ï&%«.?W£.î$; S2Mi& £3^ UNITED STATES OF AMERICA ME& * * . FOUNDED 1836 WASHINGTON, D. C. GPO 16—67244-1 HISTOIRE S U C CIN C TE . DE LA FIÈVRE MALIGNE Qui a. régné dernièrement a Philadelphie, s u i v i 2>'un Récit des mesures prises dans différentes parties des Etats Ums , au sujet de cette maladie. Par MATHEW CAREY. ~s ......ininiim n !■■■■ LJw—C- f J PflflADÈLPHlE. Imprimé par P ARENT pour l'Auteur. N . r « i 1* < ^L A LA SOCIÉTÉ PHILOSOPHIQUE Américaine. Messieurs, C'est avec les égards qui vous sont dus que je prends la liberté de vous dédier l'ouvrage suivant, dans lequel je me suis efforcé de donner une relation aussi fidelle qu'il est possible, du fléau cruel que nous venons d'éprouver. Je suis avec estime, Messieurs, yotre obéissant et humble Serviteur, MATHEW CARET. N". X L V I I, ÉTAT DE PENSILVAKIÉ. ïl est à savoir (L S*) que le trentième jour de' novembre, la dix. huitième année de l'indépendance desÉtats Unis ce l'Amérique , Ma'thew Carey, de cet Etat , a déposé dans ce bureau le manuscrit d'un livre dont il demande le privilège comme Au- teur , lequel ouvrage a pour titre : « Histoire succincte de la fièvre maligne qui a régné dernièrement à Philadelphie , suivie d'un Récit des mesures prises dans différentes parties desEtats-Unis au sujet de cette maladie, par Mathew Çarey ». En conformité de l'acte du CongTès des États-Unis, intitulé : « Acte pour encourager les Belles Lettres, en assurant le droit de faire impri- mer les Cartes terrestres et marines, et livres , aux auteurs et propriétaires de ces ouvrages, pendant le tems mentionné audit Acte. SAMUEL CALDWEL, Secrétaire de l'Etat de Pensilvaiiier PRÉFACE De la première Edition. Philadelphie , 14 Novembre 1793. X-^'AccuriL favorable fait à l'histoire imparfaite de lafiévre,que j'ai dernièrement publié, et le ( esirpar- tieuiier de quelques uns tie tues amis, m'ont engagé à e :r emre'ienoie une beacronp plus satisfaisante, en recueillant, tandis que les faits sont récens, au- tant d'éveiieincns les plus mtére^sans que je pou- vais, pour l'instruction du public. Je n« me suis pas atta hé aux embelissemens ou orne mens du style; m< ,s j'ai essayé simplement de rendre des laits exacts dans des expressions qui le fes eut aussi. J'ai pris toutes les précautions pour arriver à la vérité, et j'espère qu'on ne trouvera pas dans ceire relation, des erreurs nombreuses. J'ai à offrir la justification suivante sur le plan peu léguher ce quelques parties de cette brochure ; plusieuis faits et réflexions vers la fin, qui ocraient été mieux placées dans le commencement, ne se sont présentés que lorsque quelques-un* s < es pr< - mières demi-feuilles étaient con seulement fentes, mais imprimées. Je n'ai eu le choix, en < onsé^ queuce, que de les passer oous silence ou de les pla^ cer sans ordre. J ai pn f ré le dernier parti. Plusieurs des faits compris dans cet ouvrage, ont été le fruit de mes propres observations. Quant aux autres, j'ai été soigneux de les recueil! r ce toutes les personnes dignes de foi qui en étaient instruites. Jaloux de rendre cette relation correcte et com- plette, je n'ai imprimé qu'un petit nombre d'exem- plaires de la présente Edition : je serai 1res recon- naissant envers les personnes quiauront la bonté de me désigner les erreurs qui doivent être corrigées, e/ les faits qui peuvent être ajoutés à une nouvelle Edition que je me propose de mettre sous-xpresse dans très peu de teins, et qui, je l'espère, sera trou- vée plus étendue que celle-ci. ^("ini&o PREFACE De la seconde Edition. s.Z Novembre 17g?. * ' Lorsque j'ai publié la première Edition de cette brochure, mon intention était de l'augmenter beau- coup pour une seconde, et de lui donner une nou- velle ordonnance, de sorte qu'il y eut une liaison entre plusieurs de ses parties qui sont extrêmement décousues. Mais son prompt débit, et les demandes de nouveaux exemplaires, m'ont mis dans l'impos- sibilité, pour le présent, de ne rien faire que des corrections que quelques amis ont eu la complai- sance de m'indiquer. Dans le récit des mesures qui ont été prises au sujet de la maladie, dans tout le Continent, j'ai supprimé une grande partie des réflexions sévère* qui m'avaient été inspirées ; par la raison que dans de pareilles circonstances, nous aurions peut-être été aussi durs. Et que c'est un service peu obligeant que de perpétuer des animosités. Elles prennent aisément naissance, mais elles ne s'éteignent qu'avec le tems et avec difficulté. Il faut donc ( sur- tout lorsque nous nous considérons dans le miroir de la nature humaine) non-seulement oublier, mais même pardonner, s'il est possible, tous les traite- mens désagréables que nos citoyens ont éprouvés. J'ai entendu plus d'une personne prétendre que le récit des faits révoltans qui se sont passés à Phila- delphie, peignent le caractère du peuple sous un? point de vue peu favorable. Si cela est, ce n'est pas ma faute. Je suis persuadé que je n'ai pas exagéré les choses. Mais je ne conçois pas que ce récit ait pu produire cet effet, car il serait aussi injuste que peu judicieux, de juger du caractère des habitans de Philadelphie par des Çaits passés dans un tems d'épouvante et de crainte, où la douce charité qui lie la société, était éteinte par le désir de sa propre conservation, de manière à imprimer ( 7 ) une infamie éternelle sur une nation, pour des atro- cités commises dans des tems de, troubles, ou toutes les passions violemment excitées, poussaient à des actes de cruautés et de férocité. PRÉFACE De la troisième Edition. 3o Novembre 1793. Cet ouvrage est mis devant le public pour la troi- sième fois, et pour ainsi dire dans une forme nou- velle. Je l'ai réduit dans un plan aussi méthodique qu'il m'a été possible, mais pas autant que je l'aurais désiré, et que le lecteur aurait pu l'attendre. Le seul mérite auquel je prétende dans cet écrit, c'est d'avoir eu de bonnes intentions. Si après une lecture réfléchie, l'homme vrai m'accorde ce mé- rite, je serai satisfait de voir lexécution censurée avec toute la sévérité dont la critique est capable. Cependant je prends la liberté d'informer le lecteur qu'il y ace jour un mois, que j'ai commencé a écrire cette relation. Je sais que la brièveté du tems em- ployé, ne justifie pas un mauvais ouvrage, mais il peut en quelque manière atténuer les défauts d'un ouvrage passable. Il y a eu pi usieurs objection sfaites contre des parties de cet écrit. J'ai changé la plupart de ces endroits. Je ne me suis pas arrêté à quelques objections fon- dées sur l'opinion de personnes absolument contrai- res à ma manière de voir. Car jusqu'à ce que ma raison soit convaincue, je ne puis changer mon c piuion pour celle de qui que ce soit. Je reconnais avoir de grandes obligations aux personnes qui ont eu la bonté de me procurer dès faits pour enrichir et completter cet ouvrage. Je les prie de me continuer leurs bons offices ; et si la faveur publique exige une quatrième Edition, j'ajou- terai tout ce oui pourra m'étre communiqué dans X B -) l'intervalle, autrement je publierai séparément ce qui pourra être digne des regards du public. PRÉFACE De la quatrième Edition. lê Janvier 1794. Le degré extraordinaire de faveur que cet ouvrage A éprouvé, m'a inspiré les sentimens de la plus vive reconnaissance. Comme le seul retour en mon pouvoir, j'ai fait tous mes efforts dans chacune des Editions successives, pour prouvercessentimens. Dans le nombre des victimes de cette dernière Calamité, il y a beaucoup d'étrangers, parmi lesquels il y en a probablement quelques uns dont le décès a fait tomber leurs successions à des héritiers éloi- gnés Il était donc d'une grande importance d'aug- menter et de perfectionner la liste des décèdés,et de remédier à l'extrême inexactitude des réponses des sacristains; j'ai employé des personnes p jur par- courir la ville et les faubourgs , et s'im£ormerdans chaque maison , sans exception , des noms et états des morts. Le caractère désobligeant des uns , et la crainte des autres qu'on ne fit un mauvais usage de l'information qu'ils auraient pu donner , ont frustré dans plusieurs cas mon attente. Quelqu'imparfaite que soit la liste, telle qu'elle est, j'espère qu'élis sera trouvée utile pour lever des doutes inquiétans, et annoncer aux personnes des différens pays, la triste nouvelle du décès de leurs parens , que sans ce raoj en de communication , il leur aurait été dif- ficile , si non impossible, d'apprendre dans plusieurs années d'ici. J'ai ajouté à l'Edition actuelle , une courte rela- tion de la peste de Londres et de celle de Marseille. Le lecteur en les comparant, sera surpris de la simi- litude extraordinaire qui existe entre plusieurs des principaux et des plus importans faits qui se sont passés dans ces deux villes , et les evènemens de» mois de septembre et octobre 1795 à Philadelphie. C=r COURT RECIT,SsV. Chapitre L Situation de Philadelphie avant que la fièvre maligne s*y foit manifeflée—avec quelques ob/ervations fur les fuites. de ce fléau. J\ VANT d'entrer en confideration de cette maladie, H peut n'être hors de propos d'offrir quelques remarques préliminaires fur la fituation de Philadelphie avant la naiflance de ce fléau, remarques qui jetteront du jour fur quelqïi'unes des circonflances dont il fera queftion dans le cours de ce récit. Pendant un tems confiderable, les manufactures, le trafic, et le commerce de cette ville, fe font augmentés et étendus avec une grande rapidité. Depuis l'epoquë de l'adoption du gouvernement fédéral, tems auquel V Amérique était réduite au dernier degré d'epuifement, ce pay?, eft devenu de jour en jour plus norifîant. La confia/ice, autrefois bannie, fe rétablit univerfellement. Les propriétés de tout genre haufferent de prix, et quelo/u'unes s'élevèrent au de là de leur valeur réelle : et dans une révolution de peu d'années, l'Amérique pre- fent?. le fpeclacle interreffant d'une contrée nouvelle ibuô une, forme de gouvernement récemment adoptée, fortant d'u'n état qui tenait de près à l'anarchie, et acquérant tout le nerf et toute la fiabilité des pays les mieux régis et îes plus anciens. ^Philadelphie participa dans un eminent degré, à cette pro/peritéquifaifait renaître les efperances prefqu'eteintes de quatre millions d'hommes. La quantité de maifonj» rièùv»ès* bâties dans un ftile ingénieux et élégant, dans prefqiye toutes les rues, embellirent la ville, en même ( io > tems qu'elles contribuèrent à fon agrandiffement. Sa population s'augmenta prodigieufement. Les loyers de maifons s'élevèrent à un prix excelîïf, et dans beaucoup de circonftances il furent doubles, et quelquefois triples de ce qu'ils avaient été un ou deux ans auparavant ; et comme cela arrive ordinairement quand une ville aug- mente en profperité, les loyers excédèrent de beaucoup l'accroiffement réel du commerce. Le nombre de ceux qui avaient befoin de maifons étant plus confiderable, que celui des "maifons à louer, les uns enchérirent fur les autres ; et les affaires furent dans une telle fituation, que plufieurs perfons avec un cours de commerce allez raifonable, pouvaient à peine payer leur loyers, et ne travaillaient véritablement que pour les propriétaires des maifons qu'ils occupaient.* Le luxe qui accom- pagne ordinairement, et peutêtre inévitablement, la profperité, fit des progrès très alarmans pour ceux qui favent combien la vertu, la liberté, et le bonheur d'une nation, dépendent de fa fobrieté et de fa tempérance. Beaucoup de nos citoyens ont été, pendant quelque tems dans l'habitude imprudente,de régler leur depenfes, fur des fpeculations faites dans ces inftances de confiance, où toutes les probabilités font prifes pour des certitudes, et non fur leurs profits actuels, ou fur leurs revenus. Le nombre de caroffes, de cabriolets et chaifes que fe font donnés naguere,des perfonnes d'une condition ordinaire, eft à peine croiable. Pour ne point entrer dans un dé- tail minucieux, il fumra de remarquer, que l'extrava- gance fous différentes formes, a par degrés exclu les manières unies et franches de la ville. Et quoique ce ferait une prefomption de tenter de lire dans les décrets du ciel, néanmoins peu de perfonnes, je crois, nieront que quelque événement ne fut neceffaire pour humilier l'orgueil de cette cité qui était livrée à tous les excès de la prodigalité et de la diflipation. Cependant depuis Novembre 1792, jufqu'àla fin de Juin dernier, les affaires furent très entravés. L'etablifle* * La gêne produit par la cherté des loyers, eft peut être la feule exception à faire fur l'obfervation générale de l'état flo- riflant de Philadelphie* ( «I ) ment de la Banque de Penfilvanie, qui ne fut qu'ebâu- ché, pendant la plus grande partie de ce tems, arrêta Ja circulation d'une quantité confiderable d'efpèces, dans les deux autres banques, ce qui mit les obftacles à prefque toutes les efpeces de négociations commercialles ; à cela on doit ajouter les difficultés refultantes de plu- fieurs banqueroutes arrivées en Angleterre, qui jetterent dans l'embarras plufieurs de nos principaux negocians. Durant cette période, on éprouva des difficultés qu'on avait jamais connues dans cette ville* Mais en Juil- let, le commencement des opérations de la banque de Penfilvanie, dirigé fur les principes les plus généreux et les plus étendus, remit les affaires dans une bonne fituation. Tout le monde regarda comme vraisemblable que l'automne verrait donner la plus grande extenfion au commerce. Maiscombiui les perfpe&ives des hommes ont peu de durée! Combien les projets fondés fur les apparences terreftres font incertains ! Toutes ces efpe- rànces flatteufes s'évanouirent comme un fenge. Kn Juillet, arrivèrent les infortunés fugitifs du Cap* Français. A cette occafion la bienfaifance des habitàns. de Philadelphie, fe déploya d'une manière digne d'e*. lôg'.-s. Près de 12000 gourdes furent recuillis, en peu de tems, pour leur foulagement. Helas î bien peu d'entre les nombreux bienfaiteurs, alors dans une fituation aifée, penferent que dans quelques femaines, ils biffe- raient leurs femmes, et leurs enfans à la merci 'de la charité publique , comme cela eft malheureufement arrivé. Exemple terrible des promptes et inftruclives viciffitudes ce ce monde paffager. * Vers ce tems, ce fléau deltrucleur, la fièvre maligne, fé gliffait parmi nous, et coupait dans leur tige les plus belles fleurs que l'imagination peut fe reprefentèr. He- las, quel contrarie affreux elle a fait naître ! Beaucoup • C'eû avec plaifir que je faifis cette occafion , de déclarer que h conduite généreufe de la banqje des Etats-Unis, dans ce tems d'épreuves, a fauve plufieurs perfonnes méritantes et induftrieufes, de leur ruine totale. Jamais unfeinblabîc éta- bliflement ne fe conduifit fur un plan meilleur et plus prudent, que celui qui fut adopté par 1? banque en cette circonftance* ( «» ) de femmes alors dans le fein de Taifanceet du contente- ment, font actuellement privées de leurs époux chéris, chargées d'une famille nombreufe à foutenir, et incapa- bles de remplir la tâche auffi difficile. Beaucoup d'or- phelins font fans païens pour les nourir et les protéger. Beaucoup des familles entières font peries—ew et n'ont laiffé aucun rejetton après elle."-—Plufieurs de nos prin- pales maifons de commerce fe font totalement diffoutes, par le décès des parties intereffées, et leurs affaires fe font trouvées en confequence fi dérangées, que les pertes et les malheurs qui s'en fuivront, font incalculables. Pendant quelques femaines, les protefts des billets ex- cédèrent tout ce qu'on avait vu précédemment ; par la râifon que la plus grande partie des negocians et mar- chants ayant quitte la ville, ils fe trouvèrent, par la ftagnation des affaires, et par le manque de leurs ref- fources efperées, dans l'impoffibilité de rien amaffer pour le payment, et leurs billets furent proteftés à l'échéance.* J'efpere qu'on me pardonnera ces observations pré- liminaires. Je vais actuellement commencer le trifte fujet que j'ai entrepris de traiter. Puiffais-je remplir cette tache à la fatisfaction de mes lecteurs, et leur pre- fenter un récit exact du plus terrible fléau que l'Ame* rique eft jamais éprouvé. Au premier coup-d'ceil, il paraîtrait que Philadelphie feul a été frappé de cette ca- lamité,mais fes effets fe font étendus dans prefque toutes les parties de l'union. Plufieurs cantons du Jerfey, de la Delaware, du Maryland, de la Virginie, de Carolines du Sud et du Nord, de la Géorgie, et des etabliffemens reculés de la Penfilvanie tirent ce que leur eft neceffairej fi non entièrement, du moins principalement, de Phila- delphie, qui eft aufli le marché où ils portent leurs pro- ductions. Exclus de cette ville par la maladie, les mar- chants de ces differens endroits cherchèrent d'autres * La banque des Etats-Unis prit, le 15 Octobre, un arrêté qui autorifait le caflier à renouveller les billets quand les mêmes tireurs et endofleurs feraient offerts, et qui déclarait que les billets ne feraient point proteftés quand les endofleurs s'oblige- raient par écrit, de la même manière que dans le cas du pro* teft. ( n 1 marche'* qui n'étant point préparés à ce furcroit de de* mandes, fe trouvèrent infuffifani? ; et la chaleur dés ventes fit q.ue les prix augmentèrent' exceffivement. Ces marchants fu.ve"t en outre dans les h eux où leur crédit n'était pas établi, et dans plufieurs c.*s ils furent obligé de payer d'avance* Enfin, plufieurs entre eux n'ayant point d'occafion po ur envoyer leurs de urées au marché, les laifferent en conVquence invendues. C'eft pourquoi les affaires languirent dans plufieurs pai *ties dé l'union, de fort que en ne confide'rant que du côté ' du commerce, les effets de la maladie dont il eft queftion , on peut dire, que lé choc qu'elle a caufé s'eft fait reffei vtir jufqu'àu^ extrémités l«s plus éloignées de l'union. Chapitre Iï. Simptômcs, Légère tfquijjè du mode de ira iîement. JL*ES fimptômes qui caractérifaient le p remier pé. riode de la fièvre, étaient, dans un grand 1 îombre de cas, après un friffon de quelque durée, un p ouïs vif et tendu—beaucoup de chaleur à la peau—mal à la tête, des douleurs aux reins et dans les membres— -le vifage bouffi—les yeux enflammés—la langue hui nide;—un fentiment oppreffif et douloureux à l'eftom ac, par- ticulièrement lorfqu'on preffe deffus cette pa rtie—des maux de cœur fréquens , des crachemens avec envie de vomir, fans rien rejetter, excepté les dernier: J alimens pris—de la conftipation &c. Et quand les fcll es étaient procurées, la première prefentait géneralemen t un vice de la bile, ou une obftruction à fon entrée da ns les in- teftins. Mais les fortes purgations détruifaient ordinai- rement cette apparence. " Ces fimptômes continuaient communes lent avec plus ou moins de violence depuis un 'jufqn 'à trois , quatre, ou même cinq jours ; et quand ils dn ninuaient graduellement, ils laiffaient le malade e: cempt : de toute douleur, mais dans une débilité générj .le. M ais quand ( 14 ) les fîmorômes fébriles difpara:fT8 ) immédiatement. Ces ordres furent répétés le 27, et de fémblables furent donnés aux infpecteurs du marché. Le 26 du même mois, le collège de médecine tint une affemblée, dans laquelle il porta fon attention fur la nature de cette maladie* et fur les moyens de la pré- venir et de la guérir. Il publia une adreffe aux ci- toyens, fignée de fon prefident et de fon fecrétaire, dans laquelle il leur recommandait d'éviter toute communi- cation non neceffaire avec ceux qui étaient attaqués de la maladie ; de mettre des marques fur les fenêtres et portes des maifons Ou étaient ces derniers ; d'avoir grande attention de tenir les chambres des malades pro- pres et aérées ; d'établir un hôpital aux environs de la ville pour les recevoir ; d'empêcher de fonner les clo- ches; de faire porter en terre les morts fur des voitures auffi fecretement que faire fe pourrait; de faire nettoyer exactement les rues et les quais ; d'éviter toutes fatigues du corps ou de l'efprit ; de ne point fe tenir ou s'affeoir du foleil, ou en plein air ; de s'habiller d'une manière convenable à la fituation du tems, et de fe couvrir plutôt de vêtemens chauds que de vêtemens légers ; d'éviter l'intempérance, et d'ufer avec modération des liqueurs fermentées telles que vin, bierre et cidre. Le collège de médecine y déclarait pareillement fon opinion fur les feux allumés dans les rues, qu'il regardait comme très- dangereux et inefficaces pour arrêter les progrès de la fièvre, et faifait dépendre plutôt cet effet de la pou- dre a canon brûlée. Il y ajoutait qu'il était très-avan- tageux de faire ufage du vinaigre et du camphre, fur- tout dans les appartenons infectés, et que les perfonnes qui foignaient les malades ne pouvaient trop en porter dans leurs mouchoirs, ou dans des flacons d'odeurs. En conféquence de cette adreffe,' les cloches ne fon- nerent plus dés cet inftant. L'utilité de cette mefure était évidente ; car les cloches ayant fonné auparavant prefque tout le jour, avaient effrayé ceux qui étaient en fanté, et précipité au tombeau des malades, par la feuk influence d'une imagination frappée. On avait répandu l'idée que