre immense diocèse. Nous sommes d'ailleurs « bien persuadés que tous les jeunes gens ne sont pas indistinctement appelés à se livrer « aux études classiques, et que, pour le plus grand nombre, elles seraient inutiles ou « dangereuses. Aussi, loin d'encourager les parens £ envoyer au Collège des enfans « qui n'ont pas de dispositions convenables, nous leur conseillerons de suivre une voie « toute différente. Il y a déjà dans nos maisons d'éducation beaucoup trop de ces « jeunes gens qui auraient dû se contenter de l'instruction donnée dans une bonne école « élémentaire, pour retourner ensuite aux occupations de leurs parens. « Pour éviter ce grave inconvénient, N. T. C. F., nous souhaiterions qu'il y eût dans notre diocèse un plus grand nombre d'écoles paroissiales.......» — 38 — XLIV. Extrait d'un Mandement de Mgr. l'Évèque de Trois-Riviêres. 20 mai 1854. «........Nous saisissons avec empressement l'occasion favorable qui se présente pour remplir un devoir qui nous est bien agréable, celui de vous apprendre que MM. les Supérieur et Directeurs du Séminaire de Québec prennent sur eux le soin, le trouble, les frais et la responsabilité d'une Université Catholique.... Aujourd'hui,s'ils viennent, offrir au Pays un établissement Universitaire, c'est afin de pouvoir conférer à la jeunesse Canadienne des degrés, qu'elle ne pouvait obtenir qu'en Pays étrangers..........Le nouveau mode d'éducation, et les honneurs qu'il offre à notre jeunesse seront pour celle de tous les Collèges du Pays un stimulant qui leur fera apporter plus d'application à leurs études et mieux mettre à profit le temps si précieux et si court de la jeunesse. Cela seul mérite au Séminaire de Québec toute la reconnaissance du Pays . . . .Espérons que le Pays saura reconnaître ce qu'il doit au Séminaire de Québec et que notre jeunesse s'estimeia heureuse des avantages qui lui sont présentés et qu'elle s'empressera d'en profiter.......Bénissons Dieu qui a disposé toutes ces choses pour notre avantage et prions-le qu'il bénisse cet établissement naissant, afin que le nouvel élan qu'il va donner à l'éducation tourne à sa gloire, au bien de la religion et à la prospérité du Pays ; nous nous faisons l'interprète de nos diocésains, et nous offrons toute notre reconnaissance aux Messieurs du Séminaire de Québec qui ont tant fait pour l'instruction de la jeunesse du Pays, et qui, pour couronner leur œuvre, vont doter notre patrie d'une Université Catholique! .'. .» XLV. Divers règlements concernant l'organisation intérieure de l'Université, communiqués à NN. SS. les Evêques de la Province, ont donné lieu aux réponses suivantes i Extrait d'une lettre de Mgr. de Montréal au Supérieur du Séminaire de Québec « 2 décembre 1853. «---J'ai communiqué à Mgr. de Cydonia votre projet de « règlement concernant le Conseil de l'Université.» A notre avis, rien n'est plus désirable que le parfait ac- complissement de ce règlement. (Après quelques remarques sur le règlement concernant les élèves, remarques auxquelles on a eu égard, Mgr. ajoute :) Mais ce n'est là qu'une idée à laquelle je ne tiens nullement. • J'adhère au contraire à tout ce qui sera décidé ; et je ferai tout au monde pour qu'ici l'Université soit considérée comme elle doit l'être. — 39 — « En conséquence, ce sera de grand cœur que je me conformerai à tout ce qui sera fait à Québec, pour encourager un établissement si précieux. Si même Mgr. l'Arche- vêque était de cet avis, je ferais volontiers publier, dans le diocèse de Montréal, le document qu'il doit adresser à son Archidiocèse. Et comme l'Université de la Métro- pole est celle de la Province, on pourrait, ce me semble, en faire une œuvre provinciale. Dans ce cas, l'on ferait, pour l'Université, ce que l'on a cru devoir taire pour certaines mesures d'un intérêt général. Si, pour donner de l'importance à l'enseignement du catéchisme, l'on a jugé qu'un mandement commun produirait un bon effet, peut-être que l'on pourrait procéder de même, pour donner l'élan à l'enseignement universitaire, qui est le haut enseignement de la religion.» XLVI. Extrait d'une lettre de Mgr. l'Evêque de St. Hyacinthe au Supérieur du Séminaire de Québec « 6 décembre 1853. « J'ai lu avec intérêt et j'ai communiqué aux Messieurs de mon Séminaire, les règlements de l'Université-Laval que vous avez eu la bonté de m'adresser. Je n'y vois rien que de très-sage et de très-propre à assurer le succès et la moralité de cet impor- tant établissement. Aussi, je fais des vœux pour que l'œuvre soit en pleine opération le plutôt possible, et que vous soyez, au moins un peu, rétribués pour tous les grands sa- crifices pécuniaires que vous vous imposez pour cette organisation. « Je ne manquerai pas non plus de la recommander à mon clergé, en toute circons- tance, et notamment dans une assemblée générale des prêtres de mon diocèse qui doit avoir lieu à St. Hyacinthe dans le mois prochain.» XLVII. Lettre de Mgr. l'Evêque de Bytown (Ottawa) au Supérieur du Séminaire. « 14 décembre 1853. « J'ai parcouru avec le plus grand intérêt le projet de règlement de l'Université- Laval que vous avez bien voulu me soumettre. Il me parait rempli de sagesse et il ren- contrera, j'en suis sùf, l'approbation de toutes les personnes qui le liront. L'article 5 concernant l'enseignement me paraît offrir quelque difficulté dans son application à cause des nombreuses leçons auxquelles le même élève peut être tenu d'assister dans le même jour. « Je vous félicite de poursuivre avec courage la grande œuvre que vous avez entre- prise ; le succès ne peut manquer de couronner votre zèle et votre énergie. » . — 40 — XL VIII. Extrait d'une lettre de Mgr. l'Administrateur du diocèse de Kingston au Supérieur du Séminaire. «17th january 1854. « Very Révérend Sir, « I hâve the honor to acknowledge the receipt of your kind favour of the month of November last, with the enclosed rules for the Council of the University, for which I return you sincère thanks. There can be no doubt of the sincerity of my good wishes for the success and prosperity of that establishment. As far as I can judge at présent, I consider thèse régulations in gênerai very well adapted for the purpose. I hâve no doubt but in the working of the system in détail, expérience mav teach the propriety, if not the necessity, of making some amendments, or improvements in them. I am happy to hear that you are going to put it into opération so soon, and earnestly hope that God will pour down upon its Council and Directors his choicest blessings. I avail myself of this opportunity to renew the assurance to you and your worthy community of my best wishes......» XLIX. Le Supérieur du Séminaire de Québec a Monseigneur l'Evêque de Montréal. 4» «Québec, 24 avril 1854. « Monseigneur, « Je demande pardon à Vôtre Grandeur de n'avoir pas répondu plustôt à la lettre qu'elle m'a fait l'honneur de m'écrire le premier courant. La raison de mon retard est que le Conseil de l'Université n'ayant encore rien réglé pour l'affiliation des Collèges, il m'était bien difficile de faire des réponses satisfaisantes aux questions de Votre Grandeur. Malheureusement aujourd'hui même, après un délai considérable, je ne suis guère plus avancé ; car comme nous n'avons pas encore eu occasion de nous expliquer avec les membres des autres Collèges (le Séminaire de Ste. Thérèse excepté) et que nous ignorons complètement leurs vues et leurs désirs par rapport à l'Université, nous ne savons pas vraiment quelles conditions nous pourrions leur offrir avec quelques chance de les voir acceptées. Il nous semble que la première chose à faire c'est de se rencontrer et de tâcher dese comprendre. Peut-être aussi plusieurs Collèges pourraient- ils se concerter ensemble sur les conditions auxquelles ils demanderaient ou accepteraient l'affiliation. Pour nous, Monseigneur, nous serons toujours disposés à accepter un plan agréable à la majorité de nos maisons d'éducation, pourvu qu'il, soit propre à produire le bien que nous avons en vue. sans trop d'inconvénient pour nous. Nous n'avons aucun — 41 — désir quelconque de nous immiscer dans les affaires d'autrui ; bien conduire les nôtres