les feux faits dans les rues auraient la pro- priété de purifier l'air et d'arrêter les progrè* de la maladie. Le peuple allumait, en conféquence, prefque ( «9 ) chaque nuit, de grands feux aux coins des rues. Le 29, le maire, conformément au fentiment du collège de médecine, publia une proclamation pour défendre cette pratique. Plufieurs imaginèrent de lui fubftituer le feu du canon, penfant que c'était un moyen certain pour prévenir la maladie. Cela fut pouffé fi loin, et expofait â un tel danger, que cet ufage fut défendu par une or- donnance du maire. Le 29, le gouverneur de cet Etat écrivit une lettre au maire, dans laquelle il lui représentait la neceffité de prendre des mefures vigoureufes et decifives, " pour prévenir l'accroiffement du fléau et le détruire." Il y defirait de voir mettre â exécution les differens moyens indiqués par le collège de médecine. Le même jour, dans fon adreffe â la legiflature, il l'informait qu'une maladie contagieufe régnait dans la ville, et qu'il avait pris toutes les mefures pour s'affurer de fon origine, de fa nature, et de fon étendue. Il l'affurait également que l'officier de fanté, et le médecin du port, prendraient toutes les précautions pour calmer et détruire l'inqu e- tude du public. Le nombre des malades croiffant journellement, et l'exiftence d'un ordre contre l'admiffion dans la maifon de charité de toutes perfonnes attaquées d'une maladie contagieufe, empêchant ceux-ci d'y trouver un afile,* l'etabliffement d'un hôpital temporaire devint indifpen- fable; et trois ztdminiftratûurs des pauvres prirent, vers le 26 d'Août, poffeffion du cirque, dans lequel M. Ric- ketts'avait fait précédemment fes exercices equeftres, comme étant le feul endroit qu> ils pouvaient fe procurer alors pour cet etabliffement. La , furent trai.fpu-tées fept perfonnes attaquées de la maladie, et elle, y reliè- rent, pendant quelque tems, expofées au grana air, et * A cette époque, le nombre des pauvres dans la n aifon de charité était de 3 à 400; et les directeurs craignant que la maladie contagieufe ne fe gliflat parmi eux, mirent à exécution cet ordre qui avait été fait long-tems auparavant. Mais ce- pendant, ils fecoururent les malades contagieux de tout l'argent qui était dans leur caifle, et leur fournirent «les lits, couver- tures, &c. ( ^0 ) fajis aucune affiftancev* Un de ces -malades fe tr.iiua fur le terrein communal, où il expira à quelque diitance des maifons. Deux autres moururent dans le cirque : le corps de l'un d'eux fut enlevé à propos, et celui de l'autre refta dans un état de putréfaction, pendant près de quarante-huit heures, â caufe de la difficulté qu'il y avait de fe procurer quelqu'un pour le tranfporter. A cette occafion, une fervante donna un exemple de cou-s rage dont peu d'hommes auraient été capables en ce tems. Le charretier qui a la fin s'était engagé a tranf- porter ce corps, n'ayant perfonne pour l'aider, et n'étant pas capable de niettre feul le cadavre dans la bierre, était fur le point d'abandonner fon entreprife, et de fe retirer, Cette fille l'ayant apperçu, et voyant les diffi- cultés qu'il éprouvait, lui offrit fes fervices, â condition qu'il n'en dirait rien à la famille qu'elle fervait. f En conféquence, elle lui aida â mettre dans le cercueil ce porps qui était déjà livré aux vers, et dans l'état de putréfaction la plus repouffante. C'eft avec plaifir que vajoute que cette fille eft encore exiftante, malgré cet exploit hazardeux. Les habitans des environs du Cirque prirent I'allarme, et menacèrent de brûler ou de détruire ce bâtiment, fi pn n'en forfait pas les malades ; et ils auraient, je crois,. mis cette menace a exécution, fi on avait tardé un jour de plus a condefeendre a leur defir. Le 27, fept çles adminiftr^teurs des pauvres eurent une conférence avec quelques-uns des magiftrats au fujet de cette fièvre, dans laquelle on reconnut l'indifpenfable neceffité de trouver une maifon propre â -fervir d'hôpi- tal, dans les environs de la ville, pour recevoir les pau* vres attaqués de cette maladie, En conféquence, fur le foir du même jour, les admi- niftrateurs des pauvres convinrent de plufieurs refolu- tions, (avoir : de faire les derniers efforts, pour fe pro- curer une maifon, ainfi qu'il a été dit plus haut, (hor$ * Les gages les plus confidérables furent offerts pour avoir des hospitalières, fans qu'on ait pu s'en procurer. f Sj cette famille avait été inftruite de ce fait, cette fille aurait été renvoyée fur le.champ. ( «I ) de la ville, mais le plus près poffibîe, fans compromettre la fureté des habitans, ) pour fervir d'hôpital, et y re- cevoir les pauvres qui étaient ou feraient affligés de la fièvre contagieufe, et qui étaient dénués de tous -autres moyens pour fe procurer les chofes neceffaires à leur traitement ; d'engager les médecins, hofpitalières et garde-malades, â réunir tous les moyens de fecours dans cette maifon; de choifir, dans chaque diftrict, de» perfonnes pour s'enquérir de tous pauvres attaqués de la maladie, pour leur adminiftrer des fecours dans, leur propie maifon, ou bien les faire tranfporter â l'hôpital, fi cela était néceffaire. Ils fc refervèrent, en même tems, la liberté de tirer fur le maire pour telles foinmes qu'il faudrait pour mettre leurs plans a exécution. Conformément â ces refolutions, un comité d'admi- niftrateurs fut nommé pour faire la recherche d'une maifon convenable, et après l'examen requis, on jugea qu'une maifon adjacente a Bufh-Hill, (la maifon de cam- pagne de William Hamilton, efq.) était très-propre pour ce deffein. Ce particulier était alors abfent, et n'avait pas de reprefentans en ville; mais la grande urgence du cas n'admettant pas de délai, huit des adminiftrateurs, accompagnés de Hilary Baker, efq. un des quarteniers de la ville, avec l'agrément du gouverneur, fe tranfpor- t.erent, le 31 d'Août, a la maifon qu'ils avaient en vue: et après avoir éprouvé quelque oppofition de la part du locataire qui l'occupait, ils prirent poffeffion de Bufh- Hill, et le foir même y envoyèrent les quatre malades qui étaient au cirque. Bientôt après, les adminiftrateurs des pauvres de cette ville, exceptéjacques Wilfon, Jacob Tomkins jeune, et Guillaume Sanfom, cefferent d'exercer leurs charges, prefque tous étant foi lis de la ville. Avant cette vacance de leurs offices, ils prirent la refolution de n'admettre aucun pauvre que ce fût dans la maifon de charité, pen- dant la durée de la maladie.* Tout le foin des pauvres * La raifon de cet ordre était que plufieurs pauvres qui avaient été admis précédemment, dans l'hôpital de charité, fur des certificats de médecins, qui atteftaient qu'ils n'étaient pas attaqués de la maladie, en étaient cependant morts dans cette maifon. ( ™ ) de cette ville, foit pour pourvoir a Bufh-Hill, foit pour y faire tranfporter les malades, foit pour faire enterrer les* morts, roula par-confequent fur les trois adminiftrateurs dont il a été parlé. Chapitre IV. Defefpoîr général.—Scènes déplorables.—Afpetl terrible de la nature humaine.—Noble contrafie. La confternation du peuple de Philadelphie fut por- tée, â cette époque, au-delà de toutes les bornes. Là crainte et l'épouvante étaient gravées fur prefque tcrus les vifages. La plus grande partie de ceux qui avaient des moyens s'enfuirent de la ville. Parmi ceux qui ref- terent, plufieurs fe renfermèrent dans leurs, maifons, et craignirent de paraître dans les rues. La fumée du ta- bac étant regardée comme un prefervatif, beaucoup de perfonnes, même des femmes, et des petits garçons, avaient prefque conftamment des figarres à la bouche. D'autres, mettant une pleine confiance dans l'ail, en mâ- chaient prefque tout le jour; quelques-unes en portaient dans leurs poches et dans leurs fouliers. Beaucoup craignirent de laiffer les barbiers et perruquiers appro- cher d'eux, parce qu'il y avait eu des exemples de quel- ques-uns d'entre ces derniers qui avaient rafé des ca- davres,—et de beaucoup d'autres qui s'étaient engagés pour tirer du fang aux malades.: Quelques perfonnes qui pouffèrent les précautions encore plus loin, achetè- rent des lancettes pour leur propre ufage, n'ofant pas fe faire faigner avec les lancettes des barbiers. Peu de maifons furent un feul inftant dans le jour exemptes des odeurs de poudre â canon , de tabac brûlé, de- nitre, et d'afperfions de vinaigre, &c. Quelques eglifes* furent prefque abandonnées, et d'autres entièrement fer- mées. Le caffé fut auffi fermé, ainfi que la bibliothèque de la ville, et prefque tous les bureaux publics—.Trois ou quatre gazçttes journalières furent difcominuées,. ( °3 ) comme auffi quelques-unes des autres.* Quantité de per- fonnes étaient prefque fans ceffe occupées à purifier, nettoyer, et blanchir les murs de leurs chambres. Ceux qui s'aventuraient dehors, avaient des mouchoirs ou des éponges impreignces de vinaigre ou de camphre,fous leur nez, ou bien des bouteilles d'odeur remplies de vinaigie, àcs quatre voleurs. D'autres portaient des morceaux de cordes gaudronnées dans leurs mains, ou dans leurs poches, ou des fachets de camphre liés autour de leurs poignets. Les corps des citoyens les plus refpeftables, même de ceux qui n'étaient pas morts de la maladie epidemique, furent portés en terre fur la flèche d'une chaife, le cheval mené par un nègre, fans être accom- pagné par un ami ou une connaiffance. Le peuple fe hâtait de changer de route à la vue d'une bierre venant à luù Beaucoup ne marchaient jamais fur les trotoirs, mais allaient au milieu de la rue, pour éviter en paffant d'être infectés par les maifons où il était mort quelqu'un. Les amis et les connaiffances-s'évitaient mutuellement dans les rues, et exprimaient leur confideration feule- ment par un froid figne de tête. L'antique coutume de fe donner la main devint tellement inufitée, que plu- fieurs reculaient avec effroi au feul figne de prefenter la main. Il fuffifait qu'une perfonne portât un crêpe, ou quelque figne de deuil, pour être fuie comme une vipère ; et plufieurs fe vantaient beaucoup de l'habileté et de l'adreffe avec lefquelles elles évitaient toutes les per- fonnes qu'elles rencontraient, et certainement il n'eft pas* poffible qu'à Londres, à la dernière époque de la pefte, on ait vu plus de fignes de terreur qu'à Philadelphie depuis le 25 ou 26 Août jufqu'à la fin de Septembre. Quand le peuple prenait fur lui la refolution de fortir dehors et de prendre l'air, les charrettes eonduifant les malades à l'hôpital ou portant les bierres en terre, qui * U n'eft pas hors de propos de faifir cette occafion pour dire que la Gazette Fédérale, imprimée par André Brown, a été continuée fans, interruption, et avec la même habileté, pendant le cours de cette calamité, et rendait aux citoyens des Etats. Unis le fervice de leur donner connauTance de Pétat de Phila** delphie et de la maladie-qui y régnait. { ^4 ) paffaiént prefque tout le jour, abattaient bientôt fon courage et le plongeaient dans le defefpoîr. Tandis que les chofes étaient dans cet état déplorable, et que le peuple était réduit au dernier degré du defef- poîr, on ne dut pas être étonné des faits horribles qui fe pafferent,et qui femblaient annoncer ladiffolution de tous les liens les plus facrés et les plus chers de la fo- ciété. Qui peut, fans frémir, penfer à un époux marié peut-êtredepuis vingt ans, abandonnant fa femme dans fa dernière agonie—à une femme infenfible s'eloignant de fon mari au lit de la mort~à des pères et mères ou- bliant leurs fils uniques—àdesenfans dénaturés fuyant les auteurs de leurs jours, et les laiffant à leur fort fans s'informer de leur fanté—à des maîtres envoyant deforce leurs domeftiques fidels, fur lefeul foupçon de la fièvre, à Bufh-Hill, qui, femblable en ce tems au Tartare, était ouvert à tous, mais ne rendait jamais perfonne—à des domeftiques abandonnant des maîtres bons et humains qui avaient befoin feulement de quelques foins pour être rétablis en fanté—qui, dis-je, peut penfer fans hor- reur à tous ces faits ? Cependant,ils font arrivés prefque journellement dans chaque quartier de la ville : et telle était la force de l'habitude, que les perfonnes qui étaient coupables de ces traits de cruauté, n'en reffentaient pas de remords—ni ne furent point couverts de l'exécration de leurs concitoyens qu'une pareille conduite leur aurait attirée dans d'autres circonftances. Et vraiment, dans cette crife affreufe, l'amour de foi-même a été porté fi loin chez plufieurs, qu'ils furent moins fenfibles à la perte d'un père, d'un époux, d'une femme, ou d'un fils unique, qu'ils ne l'auraient été, dans une autre circonftance, à la mort d'un domeftique ou même d'un petit chien favori. Cette conduite produifit des evènemens malheureux et affiigeans, dont on n'a pas d'exemples, et que rien ne peut pallier que la terreur extraordinaire du publie, et que la grande loi de fa propre confervation, dont l'em- pire fe fait fentir à tous les êtres animés de l'univers. Plufieurs perfonnes, d'une fortune opulente, qui fefaient travailler et nourriffaient beaucoup de monde, furent laiffées aux foins d'un nègre, après que leurs femmes, ( ?5 ) îeurs enfuis, leurs commis & leurs ferviteurs euffent fui, et les euffent abandonnés à leur fort. Dans beau* coup de cas, on ne pouvait fe procurer des fecours, a quelque prix que c-e fût. Il eft naturel de penfer que la fituation du pauvre était encore pire que celle du riche. Plufieurs de ces derniers périrent, fans avoir une main charitable pour leur donner un verre d'eau, pour leur faire prendre les médecines, et leur rendre tout autre fervice d'humanité. On trouva plufieurs corps morts étendus dans les rues, de perfonnes qui n'avaient ni maifon, ni habitation, et qui n'avaient pu trouver d'afile. Un homme et fa femme, parmi plufieurs autres faits, furent trouvés morts dans leur lit, ayant au milieu d'eux un petit enfant qui fuçoit le fein de fa mère. On ignore combien il y avait de tems qu'ils étaient là. Une femme, dont le mari venait de mourir de la fièvre, fut faifie des douleurs de l'enfantement, et n'ayant perfonne pour l'affifter que les femmes du voifinage, qui n'ofèrent entrer dans la maifon, elle refta pendant quelque tems dans un degré de detreflè qu'çn ne peut décrire. A la fin, elle s'efforça de fe tramer jufqu'à la fenêtre , et cria au fecours. Deux hommes qui paf- faient montèrent l'efcalier; mais ils arrivèrent trop tard; elle lutait avec la mort , et dans peu de tems expira entre leurs bras. Une autre femme, dont le mari et les deux enfans étaient étendus morts dans la chambre où elle était, fe trouva dans la même fituation que la première , fans fage-femme, ni aucune autre perfonne, pour la fecourir. Ses cris à la fenêtre attirèrent un des chartiers employés par le comité pour le fecours de malades. Avec fon, affiftance, elle accoucha d'un enfant qui mourut au bout de quelques minutes , de même que fa mère, entière- ment epuifée par les douleurs qu'elle venait d'éprouver dans le travail, et affectée d'ailleurs de l'horrible fpec- tacle qu'elle avait devant elle. Ainfi fe trouvaient dans une feule chambre cinq corps, une famille entière, qui dans une heure ou deux fut tranfportée au cimetière. Il y eut beaucoup d'exemples de femmes refpectables, qui, dans leurs couches, furent obligées de fe confier à i, ( 26 ) leurs fervantes pour être délivrées : et quelques -une* n'eurent pas d'autre aide que celle de leurs époux. Quelques-unes des fages-femmes étaient mortes , et les autres avaient fui de la ville. Une fervante appartenant à une famille de cette ville dans laquelle la fièvre régnait, craignant le danger, refolut d'aller dans la maifon d'une de fes co'nnaif- fances à la campagne. Mais elle fut attaquée de la ma- ladie en route, et revint en ville, où elle ne trouva plus perfonne pour la recevoir. Un des adminiftrateurs des pauvres donna ordre au charretier de la tranfporter dans la maifon de charité, dans laquelle on refufa de l'ad- mettre. Elle fut rapportée , et l'adminiftrateur des pauvres offrit cinq gourdes, pour lui procurer un loge- ment pour une feule nuit : mais en vain. A la fin, après tous les efforts faits pour lui trouver un afile, elle expira dans la charette. On ferait un volume, fi on voulait rapporter tous les. faits malheureux de cette nature qui font arrivés. Il n'aurait pas été à propos de les paffer tous fous filence. .—Il ferait ennuyeux de s'appefantir plus long-tems fur ces faits : ce que nous avons rapporté fuffit. Mais je dois obferver, qu'ils font arrivés lors de la première pé- riode de la terreur générale. Depuis que les citoyens furent revenus un peu de leur frayeur, ils font devenus rares. Ces fcènes terribles tendant à faire naître fur l'efprit humain une opinion défavorable, il eft à propos de jeter quelque clarté fur ce fujet, par-tout où la juftice et la vérité le permettront. Au milieu de l'abandon gênerai des malades, qui a eu lieu à cette époque, on a'vu plufieurs exemples d'hommes et de femmes , quel- ques-uns d'une condition ordinaire, d'autres de l'état le plus élevé, dans l'exercice des devoirs de l'humanité, s'expofer à des dangers qui avaient épouvanté des hommes qui ont mille fois affronté la mort, fans crainte, au milieu d'une bataille. Quelques-uns d'eux, helas ! ont fuccombé dans ces pieux devoirs ! Mais pourquoi les regretterait-on ! Jamais on n'a pu mourir plus glo- rieufement. Au milieu de ce groupe d'hommes bienfaifans, s'eleve Jofepn, Inskeep, un excellent s ( 27 ) homme dans toutes les relations fociales, bon citoyen, bon frère,,bon epeux et bon ami.—Il a confacré fes inftans aux malades abandonnés , à les foutenir et con- foler dans leur affliction, et il a accordé toute forte de fecours, avec la nv'me facilité â l'étranger inconnu comme â fon meilleur ami. Les exemples font nom- breux d'hommes rendus à leurs familles par fes foins affectueux et fes attentions, et arrachés à la mort.—Dans plufieurs circonftances , il a été obligé lui-même de mettre les corps morts dans la bierre , lorfque les pa- rens fuyaient ce trifte devoir. Andrew Adgate, Joab Jones, et Daniel Offley fe font diftingués par la même conduite, et par les fecours accordés à grand nombre de malheureux dépourvus de tous autres moyens. J'ai déjà parlé des dignes citoyens Wilfon et Tomkins. Le rev. M. Fleming et le rev. M. Winkhaufe fe font épuifés par une fucceffion de travaux , de jour et de nuit, en fervant les malades, et en leur adminiftrant'tous les fecours temporels et fpirituels... Quant à ceux qui ont heureufement furvecu â ces dangers, et qui font confervés â leurs concitoyens, j'en dirai auffi quelque chofe„ Ils jouiffent de la meilleure des recompenfes, l'approbation de leurs propres con- fidences ; et je fuis intimement perfuadé que dans les folitudes les plus fecrettes et les plus cachées aux yeux du public,. ils auraient tenu la même conduite. Mais après le fentïment d'avoir bien fait, vient l'approbation de nos amis et de nos concitoyens ; et quand la dette eft grande et qu'elle ne peut fe payer que par. l'éloge, ce ferait la pire de toutes les avarices que de lé retenir. Nous fommes toujours difpofés, et que. trop difpofés, helas ! â prodiguer la cenfure.. Et comme fi nous crai- gnions de ne l'employer affez , nous en comblons ordi- nairement la mefure, Puifque nous fommes fi emprefltés de détourner de l'extravagance, du vice,, et du crime, par le reproche, pourquoi ne ferions-nous pas également difpofés â ftimuler a des actes de vertu et d'heroïfme en donnant avec franchife des éloges qui font mérités ? Si je puis fuppofer que dans quelqu'evenement futur également dangereux, le faible témoignage que j'ai eu occafion de porter en faveur de ces dignes citoyens^ c ( 28 ; excitera chez d'autres une noble émulation d'imiter leurs fublimes vertus, ce fera pour moi ls> plus grande confolation que j'aie jamais éprouvée. Les- vertus du rev. Henri Helmuth font de l'efpece la plus élevée. Il employa tons fes momens, pendant toute la durée de la maladie , à des œuvres de miferi- corde , à vifiter et foulager les malades , à confoler les affligés, et à donner des fecours à ceux qui er. avaient befoin. Près de fix cens perfonnes de fa congréga- tion payèrent le dernier tribut à la nature, depuis le commencement de la fièvre maligne, et je* crois qu'il les a*feignées prefque toutes. Sa confervation au mi- lieu de tant de dangers auxquels il fut expofé, eft un miracle. Le rev. C. V. Keating , le rev. M. Uftick , et le rev. M. Dickens , ont fuivi la même .carrière, et ont rempli leurs devoirs avec un égal danger. Le vénérable vieillard, Samuel Robfen, a rempli, comme un ange tuteîaire, et d'une manière infatigable, juf- qu'aux fervices de la cuifine , dans toutes les familles de fon voifinage qui n'avaient perfonne en état d'en foigner une autre. Thomas Alibone, Lamber Wil- mer, Levi Hollingfworth, John Barker, Hannah Paine, John Hutchinfon, et grand nombre d'autres, fe font distingués par les bienfefans fervices d'une hu- manité defintereffée. Magnus Miller, Samuel Coates, et d'autres bons citoyens, ont, dans ces tems de de- treffe et de difficulté, avancé de l'argent à des perfonnes dont les reffources étaient arrêtées, et qui, accoutumées à une vie d'indépendance, étaient absolument dénuées des moyens de fubfiftance. Qu'il me foit permis d'a- jouter que, comme cette veuve au denier, dont l'écriture parle avec tant d'eldge, une veuve refpectable, dont je fuis fàchê" de ne pouvoir dire le nom, et dont les moyens étaient très-modiques, vint à la Maifon-de-ville, offrir au comité vingt gourdes pour le foulagement des pauvres. John Connelly employa fes moraer» près des malades, tandis que leurs femmes, leurs enfans, et leurs amis les abandonnaient, Deux fois il fut attaqué de la maladie; deux fois il fut jufqu'au bord du tombeau, prêt à l'en- gloutir : cependant, nullement effrayé du danger im- minent auquel il avait échappé, il revint â la charge. Je fens, a cette partie de mon fujet, des émotions .que ( 29 ) mon ftile peu chaleureux, je le crains, ne fera pas éprou- ver à mes le&eurs. Je fouhaite qu'ils s'arrêtent fur cette partie de mon écrit , avec un degré d'intérêt égal â celui que je reffens â la tracer. Quand on con- fidere l'homme fous ce point de vue, on perd l'idée de fa faibleffe, de fon imperfection, de fes vices. 11 reflèmble alors â la divinité qui eft un trefor inepui- iable de miiéricorde et de bonté ; et comme homme, je me rejouis de ce qu'il m'eft échu en partage d'être le témoin et l'écrivain d'actes de magnanimité qui fuffifent pour mettre le genre humain à couvert de toute detraction et de tout reproche. Chapitre IV. La calamité sy augmente. Les citoyens bienfefans font invites à ajfijler les adminijtrateurs des pauvres. Dix s*offrent volontairement. Choix d'un comité pour le foulage jnent des malades. Situation de Philadelphie. l^jUR ces entrefaites, la fituation des chofes devint de jour en jour plus ferieufe. Ceux des adminillrâ- leurs qui avaient continué l'exercice de leur charge,, fe virent bientôt accablés des devoirs qu'elle leur impofait, qui fe multiplièrent à un tel point qu'ils fe trouvèrent dans l'impoffibilité de les remplir. J'ai déjà dit que dans la cite il n'y en avait que trois qui euifent perfeveré dans l'exercice de leurs devoirs. * Les * A l'égard des adminiftrateurs des pauvres, j'ai été mal comprit. J'ai parlé feulement de ceux de la ville. Ceux des faubourgs font rtltéf à leur pofte ; et deux d'entr'eux, Wil- liam Peur Sprague, et William Gregory, rendirent dans les faubourgs du Nord les mêmes fervices que le comité rendit dans la ville, favoir, pour l'enterrement des morts et le tranf- port des malades. Dans ceux du Sud, les nié mes devoirs furent remplis par Clément Humphreys, par M. Cornish et Rtbeit Jones. Loin de moi de vouloir priver perfonne d'un éloge fi jui- tement et fi hafardement mérité. Je regrette feulement que le manque de tems m'ait empêché de recueillir les noms de tons ceux qui fe font diitinguéspar leurs foins à allfger le poids de ççitc calamité publique. ( 3' ) lecteurs n'apprendront'pas fans chagrin que deux d'en- tr'eux, James Wilfon et Jacob Tomkins, excellens et infatigables jeunes gens, dont les fervices étaient â cette époque de la plus grande utilité, furent victimes de leur amour pour l'humanité. Le troifième, William Sanfom, fut également, dans l'exercice de fa charge dangereufe, attaqué de la maladie, et conduit au bord du tombeau ; mais il eut le bonheur d'échapper. Le nombre des morts augmentait de jour en jour. On dut â la terreur générale la difficulté de pouvoir fe procurer des hofpitalieres, des charretiers et des garde-malades. Dans ces circonftances, le maire de cette ville fit pu- blier, le 10 de Septembre, une adreffe aux citoyens, annonçant que les adminiftrateurs des pauvres, exiftans, avaient le plus grand befoin d'aide, et invitant les ci- toyens bienfefans, touchés de la detreffe générale, à prêter leurs fecours. En conféquence de cette adreffe , une affemblée de citoyens fe tint â la Maifon-de-vi!le, le jeudi 12 Septembre, â laquelle peu de perfonnes f© prefenterent, tant la confternation était générale. La fituation des pauvres y fut pleinement confiderée ; et dix citoyens, ifraè'l Ifraël, Samuel Wetherill, Thomas ■Wiftar, Andrew Adgate, Caleb Lownes, Henri Defo- reft, Thomas Peter s, Jofeph Inskeep, Stephen Girard 'et John Mafon, s'offrirent pour aider les adminiftra- teurs des pauvres. A cette affemblée, en çhoifit un comité pour conférer avec les médecins qui avaient foin de Bufhhill, etfaire un rapport de l'état de cet hôpital. Le comité rapporta, le foir du jour fuivant, que. cette maifon était en mauvais ordre, et manquait de pref- que tout. Le famedi 14, il fe tint une autre affembl ;e, dans laquelle l'état alarmant des chofes ayant été pleinement confideré, il fut refolu d'emprunter quinze cens gourdes à la banque du Nord d'Amérique, afin de fe procurer tout ce qui était néceffaire pour l'ufage des perfonnes attaquées de la fièvre maligne. A cette aflêmblée, on • choifit un comité pour traiter de toutes les chofes né- ceffaires au foulagement des malades, et fe procurer des- medecins, des hofpitalieres et des garde-malades, etc. Cefl ce comité qui, en vertu de fa création, a depuis ce ( 3' ) } plés de perfonnes légèrement malades, envoyées à Bufh- hill par fuite de la terreur panique des voifins, qui fai- firent la première occafion de s'enfuir de Philadelphie. ■ hes reglémens adoptés pour Bufhhill font les fuivans. Une des chambres de la maifon ( qui en contient qua- torze, et auffi trois grands veftibules ) était deftinée pour la gouvernante, et celles qui étaient fous elle.—Onze chambres et deux veftibules pour les malades. Ceux qui étaient fort mal étaient dans une chambre.—On eu avait deftiné une pour les agonifans. Les hommes et les femmes étaient foignés dans des chambres dif- tinctes, et étaient iervis par des garde-malades de leur fexe. Chaque malade avait un lit, des draps blancs, un oreiller, deux ou trois couvertures, une ecuelle, une affiette, une ceuiller, du linge blanc, quand cela était neceffaire. On comptait cent quarante lits dans cet hôpital. La nouvelle maifon que le comité fit conf- truire, lorfque l'ancienne fe trouva infuffifante pour con- tenir les malades commodément, avait foixante pieds dans fa façade et quatre-vingt pieds fur le derrière, avec trois chambres au rez-de-chauffée, une defquelles était deftinée pour les hofpitalieres de cette maifon, et les deux autres pour les malades. Chacune de ces der- nières contenait dix-fept lits ; le grenier, deftiné pour les convalefcèns, était difpofé pour contenir quarante lits. Ce grenier eft vafte et commode, conftruit en pierre, divifé en trois appartemens : un defquels était occupé par les médecins refidans et l'apothicaire. Un autre contenait quarante lits pour les convalefcèns, et le der- - ( 35 ) Jiier contenait cinquante-fept lits pour les femmes conva- lefcentes. A quelque diftance à l'Oueft de l'hôpital était élevé «n bâtiment pour fervir de magafin aux cercueils et de dépôt aux cadavres, jufqu'a ce qu'ils fuffent tranfportés au cimetierre. Outre les hofpitalieres employées dans la maifon, il y avait deux cuifiniers, quatre ouvriers et trois blanchif- feufes pour le fervice de l'hôpital. Les malades étaient vifités deux fois par jour par deux médecins, le Dr. Deveze et le Dr. Benjamin Duffiêid *, dont les ordonnances étaient exécutées par trois méde- cins refidans et l'apothicaire. Un des médecins refidans était chargé de la diftri- bution des alimens pour les malades. A onze heures, il leur donnait un potage au riz, du pain, du bouilli, du veau, du mouton, du poulet, et de la crème de riz â ceux dont Peftomac ne pouvait pas foutenir une nour- riture plus forte. Leur fécond repas fe fefait âfix heu- res, et on leur donnait alors du bouillon, du riz, des prunes bouillies, et de la crème de riz. Leur boiffon aux repas était du porter, ou du vin rouge, avec de l'eau. Leur boiffon confiante entre les repas était du thé de centaurie et de la limonade cuite. Ces reglemens, l'ordre et la régularité qui furent établis, le foin et l'attention avec lefquels les malades étaient traités, donnèrent bientôt de la réputation à cet hôpital ; et dans le cours d'une femaine ou deux, grand; nombre de pauvres qui n'avaient chez eux perfonne pour les foigner, demandèrent à être tranfportés â Bufh- hill, de forte qu'a la fin une telle quantité de peuple, * Qudque tems après Forganifation du comité, le Dr. De-. veze, refpectable médecin du Cap français, offrit les fervices de,- fon état pour Bu.hliill. Le Dr. Benjamin Duffield en a fait de même.. Leurs offres furent acceptées, et l'un et l'autre ont .donné leurs foins avec la plus grande ponctualité. Le Dr. Deveze renonça à tout autre exercice de fon état, qui dans ce temb pouvait lui rapporter beaucoup de profit : tant on avait befoin de médecins. Le comité, en confideration des fervices de ces deux médecins, a prefenté dernièrement au Dr. Duflield cinq cens gourdes, et au Dr. Deveze quinze cens gourdes. ( 3« ) attaquée de la maladie, fe procura entrée dans cet hôpi- tal, qu'il fut neceffaire d'arrêter qu'avant d'admettre les malades, ils feraient obligés de produire un certificat d'un médecin, qui atteftât qu'ils étaient attaqués de la fièvre maligne; parce que fi tous ceux qui fe prefen- t taient avaient été accueillis, cet hôpital, établi pour un cas extraordinaire, fe ferait rempli de perfonnes qui, par la maladie dont elles étaient attaquées, avaient un titre pour être reçues dans l'hôpital de Penfilvanie. Le nombre des perfonnes reçues à Bufh-hill depuis le i $ de Septembre jufqu'à ce moment, fe monte â en- viron mille, dont il en eft mort environ cinq cens ; il y a prefentement ( 30 novembre ) dans cette maifon à peine vingt malades et cinquante convalefcèns. De cette dernière claffe on en a renvoyé environ quatre cens trente. , La raifon pour laquelle tant de perfonnes moururent parmi celles qui furent reçues dans cet hôpital, c'eft que dans plufieurs cas les premières craintes qu'on avait inf- . S pirées fur cette maifon, s'étaient entièrement emparée* j de l'efprit de quelques-uns, et qut d'autres, par une vanité ridicule, ne voulurent jamais confentir à y être tranfportées que quand il n'y avait plus d'efpoir de gue- rifon. En conféquence de cette conduite, il y eut plu- fieurs exemples de perfonnes qui expirèrent dans la. charrette fur la route de l'hôpital. C'eft la vérité, quand j je dis qu'au moins un tiers de tous ceux qui étaient • reçus ne furvivait pas deux jours après fon entrée dans Phopital. C'eft par ces deux motifs que le nombre des mortalités ne diminua point dans la ville ni â l'hô- pital ; parce que plufieurs perfonnes dont la fenfibilité était révoltée â la feule idée de fe laiffer tranfporter à l'hôpital, périrent dans la ville, faute des fecours qu'elles auraient trouvés à Bufhhill *, * J'ai omis dans les premières éditions de faire mention du nom d'une femme excellente et inappréciable , madame Saville, ■ la matrone de cet hôpital, dont les fervices dans l'exercice de fon emploi ne peurent être affez appréciés. Jamais on ne trouva quelqu'un plus propre aune telle place. A la plus. ftricte obfervatipn des reglemens, elle unit cette humanité Çt ( 37 ) Avant de terminer ce chapitre, qu'il me foit permis d'ajouter que la perfeverance des directeurs de cet hô- pital a été auffi méritoire que leur perfeverance origi- naire. Durant le cours de cette calamité, ils affilièrent près des malades pendant fix, fept ou huit heures par jour, et fans interruption, renonçant jufqu'au foin de leurs affaires particulières. Ils avaient une ferie de de- voirs très-penibles à remplir, Stephen Girard, chargé de l'intérieur de l'hôpital, avait à encourager et confoler les malades ; leur donnait de fa main les médecines et ce qui leur était neceffaire ; effuyait la fueur de leur front; enfin leur rendait beaucoup de fervices, refultans de fa pitié pour eux, que rien ne pouvait rendre fuppor- table que les motifs relevés qui l'engageaient à cette conduite fublime. Peter Helm, fon digne collègue, déploya dans fon département des efforts femblables pour opérer le bien gênerai, Chapitre VII, Procédés du Comité. Prêts faits par la banque du Kord d'Amérique. Etabliffement d'une maifon pour les orphe- lins. Soulagement des pauvres. Etabliffement du comité de fecours. X j E comité, dès fon origine, avait arrêté que trois de fes membres fe tiendraient tous les jours â la maifon-de- ville, pour y faire une diftribution de fecours, pour pourvoir aux funérailles des morts et au tranfport des perfonnes attaquées de la fièvre maligne a BuihhiU, Mais trois membres ayant été jugés infunifans pour rem- cette douceur qui font fi effentiellement neceflaires dans un hôpital, mais que l'habitude éteint fi fréquemment et fi mal- heureufement. Si la fageffe de nos législateurs décrétait l'eta- blifTement d'un Lazaret perpétuel, perfonne ne peut mériter davantage et être plus propre à avoir ce dépôt pour en prendre foin. ( 3» ) plir des divaira fluffî multipliés et auffi pénibles, ce* ordre fut changé, et la furveillance journalière devint l'emploi de prefque tous les membres. Quantité de charriots et de charretiers furent engagés pour les funérailles des morts et le tranfport des ma- lades. Ce fut un fpectacle bien douloureux de les voir tout le long du jour inceffamment occupés â ce lugubre miniftere. Le comité emprunta quinze cens gourdes à la banque- du nord d'Amérique, conformément â la délibération de l'affemblée de commune qui l'avait ainfi arrêté. Plufieurs membres fe rendirent cautions du payement de cette fomme, dans le cas où le corps legiflatif re- fuferait de fatisfaire â cet emprunt. Cette fomme ayant été bientôt depenfée, un prêt ultérieur de cinq mille gourdes fut négocié à cette même banque. * Les demandes de fecours devenaient plus fréquentes, à mefure que le mal augmentait. Les morts nombreufes des chefs de famille laiffaient une quantité confiderable d'enfans dans l'état du dénuement et du plus déplo- rable abandon. La maifon d'éducation dans laquelle ces êtres abandonnés avaient auparavant coutume d'être placés, leur fut interdite, en vertu de l'ordre ci-devant mentionné. Plufieurs de ces petits innocens furent alors en proie aux premiers befoins. La mort de leurs pa- rens et de leurs protecteurs, qui, dans un autre tems, aurait été pour eux la plus puiiïante recommandation â la charité publique, devint la caufe de leur detreffe, et les fit fuir comme une contagion dangereufe. Les enfans d'une famille naguère dans l'aifance furent trou- vés dans l'attelier d'un forgeron, fales, couverts d'or- dures, prefqu'affamés, et laiffés la depuis long-tems, fans un morceau de pain pour appaifer leur faim. Il y eut plufieurs exemples de cette nature. Ce mal fixa bientôt l'attention du comité ; et le dix-neuf de fep- tembre, on loua une maifon dans la cinquième rue, * C'eft un devoir de dire que, lors du payement de cette fpmme, les directeurs ont genereufement refufé l'intérêt qui était dû pour fon uiage. ( 39 ) dans laquelle treize enfans furent placés. Le nombre devenant plus confiderable, on fe procura le 3 Octobre la bibliothèque de M. Logan, qui fut genereufement cédée par John Swanwick, ecuyer, pour en faire un refuge pour les orphelins. Une augmentation nouvelle de cette charge intereffante rendit neceffaire de faire â la bibliothèque une augmentation qui eft a moitié près auffi grande que cet édifice. U y a maintenant dans" cette maifon environ foixante enfans, fous la furveil- lance d'un comité des orphelins, et plus de quarante font, entre les mains des nourrices du dehors. Depuis l'origine de cette inflitution, cent quatre-vingt dix en- fans font tombés fous les foins du comité : de ce nom- bre, foixante font morts, et environ foixante et dix ont été rendus â leurs parens ou amis, qui les ont réclamés. 11 y a dans celte maifon des exemples de cinq et de fix enfans appartenans â la même famille. La plus grande attention a été fixée fur ces dépôts précieux. Ils font bien nourris, décemment vêtus et proprement foignés. Marie Parvin, femme vraiment digne de cet emploi, a été prife pour gouvernante, et il y a eu en outre un nombre fuffifant de perfonnes pour la féconder. Plufieurs réclamations ont été faites de quelques-uns de ces enfans : mais dans aucun cas le comité ne veut en livrer aucun qu'au préalable il n'ait une certitude fatisfaifante du droit qu'ont les recla- mans pour faire leur demande. Leurs parens font maintenant avertis publiquement de venir les retirer. Quel que foit le nombre de ceux qui ne feront pas» reclamés, le meilleur fort les attend : car, tel eft l'em- ' preffement de beaucoup de gens â en avoir quelqu'un , qu'il ne faurait être difficile de les placer avantageufe* ment. Un autre foin vint bientôt attirer l'attention du co- mité. La fuite d'un fi grand nombre de nos citoyens, la ftagnation neceffaire des affaires, et la prefqu'ab- folue ceffation des fonctions des adminiftrateurs des pauvres répandirent dans les claffes inférieures du peuple une detreffe confiderable qui reclamait inftam- ment les fecours de la pitié, En conféquence, il fut ( 40 ) nommé le 20 feptembre un comité de difiribution * compofé de trois membres, pour fournir aux perfonnes qui le mériteraient les fecours que leurs pofitions ref- pectives pouvaient exiger, et que les fonds pourraient permettre. Cela ne fut d'abord adminiftré qu'à un petit nombre, d'après la fitua ion bornée des finances, Mais les libéralités vraiment extraordinaires de nos concitoyens fugitifs, et celles des citoyens de New- York et de diverfes autres villes encouragèrent le co- mité à étendre fes vues. En conféquence, le comité de distribution fut d'abord porté à huit membres, et enfuite à dix. Comme on était, dans l'exécution de ce fervice im- portant, expofé à des fupercheries, on nomma le 14 octobre un comité affiliant, compofé de quarante-cinq citoyens choiiis dans les divers diftricts de la ville et faubourgs. Les fonctions attribuées à ce comité fup- pletoire furent de s'informer au-dehors, et de donner ( des recommandations aux perfonnes neceffiteufes qui les méritaient, et qui en les produifant étaient foulagées par le comité de difiribution ( alors permanent à la maifon-de-ville, où les membres fe relevaient ) en ar- gent, en bois ou en provifions, ou même avec ces trois chofes à la fois, fuivant que leurs befoins le deman- daient. Le comité fuppletoire exécuta ces opérations avec un tel foin qu'il eft probable que jamais une auffi grande quantité de monde n'a été foulagée avec fi peu de fupercherie. Quelques individus fans pudeur, propriétaires de maifons et ayant des moyens abondans de fe foutenir, ont été furpris cherchant à participer aux fecours uniquement deftinés â l'indigence et â - la misère Outre ceux qui fe prefentaient pour demander du feceurs à titre de don, il y avait une autre claffe dans une detreffe égale, et auffi digne d'être fecourue, qui ne pouvait fe refoudre à accepter cela comme une cha- rité. Le comité, difpofé à entretenir ce louatle prin- cipe, l'un des plu» furs garans contre Paviliffement du caractère, fecourut les perfonnes dont s'agit avec des grêts modiques, renouvelés chaque femaine, uniquement ( 4* ) pour leur foutîen immédiat, et il reçut des reêfennaîf- fances de la dette, toujours dans l'intention de ne pro- voquer le payement que lorfque cela conviendrait par- faitement à ces perfonnes. Le nombre des perfonnes fecourues toutes les fe- wiaines était d'environ douze cens, parmi lefqueires on. trouvait beaucoup de familles de quatre, cinq et fix: perfonnes. La renaiffance graduelle des affaires a retiré ceux.. qui avaient les nioyén§ et le defir de travailler de l'humU liante dépendance de la charité publique ; et forgani- fation des infpecteurs des pauvres a remis dans fon an- cien canal les fecours deftinés aux objets habituels de la charité. La difiribution de l'argent c.effa donc, le. Samedi 2 3'Novembre.. Chapitre VIIL « ^tdreffes répétées du comité pour purifier les maifons. Ori. forme un autre comité;, chargé d'injpeéfer perfonnellement les maifons infeclées. Extinclion de la maladie. Pro- clamation du gouverneur. Adreffe du clergé. Etat nouveau et fioriffant des affaires. JL/E comité employait tous fes foins pour la fureté. des dtoyens dans tous les cas où fon entremife était convenable ou neceffaire. Le déclin de la maladie en- gagea plufieurs perfonnes â retourner dans la ville, dès que la prudence leur permit d'y revenir. En confé- quence, le 26 Octobre, le comité fit une adreffe â fes concitoyens, dans laquelle il les félicitait fur le chan- gement heureux qui s'était opéré, et qui donnait les efperances les plus encourageantes d'être bientôt entiè- rement délivré de la maladie* Il recommandait cepen- dant à ceux qui étaient abfens de ne point revenir, jufqu'à ce que l'arrivée du froid ou de la pluye eut? rendu ce retour convenable et à propos, par l'extinction* totale du fléau* E f 42 ) Le 29, il publia une autre adreffe, où il exhorta avec inftance ceux qui avaient tenu leurs maifons fermées, à les aérer et purifier, et à jetter de la chaux dans les prives, &c. Le 4 de Novembre, le comité publia une nouvelle adreffe, portant qu'il était