est déjà une tâche assez forte ; mais les membres des Collèges doivent concevoir que s'ils veulent des privilèges, ils doivent offrir des garanties que ces privilèges seront toujours mérités. Quoique le passé de plusieurs maisons paraisse devoir rassurer pour l'avenir, il ne faut pas cependant oublier qu'elles peuvent déchoir, et que, dans tous les cas, les conditions d'affiliation doivent être les mêmes pour elles et pour les autres. « Il est à remarquer, Monseigneur, qu'en celle matière on ne saurait guère trouver des exemples ailleurs ; car si l'on y voit des Collèges affiliés à des Universités, la dépendance des premiers est une condition d'existence qui leur a été imposée ou par les lois ou par la volonté de leurs fondateurs, au lieu qu'ici tous nos établissements d'éducation sont et doivent demeurer indépendants. « Pourtant il existe une Université dont la position n'est pas très différente de la nôtre: c'est celle de Londres. Elle n'exerce aucune autorité sur les Collèges qui lui sont affiliés ; mais aussi elle n'accorde à leurs élèves que le privilège de pouvoir se présenter à l'examen. Comme notre règlement du 20 juin dernier accorde plus que cela aux Collèges non affiliés, il semble qu'il faut chercher d'autres conditions d'affiliation. Cependant, si l'on voulait se contenter de cela, nous pourrions réserver aux Collèges affiliés le privilège de fournir les examinateurs pour les épreuves de l'Inscription et du Baccalauréat-ès-Arts, et faire aux professeurs de ces Collèges, pour les degrés, des conditions plus favorables qu'à ceux des autres établissements d'éducation. « Si les Collèges qui désirent s'alfilier, veulent des privilèges plus amples, il sera nécessaire qu'ils offrent des garanties proportionnées. Voici, si ma mémoire ne me trompe, celles dont M. le Supérieur actuel de Ste. Thérèse et moi étions convenus le printemps dernier : « 1° Le nombre d'années à consacrer à l'étude du latin et du grec serait fixé par l'acte d'affiliation. « 2° Les principales matières du cours d'études seraient aussi déterminées. « 3° Après un temps suffisant, les hautes classes d'Humanités et celles de Philo- sophie ne pourraient être confiées dans les Collèges affiliés qu'à des gradués de l'Université. « 4° Des concours sur les principales matières du cours d'études auraient lieu chaque année, sous la direction de l'Université, entre les élèves des classes correspon- dantes de tous les Collèges affiliés « Voici les avantages que l'Université accorderait en retour : « 1° Les élèves des Collèges affiliés seraient admis à l'Inscription sans examen et seulement en exhibant un certificat du Supérieur qui attesterait qu'ils ont fait avec succès un Cours d'études complet. « 2° Moyennant un certificat convenable, l'examen pour le Baccalauréat-ès-Arts pourrait être restreint à certaines matières en faveur des élèves des Collèges affiliés. « 3° Les membres et les professeurs des Collèges affiliés pourraient, jusqu'à une 6 — 42 — époque déterminée, jouir du privilège d'obtenir des diplômes de Maître ès-arts sans examen préalable, pourvu qu'ils eussent été employés pendant huit ou dix ans, soit comme préfet des éludes, soit comme professeur d'une classe de philosophie ou d'une haute classe d'humanités, « Ces conditions, Monseigneur, n'ont été discutées qu'entre Monsieur Tassé et moi, et n'ont jamais reçu l'approbation formelle du Conseil de l'Université ; mais je puis dire que la seule raison qu'on ait donnée pour différer l'affiliation du Séminaire de Ste. Thérèse, c'est qu'il valait mieux attendre que l'on connût les dispositions des autres Collèges, afin de pouvoir adopter des conditions uniformes pour tous ceux qui voudraient s'affilier. « Ainsi, Monseigneur, on peut voir dans ce qui précède, sinon les conditions que l'Université propose aux Collèges, du moins celles qu'elle serait disposée probablement à admettre, si elles leur étaient agréables. Je dis probablement, car déjà le Conseil de l'Université n'est plus composé comme l'année dernière, et la présence de six membres laïques qu'il renfermera bientôt pourrait absolument amener un résultat différent de ce qu'il eût été à l'époque du voyage de Monsieur Tassé à Québec. « Si ces conditions ne plaisent point et qu'on veuille en indiquer d'autres également propres à élever le niveau des études classiques, l'on n'aura vraisemblablement pas plus de difficultés à les faire accepter par l'Université, supposé toujours qu'elles soient agréa- bles au plus grand nombre des Collèges qui désireraient s'affilier. « 11 me reste à répondre à la question que Votre Grandeur me fait par rapport aux degrés. Je suis peiné de voir que ma réponse sur ce point encore ne puisse pas être bien explicite. Nous nous sommes occupés d'un règlement à passer pour les degrés ; mais nous n'avons pas cru devoir l'adopter définitivement avant que les Facultés de Droit et de Médecine, qu'il intéresse particulièrement, fussent représentées dans le conseil de l'Université. Bientôt nous pourrons nous en occuper de nouveau et admettre, j'es- père, en faveur des membres et des professeurs des Collèges, l'exception dont il a été question entre Monsieur Tassé et moi. Aussitôt que quelque chose aura été décidé sur cette matière, je ne manquerai pas d'en informer Votre Grandeur. « En attendant, je vous prie, Monseigneur, d'agréer l'assurance de la profonde reconnaissance de tous les membres du Séminaire pour la nouvelle preuve de bienveil- lance que nous a donnée Votre Grandeur, par la lettre à laquelle j'ai l'honneur de répondre.» — 43 — L. Lettres écrites par le Supérieur du Séminaire a Mgr. l'Évéque de Tloa, Administrateur de l'archidiocèse de québec «Québec, 1er juin 1859. « Monseigneur, « J'ai souvent eu occasion d'entretenir Votre Grandeur des affaires de notre Université ; cependant, il est bien des choses qu'Elle peut ignorer encore ou avoir oubliées ; c'est ce qui me détermine à lui écrire pour lui faire connaître ou lui rappeler celles qui me paraissent les plus importantes. Comme je ne pourrais tout dire dans une seule lettre, à moins qu'elle ne fût d'une longueur démesurée, je demande à Votre Grandeur la permission de lui en adresser plusieurs et de me borner, dans cette première, à lui parler de ce qui a précédé l'organisation de nos cours et la construction de nos bâtiments. « Vous savez, Monseigneur, que le Séminaire n'a pas entrepris de lui-même l'œuvre difficile dont il est maintenant chargé. Bien souvent, mes confrères et moi, nous avions déploré que la jeunesse du pays se trouvât, au sortir du Collège, exposée à tant de dan- gers dans nos villes, avec si peu de moyens de se préparer convenablement aux professions ; mais, lorsque nous pensions aux remèdes capables de changer cet état de choses, la modicité de nos revenus et le défaut d'un personnel suffisant nous détour- naient de rien entreprendre. Nous avions résisté aux conseils d'un bon nombre de nos amis, à ceux de feu l'honorable John Neilson, entr'autres, et les instances de Monseigneur l'Archevêque et les vôtres purent seules déterminer la majorité des membres du Sémi- naire à demander l'érection de l'Université. « Cette détermination une fois prise, il restait à décider si nous nous chargerions seuls de la direction de l'Institution ou si nous en ferions une part aux autres Collèges. Ce dernier parti nous sembla présenter de très grands inconvénients dont le moindre n'était certainement pas que nous eussions à payer tous les frais d'un établissement dont la direction pourrait être contraire à nos vues. Nous pensions aussi qu'un conseil, dont les membres ne se rencontreraient qu'une ou deux fois l'an, et vivraient, pour la plupart, loin de l'Université, n'était pas ce qu'il fallait pour assurer le progrès rapide de l'institu- tion. Nous aurions cependant désiré nous expliquer là-dessus avec les directeurs des autres Collèges avant de demander une Charte, mais, comme l'affaire exigeait de la célérité et du secret, nous ne crûmes pas pouvoir le faire prudemment. Nous espé- rions que cette omission n'aurait aucun résultat fâcheux, vu la précaution que nous prenions de désintéresser considérablement les Collèges en ne faisant commencer l'enseignement de l'Université que là où finissait le leur, et le soin que nous mettions à faire rédiger la Charte de manière à contenter tous les désirs raisonnables. — 44 — « Votre Grandeur se rappelle probablement que la Charte obtenue, nous fîmes connaître nos intentions à l'égard des autres Collèges dans une lettre que j'écrivis à Mon- seigneur l'Archevêque et par un projet de règlement concernant les épreuves que nous croyions convenable d'exiger de ceux qui voudraient suivre les cours de l'Université ou obtenir le degré de Bachelier-ès-arts. La lettre et le projet de règlement furent commu- niqués à NN. S S. les Evêques de la Province et à tous les Collèges et Séminaires du Bas- Canada. Je transmets une copie de l'un et de l'autre à Votre Grandeur pour qu'Elle puisse en revoir les détails. (Nos. XXXII, XXXIII.) A ces avances de notre part, deux Collèges ne répondirent rien ; un autre exprima par sa réponse que les rapports que nous désirions voir exister entre l'Université et les Collèges seraient incompatibles avec l'indépendance de ceux-ci ; un quatrième fit une réponse polie, mais qui n'obligeait à rien ; deux autres répondirent qu'ils étaient très disposés à nous seconder ; un autre, enfin, formula, contre notre projet, des objections qui méritaient et qui eurent toute notre attention. « Votre Grandeur me permettra d'insérer ici ces objections et plusieurs autres qui nous ont été faites depuis, ainsi que les réponses que nous y avons données en plusieurs circonstances, soit par écrit, soit de vive voix. Je ne prétends pas les reproduire textuellement ; au contraire, je réunirai en une seule plusieurs qui se complètent et j'omettrai celles qui ne sont à peu près que la répétition d'autres déjà indiquées. « La première et peut-être la plus importante de ces objections était que des exa- mens seulement écrits ne rendent pas une justice entière aux candidats. Nous n'avons pas hésité à le reconnaître : quand les circonstances le permettent, il est préférable de soumettre les candidats à des épreuves écrites et à des épreuves orales ; mais nous avons cru qu'il était encore plus important d'assurer l'impartialité des examens et de fournir aux examinateurs le moyen de prouver l'équité de leur jugement, s'il arrivait qu'ils fussent injustement accusés par quelque candidat malheureux. C'est pour cela que nous jugeâmes devoir nous contenter des examens écrits et prendre toutes les précautions pour que les examinateurs ne connussent le nom de l'auteur du travail qu'ils corrigeraient, qu'après avoir complètement terminé leur besogne. Au reste, Monseigneur, je ferai voir bientôt que notre Université n'est pas la seule où l'on se contente des épreu- ves écrites pour le Baccalauréat-ès-arts et l'Inscription. « Une seconde objection était que nous exigions pour nos examens des connaissan- ces historiques trop étendues. A cela nous avons déjà répondu, bien des fois, qu'on se méprenait sur nos intentions. A la vérité, nos examens supposent des connaissances sur l'histoire universelle, mais bien loin qu'elles doivent être très étendues, il suffit que, pour chaque peuple, elles embrassent un petit nombre de faits saillants. « Quelques uns nous ont blâmés d'exiger une réponse en anglais de tous les candidats dont le français est la langue maternelle. Par compensation, d'autres ont trouvé que nous exigions trop peu. La connaissance de l'anglais est maintenant nécessaire pour toutes les professions libérales et nous avons cru devoir fournir par nos examens un — 45 — nouveau motif pour l'étudier ; néanmoins, il nous a semblé trop rigoureux de refuser l'Inscription ou le Baccalauréat à quelqu'un pour l'unique raison qu'il ne saurait pas parfaitement l'anglais. « On nous a encore objecté les embarras et les dépenses qui résulteraient pour les élèves des Collèges de l'obligation de se rendre à l'Université pour les examens. A cela nous avons répondu en permettant que les élèves fissent leur travail chez eux, mais sous la surveillance d'une personne étrangère au Collège, afin qu'on ne pût soupçonner aucune connivence de sa part. « On nous a dit que les professeurs des Collèges ne consentiraient pas à perdre une partie de leurs vacances pour apprécier le travail des candidats. A cela nous répondons que si les jurys sont nombreux, par exemple, s'il y en a un pour chaque séance de l'examen, le travail de chacun sera peu considérable et enfin, que si les professeurs ne veulent pas le faire, nous les en dispenserons facilement, puisque nous avons désiré qu'ils fissent partie des jurys bien moins pour notre avantage que pour leur propre satis- faction et celle de leurs élèves. «Enfin, quant à l'objection que notre projet de règlement attentait à l'indépendance des Collèges, je ne puis que répéter, pour y répondre, ce que nous avons déjà dit bien des fois, savoir que nous n'avons pas le moindre désir de nous mêler des affaires des autres établissements, les nôtres nous suffisant et au de-là, et que nous sommes prêts à souscrire à toutes les précautions qu'on jugerait devoir prendre pour se mettre à l'abri du danger de ce côté-là. Je me permettrai cependant de remarquer que bien des Collè- ges ne regardent pas de si près à leur indépendance quand il s'agit de recevoir quelques centaines de louis du gouvernement, et qu'ils se soumettent pour cela à des choses beaucoup plus gênantes que celles que nous demandions d'eux. « Deux Collèges ont exprimé l'opinion que l'Université devrait donner à nos princi- paux établissements d'éducation le pouvoir d'accorder eux-mêmes le Baccalauréat-ès-arts à ceux de leurs élèves qu'ils en trouveraient dignes Nous n'avons pu nous rendre à cette opinion ; car, s'il est des Collèges dont les études sont assez fortes pour qu'un pareil pouvoir puisse leur être accordé sans beaucoup d'inconvénients, il en est certaine- ment d'autres où l'abus serait fortement à craindre. Cependant, il nous serait très difficile, pour ne pas dire impossible, de refuser à quelques Collèges un privilège que nous aurions accordé à d'autres, et si nous arrivions ainsi à abandonner à tous les Collèges, dits classiques, le pouvoir de distribuer à leur gré des diplômes de Bachelier-ès-arts, n'est il pas évident que ce grade n'aurait plus, ni en réalité, ni aux yeux du public, la valeur même d'un certificat de bonnes études ? Puis, pourquoi ne vouloir pas d'examens com- muns aux élèves de tous les Collèges ? Est-ce qu'on ne voit pas que par là on se prive d'un moyen d'émulation que rien ne pourra remplacer ? « Comme dernière réponse aux objections faites contre nos examens, je demande à Votre Grandeur la permission de lui exposer ce qui a été réglé, il y a quelques mois, — 46 — dans l'Université de Londres. A cette Université sont affiliés des établissements très nombreux et répandus dans toutes les parties du Royaume-Uni. Plusieurs sont dirigés par le Clergé catholique et un au moins, le Collège de Slonyhurst,parlesRR. PP. Jésuites. Jusqu'à cette année, les élèves étaient obligés de se rendre à Londres pour subir les épreuves de l'Inscription et du Baccalauréat-ès-arts, et ces épreuves étaient les unes écrites, les autres orales. Mais voilà que l'Université, trouvant à cet examen de graves inconvénients, vient de régler que désormais les épreuves seront seulement écrites et que le travail des candidats se fera en divers lieux, dans les Provinces, en même temps qu'à Londres et sous la surveillance de personnes députées pour cette fin par l'Université. Les matières sont envoyées de Londres et sont les mêmes pour tous les candidats. Le travail terminé, les copies sont remises aux députés de l'Université sous enveloppes cachetées ; ceux-ci les rapportent à Londres pour y être appréciées par les mêmes juges et en même temps que celles des autres candidats des Provinces et de la Métropole. « Je vous avoue, Monseigneur, que je n'ai pas éprouvé un médiocre contentement en voyant adopté par une institution comme l'Université de Londres, un mode d'épreuves qui nous a valu tant d'opposition. «Je termine ici cette première lettre dont je vous prie de me pardonner la longueur ; je