dangereux pour ceux qui refidaient dans la campagne de revenir en ville avec trop de précipitation, fur-tout dans les maifons -non nettoyées; Il ajouta que,- quoique la maladie fût con- sidérablement diminuée, et qu'il y eût toute raiibn d'd- perer qu'elle difparaitrait dans peu de tems, on ne pouvait pas cependant dire qu'elle fût totalement finie ; que c'était une raifon pour craindre, jufqu'à ce qu'elle. n'exiftât plus dans les différentes parties de la ville. Il réitéra fes reprefentations au fujet du nettoyement des maifons. Le 14, autre adreffe du comité à fes concitoyens,. pour les informer du retour dans cette ville affligée de toute la fanté ordinaire dans cette faifon ; qu'il n'y avait pas. çu d'exemples de nouvelles attaques de fièvre maligne depuis plufieurs jours ; qu'il y avait toute rai- fon d'efperer que dans peu de tems il ne refterait plus. de veftiges de cette maladie dans la ville ou fes fau- bourgs ; que les demandes pour être admis à l'hôpital avaient ceflé ; que les médecins de cet hôpital avaient l'efperance, que fur quatre-vingt onze perfonnes qui y reftaient, il n'en mourrait gueres que trois ou quatre ; que le nombre des convalefcèns croiffait chaque- jour. Il y était encore vivement recommandé de purifier les maifons dans lefquelles la maladie avait. régné, et de blanchir, palier au four ou enterrer les draps et couver- tures, fur-tout ceux dans lefquels il était mort quel- qu'un de la fièvre. Le comité ajoutait que les citoyens abfens de Philadelphie, auffi bien que les étrangers. qui avaient des affaires dans la ville, pouvaient y venir avec fureté, et fans crainte de la maladie. Nonobftant toutes ces précautions, plufieurs per- fonnes revinrent de la campagne, fans avoir l'attention de nettoyer leurs maifons, expofant ainfi, non-feule- ment leurs propres vies, mais encore la fiireté de leurs. t 43 ) tôncitoyens. La négligence de quelques perfonnes fuf ce fujet fut fi grande qu'elle méritait une punition fe- vere. Un ufage auffi dangereux attira l'attention du comité, et après une conférence avec le comité affif- tant, ils convinrent conjointement, le 15 Novembre, qu'il était extrêmement neceffaire que toutes les mai- fons et magafins de la ville et des faubourgs où la fièvre avait régné fuffent purifiées et nettoyées auffi prompt tement et complettement qu'il ferait poffible ; que toutes les maifons qui avaient été fermées fuffent aérées pen- dant un affez long efpace de tems ; que de la chaux fût jettée dans les privés ; que quand le diftrict ferait trop grand pour que les membres puffent. faire mettre à exécution les reîolutions prifes â cet égard, on re- querrait autant d'affiftàns qu'il ferait neceffaire ; que lorfque quelqu'un dont la maifon exigerait d'ttre net- toyée, et' qui aurait les facultés néceifaires pour faire cette depenfe, refuferait ou négligerait de la faire fur la requifition des membres nommés pour faire exécuter ces refohitions, il en ferait fait rapport au grand jury prochain dé la ville, comme d'un tort caufé a la fureté publique. Le comité affiliant fe chargea de faire mettre ces plans falutaires à exécution : il parcourut en con- féquence la ville et les faubourgs dans cette intention, et dans le plus grand nombre de cas, il trouva le plus grand empreffement dans les habitans pour condefcendre à des requifitions d'une fi grande importance. * Cet acte'du comité fut le dernier digne d'être rap- porté ; fes fonctions ont eu depuis un cours régulier et uniforme. Chaque jour reffembla au jour qui l'avait précédé. Il eft maintenant occupé à rendre fes comptes, * Le plus grands efforts de la part des magiftrats et des citoyens font neceûaires pour prévenir les conféquences déplo- rables qui pouront arriver en printems de la négligence de quelques perfonnes que leur nonchalence a rendu iourds à ce que leur devoir leur prefcrivait à cet égard. Les lits cachés par les gardes malades qui ont foigné les malades, font également une fourçe abondante de dangers, et demandent la plus grande vigilance de la part de tous ceux qui font invertis de quelque autorité pour veiller fur la fureté publique» ( 44 ) et il fe difpofe à remettre fon dépôt entre les maini d'une affemblée de fes concitoyens qui lui ont confié le* fonctions jufqu'à-prefent fans exemple, qu'il a exercées ; c'eft à eux que ce comité veut rendre compte de fon ad- miniftration, dans un tems de calamité, dont puiffe le ciel preferver a jamais le peuple Américain : certaine- ment, une interprétation favorable fera donnée â fa con- duite, et l'on fera convaincu que dans tous les cas par- venus â fa connaiffance, il a pris le meilleur parti ptof- fible. Le gouverneur Mifflin publia le 14 une proclamation où il annonça que, puifqu'il avait plu à la bonté divine de mettre un terme â la calamité cruelle qui ve»ait d'affliger la ville de Philadelphie, il était du devoir de tous ceux qui étaient vraiment pénétrés de la mifericorde divine, de confacrer les premiers inftans de la fanté re- couvrée, aux expreffions pieufes de repentir, de la fou-» miffion et de la reconnaiffance. Il fixa en conféquence le Jeudi 12 Décembre * cqmme un jour d'humiliation générale, d'actions de grâces, et de prières ; il exhorta vivement, et il fupplia fes concitoyens " de s'abftenir " durant ce jour de toutes occupations profanes, et *c d'unir en confeffant leurs divers péchés avec des cœurs *' contrits, et en admirant avec une pieufe reconnaiffance ** la bonté du Suprême Régulateur de l'univers plus " fpecialement, manifeftée dans leur récente délivrance, " et en demandant avec une ferveur folemnelle qu'il. " plût au même Pouvoir Suprême de pénétrer nos efprits " des juftes règles de nos devoirs tant envers lui, qu'en- " vers notre prochain, de diriger et de guider par fon " efprit faint toutes nos actions, de détourner de deffus " le genre humain les fléaux de la guerre, de la pefte, et *' de famine, et de nous bénir, et de nous projteger dans " lajouiffance de la liberté civile et religieufe." * La pieufe obfervanee de ce jour par une ceffation prefqut totale (excepte parmi la fecTe des amis dont les magazins de- meurent en général ouverts) et par le concours univerfel du peuple qui rempliffaif les églifes et épanchait les effufions de fa reconnaiffance pour la cefTation du terrible fléau, furpaffait celle de tous les jours d'actions de gracej, que j.'ai vu» ( 45 ) Le 18, le clergé de la ville publia un avertiffemeûf élégant et pathétique, recommandant que le jour fixé par le gouverneur fut " diftingué et confacré faintement au " Seigneur ,non pas fimplement comme un jour d'action* " de grâces de ce que, fuivant toutes les apparences, il " avait plu à fa mifericorde infinie de mettre fin au fu- u rieux et funefte fléau, (tems auquel nous avons été " fur le point de nous demander fi Dieu avait ceffé d'être " bienfaifant ?) mais auffi un jour de folemnelle humi- " liation et de prières jointes à la confeffion de nos dif- u ferens péchés et du mépris ou de l'abus que nous avons " fait de fes grâces précédentes ; avec la refolution fin- " cere de nous corriger et d'obéir â fes lois faints, et à *' fes volontés ; fans quoi nos prière», nos louanges, et " nos actions de grâces feraient faites en vain." Le 26, le comité fupletoire prit plufieurs refolutions fâges et falutaires, portant, que fes membres dans leurs diftricts refpectifs de la ville et des faubourgs, infpec- teraient immédiatement toutes les tavernes, les penfions, > et toutes les autres maifons, où l'on favait qu'avait ré- gné le mal contagieux ; qu'ils notifieraient aux proprie taires ou locataires defdites maifons, de les avoir netoyées et purifiées; et de faire un rapport tant des noms de ceux qui s'y refuferaient, que des maifons fermées dans lef- quelles on faurait que quelqu'un aurait été depuis peu ou malade ou mort. Ils avertiraient les encanteurs de ne pas vendre, et le public de ne pas acheter les vête- mens ou les lits ayant appartenus â des perfonnes récem- ment decedés, jufqu'à ce qu'ils euffent connaiffance que ces effets avaient été fuffifament purifiés et aérés. Je n'ai pas jugé neceffaire d'entrer dans un détail minutieux fur les occupations du comité jour par jour. Le lecteur n'en retirerait qu'une faible fatisfaction ? pendant plufieurs femaines il ne verrait a peu près qu'un hiftorique affligeant de quinze, vingt, trente demandes par jour pour des cerceuils, et des chariots pour la fepulture des morts qui ne laiffaient perfonne pour s'acquiter envers euxde ce dernier office,ou bien il ne ver- rait qu'un pareil nombre de demandes pour le tranfport des malades â Bufhhill. Il y avait peu de variété ; le jour prefent était auffi affreux que celui qui l'avait '( 4ê ) , précédé, et la perfpective du lendemain était auffi IuA < gubre. -Tel fut l'état des chofes pendant un long pé- riode. Mais'enfin une aurore plus brillante fe montra.. La violence du mal diminua; le nombre des malades . fut m-aiffs: eonfiderables ; les nouvelles atteintes devin- rent rares ; le courage des-citoyens fe ranima; et la mare de l'émigration prirent un cours oppofé.. Une" altération vifible s'était fait remarquer ici dans les affaires.. Nos amis revinrent en foule. Chaque heure vit reparaître des perfonnes longtems abfens et accuillies avec tranfport, et parmi elfes il s'en trouva fouvent que le bruit public avaient enterrées depuis des femâi- nés. Les magazins,-depuis fi longtems fermés, fe rou- vrent prefque tous; plufieurs marchands du dehors, plus hardis que les autres, viennent journellement fe munir aux endroits qu'ils avaient autrefois fréquentés ; la douane prefqu'entièrement abandonnée depuis plufi- eurs femaines par nos marchands, fe remplit de,citoyens qui viennent déclarer leurs navires, et leur marchandi- fes. Les rues trop longtems lé fejour ténébreux du defefpoîr, offrent le mouvement convenable â la faifon. Nos quais font couverts de navires qui chargent ou déchargent leurs cargaifons refpectives. # Et enfin com- me tout dans l'origine de la maladie, femblait fait pour ajouter â la confternation générale, de même actuelle* ment, toutes les circonstances tendent au contraire à ranimer le courage et les efperances de aos concitoyens. Mais nous avons a nous plaindre de ce que le même efprit d'exagération et de mentir, qui prévalait dans le premier période, et qui fut alors le motif des mefures' feveres prifes par nos co-etats, n'a pas ceffé d'opérer. Car même a prefent que le danger eft entièrement paffé, les gens crédules d'entre nos propres citoyens qui-font encore abfentf, et le peuple de la campagne, font alarmé , par le bruit effrayant que le mal fait.autant de ravage , qu'il en faifak autrefois ; par le bruit d'un nombre de' perfonnes enlevées peu d'heures après leur retour, et de cas nouveaux furvenant tous les jours. Je ne fais a quel motif on doit attribuer ces contes déplacés. Si je lés confidere dans un- efprit de reffèntiment, je ferais ( 47 ) forcé dé lés attribuer à des vues fecrettes et intereffées. de leurs auteurs, qui cherchent, s'il eft pofnlble, a ef- fectuer la Kiine abfolue de notre ville. Mais-je ne me perniettrai pas de les envifager fous ce point de vue ; et je fuppoferai qu'ils doivent leur naifîance â un penchant naturel de quelques perfonnes de futcharger encore les récits affligeans. Mais ils devraient confiderer que nous nous trouvons dans la pofition des grenouilles de la fable, tandis que ces bruits qui font dreffer les che- veux du peuple de la campagne, font un jeu pour leurs fabricateÙT^,ils deviennent la mort pour nous;et j'affirme ici,fans craindre les contradicteurs, que de tousTuos citoy- ens fugitifs qui font déjà rentrés au nombre de plufieurs milles, il n'eft pas mort plus de deux perfonnes. Et que ceux la doivent leur fort a la négligence impardon- nable de ne pas acrer et nettoyer leurs maifons, au meprU des differens avis donnés à cet égard par le co- mité. Si les gens veulent fe hazarder dans des maifons OÙ un air infect a été renfermé pendant des femaines entières, fans avoir foin d'y faire aucune purification, quelques fatales qu'en foient les coniequènces, nous ne pourons pas en être fis pris. Mais les accidens arrivés â quelques perfonnes imprevoiantes, ne doivent pas jetter le diferédif fur une ville qui contient au delà de cinquante mille amesv .,*■ Chapitre IX. Lettres extravagantes écrites de Philadelphie. Çrçdulitéi employée à leur égard. X OUR ne pas interrompre le cours des evènemens paffés â Philadelphie, j'ai différé jufqu'à ce moment de fendre compte de differens procédés employés dans plu- fieurs états contre nos fugitifs. Pour fervir d'introduc- tion à cette matière, je dois confacrer un court chapitre à des lettres qui ont excité la terreur de nos voifins, et qui les ont porté â des mefures plus feveres que celle* qu'ils auraient adoptées fans cela. ( 4» ) Quelque grand que fut le fléau qui régnait à Phila- delphie, il fut encore exagéré de la manière la plu« extraordinaire. Les cent bouches de la renommée ne furent jamais employées avec plus de fucces qu et fi prompttment qu'on les\ trahie dehors ctmme des bêtes mortes, et qu'on les met dix , quinze et peut-être plus dans la même fiffe ; tous les magafins font fermés^ Je crains que cette ville ne foit ruinée ; car perfonne défor* mais ne voudra y venir : je m'occupe aujourd'hui à faire partir ma famille de cette place malheureufe. " Je fuis fortement porté à penfer que cette lettre a provoqué la proclamation de la Virginie. f Extrait d'un papier de New-York, du fécond d'Octobre. Extrait d'une lettre d'un particulier de Philadelphie, du 2% Septembre.—"Les papiers doivent vous avoir amplement informé» 4e h trifte fituation de cette ville, depuis cinq ou fix femaines, C 49 ) lieres n'excédaient pas de trente à quarante, plufieurs ' perfonnes eurent la modeftie d'écrire, et d'autres dans tout le continent la crédulité de croire, que nous enter- rions depuis cent jufqu'à cent cinquante; * des milliers furent emportés dans trois ou quatre femaines, f et la Des ouvertures de foffes'ont été la feule affaire dont on fe foit occupé , et en vérité je pourrais dire d'un charnier où le peuple eft enterré pcle mêle dans trois rangées de bierres.— D'après les obfervations les plus foigneufts que j'aie pu faire fur ce fujet, je ne crois pas excéder les bernes de la vérité , en difant que dix-huit cens ont péri ( je ne dis pas toutes de la fièvre jaune ) depuis fes premiers apperances;'. * Tiré du Journal du Maryland du 27 Septembre. Extrait d'une lettre de Philadelphie, datée le 20 Septembre. — " La maladie femble être la même qu'elle était lorfque je vous ai écrit la dernière fois : environ quinze cens perfonrtes en ont été victimes. Dimanche , Lundi tt Mardi derniers, il n'eft pas mort moins de trois cens cinquante perfonnes de cet affreux fléau! ! ! Comme je vous l'ai déjà dit, cette ville eft la plus malheureufe que j'aie jamais vue-Des familles entières font atteintes du mal dans une efpace de douze heures. Pour votre propre intérêt , uf'ez de tous les moyens pour préferver Ealti. more de ce fléau ". Extrait d'une lettre de Philadelphie , de la même date.—<( La fièvre maligne qui règne ici augmente encore. Le bruit court tçue, depuis quelque tems, on a enterré plus de cent perfonnes par jour. On penfe que la contagion eft plus forte que jamais. Je crois que vous devez être très ibigaeux pour empêcher l'in- troduction dans votre ville de gens venant de Philadelphie. " f Tiré du Journ?l de Chefter-Town , du 10 Septembre. Extrait d'une lettre d'un jeune et efîimable artifie de Philadel- phie, à fon ami de cette ville, du 5 du prefent—" Le tems actuel eft vraiment mortel en cette ville : la fièvre jaune a moiffonné plufieurs milliers d'habitans. Huit mille artiftes,fans compter ceux des autres clafles, ont quitté la ville. Tous les maîtres de notre genre d'occupations s'en font allés ". Les plufieurs mil- liers qui étaient morts à cette époque ne s'élevaient pas à trois cens. La nouvelle authentique donnée dans cette lettre fut répandue dans tous les Etats-Unis par les papiers publics. Et d'après fa date, je (oupçonne cette même lettre d'avoir été le motif des réfolutions prifes à Chefter-Town. F ( 5° ) nature et le danger du mal en lui même furent auffi exagérés que le nombre de ceux qui en avaient été les victimes ; et On alla jufqu'à dire, en dépit de l'expérience journalière, que ce mal était auffi inévita- ble, pour tous ceux expofés â la contagion, que le coup même du deftin. • La crédulité de quelques-uns, le penchant des autres pour l'exagération, et je fuis affligé, extrêmement affligé de le penfer ; les vues intereffées d'un petit nombre expliqueront les motifs de ces lettres.* Chapitre X. Mefures prifes à Chefter-Town, à New-Tork, à Trenton et Lambertony à Baltimore. JL»ES effets produits par tous ces contes furent tels qu'on devait raifonnablement s'y attendre. La conf- ternation fe repandit comme un feu Grégeois dans plufieurs états. Le premier acte public qui parut à ce fujet, fut, autant que j'en puis juger, de Chefter-Town dans le Maryland. Il fe tint dans cette ville une affem- blée, le 10 de Septembre, et il y fut pris plufieurs refo- lutions, qui, après avoir affirmé que la contagion a\ait gagné Trenton, Princeton, Woodbridge, et Kiilabeth- Town fur le chemin de pofte de New-York, ordonnè- rent qu'il ferait envoyé un avis aux propriétaires des fta- ges de ne pas fouffrir qu'ils entraffent dans la ville, auffi long-tems qu'il y aurait des motifsde craindre le danger; et qu'un comité de fanté et d'infpection ferait nommé # Comme cette affertion eft extrêmement forte, il pourrait être neceffaire d'en examiner le fondenient, pour mettre le lecteur à même de former fon opinion à cet égard. Quelques- unes deb lettres écrites de Philadelphie à cette époque le furent par des perfonnes intereffées à nuire à cette ville, et qui ont donné des détails fi differens des bruits même les plus terribles qui couraient ici, qu'il était moralement impoffible que ces dé- tails fuffent crus par ceux-là même qui les écrivaient. ( 5t ) pour pourvoir au foulagemcnt de ceux des pauvres habitais qui pouvaient êire attaqués du mal, de même que celui des étrangers qui pouvaient en être atteints. En conféquence de ces refoiutions, les ftages de la ligne de l'eft furent arrêtés peu de jours après. L'allanne fut donnée officiellement la première fois â New-York par une lettre du maire, adreffée le 11 Septembre aux médecins exerçans, dans laquelle*! les requérait de lui rapporter par écrit les noms de toutes les perfonnes arrivées ou qui pourraient arriver, foit par terre foit par mer, de Philadelphie, ou des autres villes, et qui étaient ou pouvaient devenir malades ; afin que celles qui pourraient paraître atteintes du mal contagieux fuffent éloignées de la ville ; il les avertit que l'affemblée de la commune avait pris les mefures neceffaires pour fe procurer un local pour fervir d'hô- pital aux perfonnes qui auraient le malheur d'être at- teintes de la fièvre â New-York. Le maire déclara net- tement dans cette lettre fon opinion, que la commu- nication avec Philadelphie ne pouvait légalement être interrompue, par aucun pouvoir exiftant dans l'état. Le 12 il parut une proclamation du gouverneur Clin- ton, qui en renvoyant à l'acte pour prévenir l'introduc- tion et les progrès des mau\x contagieux, défendit, conformément aux termes de cette loi, aux navires venant de Philadelphie de s'approcher de la ville de New-York, plus près que de l'ifle de Bedlow, diftante d'environ deux milles, jufqu'à ce qu'ils y euffent été légalement autorifés. Le filence de cette proclamation fur le compte des perfonnes venant par terre femblerait impliquer que l'opinion du gouverneur à cet égard était la même que celle du maire. Le même jour, une affembléedes citoyens convint una- nimement de la neceflité de prendre quelques précau- tions ; et un comité de fept perfonnes fut nommé pour rapporter un plan à une affemblée qui ferait tenue le lendemain. Leur rapport, qui fut unanimement adopté le 13, propofait de prendre deux médecins pour affilier le médecin du port dans la vifite des navires ; d'arrêter autant qu'il ferait pofiable, la correfpondance des ftav es $ ( 5* ) d'avertir les propriétaires des ftages du fud, que le vœu ardent des habitans était que leurs voitures et leurs ba- teaux ne paffaffent pas durant le règne de la contagion à Philadelphie; et de requérir les médecins de faire un rap- port exact des divers accidens de la fièvre à raifon def- queîs ils pourraient être appelés auprès, des perfonnes arrivées ou qui arriveraient de Philadelphie, ou de celles qui auraient des communications avec elles. Non con- tens de ces mefures, la commune fe porta le 17 à la réfo- lution d'arrêter toutes communications entre les deux villes ; et à cet effet des gardes furent placées à toutes les avenues pour renvoyer toutes les perfonnes venant de Philadelphie,et fi quelques-unes étaient découvertes être arrivées après cette époque,elles devaient être renvoyées fur le champ. Tous ceux qui prenaient des penfionnaires, furent fommes de venir rendre compte des perfonnes dans