tâcherai d'être plus concis dans les autres.» Ll. « Québec, 3 juin 1859. « Monseigneur, « Après avoir reçu des Collèges les réponses dont j'ai parlé à Votre Grandeur dans ma lettre d'avant hier, nous jugeâmes qu'il s'écoulerait probablement un temps assez long avant qu'il nous fût possible de nous entendre parfaitement avec plusieurs d'entre eux et nous primes le parti d'adopter, comme règlement provisoire, les principales dispositions du projet que nous leur avions soumis et d'admettre à l'inscription sans examens tous ceux de leurs élèves qui présenteraient un certificat d'études faites avec succès. Nous espérions, Monseigneur, par notre conduite, dissiper tous les préjugés ; et que, à la vue des sacrifices que nous ferions pour procurer à la jeunesse canadienne et catholique le bienfait d'une excellente éducation professionnelle et un abri contre le plus grand nombre de dangers auxquels elle est ordinairement expo- sée dans les villes à l'égard des mœurs et de la foi, nous espérions, dis-je, que l'on croirait enfin devoir nous prêter un appui, même an prix de l'abandon de quelques opinions. C'est pourquoi nous nous mîmes à l'œuvre sans plus tarder et, depuis bientôt six ans, nous n'avons épargné ni dépenses ni travail pour procurer à nos compatriotes, particulièrement à nos coréligionaires, un établissement tel qu'ils devaient le désirer. — 47 — Je ne fatiguerai pas Votre Grandeur par le récit détaillé de tout ce que nous avons fait pour cela ; je me bornerai à lui en présenter un simple aperçu en y ajoutant quelques mots de nos projets pour l'avenir. « Nous avions résolu de travailler d'abord à l'organisation de la Faculté de Droit ; c'était en effet ce qui pressait le plus, puisque l'enseignement du Droit manquait absolu- ment à Québec et qu'il ne se donnait ailleurs que d'une manière défectueuse. Cependant, l'École de Médecine qui subsistait, depuis quelques années, dans cette ville, ayant cessé de donner ses cours, nous crûmes ne devoir pas tarder davantage à constituer notre Faculté de Médecine. Nous ne trouvâmes à cela que peu de difficultés, six professeurs de l'École de Médecine, incontestablement très-capables, ayant accepté la même situation dans l'Université Un Médecin qui avait déjà professé quelque temps, leur fut adjoint et nous en envoyâmes un autre en Europe se préparer à une partie de l'enseignement médical pour laquelle les meilleurs praticiens du Pays sont très rarement qualifiés. D'abord, nous ne pûmes donner que les cours et le nombre de leçons exigés pour l'admission à la pratique de la Médecine. Mais, avec le temps, notre programme s'est considérablement augmenté, comme Votre Grandeur s'en convaincra parce qui suit : Cours et nombre de leçons exigés par la loi. Cours et nombre de leçons qui se donnent à V Université. Anatomie et Physiologie Anatomie.................. 512 leçons réunies................... 240 leçons Physiologie.................. 240 " Pathologie interne......... 240 " Pathologie interne.......... 360 " Pathologie externe......... 240 " Pathologie externe......... 360 " Matière Médicale.......... 240 "• Matière Médicale.......... 288 " Médecine légale et toxico- Médecine légale et toxico- logie...................... 60 " logie...................... 144 " Total...... 1020 " Total...... 1904 " (a) « Pour les autres parties de l'enseignement, notre Faculté de Médecine donne au moins autant de leçons que la loi en prescrit et elle fait de plus, seule dans le Pays, un cours qui n'est point exigé, quoiqu'il soit très-important ; c'est celui d'Hygiène. Les Cliniques se font régulièrement pendant toute l'année universitaire, l'hiver à 1 Hôtel-Dieu et l'été à l'Hôpital de la Marine. Je n'ai pas besoin de faire remarquera Votre Grandeur que ce dernier hôpital offre, dans cette saison de l'année, un très-grand nombre et une très-grande variété de maladies. Avec tous ces avantages, les élèves en Médecine trouvent maintenant chez nous ceux d'avoir à leur disposition une bibliothèque médicale de trois mille volumes, un musée très considérable et une superbe collection d'instru- ments de chirurgie. Enfin, depuis l'année dernière, ils sont exercés aux opérations pharmaceutiques et ceux qui désirent donner quelque temps aux manipulations chimi- ques peuvent avoir quelqu'un pour diriger leur travail et les substances et les instruments nécessaires pour le faire. (ai La différence, comme on le voit, est de 884 leçons en faveur de C Université-Laval. Elle sera de 1028, si l'on y ajoute les 72 leçons d'Hygiène et pareil nombre pour l'Histologie, dont le Cours a été ajouté en 1860. — 48 — « L'organisation de la Faculté de Droit nous causa beaucoup d'embarras. Nous trouvâmes tout d'abord un avocat très-instruit, qui, ne pratiquant plus au barreau, put accepter la chaire de Droit Civil et consacrer tout son temps à ses nouvelles fonctions. Pour les autres chaires, il ne manquait pas d'avocats distingués qui auraient pu les remplir, mais aucun n'avait l'habitude de l'enseignement, et pour faire un cours avec avantage, il leur aurait fallu abandonner une nombreuse clientèle et perdre ainsi, sans compensation suffisante, un revenu considérable. Cependant, après b.en des démarches inutiles, nous parvimnes à trouver cinq professeurs vraiment, distingués, dont deux étaient même des juges de la Cour Supérieure. La chaire de Droit Romain restait encore à pourvoir ; nous fîmes faire des propositions à quelques Docteurs de la Faculté de Paris et nous eûmes le bonheur d'en déterminer un à venir travailler à notre œuvre. La Fa- culté pouvait alors être considérée comme constituée. Malheureusement, plusieurs des professeurs, quand il leur fallut commencer leurs cours, jugèrent que leurs autres occu- pations ne leur en laissaient pas le loisir et deux d'enlr'eux résignèrent. Ils ne purent être remplacés qu'après un temps assez long et les nouveaux professeurs eurent besoin d'un délai considérable pour préparer leurs cours, de manière que, jusqu'à l'année qui va finir, l'enseignement se bornait aux cours de Droit Civil et de Droit Romain qui se sont toujours donnés régulièrement. Celte année, les professeurs de Procédure, de Droit criminel et de Droit commercial ont donné leurs cours. Ce dernier, néanmoins, n'a pas terminé le sien ; il a été obligé de le suspendre au mois de mai pour un voyage qu'il est allé faire en Europe. Il le continuera certainement l'année prochaine. Désor- mais, nos élèves en Droit recevront tous, pendant les trois ans qu'ils doivent passer à l'Université, deux cent vingt-huit leçons d'Institutes du Droit romain, quatre-vingt- quatre leçons d'Introduction au Droit civil, six cents leçons de Droit civil, cent huit leçons de Droit commercial et maritime, soixante-douze leçons de Droit criminel, cin- quante leçons de procédure civile, cent soixante-huit leçons de pandectes, ou quatre cent vingt leçons, s'ils veulent suivre ce cours jusqu'au doctorat. Comme nous avons le projet d'attacher à chacune de nos Facultés quelques agrégés pour remplacer les pro- fesseurs en cas d'absence ou de maladie, on peut compter qu'à l'avenir tous ces cours se feront régulièrement, de même qu'une couple d'autres qui sont d'une moindre impor- tance et qui n'ont pas encore été faits jusqu'à présent. Nous avions d'abord fixé à quatre ans la durée de l'enseignement de notre Faculté de Droit. Ce n'était certaine- ment pas trop, puisque, dans ce pays, les avocats sont aussi procureurs ou avoués et que, pour se préparer aux fonctions qu'ils ont à remplir en cette dernière qualité, les élèves doivent, au moins deux ans, fréquenter le bureau d'un patron et suivre les pro- cédés des tribunaux, tout en faisant leur cours de Droit. Néanmoins, comme la loi n'exige que trois années d'études de la part de ceux qui suivent des cours réguliers, il nous était impossible d'obtenir des élèves qu'ils en fissent une quatrième, et nous avons été obligés de la retrancher. — 49 — « Deux causes ont retardé l'organisation de notre Faculté des Arts ; la première est que le besoin en était beaucoup moins pressant que pour les Facultés de Droit et de Médecine ; la seconde est la difficulté que nous éprouvions à nous procurer, soit ici, soit ailleurs, un nombre suffisant de professeurs bien qualifiés. Nous avons cependant réussi à en trouver deux dans le pays et à en faire venir un de la France. Votre Gran- deur sait que nous avons envoyé et maintenu, pendant plusieurs années, à Paris, de jeunes ecclésiastiques qui en sont revenus avec le grade de licenciés et des connais- sances spéciales pour l'enseignement de certaines parties des sciences ou des lettres. L'un est déjà professeur de la Faculté des Arts et les autres le deviendront après avoir professé pendant quelques années dans notre Collège. Nous prendrons probable- ment le même moyen pour en préparer d'autres et j'espère que nous pourrons nous pro- curer encore les services de quelques anciens proîesseurs qui aient déjà enseigné dans les grands établissements de l'Europe. En attendant, nous voyons avec plaisir que les cours qui se donnent, c'est-à-dire ceux de Philosophie, d'Histoire du Canada, de Phy- sique et enfin de Chimie, sont fréquentés et très appréciés par les personnes instruites. « A l'enseignement ordinaire des sciences et des lettres de la Faculté des Arts, nous croyons pouvoir ajouter bientôt les cours nécessaires aux jeunes gens qui se pré- parent à la haute industrie, ou aux professions d'arpenteur, d'architecte et d'ingénieur civil. C'est ainsi que la jeunesse qui, après des études classiques, se destine au monde, pourra se procurer, en venant à l'Université, à peu près toutes les connaissances dont elle a besoin, en même temps qu'elle y trouvera un abri contre la plupart des dangers qui l'attendent au sortir du Collège. La Faculté de Théologie est celle dont l'organisation est le moins avancée. Nous avons envoyé un des membres du Séminaire passer plusieurs années à Rome pour étudier le Droit canonique et l'enseigner à son retour, dans cette Faculté ; nous nous sommes ensuite procuré un professeur d'histoire ecclésiastique, mais, les élèves manquant, nous ne faisons donner, cette année, que le cours d'histoire ecclésiastique qui est suivi par les élèves du Grand Séminaire et les prêtres de la ville. « Votre Grandeur sait aussi ce que nous avons fait pour notre pensionnat. Elle sait comment les élèves y sont traités, quoique nous n'exigions d'eux qu'une pension très-modique. Plusieurs jeunes gens*qui en avaient été renvoyés pour insubordination, ou même pour d'autres fautes plus graves, l'ont calomnié ; beaucoup de personnes, même bien intentionnées, étaient d'avis que nous ne réussirions pas à faire accepter notre règle. Forts de l'expérience de plusieurs établissements étrangers, nous avons toujours persévéré et, aujourd'hui, nous voyons avec plaisir que si tous ceux qui habitent cette maison ne sont pas des Saints, du moins, ils se conduisent d'une manière honorable et s'acquittent de leurs devoirs de chrétiens. « Enfin, Monseigneur, je n'ai plus que quelques mots à vous dire des dépenses que nous avons faites pour notre Université. Votre Grandeur connaît les bâtiments que — 50 — nous avons construits, et je ne la surprendrai certainement pas en lui disant qu'ils nous ont coûté au-delà de quarante mille louis. Les dépenses que nous avons faites pour la bibliothèque, les musées et l'ameublement se montent à plus de huit mille louis. Aces sommes, il faut encore ajouter les frais qu'il a été nécessaire de faire pour le personnel de l'établissement, lesvoyages que quatre professeurs ont faits en Europe, la traversée de deux autres qui en sont revenus, le voyage et le séjour à Paris des jeunes ecclésias- tiques dont je viens de parler à Votre Grandeur ; tout cela nous a coûté deux mille et quelques cents louis. Enfin, nous payons annuellement la somme de deux mille cinq cents louis aux professeurs des Facultés de Droit, de Médecine et des Arts. lu. «Québec, 4juin 1859. « Monseigneur, « Je n'ai plus à vous entretenir, dans cette dernière lettre, que des causes qui ont limité jusqu'ici et qui pourront limiter encore à l'avenir l'utilité de notre [établissement. Je pense qu'elles peuvent se réduire à cinq. « La première est que nous exigeons des élèves qu'ils aient fait un cours d'études classiques. Votre Grandeur sait qu'un très-grand nombre de ceux qui étudient le Droit ou la Médecine, ou n'ont pas fréquenté les Collèges, ou en sont sortis dans les classes d'humanités. A cela je ne vois qu'un remède, c'est la force de l'opinion publique. Tant qu'elle ne sera pas assez éclairée pour se prononcer contre un pareil état de choses, nous n'avons rien à faire, sinon attendre des jours meilleurs, (a) « La seconde cause est que la loi de cette province n'exige pas que ceux qui se des- tinent aux professions d'avocat ou de notaire aient fréquenté une école de droit. 11 serait probablement facile d'obtenir de la Législature une mesure qui le prescrirait; mais il est bien à craindre que par là on ne remédiât à rien ; car, une fois une pareille me- sure passée, nous aurions bientôt six ou sept écoles de Droit dans le Bas-Canada. Les avocats se trouvent généralement trop bien d'avoir des clercs qui font leur besogne sans être rétribués, pour que, dans la plupart des districts judiciaires, on s'abstînt d'avoir une école dont le seul but, comme le seul résultat à peu près, serait d'y retenir ces tra- vailleurs à bon marché. « La troisième cause est qu'on est moins libre chez nous qu'ailleurs et qu'il faut y étudier davantage. Je n'ai pas besoin de dire à Votre Grandeur que, quels que puissent être les effets de cette cause par rapport à nous, nous la laisserons certainement subsister. fa) Un règlement subséquent permet de suivre les cours de Droit et de Médecine à tous ceux qui ont été admis légalement à l'élude de ces deux professions, soit qu'ils aient fait des études classiques, ou non. — 51 — A cette cause se rapporte la différence qu'il y a entre la durée des études médicales chez nous et dans d'autres établissements. La loi qui règle l'admission à la pratique de la médecine exige quatre ans d'étude et prescrit les cours qu'il faut suivre ; mais, comme elle ne dit rien de plus, on en profite souvent pour faire cette besogne en deux sessions de six mois. On suit jusqu'à six cours par jour, tout en fréquentant les hôpi- taux et donnant journellement deux ou trois heures à la dissection. De cette manière, l'élude de la médecine ne coûte certainement pas cher ! Reste à savoir si, dans la plu- part des cas, elle vaut même ce qu'elle coûte de dépenses et de travail. A cette troisième cause, comme aux précédentes, je ne vois pas d'autre terme que celui qu'y mettra le bon sens public. « La quatrième cause est le peu de fortune de bien des parents qui désireraient envoyer leurs enfants chez nous, mais qui n'ont pas les moyens nécessaires pour les y maintenir. Nous ne saurions cependant rien retrancher, ni sur le prix de la pension ni sur celui des cours qui sont déjà aussi modiques que possible. Le seul remède serait la fondation d'un certain nombre de bourses et de demi-bourses pour les élèves pauvres et capables. Le Séminaire a donné, à cet égard, un exemple qui sera suivi, je l'espère, par plusieurs personnes aisées qui aimeront à prendre ce moyen de perpétuer leur bien- faisance, (a) « La cinquième cause est le manque d'entente avec les collèges. J'ai déjà dit à Votre Grandeur que nous espérions d'abord, par notre conduite, dissiper tous les préju- gés qui pourraient exister contre nous. Nous nous trompions dans notre attente : une assemblée des chefs de collèges, convoquée, l'année dernière, par Monseigneur de Montréal, nous en a convaincus. Quoique nous n'ayons rien connu d'une manière officielle, nous savons que la plupart de ceux qui en faisaient partie se sont séparés avec l'idée arrêtée que toute entente avec nous était impossible. Cependant, Monseigneur, il est à remarquer que nous n'avions pas été mis en demeure de formuler des conditions et que l'assemblée paraît n'avoir laissé par écrit ni résolutions, ni aucune autre chose que nous puissions discuter. Je le dirai franchement, Monseigneur ; dans une affaire de cette importance et après tout ce que nous avions fait, on aurait pu au moins se donner la peine