le cas ci deffus mentionné, fous peine d'être pour- fuivis fuivant la loi. Tous les bons citoyens furent requis de dénoncer au maire, ou â un membre du comité, les infractions qui pourraient être faites aux difpofitions ci deffus. Ces précautions feveres ayant été éludées par la frayeur et l'activité des fugitifs de Philadelphie , il fe tint, le 25, une affemblée des députés des differens quartiers de la ville, pour adopter des mefures plus efficaces. Dans cette affemblée, il fut refolu d'établir une garde de nuit; non moins que de dix citoyens dans chaque quartier, pour veiller aux .tentatives qui pourraient être faites pour s'introduire dans la ville à la faveur des ténèbres. Ne fe trouvant pas encore guéris de leur frayeur, les membres de cette affemblée publièrent, le jour fuivant, une adreffe où ils annoncè- rent que maigre leur vigilance attentive, plufieurs perfonnes avaient été clandeftinement débarquées fur les côtes de l'ifle de New-York. En conféquence ils réitérèrent leurs avisa leurs concitoyens d'être attentifs â la manière dont ils admettaient les étrangers dans leurs maifons ; de ne pas manquer de donner immé- diatement avis au maire de ceux qui arriveraient ; de fe rappeler combien la circonftance était ferieufe ; et ( 53 ) de confiderer quelle reponfe ils pourraient faire an jufte reffèntiment de leurs concitoyens dont ils pour- raient expofer la vie par une négligence et une infi- délité criminelle, lis annoncèrent pareillement l'efpoir qu'ils avaient, que tous ceux qui tenaient les paffages fur les différentes côtes du New-Jerfey et de Staten- Kland, auraient affez d'égard à leur adreffe, pour ne tranfporter perfonne qu'aux avenues publiques, et pendant le jour, depuis un foleil jufqu'à l'autre. Ils publièrent, le 30, une longue adreffe, ou ils récapitu- lèrent les diverfes précautions, qu'ils avaient prifes, la nature du mal, et le nombre des perfonnes mortes hors de Philadelphie fans avoir communiqué le mal à perfonne. Ils arrêtèrent, en même-tems, que les mar- chandifes, le linge, et les vêtemens emballés à Phila- delphie, feraient, avant leur introduction à New-York, defemballcs et expofés en plein air pendant quarante huit heures dans quelque endroit bien aéré ; que les vêtemens de toile, ou de coton, et autre bardes, qui au- , raient fervis, feraient attentivement lavés dans plufieurs- eaux, et enfuite que tous ces effets, foit qu'ils euffent ou qu'ils n'euffent pas fervi, feraient fufpendus dans une chambre fermée, et foigneufement fumée 'au fouffre pendant un jour, et enfuite expofés de nouveau, en plein air, au moins pendant vingt-quatre heures ; & que les boè'tes, les malles, ou les caiffes dans lefquels ils auraient été emballés, feraient nettoyées et aè'rées de la même manière : après quoi, étant re-emballées, et après avoir fatisfait le comité fur l'évidence de leur pu- rification, on pourrait obtenir la permiffion de les intro- duire dans la ville. Le 11 Octobre, ils décidèrent pareillement de reputer et de dénoncer comme ennemis de la confervation de la ville et de la vie de feshabitans, tous ceux qui feraient affez egoïftes ou affez hardis pour entreprendre d'in- troduire quelques effets, marchandifes, denrées, hardes, vêtemens, &c. &c. importés de Philadelphie, ou qui y auraient été emballés, et ce en contravention aux re- glemens preferits par l'affemblée, qui, difaient-ils, n'é- tait que* l'organe fidelle de fes concitoyens. Ils recoin- ( 54 ) mandèrent aux habitans de refifter à la tentation du profit que pourrait promettre le commerce des mar- chandifes de Philadelphie, l'émolument retiré par un parliculier ne pouvant, ajoutaient-ils, compenfer le danger auquel la ville ferait expoféepar cette conduite. Outre toutes ces refolutions, ils publièrent un bulletin journalier de l'état de la fanté dans la ville, pour mo- dérer la frayeur de leurs concitoyens. Le 14 Novembre, le comité décida que les per- fonnes venant de New-York â Philadelphie feraient reçues à l'avenir avec leurs effets fans reftriction, juf- qu'à nouvel ordre. Le 20, ce même comité manifefta le plaifir qu'il éprouvait d'annoncer à fes concitoyens le retabliffement de la fanté â Philadelphie ; mais qu'il y avait encore uî?. danger réel â appréhender, relativement aux hardes et effets de ceux qui avaient été atteints de la fièvre maligne, et qu'il avait eu l'information pofitive que des tentatives avaient été faites à Philadelphie d'em- barquer des lits et des hardes pour leur ville. Il arrêta en confequence,qu'il n'était pas permis d'introduire des lits et des effets d'aucune forte, des plumes emballées ou autrement, comme auffi toute efpèce d'habits achetés de la féconde main, et venant des lieux infectés de la fièvre jaune ; et que quiconque tenterait de commettre une faute fi grande, que de les porter et d'expofer la j fanté et la vie de fes concitoyens, mériterait à jufte titre ! leur reffèntiment et leur indignation. Les habitans de Trenton et de Lamberton fe reunirent le 13 Septembre ; et le 17, ils prirent différentes refolu- tions pour fe preferver de la contagion ; ils arrêtèrent, que le débarquement des perfonnes venant de Philadel- phie ferait totalement arrêté â quelque paffage ou ville entre Lamberton et le paffage d'Howell, quatre milles j au deffus de Trenton ; que toute communication par eau ferait défendue entre Lamberton, ou l'endroit où ', expire le montant de la marée et Philadelphie ; et que les bateaux venant de Philadelphie feraient avertis de débarquer leurs marchandifes ou leurs paffagers entre Bordentown et ledit endroit de la tête de .la marée, que ( 55 ) Pon ne recevrait perfonne fans exception venant de Philadelphie ou de Kenfington, pendant toute la durée de la fièvre ; que tous ceux qui voudraient fortir des limites de l'affociation, pour aller â l'une ou à l'autre de ces villes, feraient empêchés d'effectuer leur retour du- rant la maladie ; et enfin que leur comité permanent s'informerait s'il y avait dans le territoire de l'affociation quelques perfonnes, les habitans exceptés, qui fûffeiir. nouvellement arrivées des endroits contagieux, et par- confequent probablement atteintes de la contagion, afin que s'il s'en trouvait, elles fuffent contraintes°de iortir, fur le champ, des limites dudit territoire. Le gouverneur du Maryland publia ie 12 de Sep- tembre une proclamation qui affujetiffait tous les navires venant de Philadelphie â une quarantaine qui n'excéderait pas quarante jours, ou qui ferait du moins ùivant l'avis des officiers de fanté. Il fut, en outre ordonné que toutes perfonnes allant â Baltimore, au Havre-.de-grace, à la tête de l'Elk, ou qui,par toute autre- route, parlerai jut dans cet Etat, venant de Philadelphie, ou de toute autre ville connue pour atteinte de la mala- die, feraient examinées et empêchées de paffer outre par des perfonnes qui feraient nommées à cet effet, et qui prendraient l'avis et le confeil de la faculté de mé- decine dans tous les cas, afin que les affaires et intérêts privés ne fuffent pas contrariés inutilement. Cette proclamation nomma deux officiers de fanté pour Bal- timore. Le peuple de Baltimore s'affembla le T3 de Septem- bre, et arrêta qu'aucun citoyen ne pourrait recevoir dans fa maifon aucune perfonne venant de Philadelphie, ou autres endroits contagieux, fans un certificat de l'offi- cier de fanté, ou de l'officier de patrouille ; et que toute perfonne qui violerait ce règlement ferait dénoncée au public comme un objet digne de fon reffèntiment. Le 14, un corps de milice fut envoyé pour occuper un paf- fage fur la route de Philadelphie, a environ deux milles de Baltimore, a l'effet d'empêcher l'introduction, fans permiflion, des perfonnes venant de Philadelphie. Le Dr. Worthington, l'officier de fanté établi à ce paffage, ( 5* ) eut ordre de refufer la permiflion aux perfonnes qui feraient atteintes de quelques fimptômes de la maladie, ou qui ne feraient pas abfentes de Philadelphie, ou autre place contagieufe, au moins depuis fept jours. Les ftages de la ligne oueft de Philadelphie furent arrêtés vers le 18 ou le 19. Le 30, le comité de fanté ordonna qu'aucun habi- tant de Baltimore, qui vifiterait des perfonnes de Phi- ladelphie pendant leur quarantaine, ne ferait autorifé à rentrer dans la ville, qu'après l'expiration du tems de la quarantaine, et qu'après qu'il ferait confirmé que les perfonnes qu'il aurait vifitées étaient exemptes de la contagion ; et que déformais les marchandifes fufcepti- bles de communiquer la maladie, qui auraient été depo- fées ou emballées à Philadelphie, ou autre place conta- gieufe, ne pourraient entrer dans la ville, et qu'aucuns effets des voyageurs ne pourraient non plus erre reçus, qu'après avoir été expofés en plein air pendant le tems qui ferait fixé par l'officier de fanté. .Chapitre XI. Mefures prifes au Havre-de-Grace — A Hagerflown — A Alexandrie — A Winchefter — A Bofton — A New- buryport — Dans Rhode-Jfland — A Newbern — A Charlefton — Dans la Géorgie — Jeûnes et prières. JL^ES habitans du Havre-de-Grace arrêtèrent le 25 de Septembre que nul ne pourrait paffer la rivière de Sufquehannah devant cette ville, fans être muni d'un certificat prouvant qu'il ne venait pas nouvellement de Philadelphie, ou de tout autre endroit contagieux, et que les habitans du Havre s'appliqueraient â interdire le dit paffage à qui que ce fût, fans le certificat dont il s'agit. A Hagerftown, le 3 Octobre, il fut arrêté qu'aucun citoyen ne pourrait recevoir chez lui aucune perfonne venant de Philadelphie, et fuppofée atteinte de la fièvre ( 57 ) maligne, fi cette perfonne ne lui produifait un certificat de l'officierjde fanté ; que ceux des citoyens qui contre- viendraient a cette mefure feraient exclus de tout com- merce avec leurs concitoyens, que les vêtemens envoyés aux troupes alors dans cette ville, n'y feraient pas reçus et qu'on ne les en laifferait pas approcher â plus de fept milles; que toute perfonnes venants de Philadelphie, ou autres endroits contagieux, feraient requifes de repartir fur le champ, et qu'elles y feraient contraintes en cas de refus, ou de negligeance ; que perfonne, foit marchand ou autre, ne pourait jufqu'à l'autorifation du comité, introduire ou expofer dans la ville aucunes marchandi- fes venant de Philadelphie, ou de tout autre endroit infecté ; et que les citoyens de la ville et des environs, s'enrolleraient pour faire des gardes et des patrouilles fur les routes et les paffages qui feraient indiqués par le comité. Le gouverneur de Virginie publia, le 17 de Septem- bre, une proclamation portant que tous les navires ve- nant de Philadelphie, des Grenades, ou de l'ifle de Ta- bago, feraient une quarantaine de vingt jours au mouil- lage de Crany-Ifland, près de l'embouchure de la rivière Elifabeth. La commune d'Alexandrie, établit un bateau d'obfer- fervation pour empêcher les bâtimens deftinés pour ce port d'en approcher à plus d'un mille avant d'avoir fubi. la vifite de l'officier de fanté. Les citoyens de Winchefter, placèrent des gardes fur toutes les avenues de la ville du côté de Potomac, pour arrêter toutes les perfonnes fufpectes, les paquets,&c. &c. venant de Philadelphie, jufqu'à ce que les officier de fanté en euffent fait l'infpection, et en euffent permis l'introduction. La legiflature des Maffachuffets était en feffion lorf- que l'allarme fut donnée, et elle paffa un acte formel pour fe preferver du danger dont on était menacé. Cet acte autorifait les perfonnes choifies à cet effet dans les différentes villes, d'arrêter et de vifiter les perfonnes, effets, marchandifes, venant ou étant prefumés venir dans leurs villes respectives, de Philadelphie, ou de G C 58 ) tout autre endroit étant ou prefumé être contagieux ; et dans le cas ou il leur paraîtrait, ou aux officiers qu'elles auraient commis, qu'il y eut lieu de craindre le danger de la contagion concernant telle perfonne, effet, ou marchandifes, il leur était permis de retenir ou en- voyer les dites personnes ou objets à tel endroit qui leur paraîtrait convenable pour qu'elles puffent être purifiées de cette infection ; ou de placer les perfonnes venues de cette manière dans tels lieux et fous telles règles de police, qui feraient jngées avanta^eufes au falut public. En conféquence de cet acte, le gouver- neur publia le 21 de Septembre une proclamation pour en affurer l'exécution. Les citoyens choifis à Bofton publièrent le 24 Sep- tembre, leur règlement de quarantaine, portant que les navires venant de Philade'vhi.' feraient retenu? à ou auprès R?.insford-Ifland, pour fubir une quarair 'n^ ( qui n'exced.rait pas trente jours, pendant lequel teins 5| ils feraient purifiés avec du vinaigrier de li '■■■: 'çs ' â canon, dans les chambres, et chns l'entrepon a bien même il n'y aurait perfonne de malad.* c 1,.,'C ; que dans le cas où, il s'en trouverait, elles feraient ren- voyées dans un hôpital, pour y être retenues jufqu'à leur retabliffement, et pendant le tems neceffaire pour \ s'affurer qu'elles n'étaient pas atteintes de la contagion ; ; que les navires, durant leur quarantaine, feraient demu-r j nis de leurs chaloupes, et qu'aucuns canots ne pouraient ! en approcher qu'en verra d'une permiffion fpeciale; que '| dans le cas où quelque perfonne s'évaderait de quelque navire, pendant la quarantaine, on en donnât avis fur le champ, afin qu'elle put être arrêtée ; que toutes perfonnes venant de Philadelphie par terre ne pour- raient entrer â Bofton que vingt-un jours après leur arrivée, et que leurs hardes, effets ou marchandifes, feraient ouverts, lavés avec du vinaigre et fumés à plufieurs reprifes, avec la poudre â canon ; enfin les commiffaires invitèrent les habitans " à ufer de la vigi* *' lance et de l'activité les plus grandes pour fay*e fubir * *' un châtiment mérité aux perfonnes qui feraient affez ** Ijardies et affez dépouillées de toutes idée d'humanité, ( 59 ) "pour venir datts leur vijle de quelque endroitprefumé " contagieux, et pour mettre par là en danger la vie de " leurs compatriotes." Le 23 de Septembre, les commiffaires de Newbury* Port notifièrent aux pilotes de ne conduire aucuns navi- fes venant de Philadelphie dans la rivière de Merrimack, plus avant que les rochers noirs, jufqu'à ce qu'ils euffent été vifités par les officiers de fanté, et qu'ils euffent ob- tenu d'eux un certificat conftatant qu'ils étaient ex- empts de contagion. Le gouverneur de Rhode-ïfland fit une proclamation le 21 de Septembre , où il ordonnait aux corps de ville et autres officiers, d'ufer de la plus grande vigi- lance poffible, pour affurer l'exécution îlride de la loi pour prévenir les progrès des maladies contagieufes, particulièrement â l'égard des navires qui pourraient arriver dans cet état des indes occidentalles, de Phila- delphie, et de New-York ; la prohibition étendue â cette dernière ville, venait du danger que l'on appréhendait de fa communication avec Philadelphie. Le 28 de Septembre, le gouverneur de la Caroline du Nord, publia fa proclamation, ou il requit les com- miffaires de marine dans les differens ports de cet état, de fixer certains endroits Où tous les bâtimens venant de Philadelphie ou d'autres endroits fujets à la fièvre ma- ligne, feraient obligés de faire une quarantaine pendant le nombre de jours qui paraîtrait convenable à ces commiffaires* ' Les commiffaires de Newbern ordonnèrent le 30 de Septembre, que jufqu'à ce qu'une pleine liberté en fut accordée, les navires arrivans de Philadelphie ou de tout autre endroit où la contagion pourrait être, fêtaient obligés de s'arrêter et de jetter l'ancre au moins â un- mille audeffou§?de la ville, et défaite là une quarantaine de dix jours au moins fi ce n'eft que les capitaines de ces navires puffent produire un certificat donné par les inrpecteurs établis à cet effet, et portant l'opinion où feraient les infpecteurs que les dits navires pouvaient, avec fureté, pour les habitans,fe rendre dan#la ville ou dans le port, et y depofer leuïs paffagers et leurs car- ( 6o ) gaifons. Ils ordonnèrent, le 18 Octobre, que fi quelque perfonne libre allait à bord de quelque bâtiment de Philadelphie, &c. &c. ou apportait de pareils bâtimens quelques effets ou marchandifes, avant la permiffion donnée de dépofer les paffagers et la cargaifon, elle fe- rait pour toutes ces fautes condamnée â cinq pounds d'amende ; et que fi quelqu'efclave fe trouvait dans le dit cas, il fubirait un châtiment qui n'excéderait pas cin- quante coups de fouet, et que fon maître payerait cinq pounds. Le governeur de la Caroline du Nord fit une procla- mation, qui foumettait les navires de Philadelphie à une quarantaine, de la durée de laquelle je ne fuis pas cer- tain. Les habitans de Charlefton tinrent une affemblée, le 18 Octobre, dans laquelle il fut décidé qu'aucun na- vire de la rivière Delaware, venant, foit directement, foit après avoir abordé quelqu'autre port des Etats-Unis, ne pourrait paffer la barre de Charlefton, jufqu'à ce que les citoyens affemblés de nouveau euffent reconnue la certitude de la ceffation de lamaladie à Philadelphie ; s'il arrivait que quelque bâtiment au mépris de cela, paffàt cette barre, le gouverneur était requis de le contraindre à quitter le port et â retourner en mer. Le gouverneur de la Géorgie publia le 14 Octobre, une proclamation, qui ordonnait que tous les bâtimens de Philadelphie qui pourraient arriver dans la rivière de Savannah, feraient obligés de s'arrêter dans la baïe de Tybée, ou dans quelques autres endroits â égale diftance . de la ville, jufqu'à ce que l'officier de fanté eut, d'après une vifite, certifié qu'ils n'étaient pas infectés de la fieyre maligne ; et que les contrevenants à cette procla- mation feraient pourfuivis et punis des peines et amendes fixées par la loi. Le peuple d'Augufta dans cet état fut auffi actif et auffi vigilant que fes voifins du nord, pour fe preferver du danger que le menaçait. Les habitans de Reading dans cet état, tinrent une - affemblée le 24 Septembre, et prirent plufieurs refolu- tions, qu'aucunes marchandifes ne feraient importées i dans le bourg, de Philadelphie ou de tout autre endroit ( 6. ) infecté de la fièvre maligne, jufqu'à l'expiration du délai d'un mois â compter de cette date, â moins que la per- miffion n'en fut accordée par les habitans réunis en af- femblée de commune ; qu'aucune perfonne de Philadel- phie, ou de tout autre endroit contagieux, ne pourrait être introduite fans avoir fubie la vifite d'un médecin, et obtenue de lui un certificat prouvant qu'elle était ex- empte de la contagion ; qu'aucun ftage de terre ne pour- rait apporter dans le bourg des paffagers de Philadelphie, ou de tout autre lieu interdit ; et que toutes les com- munications par les ftages feraient fufpendues pendant un mois, â moins qu'elles fuffent autorifées avant cette époque par les habitans. Le 26 de Septembre, il fe tint à'Bethlehem, une af- femblée dans laquelle il fut arrêté, que les perfonnes venant de Philadelphie fubiraient une quarantaine de douze jours, avant que d'entrer dans la ville. Une pa- reille refolution fut prife bientôt après à Nazareth; mais elle ne fut obfervée avec rigeur ni dans l'un ni dans l'autre endroit ; il ne fut point établi de garde, et l'af- fertion d'un voyageur honnête, paraiflànt en fanté, fui- vant le tems de fon abfence de Philadelphie, fut confi- dérée comme fuffifante, fans recours à une preuve for- melle. Diverfes précautions furent prifes dans d'autres en- droits ; mais je ne puis en donner le détail, n'ayant pu me procurer le récit de leurs refolutions et de leurs mefures. La calamité de Philadelphie, pendant qu'elle provo- quait la circonfpection des gens timides dans différents endroits, portait les perfonnes pieufes à adreffer leurs prières au Très-Haut pour notre foulagement, notre confolation, et notre fecours. Plufieurs jours d'humi- liation, d'abftinence, et de prières furent defignés à cette effet. A New-York, ce fut le co Septembre ; à Bofton, le 16 ; dans Albany, le 1 d'Octobre ; dans Bal- timore, le 13; à Richmond le 9; le même jour à la Providence ; le finode de Philadelphie fixa le 24 d'Oc- tobre ; les églifes proteftantes epifcopales de Virginie, le 6 Novembre ; le finode Flamand de New-York, le 13 Novembre ; le finode du New-York et du New-jerfey»- le 20 Novembre ; à Hartford il y eut pendant quelque tems des prières journalières pour notre foulageinent. Chapitre XII. Combat entre la loi de fa propre confervation et la lui de la charité. La loi de la charité viclorieufe. JL ANDIS que nos citoyens étaient profcrits dans plu- fieurs villes,tandis qu'ils étaient chaffés comme criminels dans quelques autres, tandis que dans d'autres foit fains, ou malades, tout accès leur était interdit,et qu'ils étaient forcés de reparir; c'eft avec une fatisfaction extrême, que j'ai â rapporter une conduite totalement oppofée, qui ne peut manquer de faire une impreffion inéfaçable fur les cœurs des citoyens de Philadelphie, et d'y exci- ter déformais les plus vives émotions de la gratitude. A Woodbury, dans le New-Jerfey, il fe tint, dans les premiers, tems de notre fléau, une affemblée, dont l'objet était d'avifer