de nous entendre et de nous réfuter. Nous n'avons jamais demandé aux autres Collèges ni dépendance, ni affiliation de leur part ; tout ce que nous voulions, c'était cette bonne entente qui aurait suffi pour amener chez nous la plupart des jeunes gens qui, après avoir terminé leurs études classiques, auraient voulu embrasser les pro- (a'i Par suite de quelques heureuses circonstances, le Séminaire se trouve en état de donner vingt demi-bourses pendant quelques années. Cela réduit ta pension des dix mois de l'année académique à JÊ16 5 0, en faveur des élevés peu fortunés. Il va sans dire que, toutes choses égales d'ailleurs, on préférera les Bacheliers ès-arts aux élève* ayant seulement V Inscription. ... , -, A celte première faveur accordée aux Bachehers-ès-arts, on peut en ajouter deux autres ;^ ceux qui ont conserve au moins les quatre cinquièrnes de leurs points, peuvent lo suivre gratuitement les cours d'une des facultés tant qu'Us obtiennent la note bien, ou très-bien, aux examens qui se font à la fin des termes ; 2o. concourir pour le prix annuel du Prince de Galles. fessions d'avocat, de notaire ou de médecin. Hélas ! faut-il qu'il soit impossible à des prêtres de s'entendre pour faire le bien, lorsque tant de gens s'entendent si facilement pour faire le mal ! « Mais, Monseigneur, je vous prie d'examiner un peu cette prétendue impossibilité. Sans doute, nous devions désirer que les rapports qu'il s'agissait d'établir entre l'Univer- sité et les Collèges fussent de nature à produire, entr'autres biens, celui de rendre les études classiques plus fortes dans quelques maisons, surtout la partie littéraire. Néan- moins, comme le principal motif qui nous a fait entreprendre de fonder notre établisse- ment et le seul qui puisse justifier les grandes dépenses que nous faisons maintenant pour si peu d'élèves, est le désir de conserver les mœurs de la jeunesse instruite et pour elle et pour ceux sur lesquels elle exercera plus tard une influence nécessairement très- grande, je suis certain que pour atteindre complètement ce but, le conseil universitaire aurait souscrit aux conditions dont les Collèges seraient convenus entr'eux, pourvu qu'elles eussent l'approbation de NN. SS. les Evêques. Je puis même assurer que pour l'affiliation, car il est au moins un Collège qui la demande, nous sommes disposés à nous* contenter d'une seule chose, c'est que les Collèges affiliés soumettent aux examens du Baccalauréat-ès-Arts, tous les élèves de Rhétorique et de seconde année de Philoso- phie, comme nous le faisons nous-mêmes depuis trois ans pour ceux de notre Petit-Sé- minaire. On a dit que le plus grand obstacle qui s'oppose à l'entente que nous vou- drions est l'intérêt des localités, de Montréal surtout. A cela, Monseigneur, je réponds franchement qu'à présent deux Universités pour les Canadiens-Français, ou plutôt pour les catholiques du Bas-Canada, ce serait trop ; elles se nuiraient et l'une empêcherait une grande partie du bien que l'autre ferait sans elle, excepté pourtant qu'on s'imposât des dépenses énormes pour le seul plaisir d'avoir deux institutions au lieu d'une. Mais l'établissement d'une seconde Université, qui serait aujourd'hui prématuré, deviendra avant bien des années, utile et même nécessaire, d'autant plus que nous n'avons pas l'intention de faire de la nôtre le rendez-vous d'une jeunesse bien nombreuse. Nous savons trop ce qu'ont toujours été ces grandes réunions de jeunes gens, pour vouloir que le nombre des élèves de chacune de nos Facultés de Médecine et de Droit dépasse de beaucoup la centaine. Un peu de patience donc et le tour de Montréal viendra, non seulement sans inconvénient pour personne, mais pour le plus grand avantage de tous. « Maintenant, Monseigneur, j'ai une grâce à demander à Votre Grandeur ; c'est de vouloir bien nous dire quel parti nous devons prendre dans les circonstances où nous nous trouvons. Depuis cinq ans, nous attendons une entente qui ne vient pas et qui même semble s'éloigner. Cependant, nous faisons des dépenses tout-à-fait dispropor- tionnées avec le nombre de nos élèves, et, ce qui est infiniment plus triste, une nombreuse jeunesse, enlevée à l'agriculture, à une vie obscure, mais utile, continue à être amenée dans les villes, à l'âge des passions, par une instruction que l'on prodigue sans discernement. Votre Grandeur sait ce qu'elle devient, en général, à l'égard des — 53 — mœurs et des devoirs religieux. Si encore elle se perdait seule ! Mais elle perdra le pays tout entier avec elle, si on n'y met obstacle ! Que l'on voie ce qu'elle a déjà fait par ses journaux, ses sociétés et, en général, au moyen de l'influence que lui donne son instruction. Que l'on remarque bien que le mal n'est pas limité aux villes. Les gens des campagnes se gâtent, comme ceux des villes ; car, sans parler de l'effet de certains journaux, il ne faut souvent pour cela, dans une paroisse, qu'un ou deux personnages qui se soient perdus dans les villes. « A la vue de tout cela, nous ne savons plus si nous pouvons encore attendre ou si, ne comptant que sur nous, et sans nous préoccuper des résultats que notre conduite pourrait avoir pour d'autres établissements, nous ne devons pas prendre immédiatement le parti de remédier à un si grand mal dans la mesure de nos forces. « Nous voulions sincèrement que notre Université fût pour le plus grand bien des Collèges, comme pour celui de tout le pays. Afin qu'elle offrit toutes les garanties désirables, nous l'avions mise sous l'autorité absolue de l'Archevêque de Québec et nous n'avons jamais rien fait d'important sans consulter.les autres Evêques, au moins ceux du Bas-Canada. Pour que rien ne pût entraver leur action et l'influence de la religion dans notre établissement, nous nous sommes abstenus de demander aucun secours à la législature et nous avons même refusé ce qu'on nous offrait spontanément. Dans tous nos règlements, nous avons évité avec le plus grand soin tout ce qui aurait pu être contraire aux intérêts des Collèges. Cependant, ceux-ci, pour la plupart, paraissent ne vouloir rien faire pour nous aider à préserver notre société du malheur qui la menace. Je vous prie, Monseigneur, dites-nous le, devons-nous attendre encore, comptant sur l'influence de NN. SS. les Evoques ou sur quelqu'autre moyen d'entente, ou devons-nous aviser immédiatement à nous passer de cette entente ? « Nous ne voulons rien faire que d'après votre conseil, Monseigneur, et nous serions très-heureux d'avoir sur cette importante affaire, l'opinion de NN. SS. les Évêques du Bas-Canada. » LUI. Lettre de MM. lcs Supébieur et Dibecteurs du Séminaire de Nicolet, a Mgr. l'Evêque de Trois-Rivières, au sujet des trois Lettres précédentes. « Séminaire de Nicolet, le 8 octobre 1859. « Monseigneur, « Conformément au désir de Votre Grandeur, nous avons pris connaissance des documents qu'Elle nous a passés, lesquels ont trait à la question d'une entente avec l'Université-Laval, pour faciliter aux élèves des Collèges leur admission dans cette belle institution. Nous les avons examinés avec tout le soin que demande un sujet d'une si — 54 — haute importance ; et après y avoir mûrement réfléchi, voici quelques observations que nous demandons la permission de soumettre à Votre Grandeur. « Nous aimons à rendre ici hommage au zèle et à la générosité des Messieurs du Séminaire de Québec dans la fondation de l'Université, et dans la magnificence des édifices érigés à cet effet, lesquels sont aujourd'hui un des plus beaux ornements de leur ville, une des gloires du Bas-Canada, et un monument impérissable, nous l'espérons, élevé à la gloire de la religion et des sciences. Mais tout en rendant ce témoignage avec sincérité à ces Messieurs, nous regrettons d'avoir à dire que nous trouvons un peu amères les plaintes de Monsieur le Recteur à l'adresse des Collèges. Nous croyons bien à la sincérité de son zèle et à la pureté de ses intentions, mais nous devons dire qu'il n'est pas le seul à s'intéresser à l'avenir de notre chère jeunesse Canadienne, et à déplorer les dangers nombreux et les séductions presqu'irrésistibles auxquels elle se trouve exposée à son