aux mefures qu'il pourrait être ne- ceffaire de prendre. Une motion fut faite pour défendre toute communication avec Philadelphie ; mais quatre perfonnes feulement s'etant levées pour lafoutenir, elle tomba, et une libre accès fut permis â nos citoyens. Un nombre confiderable des habitans de Springfield, dans le New-Jerfey, fe réunirent le premier d'Octobre, et après une mure reflexion fur la detreffe de nos citoy- ens, ils prirent une refolution par laquelle ils offrent leur ville pour afile aux fugitifs de Philadelphie, et chargent leur comité de fe procurer un endroit conve- nable pour fervir d'hôpital aux malades. Les rev. Jacob V. Artfdalen, Mathias Meeker,et Mathias Detanân, fu- rent les plus actifs dans cette honorable entreprife. J'ai été informé par une perfonne digne de confiance, que les habitans d'Elizabeth-Town avaient imité la con- duite généreufe de ceux de Springfield $ mais je n'ai pu v 03 ) meprocurer une copie de leurs"r.erolutions-et mefures à ee£ égard. A Cheftertown, dans le Maryland, il fut établi, à une certain diftance de la ville, un endroit pour recevoir les voyageurs ou autres qui pourraient être atteints de la maladie ; ce refuge fut pourvu de toutes les chofes ne- ceffaires, et un médecin fut établi pour foigner les ma- lades. La feule mefure pr'fe â Eafton dans la Penfilvanie, fut d'obliger les fugitifs de Philadelphie à s'abftenir , pendant une femaine, de communiquer avec les habitans. Les citoyens de Wilmington (Delaware) fe font conduits de la manière la plus généreufe envers nos malheureux citoyens^ Ils furent dans le principe un peu effravés, et ils arrêtèrent l'établiffement d'une qua- rantaine et d'une garde ; mais bientôt ils fe départirent de ces précautions, et acceuillerent avec la plus grande HS'vté les gens venant de Philadelphie ; ils établirent un hôpital pour y recevoir nos citoyens malades, et ils le fournirent de toutes les chofes neceffaires. Mais de huit; ou dix perfonnes de Philadelphie mortes dans cette vi^le de la fièvre maligne, une feule avait été envoyée â l'hôpital ; les autres furent nourries et foignées dans les imiions où elles étaient tombées malades. Quelques humains, fenfibles et généreux qu'aient été en gênerai les refpectables habitans de Wilmington, deux caractères parmi eux fe font manifeftée d'une manière fi prononcé, qu'ils méritent ici une mention particulière. Ce font le docteur Way et le major Bufh, dont les maifons furent toujours ouvertes aux fugitifs de Philadelphie, qu'ils reçurent fans le moindre apprehen- fion et qu'ils traitèrent avec un degré de véritable hof-* pitalité qui les honore infiniment. L'exercice de cette vertu ne fut pas concentré dans la fphère étroite de leurs amies et de leurs connaiffmees ; ils traitèrent avec la même humanité des familles entières qui leur étaient totalement étrangères. Cela fut d'autant plus important pour eux, et cela devint une charge d'autant plus grande, qu'il n'y avait, je crois, qu'un feul aubergifte (Brinton) dont la maifon fut ouverte aux gens venant . ( 64 ) de Philadelphie ; et qui devint par conféquent fi fur- chargée qu'il fut fréquemment difficile d'y avoir accès. Les exemples de cette efpèce ont été très rares dans notre pays. Mais ils n'en font que plus précieux, et ils doivent être expofés a l'applaudiffement public. Puiffent-ils opérer fur le peuple à l'avenir et dans des xirconftances pareilles d'une terrible calamité ; et lui apprendre à tempérer fes frayeurs par un fentiment d'humanité et de fenfibilité envers des malheureux fugitifs, tel que la prudence voudra le permettre, et. à ne pas confondre, dans une aveugle proscription, les perfonnes faines avec les malades. Chapitre XIII. Maladie f une/le aux médecins — Au clergé — Aux yvro- gnes — Aux filles de joie —' Aux filles defervice — Aux pauvres — Et dans les rues étroites.—'Moins f une/le aux Français — Et aux nègres. X L eft rarement arrivé, que Meffieurs de la faculté aient fuccombé en fi grand nombre, qu'en cette occa- fion, aux travaux de leur perilleufe profeffion. Dans cinq ou fix femaines, fans compter les etudians en médecine, il n'eft pas mort moins de dix médecins ; favoir, les docteurs Hutchinfon, Morris, Linn, Penning- ton,Dodds, Johnfon, Pierre Glentworth,Phile, Graham, et Green. A peine a t'il échappé à la maladie, un docteur exerçant qui fut refté dans la ville ; quelques- uns furent trois, et quatre, cinq fois malades. Ce fléau a été auffi très funefte au clergé. Expofé dans l'exercice des derniers devoirs envers les mou- rants, à un danger égal â celui des médecins, il n'eft pas étonnant, qu'un fi grand nombre ait fuccombé. Voici les noms de ceux qui font morts, les rev. Alexan- dre Murray de l'eglife epifcopale proteftante ; F. A. Fle- ming et Laurence Graefsf, de la catholique romaine ; ( «5 ) John Winkhaufe de l'Allemande reformée; James Sproat, des presbytériens ; William Dougherty, de l'eglife des methodiftes ; et quatre predicans diftingués de la focieté des amis ; Daniel Oiîley, Hufon Lang- ftroth, Michel Minier, et Charles Williams. Sept membres du clergé ont été dans le plus grand dan- ger par la maladie, les rev. Robert Blackwell, Jofeph Pilmore, William Rogers, Chriftophe V. JKeating, Frédéric Schmidt, Jofeph Turner, et Robert Annan ; mais ils fe font rétablis. La mortalité n'a pas été â beaucoup près auffi confi- derable parmi les femmes que parmi les hommes, * ni parmi les vieux et les infirmes que parmi les gens robuftes et de l'âge moyen. Cette maladie a été véritablement funefte aux bu- veurs et aux ivrognes, ainfi qu'aux perfonnes puiffantes et d'une conftitutioii robufte. Beaucoup de perfonnes de ce genre ont été atteintes, et peu s'en font fauvées. Elle a été également fatale aux filles de joye ; la faibleffe et l'epuifement de leur conftitution les rendait facilement la proie de la terrible maladie qui terminait bientôt leur miferable carrière. Elle a été très deftructive peur les filles de fervice ; nombre d'elles avaient pris la fuite ; de celles qui étaient reliées, il en eft mort beaucoup qui s'étaient comportées avec une fidélité extraordinaire. Elle a été horriblement deftructive parmi les pauvres ; il eft probable de croire, qu'au moins les fept-huitiernes des perfonnes mortes ont été enlevées dans cette claffe. Les habitans des maifons mal-propres ont feverement expié, par la quantité de ceux d'entr'eux qui ont été victimes, leur négligence a les tenir nettes. Des famil- les entières dans les maifons , ont été conduites au tombeau. La mortalité dans les rues étroites, les petites al- lées, et dans les maifons privées d'une circulation libre d'air, a été incomparablement plus confiderable * Dans quelques congregations,les morts des hommes ont été prefque doubles de celles des femmes. H ( 66 ) que dans tes rues larges et dans les maifons bien acrees» Il a péri dans quelques-unes de ces allées le tiers ou le quart de tous les habitans. Dans 30 maifons que ren- ferme Pewter-Platter allée, 32 perfonnes font mortes; et il n'en eft mort que 39 feulement dans une partie de Market-Street contenant 170 maifons. Les rues favo- rifées de l'air de la campagne ont très-peu fouffert. De toutes ces rues fpacieufes et aérées aucune n'a perdu autant de monde que dans Arch-Street près de Water- Street, que je puis citer à caufe de fa proximité du foyer primitif de la maladie. Il eft particulièrement à remarquer, que pius les rues étaient diftantes de Water- ftreet, moins elles ont fouffert de la calamité. Les Français récemment arrivés â Philadelphie ont été exempts de la contagion d'une manière particulière;* la caufe â laquelle on doit imputer cette différence mérite une examen particulier \\ elle a été attribuée par quelques-uns à leur mépris pour le danger ; mais quoique cette confiance ait pu y contribuer en quelque chofe, elle ne refout certainement pas entièrement la difficulté, puifqu'il eft connu qu'une infinité de perfon- nes les plus courageufes dePhiladelphie ont été comptées parmi les victimes. Beaucoup de Français ont attribué l'exceffive fatalité de la maladie â la grande quantité de fruits prématurés et mal-fains portés dans nos marchés et consommés par toutes les claffes du peuple. Lorfque la fièvre jaune fe manifefta dans la Caroline du Sud, les nègres, fuivant le rapport d'un obfervateur exact, le docteur Lining, en furent entièrement prefer- vés ; " il y a, dit il, quelque chofe de vraiment fingulier " dans la conftitution des nègres, qui les garantit des " atteintes de cette fièvre; car, quoique beaucoup d'entr- * Les Français établis depuis long tems ici ont prefqu'au- tant fouffert que les indigènes.' %■ Le fréquent ufage que font les Français des lavemens, pourrait peut-être donner la raifon de ce qu'ils ont été fi gé- néralement prefervés. Ces lavemtns nettoyent les intêftins, dégagent les voies intérieures, et préviennent la conftipation, qui eft une des caufes les pius certaines de cette maladie et de plufieurs autres. ( 67 ) ) Terme moyen du Terme moyen thermomètre. des morts. Août i au 7,......84 -..... o 8 au 14, ------85.....- 7 15 au 21, ---'---83------ 7 22 au 28,......77-------jr 29 au 31, ------ 85 ..... - i7 Sept, iau 7, -.....81...... 19 8 au 14,......74......35 15 au 21, .--------7 s ----- - 6$ 22 au 28, ---------76......70 29 et 30,---------74......60 Oct. 1 au 7, ------ 71 :......72 8 au 14, -.....71---------100 15 au 22,---------58 - - - - . - 67 22 au 28,.....-58......39 29 au 3,1,......46-..... 18 Nov. 1 au 7,.....- 58-------- - 15 Il refulte de cette table, que, durant le mois de Sep* tembre, il y eut régulièrement un accroiffement rapide dans les morts, excepté le 29 et le 30, quoique l'air foit toujours devenu plus frais pendant prefque tout ce tems. Que les defenfeurs du fyftême du froid et de la pluie comparent la première femaine de Septembre avec la féconde d'Octobre, ils verront que la première a été de dixdegrés plus chaude que la dernière, quoique les morts de l'une aient été feulement la cinquième partie de celles de l'autre. Si après cela ils veulent dire que la différence de 13 degrés,entre la féconde femaine d'Octo- bre et la troiiieme et la quatrième du même mois, peut expliquer le decroiffernent de la mortalité depuis 100 d'abord jufqu'à 67, et enfuite à 39, je repondrai, feulement, que trop fouvent une prévention opiniâtre obfcûrcit la raifon, et empêche d'appercevoir la vérité, quoiqu'elle foit évidente. En oppofition â ce que j'ai avancé auparavant, il a été obfervé que les malheureux effets des jours très- chauds fe font fait reffentir pendant plufieurs jours fui- vans. Cette objection eft d'une faible reffource, com- me il eft facile cïe s'en appercevoir à l'infpection de la ( 7* ) table. La chaleur de la première et de la féconde femaine d'Octobre fut la même, et cependant la morta- lité fut dans la féconde près de motie plus confiderable que dans la première. La chaleur de la quatrième fut pareille â celle de la troifieme, quoique durant l'une les morts aient été prefque le double de ce qu'elles ont été dans l'autre. J'efpere, d'après cela, que le lecteur avouera que le fuprême régulateur des vents et des pluies, fans avoir recours aux moyens, foit moraux, foit phifiques, fur lefquels nous fondons notre principale confiance, a choifi le tems qu'il lui a plu pour preferver de la def- , truction ceux d'entre nous qui y avions échappé; Chapitre XV* Origine de la maladie. JL/A maladie a très-indubitablement été importée des Indes occidentales. "Cependant d'après différentes raifons faciles à fentir, il eft difficile de détermi- ner avec une precifion parfaite fur quel navire ou fur ( quels navires elle a été introduite, ( car il eft probable qu'elle a été portée fur differens navires venus des diverfes Iiles infectées ). Que le mal a été importé je le prouve par les raifons fuivantes, chacune defquelles, - prife feparement, juftifie cette opinion ; mais toutes, prifes collectivement, le prouvent d'une manière fatif- » faifante pour tout homme raifonnable et de bonne foi. iQ. La fièvre jaune exiftait dans plufieurs des îfles , occidentales longtems avant de s'être manifeftée ici. * * Extrait d'un papier de Londres, du 13 Août 1793. <( La contagion apportée de Bulam, qui s'eft d'abord mani- feftée à la Grenade, fe répand de la manère la plus aliarmante. Quaire-vingt perfonnes font mortes dans un jour de cette épi* denîie à la Grenade." [Il paraît par un paragraphe fuivant du même papier, que \ la maladie était pofitivement regardée être la fièvre jaune.] i Extrait du Courrier, papier de Londres, du 24 Août. 1 " Avant le départ de la flotte d'Antigue, telle y était la ,' 2°, Il eft arrivé dans le mois de juillet plufieurs na- vires venant de ces Ifles? 3°. A peine a-t-on pris quelques précautions pour fe pr.eferver de la contagion. 4°. Un citoyen refpectable de Philadelphie, fubre- cargue d'un de nos navires, a vu mourir fix ou fept per- fonnes malades de cette fièvre dans le mois de juillet au Cap-Français, à bord d'un briq chargé pour ce port. * 5°. Un navire arrivé ici du Cap Français en juillet, - a perdu plufieurs perfonnes de fon équipage par cette fièvre, pendant fon paffage. 6°. Une perfonne du Cap-Français eîf. morte de cette même fièvre à Marcus-Hook,} et il en eft mort une autre à Chefter.J h crainte de la contagion, que tous les batitritens venant de îa Grenade étaient obliges à faire quarantaine, et toutes les lettres de la dernière de ces îles étaient purifiées à la première. On. dit que la contagion a gagné à la Dominique." Extrait de /'Obfervateur, papier Anglais, du 25 Août. . " La pefte, nous l'apprenons avec douleur, s'eft manifeftés dans plufieurs de nos îles occidentales. On dit que les fimp- tômes en font on ne peut plus alarmans à la Grenade et à la Dominique." Extrait d'un papier de Kingston, du 12 Cclcbre. " Les îles de la Barbade et de la Dominique continuent à être affligées de la fièvre contagieufe; il eft mort environ trois cens blancs, dans 1a première de ces îles, et près de cinq cens dans la dernière." * Je fuis prêt à" communiquer à ceux qui l'exigeront Je nom du fubercargue et celui du briq. J " Je déclare ici que j'étais à Mirais T^ook vers la fin de Juillet, lorfqu'il y mourut une femme nouvellement-arrivée là par un des navires récemment venus du Cap-Français: que je fus informé par un Français voifin qu'elle était morte de la fièvre jaune ; que cette perfonne brûla une quantité de gaur dron à la porte, dans le deffeijr, comme elle m'en informa, de purifier l'air. John Massey." y La connaiffince que j'ai eu de la mort de cette perfonne, me vient d'une lettre écrite par le dr. William Martin au dr* Currie» ( 74 ) 7°. Les navires dans lefquels Ces penonnes font ar- rivées, et qui étaient infectés paria contagion des ma- lades et des morts, ont aborde librement nos quais, et particulièrement celui où le mal s'elt manifefté pour la première fois. 8°. Des perfonnes atteintes de la fièvre jaune ont été débarquées dans notre ville de deffus les navires arr vés des indes occidentales.* 9°. Des corps morts ont été furpris avoir etédepr fecrettement de quelques bords de ces navires. io°. Il y a la plus grande apparence de croire les lits et les hardes des malades et des morts n'on4 été détruits, mais au contraire qu'ils ont été app dans notre ville. ii°. Cette maladie avait tous les fimptômes teriftiques qui l'ont faite remarquer dans les c où fon importation était évidente. Enfin, de tous les raifonnemens avancés pour appuyer l'opinion que cette maladie a été engendrée ici, le feul qui ait feulement l'apparence de la vraifembîance, c'eft celui qui eft fondé fur l'influence d'une faifon brûlante, telle que nous avons eue l'été dernier, raifonnernent refuté fans réplique par les témoignages reunis de Laid, Lining, Warren et'Bruce, qui ont affirmé, de la mnniere la moins équivoque, qu'elle ne dépendait pas de Pair. " Il ne parait pas, d'après les plus foigneufes obfer- vations fur les variations de l'air ou les autres différen- ces des faifons, que j'ai pu faire depuis plufieurs an- nées, que cette fièvre foit â aucun égard caufée ou beau- coup influencée par elles ; car, je l'ai rencontrée dans . tous les tems et dans toutes les faifons, auffi bien dans le tems le plus frais que dans le plus chaud de l'an- née."! " Cette fièvre ne peut pas paraître prendre fon ori- gine d'aucune modification particulière de l'air, indé- pendante des miafmes contagieux comme l'a autrefois * Le major Hodgdon et plufieurs autres peuvent attefter la vérité de ce fait. :£ Hillary, fur les maladies de la Barbade, page 146. ( 75 ) fort bien obfervé le docteur Warren ; car depuis vingt- cinq ans il n'y a eu feulement que quatre époques epi- demiques dans les automnes des années 1732, 39, 45, et 48, quoique aucune de ces années (fi on en excepte 1739, dont l'été et l'automne furent fingulierement plu* vieux) ne fut ni fut plus chaude ni plus pluvieufe (et quelques-unes l'ont été moins) que les étés et les autom- nes de plufieurs de autres années, dans lefquels nous ne trouvons pas un feu! exemple de quelqu'un atteint de la fièvre ; ce qui ferait contraire â ce qui aurait dû arri- ver fi cette fièvre était l'effet des modifications parti- culières de l'air, abftraction faite de miafmes conta- gieux."* " In omni anni tempeflste, fefe effert hic morbus ; fymp- tomata autem graviora obfervantur, ubi calor magnus cum multa humiditate conjungitur."J Chapitre XVI. Faits et courtes réflexions—Colieâîion de morceaux détachés.|| X-^E manque d'un hôpital particulier où l'on pourrait envoyer les perfonnes atteintes des maux contagieux, et le befoin d'une loi expreffe â ce fujet, qui donnerait à l'autorité civile le pouvoir d'agir avec l'énergie * Lining, Effais et Obfervations Politiques et Littéraires, vol. II, page 406. % Bruce, cité par Lind, fur les climats chauds, p. 237. |j Ce chapitre et le fuivant demandent quelqu'apologie. Plut fieurs des anecdotes qui s'y trouvent font de peu d'importance fi ce n'eft par ce qu'elles tendent à éclairer l'état de l'efpric public, pendant un tems où les la peur s'emparer de tous les efprits. Si l'on confidere la chofe fous ce point de vue, on len. tira qu'il eft à peine une circonftance, dans ce période fertile en evènemens, qui doive être laiflée dans Konbli. Plufieurs d'un genre agréable ont été introduites pour fervir de relief à la nature l'ombre d'une narration dont \e$ principaux caractères font la mort et la deftruction. < 76 ) neceffaire dès la première irruption d'un parail fléau deftructeur, ont été les caufes de nos peines iécentes;car, humainement parlant, fi des mefures décifives euffent été adoptées avant le premier de Septembre, lorfque le mal n'exiftait encore que dans une rue, et dans peu de maifons de cette rue, il y a peu de doute qu'il n'eût été éteint en très-peu de tems. Mais les malheurs précédens de cette ville en 1762 avaient été bientôt. oubliés, et aucunes mefures n'avaient été prifes pour fe preferver d'un pareil fléau lorfqu'il viendrait envahir la ville. On doit efperer que notre legiflaturej ainfi que celles de tous les Etats de l'Union verront la necef- fité de foumettre cet important fujet à l'examen qu'il mérite fi amplement, et de prendre des mefures contre de pareils malheurs pour l'avenir. A Spalato, dans l'Italie, où la pefte régna il y quinze ou vingt années, les perfonnes atteintes étaient foumifes â une peine capi- tale fi elles ne déclaraient pas leur fituation â l'autorité prepofée à cet égard; et la même peine fut établie contre ceux qui négligeraient de dénoncer les perfonnes attein- tes qu'ils connaîtraient. Cela eft trop fevere pour la dou- ceur paternelle de notre code criminel ; mais il eft neceffaire d'établir quelques peines en pareil cas. En vérité l'etabliffement de Lazarets ferait fi avantageux que ce ferait un objet de deiir pour les malades d'y être tranfportés. Il eft a" peine concevable que les funérailles des perfonnes absolument étrangères aient peu être un fujet de fatisfaction. Cependant elles produifirent cet effet. Après avoir été accoutumé pendant fi long- tems à voir porter les corps morts fur la flèche d'une voiture, la vue d'un corps porté en terre par des hommes, prefentait quelque chofe de femblable à ce qui fe pratiquait dans les tems antérieurs à la fièvre; et jepenfe que la fatisfaction excitée par cette vue abforbait toute idée de la perfonne decedée. Le plus grand nombre des cimetières de Philadel- phie prefente un afpect extrêmement effrayant ; ils ( 77 ) reffemblent beaucoup à des champs fabourésj et s'il y avait quelque chofe capable de faire fur le cœur une- impreffion indélébile fur l'incertitude du titre en vertu du quel nous tenons notre précaire exiftence, il ferait impoffible qu'un tour fait dans ces lieux ne pro- duifit pas un pareil effet ; mais il eft â craindre, que le fouvenir de toutes les fcenes de detreffe dont nous avons été les témoins ne s'evanouiffe avec le danger. Il a été nié que la même perfonne fut fufceptible d'être atteinte deux fois de la fièvre jaune. Cette opini- on pouvant infpirer de la confiance aux convalefcèns et â ceux qui font entièrement rétablis, pourait peut-être affez à propos être laiffée fans contradiction, lorfqu'on n'a pas la vérité pour objet. Plufieurs perfonnes dans cette ville ont été atteintes deux fois de la maladie. Je fais qu'il eft commun d'appeler cela une rechute. Mais, foit rechute ou non, les perfonnes dont je parle ont été malades, fe font rétablies entièrement, et ont retombé une féconde fois. Quelques-unes n'exiftent plus, témoin M. Fleming. M. Wm. Young a été plus mal la féconde fois que la première. —©n© s©-— Un obfevation de la plus grande importance pour la caufe de l'humanité m'a échappé dans les premières édi- tions, et elle mérite une attention vraiment particulière dans toutes les circonftances femblables à la crife que nous avons éprouvée. Dans le nombre prodigieux des perfonnes qui ont été victimes de cette maladie,il eft pro- bable de fuppofer que lamoitiéou le tiers ont feulement péri par le défaut de foin et de l'attention neceffaires, défaut qui doit être attribué à la terreur extraordinaire. Prefque tous les retabliffemens remarquables font dus, après la providence, â la fidélité des maris, des femmes, des enfans, et des domeftiques, qui ont bravé les dan- gers, et ont eu la force d'obéir aux lois de l'humanité. Il y a plufieurs exemples de perfonnes que l'on peuf dire avoir été par de pareils moyens arrachées aux ferres de la mort, puis-qu'elles ont été â une telle extrémité que déjà leurs cercueils étaient préparés : et, pour l'en- ( 7» ) couragement de ceux qui, dans un autre tems et dans un autre lieu, auraient leurs parens ou leurs amis dans cet état malheureux, il doit être remarqué que peu de ceux qui'ont rempli leurs devoirs envers leur famille, en ont fouffert. Il y a des exemples de perfonnes qui ont foigné et lecouru fix, huit, et dix malades defefpe- rés dans leurs propres maifons, fans que ces perfonnes ayent attrapé la contagion. D'autres avant leur mala- die et après leur retabliffement ont foigné et rétabli leur familles. Wm. Young n'avait pas moins cie dix malades dans fa maifon, et prefque tous dans le même tems ; il veilla fur eux jufqu'à ce qu'il fut atteint lui- même; et pendant fa maladie, il dirigeait les foins qu'on leur donnait auffi efficacement que s'il eut été en fanté. Après fon retabliffement, il fe remit a les foigner ; de toute fa famille, fa femme feule eft morte, et on a fup- pofé que fa mort avait été précipitée par fon état avancé de groffeffe. On a vu des perfonnes feules avoir la maladie dans- des familles nombreufes de huit, dix et douze perfonnes, et aucune des autres n'en être atteinte. Dans la famille de David Clark, qui eft mort de la fièvre maligne, on ne comptait pas moins de vingt-deux perfonnes, dont aucune ne tomba malade, quoiqu'il reçût de toute fa famille les mêmes foins que s'il eut été atteint d'une autre maladie. Pas un de ces charretiers, employés par le comité au périlleux office de tranf- porter les malades et d'enterrer les morts, n'en a été atteint.