entrée dans le monde. Si donc les efforts et les sacrifices des Messieurs de Québec n'ont pas rencontré tout l'encouragement et le succès qu'ils méritaient, nous croyons que la responsabilité n'en doit pas peser sur les directeurs des maisons d'éducation : cela tient à des causes qu'il n'était pas en» leur pouvoir de contrôler. La pensée qui a créé l'Université-Laval, a été la conservation de la foi et des mœurs des jeunes aspirants aux diverses professions libérales. Or, Monseigneur, un tel but est tout à la fois trop catholique et trop national, pour que les directeurs des Collèges qui sont comme les protecteurs nés de la jeunesse instruite du pays, n'y aient pas concouru de tout leur pouvoir. Et parce que quelques uns ont pu différer d'opinion avec Monsieur le Recteur sur des matières de détail, vouloir aujourd'hui faire retomber sur eux le manque d'encouragement qu'a pu éprouver cette patriotique entreprise, nous paraît un peu sévère. Au moins pour notre part, nous ne croyons avoir rien à nous reprocher sous ce rapport. Autant qu'il a été en nous, nous avons usé de notre influence pour faire prendre à nos élèves cette direction, une fois leurs études terminées. « Après avoir examiné avec soin la position de ces jeunes gens à cette époque, nous avons cru y trouver les causes qui leur ont à la plupart fermé la route de l'Université. Voici les trois principales : « La première, qui est certainement la plus difficile à surmonter, est la gêne pécuniaire. Votre Grandeur sait aussi bien que nous quels sacrifices s'imposent plu- sieurs parents pour procurer à leurs enfants une éducation classique. Les études étant achevées, ces jeunes gens, ainsi mal servis de la fortune, se trouvent dans l'impossibilité de payer la modique pension exigée à l'Université. Il leur faut de toute nécessité pourvoir à leur existence tout en faisant leur cléricalure. Il va sans dire que nous ne pouvons rien pour remédier à un tel inconvénient. Toute l'assistance que nous permet la modicité des revenus de notre établissement, est de leur faciliter le cours de leurs études. Le seul remède est celui qu'indique Monsieur le Recteur, la création de bourses pour des pensions ou demi-pensions en faveur des élèves pauvres, mais d'ailleurs bien recommandables. — 55 — « La seconde cause qui a fait prendre à quelques-uns de nos élèves une direction opposée à Québec, est l'exemple de leurs devanciers qui se sont en grand nombre dirigés vers Montréal, où plusieurs ont réussi à se faire une position avantageuse. Les relations assez fréquentes qu'ils entretiennent avec eux, la protection qu'ils en espèrent, ne contribuent pas peu à les attirer vers cette populeuse et riche Cité. Il ne nous a pas été beaucoup plus facile de vaincre ce second obstable que le premier. « Enfin, Monseigneur, une troisième cause qui a arrêté quelques élèves et les a fait renoncer à suivre les Cours Universitaires, c'est celle que les documents en question ont en vue de lever, nous voulons dire la répugnance que ces jeunes gens ont à se sou- mettre aux épreuves préalables à l'admission aux Cours. Nous sommes convaincus qu'une entente entre l'Université et les Collèges, qui faciliterait l'admission des candidats, en ouvrirait les portes à plusieurs. Pour notre part nous serions heureux de concourir à un tel arrangement, et nous sommes bien prêts à y donner la main ; à faire toutes les concessions raisonnables et compatibles avec l'intérêt de notre maison. « Nous pourrions ici nous plaindre un peu d'un certain manque de confiance vis-à- vis des Directeurs des Collèges, que Monsieur le Recteur laisse percer assez clairement. Car il avoue que lorsqu'il fut question de former le personnel de l'Université, la raison principale qui empêcha les Messieurs de Québec d'y faire entrer aucun membre des autres Collèges, fut la crainte de voir cette Institution prendre une direction contraire à leurs vues : ce qui revient à dire que, dans leur opinion, ces Messieurs étaient mieux qualifiés que les autres pour diriger un semblable établissement ; la défiance fut portée si loin qu'ils ne crurent même pas prudent de leur donner connaissance de ce projet. Comme si les directeurs des autres Collèges n'avaient pas eu à cœur autant que ces Messieurs, la conservation religieuse et morale de notre jeunesse ; ou que, malgré leur bonne volonté, il ne se fût trouvé personne dans les divers Collèges assez bien qualifié sous, le rapport intellectuel et scientifique pour entrer dans la formation du Conseil Universitaire et y être de quelque utilité. Si nous faisons ces remarques, Monseigneur, ce n'est pas que nous ayons été blessés d'une semblable manière d'agir, puisqu'aucun de nous ne faisait alors partie du corps administratif de la maison ; mais cela paraît nous expliquer la réserve de la plupart des Collèges, réserve dont Monsieur le Recteur paraît se plaindre dans le commentaire qu'il fait de quelques-unes des réponses qu'il en a reçues. « Nous aimons à déclarer ici à Votre Grandeur que nous avons pleine et entière confiance dans le zèle et l'habileté du personnel actuel de l'Université. « Quant à l'affiliation de notre maison, nous la désirons, parce que nous y voyons plusieurs avantages incontestables. Mais la plus grande difficulté à surmonter pour l'effectuer, se trouve dans le mode d'épreuves à adopter pour s'assurer de la capacité des candidats. Cette question a été traitée l'année dernière à Montréal dans la réunion des députés de divers Collèges, dont parle Monsieur le Recteur. Nous ne comprenons point — 56 — les reproches qu'il adresse aux membres de cette assemblée, puisqu'elle avait été convo- quée par Monseigneur de Montréal, qui voulait apparemment connaître les opinions sur ce sujet. Voici les trois modes qu'ils examinèrent pour les épreuves des candidats : « 1° Etablir un seul bureau d'examinateurs à Québec, où les élèves iraient subir leurs examens. « 2° Etablir un bureau ambulant, ou qui enverrait ses députés faire subir les épreuves préparées par lui, aux élèves des divers Collèges. « 3° Enfin établir un bureau d'examinateurs dans chaque Collège, lequel donnerait les garanties convenables et serait sous la surveillance de l'Evêque diocésain. £e bureau ferait subir les épreuves qu'il jugerait à propos sur les matières exigées par le programme de l'Université, et donnerait des certificats valables pour le diplôme de Bachelier-ès-arls. « Qu'il nous suffise de dire que le premier de ces plans est sujet à de tels inconvé- nients que Monsieur le Recteur lui-même y a renoncé, et que l'Université de Londres, d'après son témoignage, a été forcée de l'abandonner. « Le second paraît aussi rencontrer de graves difficultés, dont Monsieur Granet, Supérieur du Séminaire de Montréal, a signalé quelques-unes, qu'il avait été à portée d'apprécier en France. £e Monsieur, ainsi que la plupart des autres, était si con- vaincu des embarras que rencontre un tel système, qu'il était bien décidé à ne point l'adopter. « Le troisième, seul, leur paraissait praticable. C'est aussi, Monseigneur, dans notre humble opinion, celui que nous croyons le plus propre à atteindre le but vers lequels on tend, et que nous préférerions de beaucoup voir adopter. Monsieur le Rec- teur lui-môme ne paraît pas être opposé en principe à ce système, puisqu'il admet que certains Collèges lui paraissent bien offrir toutes les garanties nécessaires pour assurer l'efficacité des épreuves. La plus grande difficulté qu'il paraît y voir serait dans la classification à établir, pour ne point admettre ceux dont les études ne seraient pas assez complètes. C'est là une difficulté sérieuse, nous en convenons, cependant Monsieur le Surintendant de l'Education l'a vaincue pour arriver à une répartition équitable des secours pécuniaires qu'il est chargé de distribuer. Pourquoi donc serait-il impossible de la surmonter dans une circonstance analogue ? Sans doute c'est un obstacle moins grand que ceux que l'on rencontre dans les deux premiers plans, et qu'il nous serait trop long de signaler ici. « En accédant à cet arrangement le Conseil Universitaire ne s'éloignerait pas du but pour lequel cette Institution