* Les garde-malades à Bufh-hill ont tous echap- * L'humble fphère de la vie dans laquelle il fe trouve placé ne m'empêchera pas de faire mention d'un homme eitimable et fidèle, Thomas Wilkinfon, employé par le comité au tranfport des malades, et à la fepulture des morts, depuis Ion organifation jufqu'à la ceflation du defordre. Tel était l'état dangereux de quelques caaavres, qu'il revenait rebuté de l'accomplieniflént de fon devoir. Dans une occafion, en levant le corps d'une femme morte depuis plufieurs jours, il fut couvert d'un fang pourri. Il perievera cependant toujours de la manière la plus courageufe, à travers des dangers qui rendaient fa confervation auffi étonnante que celle de Girard, Heim, Helmuth, madame Saville et autres. U y a lieu d'efperer que la commune lui fera un fort favorable dans lequel il puiffe paffer le refte de fes jours. ( 79 ) pé, â l'exceptionde deux ; il en eft de même des refpecta-- bles directeurs. Thomas Boiles, le locataire qui occu- pait le bâtiment de Bufh-hill, lorfqu'il fut pris pour un hôpital, le 31 du mois d'Août, refta là jufqu'au 29 d'Octobre avec fa femme, et fix enfans, parmi lefquels aucun ne fut atteint de la fièvre maligne. Puiffent ces exemples fuffire dans les tems â venir pour empêcher la crainte d'étouffer totalement la raifon, et de produire des fcenes de cruauté qui font rougir l'homme pour fon efpece. —>©>©>©<— Une grande quantité de pigeons fauvages dans le prin- tems eft regardée, parmi les gens de la campagne, com- me le pronoftic d'un été mal-fain ; je ne puis dire fi ce prefage a jamais été vérifié avant cette époque ; mais, il eft-très certain, que, durant le printems dernier, le nombre de ces oifeaux portés au marché a été immenfe. Jamais, peut-être, auparavant on n'en avait vu en aufii grande quantité. Plufieurs claffes du peuple ont confiderablement pro- fité du defaftre public. Les faifeurs de cercueils ont eu un travail prodigieux, et ils y ont mis en gênerai un haut p; ix. La majeure partie des magafins detaillifte ayant été fermés, ceux qui ont refté ouvert ont eu un débit extraordinaire, la maffe des affaires fe trouvant partagées entre un petit nombre de perfonnes. Ceux qui avaientdes voitures à louer pour le tranfport à la campagne des fa- milles fugitives, recevaient tout ce qu'il leur plaifait de demander. Les propriétaires des maifons diftantes de la ville, depuis trois jufqu'à vingt milles, qui voulurent les louer en tout ou en partie, en retiraient des loyers confidt-râbles. Les deux notaires chargés de faire les proteitations pour le compte des banques, ont gagné iinrririifement a l'abfence des negocians et marchands. —>©*©<©<— j'ai appris, avec un plaifir bien vif, que quelques pro- priétaires de maifons, touchés de la detreffe de leurs lo- cataires, ont pris la refolution généreufe de faire remife des loyers échus pendant la durée de la maladie. Si cet ( 8o ) exemple eut été imité par tous, il eut réfléchi fur eux l'honneur qui en refulte. Mais il y a des hommes dont les cœurs endurcis meconnaiffent la compafîion : en effet, dans le tems où le mal était dans le plus haut période, il y a eu des propriétaires qui fe font emparé de la modique propriété des pauvres locataires de cham- bres abfolument dans l'impuiffance de payer leurs loyerg. Un homme écrivit au comité pour l'informer, que la pauvreté de fes locataires les mettait dans l'impoflibilité de le payer ; c'eft pourquoi il demandait que le comité nommé pour le fecours des pauvres payât les arrérages qui lui étaient dus. Une autre perfonne, une veuve opu- lente, procura des recommandations pour quelques chambriftes, fes locataires, et le comité leur donna à chacun une fomme modique. Auffi-tôt qu'ils l'eurent reçue, elle fe faifit de leur argent, et de leurs habits. Un homme avait perdu la femme de la maladie ; il avait lui-même perdu entièrement la vue, et il fe trou- vait fans moyens, avec deux jeunes enfans ; cependant, fon propriétaire, pendant qu'il était encore convalefcent, fit faifir feshardes et fes meubles, et le mit dehors ! ! ! " Il vaudrait autant demander au loup, pourquoi il a fait " bêler la brebis pour fou agneau, que de chercher à ra.mok " lir (ce qu'il y a de plus dur ?) fon cœur de rocher." Shakefpeare. -—>©»©»©<—— Je penfe que le lecteur trouvera plus de plaîfir en parcourant les traits qui honorent la nature humaine, qu'en voyant ceux d'une efpece différente. Une femme aimable de New-York, touchée de la fituation des nom- breux orphelins de cette ville, écrivit â un membre du comité, et le pria de lui en choifir un auffi reffemblant qu'il ferait poffible à un enfant qu*elle avait perdu ; elle en demandait furtout un qui fût fans aucun appui, s'il était poffible d'en trouver un. Elle fe propofait de l'a- dopter, et de fe joindre à fon mari pour lui confacrer toute la tendreffe à laquelle un de leurs propres enfans pourrait prétendre. N'y aurait-t-il pas de Pinjuftice à eaçher le nom de cette femme refpectable ? J'entends ( «i ) tous mes lecteurs me répondre l'affirmative, et "je veux en conféquence le leur révéler; c'eft Suzanne Willet. Plufieurs demandes de cette nature ont été faites par nos propres citoyens. Dans l'été de 1791,1a fièvre jaune fe manifefta â\ New-York dans une partie de Water-Street ; et à pro- portion de fa fphére, elle fut la auffi funefte qu'elle la été ici. Elle commença en Août, et dura jufqu'à la mi-Septembre, à laquelle époque elle difparût entière- ment ; et depuis elle n'a jamais paru dans cette ville.- Cela devrait difïîper les craintes de plufieurs d'entre nous, qui, toujeurs difpofés à voir les chofes fous leur afpect malheureux, effrayent le peuple en lui pronofti- quant que nous devons être affligés des mêmes fléaux le printems ou l'été prochains. Tous les fymptomes furent auffi dangereux et alarmants à New-York. qu'à Philadelphie; beaucoup de perfonnes furent enlevées en trois jours : la ftupeur, ,1e délire, la couleur jaune, le vomiffernent noir, et la mort fe fuccedant rapidement Pun â l'autre * elle ne fe repandit pas à cette époque audela d'une rue, quoique autant que j'ai pu en être inftruit, aucune précaution n'eut été prife pour arrêter fes progrès. Le même genre de maladie régna avec une grande violence dans cette ville en 1762, elle difparût dans le mois de Novembre ; et depuis elle n'avait plus reparu à Philadelphie. L'été et l'automne de cette année ont été mal-fains dans beaucoup d'endroits de l'Union autant qu'à Phi- ladelphie. J'ai été informé, fans pouvoir en conftater la vérité ou la fauffeté, qu*a Lynn dans Maffichufi'tts, il * s'était manîfefté en Août, une fièvre maligne fembla- ble à la notre. Dans plufieurs villes de la Virginie, les fièvres intermitentes ont été beaucoup plus fréquentes .. et plus mortelles, que dans les époques précédentes. Georgetown, et fes environs, qui font en général très * Lettre d'un médecin àe New-York à fon ami dans le New-Jerfey* Fédéral Gazette, Sept. 21, 1793. K. ( 8* 5 fains, ont perdu dans l'efpace de peu de femailes l'été dernier, un nombre inoui de perfonnes, mortes du flux, qui a auffi ravagé plufieurs endroits de l'Amérique. L'influence s'eft généralement répandue dans toute l'Union, et elle a été vraiment funefte; elle s'eft mon- trée deux fois à. Vermont, où la maladie putride a pareillement enlevé beaucoup de monde. Le flux et la fièvre putride ont été extrêmement meurtriers à Harrif^ burg et a Middletown, dans cet état, et ont emporté, j'en fuis particulièrement informé, la quinzième partie des habitans. L'état de la Delaware, et particulièrement le comté de Kent, ont fouffert confiderablement des, fièvres d'automne qui ont caufé une grande mortalité» Une colique bilieufe a régné avec violence a Douver, dans le même Etat, durant l'été dernier, et elle y a été extrêmement funefte. A Paulings-Kill, dans le comté de Suffex, état de New-Jerfey, une fièvre bilieufe et intermitente a. fait un très grand ravage. Et plufieurs autres endroits ont éprouvé une mortalité extraordi- naire, qui, fans la calamité de Philadelphie qui a abforbé ^'attention publique de tous les cotés et qui a été l'objet de comparaifon, aurait produit de grandes allarmes et de grandes difficultés. —><2>©o©o©«—. Beaucoup de nos citoyens qui avaient fui de la ville, avaient négligé ou oublié de laiffer à leurs domeftiques ^ l'argent neceffaire pour leurs fubfiftance ; en forte que l* quelques-unes de ces malheureufes créatures étaient à la merci de la charité de leurs voifins. Quelques-uns de nos artifans fe trouvant fans emploi defirerent fe procurer du travail aux chemins nouveaux que l'on a entrepris : mais les gens employé à cet ouvrage convinrent entr'eux que fi on accedaita leur demande ils abandonneraient tous le travail ; de forte que les? infpecteurs furent obligés de renoncer â cette idée. - ■■>©»©■»©—— La trop grande fecurité des habitans de Philadel- phie dans le principe de la maladie, doit être fortement déplorée. La majeure partie des perfonnes mortes de la fièvre maligne avant le 25 d'Août furent conduites au tombeau avec l'appareil ordinaire du cortège géné- ralement ufité dans cette ville. La majeure partie des- perfonnes qui à cette époque menaient les morts au cimetière, et plufieurs de ceux qui affiliaient aux funé- railles, furent promptement atteintes de la maladie et y fuccomberent, ——©>©•©<—— Sebaftian Aie, vieux foffoyeur, privé depuis longtems de l'odorat, s'imagina qu'il ne pouvait pas attrapper la maladie et continua fes fonctions avec confiance. Un mari et fa femme qui étaient tombés malades enfemble, ayant defiré être enterrés dans le même tombeau; mou- rurent â peu de jours de diftance l'un de l'autre: â l'enfe- veliffement du dernier d'eux, Sebaftian fut employé pour rouvrir le tombeau du prédecedé ; il frappa fur la bierre et la caffa, il en fortit une vapeur fi infuppor- table et fi dangereufe, qu'il en tomba malade immedia tement et mouru? un ou deux jours après. Le fléau de la fièvre jaune eft $ombé fur certaines ( 85 ) Familles avec une extrême fevérité. II y a plufieurs exemples de cinq, fix perfonnes mortesdans la même famille et même de huit et dix, et dans celle de Godfrey Gebler il n'y â pas eu moins de onze perfonnes péries. Le docteur Sproat, fa femme, fon fils et fa fille; Michael Hay, fa femme et trois enfans ; David Flickwir et cinq perfonnes de fa famille ; Samuel Weatherby, fa femme et quatre grands enfans n'exiftent plus. Et il y a des exemples innombrables d'un ravage auffi confiderable dans des familles particulières. Il y a dans cette ville, une maifon de laquelle plus de vingt perfonnes ont etêv menées, quelques-unes â Bufh-hill, mais le plus grand nombre au tombeau. ——>©<>©»©<—— Il y a un fait concernant cette maladie qui prouverait* que l'obfervation des devoirs de l'humanité envers les fugitifs de Philadelphie,n'eût pas été d'une pratique auffi dangereufe qu'on fe l'était univerfellement îmaginé;dans la déliante de toute les refolutions prifes par les habi- tans dés différentes villes, -beaucoup de nos citoyens contagieux ont trompé leur vigilance, et fe font réfugiés au milieu d'eux; et on a remarqué dans très peu de cas, qu'ils euffent communiqué la contagion. Trois perfon- nes moururent de cette maladie dans une maifon près de Woodbury, dans le New-Jerfey ; elle avaient été foignée pendant leur maladie par la famille fans aucune" communicationdemah Six ou fept perfonnes fontmortes àDarby, autant â Germantown, et huit â Haddonfield, fans avoir communiqué la maladie à aucun des habitans. Un homme de Philadelphie, appelle Cornell, mourut à New-York deux jours environ après fon arrivée; il deceda dans une penuon, où étaient plufieurs penfion- naires, dont un coucha dans le même lit que lui ; deux perfonnes de la famille feulement furent légèrement in- difpofées, mais non pas au point d'exiger les fecours da la médecine. Plufieurs autres perfonnes de Philadelphie atteintes de la maladie, moururent dans la même ville, et la contagion ne fe communiqua âpas. Un homme mourut de la même maladie dans une des principales auberges de Baltimore ; beaucoup de perfonnes Pavaient { 87 ) vifités et foignés fans accident, pendant tout le courç de fa maladie; perfonne ne fut malade, excepté fon médecin, dont Pindifpofition ne fut pas de longue durée. Il y a eu un grand nombre d'exemples pareil à Burlington, â Bordenton, Lamberton, Princeton, Brunfwick, Woodbridge, Nevvark, Lancafter, et plu- fieurs autres places. Depuis la première édition de cet ouvrage, j'ai été informé par nombre des perfonnes dignes de confiance, que l'opinion que la maladie n'avait pas été communi- quée hors de Philadelphie, était erronnée. Une famille appellée Happer, proche de Woodbury, la prit de quel- ques-uns de nos citoyens malades, et trois perfonnes en moururent. Une fe:^..ne, dans le comtç de C bélier, qu" avait nourri et logé quclqu'uns des malades, mourut de L fièvre maligne. Une perfonne malade de Philadel- phie s' -■ lant refug-'ce à i renton communiqua la maladie c :s une familic, de.f;juellv.s trois perfonnes moururent. Un negre domeitique appartenant a M. Morgan de la bay de Penfaucon, dans le New-Jerfey, prit un lit infecté qui flôtait fur la Delaware, et qui repandit la contagion dans la famille, md.Morgan et fa fille en moururent. La maladie avait été introduire â Abington dans la famille de M. Cadwallad: -, par fon fils venant de Philadelphie, plufienrs perfonnes en furent victimes. Quelques autres en differens endroits, attrapèrent la contagion et en moururent. Mais les exemples de cette efpéce ont été extrêmement rares, fi l'on compare le nombre des perfbnuesqui ont emporté d'ici la maladie, avec celui de celles qui en font mortes dans l'extérieur. Chapitre XVII. Autre collection de fragmens. LEUX qui reflechiffent fur les nombreux et fcandaleux exemples de cruauté et d'abandon envers des amis et des parents, qui ont eu lieu à Philadelphie, quelle que y^ f 88 y foit leur douleur, ne peuvent être furpris que dans la campagne et dans plufieurs villes, les Philadelphiens ayent éprouvé de l'inhumanité de la part des étrangers. La confternation univerfelle avait eteient dans le cœur du peuple les plus honorables fentimens de l'humanité. Et dans cette circonftance, comme dans beaucoup d'au- tres, le foupçon faifait autant de tort que la realité. Beaucoup de voyageurs de cette ville, epuifés de fatigue et de faim, n'ont pu trouver ni abri ni fubfiftence, et ont été victimes de la frayeur, et non pas du défaut d'huma- nité, de ceux à qui ils avaient demandé du fecours.* Les exemples de cette efpece fe font montrés* fur prefque toutes les routes de Philadelphie, Les gens foupçonnés d'être atteints de la maladie, ont été forcés par leurs compagnons de voyage, à quitter les ftages, et réduit à périr dans les bois fans pouvoir fe procurer du fecour, AEafton dans le Maryîand, un chariot chargé de mar- chandifes de Philadelphie fut auflitôt brûlé. Dans une ville du Jerfey, une affociation entreprit d'empêcher toute communication avec Philadelphie et les habitans convinrent de monter la garde alternative- ment: un homme qui avait des principes oppofés à cette feverité , refufa de fe foumettre à ce devoir ou plutôt de fe joindre à ce complot; on en donna avis et toute communication fut interdite avec lui. On lui refufa les chofes d'abfolue neceffité pour la vie ; un boucher qui paffait devant fa porte, à qui il demanda des proviiions, lui repondit qu'il avait bien affez de viande, mais qu'il n'en avait pas pour lui. Etant forti de fa maifon pour peu de tems, et étant allé fur le che- min de Philadelphie, mais pas a trente milles de la ville, il fut arrêté m fon retour par la feminelle de l'affociation, et comme il infiftait pour continuer fon chemin, l'autre l'ajufta avec fon fufil, et aurait tiré fur lui fans l'arrivée d'une tierce. * En général les fugitifs de Philadelphie étaient auffi feve- res dans leurs précautions envers ceux qui avaient fui plus tard qu'eux, qu'aucune perfonne dç la campagne. ( 89 ). Le fils d'un citoyen de Philadelphie arriva dans une ville de la Virginie, quatorze jours avant qu'on y eut établi la quarantaine de vingt jours ; cependant il fut après 1« tems de ce fejour, obligé de fubir encore la quarantaine entière, ce qui fit trente-quatre jours, fans compter plus de fix jours paffés fur la route. —o©»©— Un fugitif de Philadelphie, qui avait été en route près de trois femaines, eût à paffer un bac dans un Etat voifin, et était pourvu des certificats neceffaires pour conltater la longueur de fon abfence. Il fe mit dans le bac avec fa femme et fa voiture, et paffa fur le ri- vage oppofé; la ons'oppofa a fon débarquement comme n'ayant pas un certificat du magiftrat particulier à cet effet dans le pays. Il fauta de dedans le bateau fur un rocher, et la fentinellelui jura qu'il lui brûlerait la cer- velle, s'il faifait un pas de plus. Sa femme qui était reftée dans le bateau, fut dans des angoifes mortelles parce que les batelliers étaient ivres, les chevaux de la voi- ture effrayés, et que le vent était très violent ; malgré fes fupplications et fes offres de prouver la longueur de fon abfence, il fut obligé de revenir pour chercher le magiftrat defigné.' Lorfqu'il arriva à fa maifon qui était à plufieurs milles de ce paffage, la juftice fe cacha elle même de crainte de gagner la contagion. Il alla alors chez un autre â quelques milles plus loin. Il était neuf heures lorfqu'il revint au bac, et il lui fallut attendre jufqu'au lendemain matin. —©«©>©<-— Un pauvre homme était tombé malade fur la route à un village peu éloigné de Philadelphie. Il fut aban- donné, demandant en vain de l'eau pendant longtems ; a la fin, une vielle femme lui en porta une plaine cruche, et n'olant s'approcher de lui, elle la plaça â une certaine diftance, en invitant le malheureux a fe traîner jufque là ; ce qu'il fit. Après avoir paffé là environ quarante- huit heures, il y mourut, et fon cadavre refta pendant un certain tems dans un état de putréfaction, jufqu'à ce que les voifins euffent engagé deux nègres bouchiers a Penfevelir, moyennant vingt-quatre gourdes. Ils creu- L I ( 90 ) ferent une foffe fous le vent avec une fourche, ils accro- chèrent une cordeau tour de fon col, et le traînèrent dans la foffe ; enfuite d'auffi loin qu'ils le purent, ils jetterent de la terre deffus pour le couvrir. —©<©■>©— Un de nos citoyens perdit fon frère de la fièvre maligne à la campagne, et d'après les frayeurs des voifins, il ne peut même obtenir de perfonne qu'on lui fit une bierre. Il fut obligé de plier le corps dans une couverture, de lui crufer un tombeau, et de l'enfevelir lui même. Dans une petite ville peu éloignée de Philadelphie, des tentatives arbitraires fuient inhumainement faites pour obliger un de nos fugitifs à monter la garde contre fes propres concitoyens. Il s'y refufa, et comme on le vjt décidé a refifter â tous les efforts, on fut obligé de le laiffer tranquille. >©>©<>©-— Dans un des ports Américains, un navire de Phila- delphie récemment arrivé fut contraint de fe remettre en mer, n'ayant feulement a bord que deux gallons d'eau pour chaque homme. Dans le même port, un des capitaines de notre ville, eut fon canot mis en pièce. Le 17 de Septembre, le ftage de l'Oueft de Baltimore fut arrêté par une garde armée, a environ deux milles de cette ville ; il arriva environ a huit heures du foir. Il y avait une auberge a une portée de piftolet de là, mais l'aubergifte refufa de recevoir les voyageurs au nombre de douze. Ils furent retenus fur la route pen- dant toute la nuit fans autre abri que le ftage. Le len- demain matin, l'aubergifte, un certain Murray, imbécile inhumain, refufa de leur donner quelque chofe, lorf- qu'ils envoyèrent demander pour déjeuner. Cependant, deux heures après, il leur accorda un peu de pain, du fromage, du vin, et du cidre,avec quoi ils déjeunèrent au milieu du chemin. Ils demeurèrent dans cette fituation jufqu'à l'après midi, ce qui fit dix huit heures. Un ( 9' ) capitaine delà marine Françaife avec fon epoufe,et plu- fieurs autres Français étaient du nombre des paffagers. Un refpectable citoyen de Philadelphie quitta la ville, le 17 Septembre, dans le deffein de refter a Long-Ifîand; jufqu'à la ceffation de la maladie. Il tomba malade en route, et fut arrêté dans fon voyage près de Newark ; il prit un logement chez le capitaine Littel près de la féconde rivière. Sur le bruit qui fe repandit d'un homme contagieux dans la maifon, les voifins s'affem- blerent, ils établirent un retranchement de chaque côté de la maifon de Littel, ils obligèrent ceux qui habitaient la maifon voifine, d'en fortiret la renfermèrent auffi dans les retranchemens. Le chemin et la rivière paffent devant la porte de Littel, le premier fut entière- ment barré parle retranchement dont l'extrémité abou- tiilàit à la rivière. 11 y avait une eglife à la diitance de cent verges, où le fervice divin fut interrompu par la crainte,pendant trois ou quatre femaines. Les voyageurs firent un détour déplus d'un mille pour éviter le danger. Enfin le malade mourut, et fon fils âgé d'environ neuf ans, fut obligé de remplir envers lui les derniers et trilles devoirs. Le retranchement relia encore pendant dix jours aprèo là mort, pour favoir pofitivement fi fa famille avait ou non attrappé la maladie. Je dois à iajuilice d'ajouter, qu'on ne leur laiffa man- quer d'aucune des chofes neceffaires. Ils turent avertis, de mettre par écrit fur un papier ce dont iis avaient befoin et de jetter ce papier par deffus le retranchement. Des perfonnes avaient été prepofées pour leur fournir tout ce qu'ils demanderaient. Une fille adroite, partie récemment de Philadelphie, fe joua bien complettement du fentinelle placé près de Bordentown ; elle lui demanda d'un air tort inquiet, comme fi elle eut craint d'aller dans cette endroit, " fi la fièvre jaune n'était pas dans la ville?' " Non," repondit la fentinelle, " vous pouvez y aller avec autant de fureté que dans votre propre maifon." Je n'ai pas befoin d'a- jouter qu'elle continua fon chemin. ( 9* ) Un Philadelphien perdit fon entant ue ta nevre dans une petite ville près de cette capitale, et alla pour l'en- fevelir ; à fon retour il trouva tous fes effets au milieu du chemin, et les portes fermées ; il ne pût par aucuns moyens fe les faire rouvrir. —oOKgx—- Pendant qu'on fe fervait de gaudron comme d'un des prefcrvatifs divers qu'on avait imaginé, un garçon voulut fe garantir auffi bien pour la nuit que pour le jour ; en conféquence il s'attacha au col une corde gaudronnçe, qui en faifait deux fois le tour, et il fe boutonna enfuite fon collet avec quelque difficulté. Il fe reveilla la nuit à moitié fuffoqué, et ayant le vifageabfolument noir. On peut dire de lui avec juftice, qu'il s'eft prefque étranglé dans l'intention de fe fauver la vie. —©<©>o— Un négociant de Philadelphie qui avait été abfent pendant plufieurs femaines, revenait dans cette ville dans la féconde femaine de Novembre, fur ce qu'on lui avait dit que le danger n'exiftait plus. Il rencon- tra un homme venant de Philadelphie, et il s'informa naturellement de l'état des chofes ; l'autre lui dit qu'un faifeur de bières qui avait été employé par le comité de fecours pour les malades,,avait éprouvé pendant deux fe- maines précédentes une telle diminution dans les de- mandes qui lui étaient faites, qu'il lui reftait une grande quantité de cercueils; mais que la mortalité avait ue nouveau repris avec tant de fureur, qu'il les avait touts vendus, et qu'il avait fept ouvriers occupés jour et nuit. L'habitant de Philadelphie fut tellement allarmé de ce rapport, qu'il s'en retourna avec fa famille, pour at- tendre une occafion favorable. —©>©<>©— Un matelot ivrogne couché dans la rue, dans les fauxbourgs du nord, et endormi depuis quelques heures, fut fuppofé par fes voifins, être mort de la contagion. Mais ils étaient trop effrayés pour faire une examen fur fa perfonne. Ils envoyèrent au comité, a l'hôtel de ville, pour demander un chariot et un cercueil; le char- retier le prit par les talons, et allait le mettre dans la ( 93 ) bière ; mais ce maniement brufque le réveilla, et o^vr?nt fes yeux, il lui demanda ce qu'il faifait là. Le chare:- tierfaifi de frayeur, le laiffa tomber, et s'enfuit coeii.e s'il avait eu un revenant à fes trouffes. —ooc»— Un lunatique atteint de la fièvre maligne, fut con- feillé par fes voifins d'aller à Bufh-hill, il y confentit, et fe mit dans le chariot ; mais changeant bientôt de vo- lonté, il parvint â fe gliifer par terre fans être apperçu du charretier ; celui-ci l'inftant d'après, l'ayant trouvé de manquent levoyant loin de lui quis'enfuyait,tournafon cheval de fon coté, et fe mit à trotter fortement après le fugitif; l'autre doubla le pas, et le charretier de faire galloperfon cheval ; mais l'homme tourna un angle, et fe cacha dans une maifon, laiiiànt le charretier ébahi, qui s'en retourna raconter fa buriefque avanture. II y a plufieurs exemples de charretiers, qui â leur ar- rivée à Buih-hill voulant décharger leurs chariots, les ont, à leur grandetonnement, trouvés vuides. Une femme dont le mari était mort, s'oppofa à ce qu'on l'enfeveîit dans un cerceuil que lui avait procuré un de fes amis, fous prétexte qu'il etaii trop groflier et trop commun. Elle en achetta un autre élégant et d'un grand prix, et ferra le premier dans fa cour; elle mourut elle-même une femaine après, et fut enterrée dans ce même cerceuil ou'clle avait dédaigné. —ooo-- La femme d'un homme qui reftait dans TVaînut-flreet, fut attaquée de la lièvre maligne et abandonnée par les médecins ; le mari l'abandonna auffi, et fortit la nuit fuivante de la maifon, de crainte de gagner la contagion. Le lendemain matin regardant comme certain d'après l'état defefperé où elle était, qu'elle était morte, il achet- ta un cerceuil pour elle ; mais il ne fut pas peu furpris, en rentrant dans fa maifon, de la trouver parfaitement mieux. Il tomba lui-même malade peu de tems après, mourut, et fut enterré dans le même cerceuil qu'il avait fi precipitament acheté pour fa femme, qui vit encore. ( 94 ) On croirait que le pouvoir du dieu d'amour a dû ce- ffer de s'exercer au milieu des fcenes de doueur telles qu'en offrait Bufh-hill. Mais nous voyons que fon em- pire s'eft fait reffentir en ce lieu, avec autant de force que partout ailleurs. John Johnfon et Prifcilla Hicks, deux malades que s'étaient rétablis, et qui fervaient à foigner les malades, furent réciproquement épris de leurs charmes, et ayant obtenu la permiffion de s'abfenter' pendant une heure ou deux, ils vinrent en ville le 23 de Septembre, fe joignirent par les liens du marriage, et retournèrent continuer leurs travaux â l'hôpital. 11 fe fit un grand vuide fur les regiftres de Phimenée ; car il n'y eut aucune événement de cette efpece, jufqu'au 5 de Novembre, que Naify, mulâtre Portugais, epoufa Han- nah Smith, jenne fille Allemande, qui, ainfi que lui, était employé comme garde-malade. --'©«©o©"— L'etabliffement de la police à Philadelphie parait d'un grand avantage, fi nous en jugeons par le fait fuivant. No'nobftant l'abfence des magiftrats, et la valeur im- menfe des propriétés abandonnées à la merci, au milieu des frayeurs des propriétaires, et des morts de ceux chargés d'en prendre foin, il n'y eut feulement que deux vols commis. Un vol fut tenté, mais les voleurs furent découverts, et pris. Un déterminé coquin, d'un état voifin, forma avec quelques nègres, le complot de piller les maifons. C'était un maître frippon, il avait fait un plan complet, et s'était fait de nombreux affociés pour exécuter plus facilement fon projet. Cependant, il fut bientôt pris, et fa bande difperfée. La prifon de Philadelphie eft fous une adminiftration fi parfaite, que la maladie ne s'y eft manifeftée que dans deux ou trois circonftances feulement, quoiqu'en gêne- rai les maux contagieux foient plus fréquentes dans ces fejours de la mifere. Dans le tems où la fièvre jaune régnait avec le plus de fureur dans la ville, il y avait dans la prifon, cent fix foldats et matelots Français de- tenus par ordre du conful de cette nation; en outre il y avait quatre-vingt criminels, vagabonds, ou prifonniers ( 95 ) pour dettes ; toutes ces perfonnes, à l'exception de deux ou trois, fe maintinrent parfaitement exemptes de la contagion. Plufieurs circonflances concourraient â produire ce falulaire effet : les perfonnes renfermées font fréquemment nettoyées par l'ufage des bains froids. Elles font conftamment employées au travail, les végétaux forment une partie confiderable de leur nourriture, la cour eft ornée par une riante végétation. Beaucoup d'entr'eux étant occupés à tailler la pierre, l'eau qui court continuellement, entretient l'atmofphere dans un état de fraîcheur, au lieu que les habitans de Philadelphie font prefque fans ceffe brûlés par une cha- leur continuelle. Elijah Weed, le dernier geôlier, fut atteint delà maladie en ville,et mourut dans la prifon fans l'avoir communiquée à aucun de ceux qui y étaient renfermés. J'efpere que l'on m'exeufera de payer un tribut à la mémoire de cet eftimable citoyen, dont l'ad- miniftratien de la geôle, et les efforts courageux font parvenus â exécuter dans cette institution, la plupart des règles qui d'après les expériences heureufes faites en Angleterre, prouvent que les prifons peuvent aifçment être convertie de cloaques de dépravations et de mifere humaine, en des maifons de reforme et de perfection. Deforte qu'au lieu de rendre l'oifif vagabond, qui a été arrêté fur le fimple foupçon, ou qui manque d'amis pour le protéger, endurci dans la crime, et inclin à la rapine et au vol, le feelerat et l'homme abandonné peuvent fe corriger à un tel point, qu'après cette reforme, ils peu- vent devenir des membres utiles à la focieté. Nous de- vons, pour l'honneur de l'humanité, dire ici, que quel-, ques-uns des criminels de la geôle, à qui une partie du tems de leur reclufion avait été remis en recompenfe de leur tranquilité et de leur bonne conduite, fe font vo- lontairement offert comme gardes-malades pour le fer- vice de Bufh-hill, et fe font en cette qualité conduit avec la plus grande fidélité. Parmi eux il s'en trouvait qu'on regardait autrefois avec juftice, conjme des coquins en- durcis et abandonnés, effet que l'ancien fyftême produi- fait ordinairement fur tous les prifonniers qui reftaient quelques femaines dans les geôles. D'après le même ( 90 ) fyftême expedetif, la vie de ces hommes était donnée en expiation à la focieté pour l'injure qu'ils lui avait fait ; c'eft-à-dire, en propre termes, que parceque la fo- cieté avait fouffert un tort par la rapine, il fallait lui en faire fouffrire un autre par la îoi. Mais par le fyftême actuel humain et perfectionné, ces hommes et un grand nombre d'autres, font rendus a la focieté et lui revien- nent utiles. Et encore vaut-il mieux, quoique celle-ci foit un peu plus incommode, corrieer les hommes, que de les égorger au nom de la loi et de la jultice. — ©>©»©-- La compaffion pour nos malheurs fe développa en divers endroits, et les contributions vraiment genereufes que furent offertes pour nous fecourir, font le plus grand honneur à leurs habitans et nous impofent la plus vive reconnaiffance. Les habitans du comté de Glou- Cefter, dans le New-Jerfey, ont l'avantage d'occuper la première p^ace ('ans cette honorable nomenclature. Telle fut leur emprefiemenf, que dès le 30 de Septembre, ils avaient ramaflé une fomme confiderable, dont ils a- cheterent quantité de provifions pour l'ufage de l'hôpital à Bufh-hill ; depuis cette époque ils ont régulièrement continué leurs fecours abondans, deux fois par femaine. Non contens de cela, ils ont fait, et font encore actuelle- ment de confiderables provifions de bois pour le fou- lagement des pauvres pendant l'hiver. Quelques citoyens de Philadelphie demeurans près de Germantown ont envoyé deux mille gourdes ; d'autres près de Darby en ont envoyé quatorze cents ; on en a reçu de New-York cinq mille ; d'une perfonne inconnue cinq cents ; du comté de Bucks feize cents; douze cents du comté de Delaware; environ cinq cents du comté de Franklin ; de Bofton plufieurs articles qui en ont produit près de deux milles ; et de diverfes autres villes et perfonnes des fecours auffi généreux et auffi honorables. —»©»©«©— Il y avait une grande analogie entre l'état de Phila- delphie et ce'ui d'une armée, vers la fin d'Août jufqu'à la mi-Sep cmbre. Lorfque les dangers étaient médiocres, et qu'ils pouvaient être évités facilement par une con- C 97 ) duite prudente, une terreur universelle paralisa les facultés du peuplé, la fuite et sa propre conser- vation semblèrent fixer exclusivement l'attention 3'un grand nombre de nos citoyens; précisément Côrame,une armée de recrues , chaque souffle du vent l'épouvante , les bruits les plus vagues sont écoutés en tremblant et avec frayeur; chaque arbre est pris à une certaine dLtance pour un ennemi redoutable auquel ils sont prêts de rendre les armes et de se rendre eux-mêmes à discrétion ; mais 1 rs- que lercliquetis des armes et le bruit du can. n l..s ont familiarisés avec le métier terrible de la mort, la phalange intrépide reste immobile, ses rangs >out enlevés, et la mort s'avance à grands pas pour ter- miner ce qu'on appelle faussement leur glorieuse barrière. II en a ; té de même ici. Vers la fin de Septembre et au commencement d'octobre, époque où les horreurs de la scè e allaient toujours en crois- sant, et pendant laquelle on enterrait chaque jour cinquante à cent personnes , le peuple fit usage de {préservatifs, comme le vinaigre d«s quatre-voleurs, es cordes gaudronnées, l'ail, les sachets de < am- phre, les phioles odoriférantes, etc. etc. et il arriva alors qu'il prit un courage mâle, tempéré par la gravité et la' sérieuse mélancolie qui convenaient à une scène si terrible. Un ami à qui j'ai communiqué cette idée, a voulu en rendre raison d une autre manière ; il dit, que ceux qui furent effrayés dans le principe', prirent généralement la fuite et laissèrent ceux qui avaient une constitution d'esprit plus robuste. C'est une erreur, puisque beaucoup de ceux qui, dans le principe, ont donné les plus grands exemples de l'empire que pouvait exercer la terreur, se sont, dans les derniers tems, conduits avec le courage le plus exemplaire. v * Me permettra-ton de porter la critique sur ceux qu'un zèle mal entendu a poTté, durant les pério- des les plus terribles de la maladies, à remplir quel- M { 9* ï gueïques-unes dç nos églises, et a facilîtel* pat 1| f œuvre dedestructionde notre impitoyable ennemi Sur ceux qui craignant que des'priéres et des, adora- tions, &ites dans leurs maisons ne trouvassent pa$ Recueil devant la divinité, se" rassemblaient dans de| églises rempbes de corpuscules d'air contagieux, qu à, chaque respiration , ils-avalaient des miasme^ dangereux? J'attribue, ave confiance, à cette a^ulç cause., une grande partie dé la mortalité , et ii esç £ remarquer que ce* congrégations dont les lieuiç d'adorations ortt été le plus fréquentés , sont «ellef ùui ont souffert le plus cruellement. Les hornuie» fie voudront ils jamais acquérir la sagesse ? Sommées*: pous encore à savoir que le suprême architecte dij £iel et de ïlCjnivers ne demande pas 4es temples ^levés par la main des. hommes ? Que d'aller dan* tin endroit de prières, au mépris dé la foi suprême, de sa propre conservation , gravée en caractère jnéfacables par la main divine , dans le cœur d$.: toutes ces créatures, ce n'est pas s'acquitter du. tribut d'adoration dû à rouvrier et au conservateur de l'ouvrage? (Ju'ua coçur humble et paissible. est 19 temple dans lequel il se plaît à être adoré? J$ J'espère pas beaucoup de l'effet de ces vérités, mais j espère que les funestes leçons données à quel- qu'imes de nos congrégations, averti à ce sujet par tme mortalité hors de toutes les proportions de leur Nombre , servira d'avis pour tous les tems à venir ^ dans des circonstances aussi critique ( 1 ). (1) Ce paragraphe, quoique éronné, eft confervé, et voîf^ Un£ occafion que j'embrafféavec plaifïr de fecofiriaîire ta mé- piiié que j'ai laite. D'après un examen des regiffres mor- tuaires, il paraît qvie ces congrégations qui ont régulièrement lait de& prières retigieufes n'ont pas fvtôxi pltti, et quelque»*. unes moins que leurs proportions habituelle. Dans uxxf année rime le ^ 1 Juillet 1793, l€s Luthériens Allemands enterrèrent plus d'au fixiçme de tous les morts de Philadel- phie; les Allemands réformés un quinzième; les Quakers un dixième, et l'églife de Sainte-Marie un huitième. Depuis ^ U premier Ao(h jufqu'au 9 Novembre 1793, -e nombre des ï r 99 > Quelques-uns de ceux qui sont restés dans îâ ♦ttle,ont été«par des raisons difficiles à justi'fier.dana rharbitudë de reprocher à ceux qui avaient fui, d'être aussi crinh'nel que des déserteurs qui avaient irrrandonnë leurs po.stes (1) ; je crois au contraire que comme la nature de notre gouvernement inrer- '* lissait de mettre en usage les mesures arbitraires, nui, dans des pays despotiques,, eussent «frété le mal dans son origine,, c'était un devoir à chacun d'éviter le danger suivant que les circonstances et 5a position le lui permettaient. En outre, leseifets de la désertion étaient salutaires ( 2 ). ta sphère de l'action du mal se trouva resserée. Deux ou trois maisons vuides coupaient les progrès de k conta- gion, et comme elle a lait lenterne:<+rmnis sûrement In parcourant les rues, cela à sauvé probaMement les voisins de ses ravages. Nous aurons long-tems à déplorer la perte énorme que notre ville à éprouvée; en ('^nt privée d'un si epand nombre dé citoyens estimables : et si les 17000 qui ont fui, fassent restés dans la ville durant la maladie, et qu'ils eussent âouffVrt une perte analogue à Celle de ceux qui sonfc restés, aulieù de 4000, nous en eussions perdu ftirviron booo, et peut-être aurions-nous à regretter {■nnrts parmiles Luthériens' Allemands, n'a pas été tout-à-fnit i'un tëktëme ; il a été parmi les Allemands réformés d'envi- ton d'un fixièrae ; parmi le» Quakers d'un onzième ; et danp le fimetière de Sàinte-M^rie, d'un fixièrae. Ces congre y a- ' tions font celles auxquelles j'ai fait allufibn dans mes obler- *ations ci-deffos. (1) Si ce& perfonnes là font coupables d'un crime, il « porte avec lui fa propre punition ; car je fuis pleinement corr- ' vaincu, que ceux qui étaiept abfents, et en proye àl'enxiétê Jjauféepar les bruits effrayent qui fe répendaieot, ont autant fouffert que ceux qui font reliés dans-la ville. *■> fi) Peut-être que ii. tous nos citoyens fufTent reftés-, la famine eut été ajoutée à notre calamité." Au lieu qUe les •marchés furent abondarnent fournis pendant tout le tems;. même les pr x n'excédèrent pas en général de beaucoup leur cours ordinaire dans la même fajion» < ioo ) dans ce nombre, un autre Clow, un autre Cay, un antre Siens, un antre Dunkin, un autre Straw bridge, h mimes d'un gran 1 mérite dont la perte sera long- tems sentie Un Prumington, un Glentworth, un Hutchinson, un Sargeant, um Howell, un Waring, ho urnes doués par la nature du savoir le plus émi- rifntjun Fleming,un Graffl, un S proot,hommes d'une vertu et d'une piété supérieure; nn Wilson, un Aug te, un Baldwim, un Carrollj un Tomkins, un Offley, citoyens du plus estimable caractère. Que c^ux qui ont i