a été créée. Car, Monsieur le Recteur le rappelle, la pensée première qui a présidé à la fondation de l'Université, a été l'avantage religieux et moral de la jeunesse Canadienne. On n'a jamais donné pour raison la faiblesse des éludes dans les divers Collèges ; on n'a point dit que c'était pour en rehausser le niveau ; mais tous les véritables amis de l'éducation ont compris facilement que cet heureux — 57 — résultat se produirait, et ils s'en sont réjouis, tout en comprenant cependant que ce n'était là que le but secondaire. Pourquoi donc, dans les circonstances actuelles, per- dant de vue, en quelque sorte, la première idée, refuserait-on de recevoir les jeunes gens à l'Université-Laval, sous prétexte que l'on a pas assez de garanties sur la force de leurs études ? Pourquoi dirait-on que les directeurs de Collèges ne sont pas compétents à constater la force de leurs élèves respectifs, malgré les garanties qu'ils offrent en se conformant là-dessus au programme d'études exigé par l'Université ? Pourquoi forcer plusieurs de ces jeunes gens par des exigences qu'ils croient outrées, à aller demander à l'Université McGill, ou à d'autres institutions, un enseignement qui les expose aux dangers que l'on connaît, et que l'Université-Laval était destinée à leur donner avec tant de sûreté et tant d'avantage ? Monsieur le Recteur pense que le second plan, auquel il paraît tenir, n'est pas quelque peu gênant. Si au lieu du beau et riche Collège de Québec, il se trouvait à la tôle d'un établissement qui a eu à lutter contre des obstacles de tout genre, et dont la gêne pécuniaire n'était pas le moindre, il en penserait peut-être autrement ; surtout il ne regarderait pas comme une soumission déshonorante l'accep- tation de l'aide bienveillante du gouvernement en faveur des maisons d'éducation classique. Avant de porter la grave accusation d'avoir vendu leur liberté, contre les Collèges qui en avaient agi ainsi, il aurait dû considérer que ,1e Collège de Québec lui- même; malgré son indépendance, s'était prêté volontiers à tout ce que le gouvernement exigerait des autres, en lui fournissant les renseignements dont il avait besoin pour compléter ses statistiques sur l'éducation. D'ailleurs il nous semble que l'heureux héritier d'un riche patrimoine manque aux lois de la générosité, en reprochant à son frère cadet les parcelles qu'il reçoit d'un père adoptif qui n'a plus pour lui la même bienveillance qu'avait son véritable père. « Cependant, Monseigneur, nous avons encore confiance à l'heure qu'il est, qu'une entente avec l'Université-Laval se fera facilement ; et, nous le répétons, nous y donne- rons bien volontiers la main. « Toute-fois si la chose venait à manquer, nous voyons avec peine que Monsieur le Recteur serait décidé à prendre des mesures qui mettraient les Collèges et les jeunes gens qui en sortiraient dans une position encore plus désavantageuse vis-à-vis de l'Uni- versité. Quoi ! parceque les chefs des diverses Institutions classiques du Bas-Canada n'auraient pas cru dans l'intérêt des établissements qui leur sont confiés, d'accepter un arrangement qu'ils auraient trouvé trop onéreux ; faudrait-il que, de dépit, on tentât d'amener la décadence des Collèges Canadiens ; et qu'on voulût employer à cet effet une institution qui devait en être le complément et la protectrice bienveillante ! Non ! nous ne pouvons le croire, et nous aimons à nous persuader que nous n'avons pas bien saisi la pensée de ce Monsieur. Non ! jamais l'Université n'adoptera de mesure qui mettrait les jeunes gens dans la dure nécessité de laisser leurs Collèges avant la fin de leur cours d'études, sous peine de se voir fermer la porte des cours Universitaires. a — 58 — Nous ne craignons pas de le dire, une mesure aussi extrême ne pourrait que tourner au détriment de ceux qui y auraient eu recours. « Telles sont, Monseigneur, les quelques observations que nous avons cru devoir soumettre à Votre Grandenr sur les documents qu'Elle nous a fait l'honneur de commu- niquer.» LIV. Le Supérieur du Séminaire de Québec au Président de l'École Canadienne de Médecine, a Montréal, au sujet d'une demande d'affiliation de cette École avec la Faculté de Médecine de l'Université-Laval. « 9 janvier 1861. « J'ai l'honneur d'accuser réception de votre lettre du 8 décembre dernier. Elle m'est arrivée juste assez tôt pour être soumise au Conseil Universitaire dans sa séance mensuelle tenue le lendemain. Le délai nécessité par le règlement pour toute mesure nouvelle m'a obligé de remettre ma réponse jusqu'à ce jour. « Les membres du conseil dans la séance d'hier soir, sans renoncer à tout espoir d'en venir à un accord définitif sur les conditions d'une affiliation, m'ont chargé de vous proposer les difficultés qu'ils y entrevoient. « D'après votre lettre, deux sessions de six mois, passées chez vous, suffisent à la rigueur pour suivre tous les cours exigés par la loi ; ici nous exigeons quatre années de neuf mois et demi. Deux examens sont requis par vos statuts ; nos règlements en exigent douze, sans compter ceux de la Licence et du Doctorat : tous ces douze examens doivent avoir été suivis de la note bien ou très-bien, pour qu'un élève puisse avoir la permission de se présenter à l'examen spécial pour la Licence. En outre, nous n'accordons la Licence qu'à ceux qui ont fait un cours complet d'études classiques et ont obtenu le degré de Bachelier-ès-arts. Quant à ceux qui n'ont obtenu que la simple inscription à la fin de leurs études classiques, nous ne les laissons pas aller plus loin que le Baccalauréat dans les facultés de Droit et de Médecine. Ceux qui n'ont pas fait un cours d'études et qui néanmoins ont été admis légalement à l'étude de la médecine, sont ici admis à suivre les cours, mais ils n'ont ni les privilèges, ni même le nom d'élèves. « Comme vous le voyez, les conditions auxquelles nous accordons des diplômes à nos propres élèves, sont assez rigoureuses. Aussi, jusqu'à présent, le nombre des Licen- ciés en médecine est-il bien restreint. La plupart de ceux qui ont étudié ici se sont présentés devant le bureau des examinateurs nommés par le gouvernement. « Vous concevez, qu'après ces réflexions, il nous semble assez difficile d'accorder des diplômes à vos élèves, à des conditions toutes différentes de celles que nous exigeons des nôtres. — 59 — « Quelque confiance que nous ayons dans le zèle et l'habileté des professeurs de votre école et quelque désir que nous ayons de vous accorder votre demande, la seule différence de ces conditions nous paraît un obstacle au but que nous nous proposons, qui est d'élever autant que possible le niveau des qualifications requises pour l'élude de la Médecine, de forcer les élèves à des études longues et sérieuses et enfin de donner à nos diplômes une valeur morale proportionnée aux difficulés à vaincre pour les obtenir. « Je me ferai un plaisir et un devoir de soumettre au Conseil les suggestions que vous croiriez à propos de faire pour surmonter cette difficulté.» C - 9/ -M x '-•' -• .■''■:....... y. ; •.-..w,w ./^«u^wV V -V"" ^'\v^v^vwv W*i?y ">'-^^r^v ;" v^ ^y^V^ w uVuV^VWW» - ■ y^: -\ v ;vY'-.- vvV^wv-!^u"^vv^^vv^^y'y:v:;v- ^wy%'wvwv^vvyyyyv Û^^^'y^^^^ 'l"^''y,Wv -\y~.-y- Vv -ï^^yy». «ty ^ïyy,»:^v. ^•v-'/w^^V" ^*^ dVlJÛÛfÉV^fcu^ '.ur.r LjVu'l/ÛV u V, ~ . . y>, ^j J," vu. vv ,i>v y ^S^iSS 'v:^'^^ WVVV ï^^y^t;^^è^.S^I v^ry^wo^yw' y\-'uV, y^V/\y"-^o;,. - yvrjv,, v : Vi:.';WV-v! vyy, ^ V V v ■ ". -, - " .,V ■ \l y, w^ : 'v vu ; V»Vy..-lV.,'J.l VVV .,«/' :iv: 'WWW ; :■ :' v'^.ïi^Vï\itf.v.WV-ï-v; .yl^yiL.Vvyyv'vVy v '^^■jyvi^w«j,te1o^'t 'vu^yy^"vv/v ,\^y • :yyVvvvvyvwVVy' : ,VVV yvyvv^.vw^v, vvv.^ / v -v y v v , "y,o^ > w; v vv/s - ~ yy^v;y I5» ' " . •»v""" ■' " Y " s/, vj iy,r • -y v? • •• • v y v » . : wy y it y ;• : z-,z Jv c ^ ^ v v ^ wC;» yw«v> uww^w k^x:x:-- v^vww^wyw> W..wV****W*\.. y^^M^^**''*'' ''H^v^V"' ^wvvW^vvwWwvW**^ ■ ■V','Vww^^^y«y,vv VW Vv V 'vwywwvw ; v vv v w v ^ ^vyvy»>ywcw'uw'uvv>vw VVV,. ^uMmAM^^^ '" Jyjyy'ywyyvw-ywv^vvwv^^y» 'wwv^w „v^vV^V"^!VVvwvvWVv^v^^ yvw^vvvWw****^ '7*^ ->.w -V.W.-V vvyvvi y » w^w^ w . 5. 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